L’Union européenne a pris la main sur la santé

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Santé et UE

Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Parti de la démondialisation chargé des relations internationales

On le sait désormais. L’Union européenne prend en toute matière son temps pour obtenir ce qu’elle veut. Parfois des décennies. C’est une championne de la stratégie du grignotage, du pas à pas, de l’opacité des décisions. Il en va des politiques de santé comme de tout ce qui échappe (ou échappait) à l’appétit des marchés. À l’origine limitées, les compétences de l’Union européenne (UE) dans le domaine de la santé, se sont accélérées ces vingt dernières années. Si une grande étape avait déjà été franchie dans le cadre de la coordination des politiques macroéconomiques, notamment avec les politiques d’ajustements structurels, une nouvelle étape vers la dépossession des États de leurs prérogatives en matière sanitaire a eu lieu avec la création de la « Health Emergency Response Authority » (HERA).
Pour y voir plus clair : retour sur l’histoire de la casse des systèmes de santé par l’Union européenne.

Les compétences de l’Union européenne (UE) dans le domaine de l’organisation et du financement des soins ont été limitées jusqu’en 1992 avec l’adoption du traité de Maastricht dans lequel un article (129) est consacré à la santé publique. Cet article limitait sans grande clarté, les compétences communautaires dans ce secteur. Mais le scandale de l’encéphalite spongiforme et celui du sang contaminé ont ouvert la brèche et balayé le peu de réticences des gouvernements des États membres à perdre leur souveraineté dans le domaine de la santé. L’article 129 du traité de Maastricht deviendra le 152 dans le traité d’Amsterdam (1998), puis le 168 dans le Traité de Lisbonne (2009) et élargira son champ. Il intégrera successivement sang, tissus et cellules humaines puis médicaments et dispositifs médicaux, tout en rappelant clairement (deux fois dans l’article 168...) le principe de subsidiarité dans ce domaine : l’organisation et le financement des systèmes de santé sont de la compétence des États membres et non de l’Union européenne.

Les systèmes de santé des États membres de l’UE se sont développés indépendamment les uns des autres, dans le cadre de logiques de protection sociale différentes selon les pays et les luttes syndicales et populaires. Les choix des États en termes de soins couverts, de modalités d’accès et de prestations, d’efficience du système et des services ont obéi à leurs propres logiques politiques, c’est-à-dire aux rapports des forces politiques, syndicales et populaires respectifs. C’est ce qui fait qu’apparemment, ils sont d’une grande diversité mais dans un cadre défini : la santé doit être un service, une marchandise.

La santé passe sous influence du marché intérieur de l’UE

Au cours ds vingt dernières années, les systèmes de santé des États de l’UE ont été placés progressivement sous l’influence du marché intérieur, au sens néolibéral du terme, et son principe de libre circulation des biens, des personnes, des capitaux et des services. Considérés comme des entreprises devant générer des profits, les services de santé (hôpitaux, etc.) ont été, par exemple, directement frappés par la directive encadrant le temps de travail de l’ensemble des salariés européens. Car, dans les débats sur la place que peuvent occuper des services d’intérêt général (on ne parle plus de service public en UE avec la Directive Services de 2011) dans le marché intérieur, la question n’est jamais sanitaire mais seulement de savoir si les services de santé opèrent ou non sur un marché.
L’UE a alors actionné, comme elle le fait pour contourner les débats, son bras armé juridique : la Cour européenne de justice. Celle-ci a reconnu aux soins le caractère de services au sens “communautaire” du terme. L’adoption en 2011 d’une directive sur l’application du droit des patients aux soins transfrontaliers en est le plus puissant avatar. C’est le marché intérieur qui a été le fondement de la proposition de directive de la Commission européenne (CE). Ce principe impose plus de transparence aux États membres : sur les prix, sur la qualité, sur l’accessibilité.

