HERA érigée en nouvelle divinité de l’UE

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HERA

 

Par Joël Perichaud, secrétaire national du Parti de la démondialisation aux relations internationales
 

Comme nous l’écrivions en avril 2021, dans un article intitulé : Vers une « Europe de la santé » à marche forcée (https://www.pardem.org/vers-une-europe-de-la-sante-marche-forcee-13), la Commission européenne (CE) dépossède les États de leurs prérogatives en matière sanitaire. Mais l’instrument de cette destruction baptisé « Health Emergency Response Authority » (HERA), en bon globish, va plus loin. Explications.

Sous le (faux) prétexte de renforcer la capacité de l’Union européenne « à prévenir, détecter et contrer rapidement les prochaines crises sanitaires », la Commission européenne (CE) dote sa nouvelle instance de 6 milliards d’euros pour « développer, approvisionner, stocker et distribuer des traitements médicaux ».
Mais pour la Commission, HERA ne sera pas une agence indépendante sur le modèle de l’Agence européenne des médicaments (EMA) ou du Centre européen de prévention et de contrôle des ma-ladies (ECDC). Non. Elle sera établie « au sein de la Commission », complètement opérationnelle dès le début 2022, fonctionnera de façon flexible (?) et s’appuiera sur les pouvoirs et l’expertise de l’exécutif européen dont on peut juger de l’efficacité à travers sa “gestion” de la crise du Covid-19…
HERA, en lien avec l’industrie pharmaceutique, sera pilotée par un conseil réunissant “experts” de la Commission et représentants des États. Le Parlement européen devra se contenter d’un observateur. Les États, dont la santé est une compétence exclusive, devront donner leur feu vert, sans que le texte ne soit débattu ni voté par le Parlement européen. Un camouflet de plus pour l’euro-parlement (fantoche) qui finalement n’a que ce qu’il mérite, le mépris.

Le texte de la CE propose d’étendre le mandat de l’HERA au-delà des maladies transmissibles pour couvrir aussi les principales maladies non transmissibles (maladies cardiovasculaires et respiratoires, cancers, diabètes et maladies mentales). Ce n’est qu’un début…

En fait, selon la CE, l'HERA collectera des renseignements “médicaux” et, en cas d'urgence, assurera la mise au point, la production et la distribution de médicaments, de vaccins et d'autres contre-mesures médicales. Terminée la souveraineté des États en matière de politique sanitaire.

Mais ce n’est pas tout… Le terme “contre-mesures médicales” (CMM) doit nous interpeler et nous inquiéter… Bien sûr, la CE donne l’exemple des gants et des masques, mais qu’est-ce qu’une contre-mesure ? Notion très utilisée dans le domaine militaire, c’est une disposition prise pour s'opposer à une action, à un effet, à un événement ou pour les prévenir, une action destinée à rendre inefficaces les armements ennemis. Dans le domaine militaire, les contre-mesures sont nombreuses (antimissiles, etc.) Les contre-mesures médicales comprennent des médicaments (molécules de synthèse chimique ou biotechnologiques), destinées soit à mieux protéger le personnes contre un agent chimique, biologique et radiologique (CBR) par une administration précédant l'exposition (traitements prophylactiques contre certaines expositions chimiques ou radiologiques ou certains vaccins), soit traiter un patient après une exposition (antidotes, etc.), au cas où les populations seraient effectivement exposées à de tels agents CBR (de manière naturelle, accidentelle ou intentionnelle). Un exemple est la distribution, préventive, de pastilles d’iode aux habitants près des centrales nucléaires.

La CE et HERA “prenant la main” sur les CMM pour leur développement, l’approvisionnement, le stockage et la distribution des traitements médicaux, nous serons dépendants de ses laboratoires “partenaires” et du bon vouloir de Bruxelles en terme de recherche et développement. C’est la traduction concrète de la novlangue néolibérale de “l’Union” : « L’HERA répondra aux défis du marché et stimulera la capacité industrielle. L'HERA maintiendra un dialogue étroit avec l'industrie, établira une stratégie à long terme pour la capacité de production et des investissements ciblés, et s'attaque-ra aux goulets d'étranglement de la chaîne d'approvisionnement pour les contre-mesures médicales… Les activités de l'HERA s'appuieront sur un budget de 6 milliards d'euros provenant de l'actuel cadre financier pluriannuel pour la période 2022-2027, dont une partie proviendra du complément NextGeneration EU… Le soutien total s'élèvera à près de 30 milliards d'euros pour la pro-chaine période de financement et même davantage si l'on tient compte des investissements à l'échelon national et dans le secteur privé (facilité pour la reprise et la résilience, REACTEU, Fonds de cohésion et le programme InvestEU au sein de l'UE, ainsi que l'instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale en dehors de l’UE) ».

