Après trois ans de mensonges, l’alliance guerrière US-UE s’effrite

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Cimetière militaire

 

Par Joël Perichaud, secrétaire national du Pardem aux relations internationales


Macron et l’Union européenne (UE) persistent à se présenter comme les « Chevaliers blancs » défenseurs de la souveraineté et de la démocratie Ukrainienne. L’UE supranationale et anti-démocratique a prévu, sans que les peuples n’aient leur mot à dire, de soutenir l’Ukraine jusqu’au dernier soldat ukrainien et de gaver de profits les industries de défense européennes et américaines. Pour cela, les « Vingt-Sept » ont donné leur feu vert (6 mars), au plan baptisé « Rearm Europe » (Réarmer l’Europe) qui incite à dépenser quelque 800 milliards d’euros supplémentaires pour une pseudo défense européenne. Car en réalité ce sont chacun des pays membres qui devront emprunter pour renforcer leurs moyens de défense. Le plan comporte cinq volets : des prêts de 150 milliards d’euros pour une aide immédiate à l’Ukraine, pas de sanctions si les déficits publics excèdent 3% du PIB, détournement des fonds de cohésion pour la défense (ces fonds servent au développement des régions pour financer, par exemple, de grandes infrastructures routières ou ferroviaires) et recours à la Banque européenne d’investissements (BEI) et au secteur privé…  Avec de super-profits à la clé.
Pendant ce temps, Trump gèle les aides des États-Unis à Kiev pour faire pression sur Zelensky et avoir un « retour sur investissement » sur les montagnes de dollars envoyés à l’Ukraine, sous forme d’armement, de renseignements, de personnel et de numéraire. Du coup, l’inénarrable Macron et l’UE poussent des cris d’orfraie sur la volonté de récupération, par les USA, des minerais et terres rares d’Ukraine. Mais pourtant, peut-être l’ignorez-vous, l’UE s’était positionnée en premier, les 21 et 22 juin 2023, en organisant à Londres une « Conférence sur le redressement de l’Ukraine ». La belle occasion pour les gouvernements des pays occidentaux membres de l’OTAN, leurs banques et leurs entreprises, de planifier leurs opérations de pillage néolibéral de Ukraine… 
Quoi ? Le butin pourrait échapper aux néolibéraux membres de l’UE et passer dans l’escarcelle des États-Unis ? Vous en doutez ? Lisez pour rappel et explications : Ukraine : les investisseurs-vautours planifient le dépeçage du pays
Et voilà maintenant que Trump, fin rusé stratège, a levé le gel de ses aides à l’Ukraine… depuis que l’UE a annoncé débloquer 800 milliards. Ce qui, d’ailleurs, enfoncera la France dans la dette pour de nombreuses années et coûtera le prix au peuple.
Si on veut comprendre cette escalade infernale, il faut accepter de voir de plus près les éléments factuels qui ont précédé.