Tout en maintenant dans les traités successifs le principe de la compétence des États membres sur l’organisation et le financement des systèmes de santé, des instruments politiques et législatifs ont apporté de nombreuses exceptions à la capacité des États de l’UE à conserver l’intégralité de cette compétence. La stratégie du “grignotage”, des petits pas “invisibles” contre la souveraineté des États, avec la complicité des gouvernements successifs, est appliquée systématiquement et dans tous les domaines…

Une nouvelle étape est aujourd’hui franchie dans ce domaine, non plus dans le cadre d’un développement du marché intérieur ou encore d’une compétence sanitaire européenne, mais à partir de la coordination européenne des politiques macroéconomiques.

Mise en place de la coordination européenne des politiques économiques

Les changements se sont accélérés : la santé a pris une place importante dans le produit intérieur brut (PIB). De plus, le financement des systèmes de santé étant très majoritairement public, il est rentable, pour le privé, de récupérer ces investissements publics pour faire des profits privés. Le marché sans limite et la “concurrence libre et non faussée”, credo de la CE et des gouvernements néolibéraux, les ont conduit à accélérer des “réformes” et à en proposer de nouvelles, dans une logique de profit et de court terme, sans considération pour les conséquences sur la santé des populations. L’UE n’a tenu aucun compte des historiques ni des différences des systèmes de santé, pas plus que des situations réelles de chaque pays et encore moins des impacts sur chacun d’eux. Non, l’UE a soutenu une réponse uniforme : la privatisation des systèmes de santé quitte à détruire les systèmes, dont le nôtre, basé sur la solidarité.

Le prétexte, obsessionnel, de la « maîtrise des dépenses publiques de santé » n’est pas un sujet nouveau pour l’UE ni pour nos gouvernements successifs. Depuis longtemps, les grandes orientations des politiques économiques (GOPE) adoptées par le Conseil économique et financier (ECOFIN - réunion des ministres des finances) incitent les États membres à “réformer” leurs systèmes de santé dans le contexte du Pacte de stabilité et de croissance de 1997. La Méthode ouverte de coordination (MOC) dans le domaine de la protection sociale, apparue en 1999 comme outil de l’intégration économique de l’UE (mais non contraignante et fondée sur le volontariat des États membres), n’a inclus les soins de santé qu’en 2004. Mais Il s’agissait alors essentiellement de diffuser les meilleures pratiques dans l’espoir de produire une plus grande convergence vers des objectifs clés. Enfin, les grandes orientations des politiques économiques de 2010-2014 demandaient aux États membres de renforcer la viabilité des finances publiques, notamment par une réforme des retraites et des soins de santé, ainsi qu’à veiller à ce que ces dépenses soient financièrement soutenables et “socialement adaptées”, autrement dit qu’elles ne provoquent pas de mouvements populaires d’opposition…

La crise financière a été un prétexte pour renforcer la coordination des politiques économiques. Ces objectifs sont devenus spécifiques et opposés : annonce de soins de qualité pour tous d’un côté, maîtrise des dépenses de santé et promotion de la concurrence de l’autre. Équation impossible…

2010, 2011 années clés pour les mesures de l’UE

Première étape 2010 : publication par la CE et le Comité de politique économique d’un rapport conjoint sur les systèmes de santé. L’objectif était d’inclure les réformes du système de santé dans la stratégie de croissance de l’UE intitulée « Europe 2020 », et de soumettre ces réformes à la surveillance macroéconomique de la CE. Les États membres devaient fournir des soins efficaces, notamment par la participation des prestataires privés, réduire le recours “inutile” aux spécialistes et aux soins hospitaliers et recourir aux technologies de la santé.
Fin 2010, sur la base de ce rapport conjoint, ECOFIN adopte ses conclusions. Il invite les États membres et la CE à « tenir compte de ces résultats dans leurs analyses et propositions dans le cadre de la stratégie Europe 2020 », donnant ainsi un nouveau mandat important à la CE dans la pure ligne de la volonté et de l’agenda politique de celle-ci.