Le chœur des vierges…
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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen a déclaré : « L'HERA est un nouveau pilier d'une union de la santé plus forte et une avancée majeure pour notre préparation aux crises. Grâce à elle, nous pourrons être sûrs de disposer des équipements médicaux nécessaires pour protéger nos citoyens (?) contre les futures menaces pour la santé…C’est ce que j'ai promis en 2020, et c'est ce que nous mettons en œuvre ».

- Le vice-président chargé de la promotion de notre mode de vie européen (?), Margaritis Schinas, affirme : « L'HERA a une mission claire : garantir la disponibilité, l'accès et la distribution de contre-mesures médicales dans l'Union. L'HERA constitue la réponse de l'UE à la fois pour anticiper et pour gérer les situations d'urgence. Elle disposera de l'influence et du budget nécessaires pour collaborer avec l'industrie, les experts médicaux, les chercheurs et nos partenaires mondiaux afin de veiller à ce que des équipements, des médicaments et des vaccins essentiels soient rapidement disponibles en cas de besoin ».

- Stella Kyriakides, commissaire à la santé et à la sécurité alimentaire explique : « L'HERA est une pièce maîtresse cruciale pour une Union européenne de la santé forte. Grâce à elle, nous serons en mesure d'anticiper les menaces par l'analyse prospective, de coordonner nos actions pour réagir en temps utile par le développement, l'approvisionnement et la distribution de contre-mesures médicales critiques à l'échelle de l'UE. Avec cette structure de sécurité sanitaire unique, nous sommes en avance sur notre temps. La sécurité sanitaire devient une entreprise collective dans l' UE. L'HERA symbolise le changement d'état d'esprit, en matière de politique de santé, auquel nous devrions tous nous rallier ».

- Mariya Gabriel, commissaire à l'innovation, à la recherche, à la culture, à l'éducation et à la jeunesse précise : « Les contre-mesures médicales sont essentielles pour lutter contre les menaces pour la santé. La Commission a été à l'avant-garde de la lutte contre la pandémie ( ?)… La re-cherche et l'innovation seront un élément essentiel de l'HERA, dans la mesure où la nouvelle autori-té entend promouvoir et soutenir le développement de technologies médicales et leur production ».

- Thierry Breton, commissaire au marché intérieur ajoute : « Nous ne pouvons pas garantir la santé de nos citoyens sans disposer au sein de l'UE de capacités industrielles et de chaînes d'approvisionnement en bon état de fonctionnement. Nous devons être mieux préparés aux futures crises sanitaires. L'HERA mettra en place de nouvelles capacités de production adaptables et des chaînes d'approvisionnement sûres pour aider l'Europe à réagir rapidement en cas de besoin ».

Une véritable politique de santé ?

Une véritable politique de santé publique repose cependant sur un choix politique et démocratique qui ne peut être fait que par les citoyens. Elle ne peut donc être imposée par des eurocrates non élus, soumis aux multinationales de la santé et à l’idéologie néolibérale. La condition nécessaire à une véritable politique de santé publique, en faveur de toutes et tous, est d’abord la souveraineté nationale et populaire. Seuls les citoyens sont légitimes pour décider du système de santé qui leur convient. De plus, choisir le système de santé public, universel et gratuit, c’est-à-dire une Sécurité sociale qui couvre à cent pour cent les citoyens, « de la naissance à la mort », exige que les citoyens soient maîtres des finances de la Nation. Reconquérir notre souveraineté sanitaire passe donc, obligatoirement, par la sortie de l’instance supranationale, anti-démocratiques, qu’est l’Union européenne et son euro.

Hélas, si l’on en croit les candidats à la Présidentielle de 2022, on en est encore bien loin. Qui va donc combattre contre Hera, la nouvelle déesse de l’Union européenne si ce n’est le peuple ?