Retour sur trois ans de mensonges et d’hypocrisie

Trois ans après le début de la guerre en Ukraine, le récit des « Occidentaux » (comprendre États-Unis, Union européenne, Grande-Bretagne) pour justifier leur guerre et son escalade s’avère être un tissu de mensonges.
Lorsque la Russie a déclenché « l’opération spéciale »  en Ukraine le 24 février 2022, les puissances de l'OTAN et leurs médias aux ordres ont proclamé que « l'invasion russe » était une « guerre non provoquée », un acte d'agression sans précédent découlant de la psychologie du Président russe Vladimir Poutine.
Le Pardem en revanche, a, dès le début, analysé la véritable nature du conflit. Le Pardem a expliqué que les USA, l’UE et l’OTAN avaient provoqué la guerre et l'avaient intensifiée afin de consolider leur domination sur le continent européen et démembrer la Russie (Lire : 22 février 2024 : 10e anniversaire du conflit en Ukraine et USA, OTAN et UE se moquent des Ukrainiens et des peuples)
Trois ans après le début de la guerre, les causes et objectifs de la guerre apparaissent au grand jour.
Finie la rhétorique sur « la défense de l’Ukraine » et la « de la démocratie ». Donald Trump et Emmanuel Macron ont passé le troisième anniversaire de la guerre à se chamailler, tant en privé qu’en public, pour savoir qui mettra la main sur le butin de ce qui reste de l'Ukraine.
« Nous devons avoir un accord avec l'Ukraine sur les minéraux critiques et les terres rares », a déclaré Trump lors de sa rencontre avec Macron (24 février 2025), citant ses efforts pour forcer le gouvernement Zelensky à remettre les ressources minérales de l'Ukraine aux États-Unis. Macron, lui, a souligné que les puissances européennes ont fourni à l'Ukraine une aide sous la forme de « subventions, de prêts et de garanties de prêts », qui devront eux aussi être récupérés, d'une façon ou d'une autre.
Dans cette querelle entre vautours impérialistes, tous les mensonges utilisés pour justifier la guerre en Ukraine s'effondrent. Trump a déclaré que c'était l'Ukraine, et non Poutine, qui avait initié la guerre et refusé de négocier un règlement du conflit. Il admet que les intérêts des États-Unis dans cette guerre étaient ceux des matières premières et de la géopolitique. Il déclare que le Président ukrainien Zelensky est un « dictateur » gouvernant par la loi martiale, tournant en ridicule l'administration Biden qui affirmait que la guerre visait à « défendre la démocratie ».
Lors de leur conférence de presse conjointe, Macron s'est embrouillé pour expliquer son propre rôle dans l'opposition à tout règlement négocié de la guerre : « Je pense toujours qu'il est bon d'avoir des discussions avec d'autres dirigeants, surtout lorsque vous n'êtes pas d'accord. J'ai arrêté ma discussion avec le Président Poutine après Boutcha et les crimes de guerre. [ ] Maintenant, il y a un grand changement car il y a une nouvelle administration américaine. »
Macron faisait référence aux allégations d'atrocités commises à Boutcha (mars 2022), dont les Occidentaux se sont emparées pour saboter tout règlement négocié de la guerre. À l'époque, USA, UE et OTAN avaient affirmé que le massacre présumé « changeait tout » et rendait impensable toute négociation avec le « tueur » Vladimir Poutine… En fait, ces allégations de crime de guerre à Boutcha étaient un prétexte pour intensifier la guerre que l'Occident mène contre la Russie.

Faux prétextes et échec de la « stratégie » de l’Union européenne

Les faux-prétextes utilisés pour justifier l'engagement de l'OTAN dans la guerre en Ukraine s'effondrent, alors qu'il devient évident que la guerre est une débâcle politique et sanglante pour les USA, l’UE aux ordres et l’OTAN guerrière. Rappelons-nous qu’en janvier 2023, l’Occident s’était fixé l’objectif tactique, selon le général Mark A. Milley (ex-chef d'État-Major des armées des États-Unis)  de « libérer l'Ukraine occupée par la Russie » et,  plus largement, d'imposer à la Russie une « défaite stratégique » comprenant le renversement du gouvernement Poutine et l’éclatement de la Fédération de Russie.
Malgré les souffrances infligées au peuple ukrainien, le triumvirat USA-UE-OTAN a échoué. En effet, non seulement l’Ukraine pourtant lourdement armée et renseignée par ce triumvirat n’a pas réussi à reprendre la Crimée ou les territoires séparatistes du Donbass mais, de surcroît, elle a perdu environ 20 % de son territoire.
Si l'effort de guerre des Occidentaux est un désastre, les effets de leur guerre, eux, sont bien réels. En effet, l'OTAN (et le Wall Street Journal ) ont estimé qu'un million de personnes sont mortes ou ont été blessées et que de grandes parties de l'Ukraine ont été détruites.
De plus, la guerre occidentale en Ukraine a touché toutes les régions du monde. Tous les pays impérialistes historiques, de l'Allemagne au Japon, se réarment massivement, reniant au passage leurs engagements pris après la Seconde Guerre mondiale de ne jamais mener de politique étrangère agressive… De plus, la guerre en Ukraine a remis les armes nucléaires au premier plan de la géopolitique internationale. En effet, en octobre 2022, l’ex-Président Joe Biden déclarait  que l'escalade de la guerre en Ukraine menaçait le monde d’un «Armageddon» nucléaire, tandis que les agences de renseignement américaines évaluaient à 50 % la probabilité de l'utilisation d'armes nucléaires. Malgré ces avertissements, les USA, l’UE et leur bras armé l’OTAN ont continué à étendre la guerre en envoyant chars, avions et missiles à longue portée à leur ami Zelensky… jusqu’à ce que Trump et les intérêts de l'establishment politique qu'il représente, considère la guerre en Ukraine comme un désastre coûteux et une diversion par rapport à leur priorité centrale : dominer le continent latino-américain afin de créer une base d'approvisionnement pour un conflit avec la Chine.
Le revirement stratégique de Trump sur la guerre en Ukraine fait apparaître des divisions importantes au sein de l'establishment politique américain. Le Parti démocrate et les médias qui lui sont alliés mais qui, en réalité, ne font rien pour s'opposer réellement à la destruction par Trump des droits démocratiques ni aux coupes des dépenses sociales et aux attaques contre la Fonction Publique fédérale conduites par Elon Musk, s'opposent bruyamment à son changement de politique en Ukraine. Le New York Times déclare ainsi que « l'admiration de Trump pour le tyran du Kremlin dépasse largement tout comportement que les Américains devraient tolérer ». Mais ne nous trompons pas. Les « Démocrates » américains craignent seulement qu'une défaite en Ukraine ne provoque un effondrement catastrophique de la position mondiale et de la domination économique étatsunienne.