Étape suivante 2011: pour s’assurer que ses priorités politiques seront suivies et coordonnées, la CE met en place un nouvel outil : le semestre européen de coordination des politiques économiques. Les gouvernements doivent désormais établir leur budget ainsi que leur politique économique en fonction des “recommandations” de la CE (Grandes orientations des politiques économiques : GOPE). La CE surveille ainsi, chaque année, les politiques budgétaires et structurelles des États membres. En cas de non-suivi de ses recommandations dans le délai fixé, la CE peut émettre des avertissements et prononcer des sanctions.

De plus, toujours en 2011, les chefs d’État et de gouvernement de la zone euro et de six autres États membres ont conclu le pacte « euro plus ». Il renforce le pilier économique de la zone euro (eurozone) par des engagements et actions assortis d’un calendrier de mise en œuvre sur l’amélioration de la viabilité des finances publiques, notamment celles concernant les soins de santé… Ces engagements sont soumis à une surveillance régulière, sous la responsabilité de la CE.

Fin 2011, un nouvel ensemble de règles de surveillance économique et budgétaire est entré en vigueur via le Pacte de stabilité et de croissance renforcé. Avec un nouvel instrument voté par les gouvernements des pays de l’UE, dénommé « Six Pack », des sanctions financières peuvent s’appliquer aux États membres de la zone euro qui ne prennent pas les mesures “recommandées” par la CE. Les États membres en « procédure de déficit excessif », doivent se conformer aux recommandations du Conseil, différenciées pour chacun des pays et délivrées par les ministres des Finances. Si un État membre ne s’y conforme pas, le Conseil peut imposer des sanctions financières, sur la base d’une recommandation de la Commission, à moins qu’une majorité qualifiée des voix des États membres ne s’y oppose. Ces nouveaux outils de surveillance font partie intégrante du semestre européen.

La responsabilité des gouvernements successifs de chaque pays membre de l’UE est flagrante. Leurs ministres de la santé ont demandé, en effet, plus d’interventions. En lien avec le semestre européen, les pouvoirs de l’Union européenne sont donc considérablement renforcés en matière de surveillance macroéconomique en introduisant des objectifs précis, des indicateurs et la possibilité de sanctions.

Suite à leur demande, la CE a créé quatre groupes de réflexion et a pris la direction du plus important, celui concernant la place de la santé dans la Stratégie Europe 2020 et dans le semestre européen. Ce faisant, elle a introduit la direction générale des Affaires économiques et financières (ECFIN) dans le groupe. Les trois autres groupes concernent les fonds structurels, une conception efficace et efficiente de l’investissement dans le secteur de la santé et la mesure et la surveillance de l’efficacité des investissements dans la santé. Pour la CE, Il s’agit bien « de mettre la main » sur le cœur des systèmes de santé.

Pour terminer, le « paquet social » proposé par la direction générale Emploi et Affaires Sociales  (2013) intègre deux documents qui indiquent, avec un grand niveau de détails, les politiques à suivre par les États membres : l’un concerne les soins de santé, l’autre les soins de longue durée. La Commission européenne a donc mis en place les instruments pour dicter aux États membres comment réorganiser leurs systèmes de santé.

Les programmes d’ajustement de l’UE vont encore plus loin

Les programmes d’ajustement de l’Union européenne et du Fonds monétaire international (FMI) vont encore plus loin puisqu’ils contiennent explicitement des instructions en matière de réforme des systèmes nationaux de santé.
L’influence directe des institutions internationales sur certains systèmes de santé, bien qu’exercée dans d’autres partie du monde, n’avait pas encore touché les pays du vieux continent. Ce sera fait par le biais des « opérations de sauvetage » en Irlande et en Grèce (2010) et au Portugal (2011) par la Troïka (Commission européenne, Fonds Monétaire International et Banque Centrale Européenne) et ses pré-conditions pour l’obtention de ces fonds. Les institutions internationales ont imposé par le biais des programmes d’ajustement des mesures très précises de changements dans les systèmes de santé.

L’objectif annoncé est de garantir la stabilité de la zone euro et d’aider les États membres en difficulté financière ou soumis à de sérieuses pressions des marchés financiers en leur fournissant un soutien financier sur-mesure. L’UE finance deux tiers du programme, le Fonds Monétaire International le reste. En échange, les trois pays cités se sont engagés à mettre en œuvre des politiques économiques et sociales reprises dans un protocole d’accord (Memorandum of Understanding) et soumises à un examen trimestriel. Chaque protocole d’accord contient des instructions détaillées en matière de réforme du secteur de la santé.
Chaque programme illustre, à des degrés différents, la plus grande intervention de de la “sphère européenne” dans les systèmes de santé :
- Irlande : Bien que le programme d’ajustement économique ait été le moins directif des trois, il contient des actions explicites destinées à lever les barrières au marché et à la concurrence dans des « secteurs protégés » tels que les services médicaux, notamment en éliminant les restrictions du nombre de médecins généralistes, à leur capacité à recevoir des patients sans contractualiser avec l’Etat et à faire de la publicité. Conséquence : le budget public pour la santé a été réduit de 6,6 % en 2011, et encore de 6,6% en 2012.
- Portugal : Des mesures encore plus détaillées ont été dictées à ce pays, notamment dans le troisième pacte de stabilité. Dès 2010, une réduction de 12 % du budget du ministère de la Santé est décidée. L’objectif était de réduire les dépenses de santé de 1 milliard d’euros en 2012 en augmentant les contributions des patients, en contraignant la dépense pharmaceutique, en poursuivant la réduction des salaires et en réduisant les dépenses hospitalières. 375 millions d’économies étaient prévues en 2013 soit au total, une réduction de 0,8 % du PIB sur deux ans pour une dépense publique de santé qui n’était déjà que de 6,5 % du PIB. L’objectif était de réduire les coûts opérationnels de 15 % sur la période 2010-2013. Les prescriptions électroniques pour les médicaments et les tests diagnostiques ont été mis en place et sont soumis à des évaluations trimestrielles des pratiques de prescription. Un nouveau système centralisé d’achat a été mis en place. Les salaires de fonctionnaires, dont ceux du secteur santé, ont été réduits selon les cas de 3,5 à 10 % pour tous ceux gagnant plus de 1500 €. Les frais à charge des patients sont augmentés avec la mise en place de critères plus stricts de ressources et la tarification plus élevée pour les consultations ambulatoires de spécialistes que pour les soins de première ligne. Les allégements fiscaux pour les dépenses privées de santé sont réduits.
Le protocole d’accord a touché directement l’organisation et la restructuration du système de santé. Des pré-requis ont été imposés : règles de travail plus flexibles imposées, ainsi que la mobilisation des professionnels sur tout le territoire. Les soins de première ligne sont renforcés, y compris par le paiement à la performance des prestataires, par l’amélioration de la répartition des médecins de famille dans le pays, et un transfert de l’utilisation des services hospitaliers vers les soins de première ligne. Une évaluation de la performance hospitalière annuelle est instaurée avec des systèmes de calcul des coûts et budgets hospitaliers, l’utilisation des nouvelles technologies de l’information et de la communication, le renforcement de la “gouvernance” (lire management) et la rationalisation du réseau hospitalier. Enfin, la mise en place de dossiers médicaux électroniques des patients est prévue.
- Grèce : Le programme imposé à la Grèce va bien plus loin dans l’encadrement du système de santé. Il impose un objectif explicite de dépenses publiques de santé limitées à 6 % du PIB. Le budget santé pour 2011 est réduit de 1,4 milliard d’euros, dont un tiers par réduction des salaires. Les structures supranationales se sont réparti les rôles : le FMI a proposé des réformes « d’amélioration » des systèmes de gestion, d’achat, de comptabilité et de prix, conjuguées à la mise en place d’une surveillance opérationnelle par le ministre des Finances, tandis que la CE s’est concentrée sur la création des conditions préalables nécessaires à une plus grande “efficience et transparence”. Les changements concernent la façon dont le système de santé est géré, sous la surveillance d’une “task force “dans laquelle la CE a le rôle prépondérant.