Le partage du butin entre États-Unis et Union européenne ?

Quel que soit le résultat du changement de politique de Trump sur l'Ukraine, il n’est que le prélude à une éruption plus violente de l'impérialisme occidental. Pendant que Macron-le-roquet mordille les chevilles de Trump en aboyant que l’UE a fourni une grande aide à l’Ukraine et devrait donc avoir sa part de butin, le Président américain fait main basse sur les ressources de l’Ukraine comme « retour sur investissement ». Trump veut obtenir l’équivalent de 500 milliards de dollars de terres rares en dédommagement du soutien de son pays à l’Ukraine. Cet accès préférentiel aux ressources minières en échange du soutien américain est symptomatique : l’UE, après avoir aveuglément suivi la politique guerrière des États-Unis en Ukraine est  écartée des négociations. C’est ce qui arrive aux nains politiques et aux lèches-bottes… Zelensky a beau dire que son pays n’est « pas à vendre », les négociations se poursuivent.
Car l'un des objectifs de Trump est de transformer l'Ukraine en une semi-colonie tout en intensifiant ses mesures de guerre commerciale contre les pays membres de l’UE en les privant du butin. Cela a été rendu possible par l'escalade de la guerre menée par Biden, l’OTAN et la Commission européenne contre la Russie en Ukraine. Cette guerre a pour effet d'affaiblir économiquement les pays de l’UE en les rendant dépendants des importations de pétrole et de gaz en provenance des États-Unis. Cette politique s'est exprimée de façon agressive par la destruction, commanditée par les États-Unis, du gazoduc russo-allemand Nord Stream II. Une sorte de soumission aux intérêts US, « quoiqu’il en coûte »…
En changeant de pied, Trump parle "cash" : Il détruit  les mensonges utilisés par Biden pour justifier la guerre des États-Unis contre la Russie en Ukraine. Trump affirme, lui,  que l'Ukraine a «  commencé » la guerre avec la Russie et accuse Zelensky de gouverner en dictateur, ce qui est vrai.
Bien sûr, ces déclarations de Trump ont fait hurler d'indignation les politiciens démocrates, les médias américains et les mainstream européens qui, pendant des années, ont érigé en dogme l'affirmation que l’opération spéciale russe de 2022 était une « guerre non provoquée », dont la seule cause sous-jacente était la psychologie du Président russe… Mais chacun sait, à part les aveugles et les européistes fanatiques, que le récit de la « guerre non provoquée » est une fraude.
Le revirement de Trump reflète simplement le fait que cette politique n'a pas atteint l'objectif d'infliger une « défaite stratégique » à la Russie. Bref, c’est de la « realpolitik » en quelque sorte. Mais les « Démocrates » américains, l’UE et ses thuriféraires craignent, avec raison, que le fait d’arrêter la guerre et de se retirer d’Ukraine soit un aveu d'échec, avec des conséquences politiques dévastatrices pour l’OTAN, pour l’UE et sur la capacité de l'impérialisme américain à affronter la Chine. Car comment perdre la guerre sans perdre la face ?