L’UE s’est aussi immiscée dans le domaine de la pharmacie. Un grand nombre de mesures adoptées en témoignent : centralisation des procédures de passation des marchés pour les médicaments et les services médicaux ; augmentations des déremboursements pour les malades ; nombreux accords (prix-volume, rabais et réductions) au bénéfice des multinationales du médicament, des pharmacies et fournisseurs en gros de produits pharmaceutiques ; procédures de prescription électroniques (obligatoire depuis le  1er juillet 2012), de génériques et de leur suivi par des obligations de prescription à destination des médecins ; prix maximum des génériques (maximum 40 % de leurs équivalents). En pseudo compensation, la TVA sur les médicaments est bien passée de 11 à 6,5 % pour soi-disant réduire le prix pour les malades et les assurances santé, mais les assurés n’en ont pas bénéficié…

Plusieurs autres mesures ont été adoptées : surveillance renforcée avec audits réguliers, application d’une augmentation des frais à charge des malades pour les soins ambulatoires dans les hôpitaux publics et centres de santé (à partir de 3 à 5 euros par visite), ainsi que pour les visites d’urgence “injustifiées”, modifications de la tarification des médicaments délivrés sur ordonnance pour “booster” les médicaments génériques. Enfin, dès 2010, toutes les nouvelles créations de postes ont été gelées : pour cinq infirmières partant en retraite un seul remplacement est accepté.

D’autres mesures sont appliquées : financements communs pour l’achat de services de santé, transfert de prestations des services hospitaliers vers les soins de première ligne, dossiers médicaux électroniques des patients stockés par Microsoft, au dépend de la sécurité des données médicales des patients, systèmes de calcul des coûts et budgets hospitaliers pour “rentabiliser” l’hôpital public, “rationalisation” de la répartition des responsabilités entre les différents acteurs et meilleure “gouvernance” du système de santé.

HERA, nouvelle divinité de l’UE, opérationnelle depuis 2022

Avec la « Health Emergency Response Authority » (HERA), en bon globish, la Commission européenne (CE) va plus loin dans la dépossession par les États de leurs prérogatives en matière sanitaire. Sous le (faux) prétexte de renforcer la capacité de l’UE « à prévenir, détecter et contrer rapidement les prochaines crises sanitaires », la Commission européenne dote sa nouvelle instance de 6 milliards d’euros pour « développer, approvisionner, stocker et distribuer des traitements médicaux ».
Mais pour la Commission, HERA ne sera pas une agence indépendante sur le modèle de l’Agence européenne des médicaments (EMA) ou du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Non. Elle est établie « au sein de la Commission », complètement opérationnelle dès le début 2022, elle fonctionne de façon flexible (?) et s’appuie sur les pouvoirs et l’expertise de l’exécutif européen dont on peut juger de l’efficacité à travers sa “gestion” de la crise du Covid-19 et de l’achat de vaccins surnuméraires à des prix astronomiques…
HERA, en lien avec l’industrie pharmaceutique, est pilotée par un conseil réunissant des “experts” de la Commission et des représentants des États. Le Parlement européen se contente d’y avoir un seul observateur. Les États, dont la santé était une compétence exclusive, ont donné leur feu vert, sans que le texte ne soit débattu ni voté par le Parlement européen. Un camouflet de plus pour l’euro-parlement fantoche qui finalement n’a que ce qu’il mérite, le mépris.
Le texte de la CE étend le mandat de l’HERA au-delà des maladies transmissibles pour couvrir aussi les principales maladies non transmissibles (maladies cardiovasculaires et respiratoires, cancers, diabètes et maladies mentales). Et ce n’est qu’un début…
En fait, l’HERA collecte des renseignements “médicaux” et, en cas d'urgence, assure la mise au point, la production et la distribution de médicaments, de vaccins et d'autres contre-mesures médicales. Terminée la souveraineté des États en matière de politique sanitaire !

Contre-mesures médicales : une notion issue du domaine militaire

Le terme “contre-mesures médicales” (CMM) doit nous interpeller et nous inquiéter… Bien sûr, la CE donne l’exemple des gants et des masques, mais qu’est-ce qu’une contre-mesure ? Notion très utilisée dans le domaine militaire, c’est une disposition prise pour s'opposer à une action, à un effet, à un événement ou pour les prévenir, une action destinée à rendre inefficaces les armements ennemis. Dans le domaine militaire, les contre-mesures sont nombreuses (antimissiles, etc.). Les contre-mesures médicales comprennent des médicaments (molécules de synthèse chimique ou biotechnologiques), destinées soit à mieux protéger le personnes contre un agent chimique, biologique et radiologique (CBR) par une administration, précédant l'exposition (traitements prophylactiques contre certaines expositions chimiques ou radiologiques ou certains vaccins), soit à traiter un patient après une exposition (antidotes, etc.), au cas où les populations seraient effectivement exposées à de tels agents CBR (de manière naturelle, accidentelle ou intentionnelle). Un exemple est la distribution, préventive, de pastilles d’iode aux habitants près des centrales nucléaires.
La CE et sa HERA prenant la main sur les CMM pour leur développement, l’approvisionnement, le stockage et la distribution des traitements médicaux, nous sommes donc dépendants de ses laboratoires “partenaires” et du bon vouloir de Bruxelles en terme de recherche et développement. C’est la traduction concrète de la novlangue néolibérale de “l’Union” : « L’HERA répondra aux défis du marché et stimulera la capacité industrielle. L'HERA maintiendra un dialogue étroit avec l'industrie, établira une stratégie à long terme pour la capacité de production et des investissements ciblés, et s'attaquera aux goulets d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement pour les contre-mesures médicales… Les activités de l'HERA s'appuieront sur un budget de 6 milliards d'euros provenant de l'actuel cadre financier pluriannuel pour la période 2022-2027, dont une partie proviendra du complément NextGeneration EU… Le soutien total s'élèvera à près de 30 milliards d'euros pour la prochaine période de financement et même davantage si l'on tient compte des investissements à l'échelon national et dans le secteur privé (facilité pour la reprise et la résilience, REACTEU, Fonds de cohésion et le programme InvestEU au sein de l'UE, ainsi que l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale en dehors de l’UE) ».Une véritable politique de santé passe par la reconquête de la souveraineté

Comme nous le voyons, les systèmes de santé sont entrés dans une nouvelle étape où l’UE a pris la main sur les États. Pas seulement dans les pays qui subissent les ajustements structurels des organisations supranationales mais dans tous les pays membres de l’UE, avec la complicité de tous les gouvernements, de droite comme de gauche. Partout, les services de santé sont soumis à une pression grandissante car ils appartiennent au secteur des dépenses publiques et qu’ils révèlent un grand potentiel d’augmentation de productivité et de transfert d’activités au privé, génératrices d’immenses profits.
Toutefois, une véritable politique de santé publique repose sur un choix politique et démocratique qui ne peut être fait que par les citoyens. Elle ne peut donc être imposée par des eurocrates non élus, soumis aux multinationales de la santé et à l’idéologie néolibérale. La condition nécessaire à une véritable politique de santé publique, en faveur de toutes et tous, est d’abord la souveraineté nationale et populaire. Seuls les citoyens sont légitimes pour décider du système de santé qui leur convient. De plus, choisir le système de santé public, universel et gratuit, c’est-à-dire une Sécurité sociale qui couvre à 100 % les citoyens, « de la naissance à la mort », exige que les citoyens soient maîtres des finances de la Nation. Reconquérir notre souveraineté sanitaire passe donc, obligatoirement, par la sortie de l’instance supranationale, anti-démocratique, qu’est l’Union européenne et son euro.

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