Principe 3 : Transférer ou restituer à la Nation les groupes et entreprises stratégiques

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nationalisation des groupes

 

Le droit de propriété est reconnu à l’échelle nationale et à l’échelle internationale. Sur le plan national, durant la Révolution française, les élus de 1789 ont affirmé à deux reprises dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le droit de propriété comme naturel et imprescriptible.
Le droit de propriété individuelle possède néanmoins des exceptions. Si ce droit est reconnu comme une liberté fondamentale en droit positif français, il n’est pas un droit général et absolu car il peut y être porté atteinte par la collectivité.
Le mouvement ouvrier, en France particulièrement, dès sa naissance au XIXe siècle et ensuite tout au long de son histoire, va mettre en avant la question de la propriété des moyens de production.
Dans toute société la distinction entre ce qui est public et ce qui est privé est un aspect fondateur de l'ordre politique. Il existe ainsi des affaires qui intéressent la communauté nationale dans son ensemble (ordre public) et d'autres qui n’intéressent que des individus ou des groupes particuliers (ordre privé). Les décisions qui intéressent toute la communauté nationale relèvent de la politique, c’est-à-dire de l’ordre public. Elles ne peuvent en aucun cas être prises par des acteurs privés prétendant agir au nom de tous. Certaines entreprises, parce qu’elles jouent un rôle particulier dans une société, concernent la communauté nationale et doivent donc relever des affaires publiques. C’est la raison pour laquelle le principe de propriété sociale, publique, nationale, collective – quel que soit le nom donné – est parfaitement légitime.
 

Le Parti de la démondialisation reconnaît le droit à la propriété individuelle.

Il concerne évidemment, en premier lieu, les biens appartenant à la sphère privée comme les objets dits « personnels » de la vie de tous les jours. Il s’agit aussi du logement, de la terre et de l’outil de travail. Le droit de propriété concerne l’être humain dans sa relation avec les biens. En tant que forme suprême d’exercice du pouvoir de l’être humain sur une chose, le droit de propriété individuelle reste un atout fondamental de la liberté. Il est conféré à toutes les personnes, qu’elles soient physiques ou morales, parmi lesquelles l’État et ses services.

Le droit de propriété est reconnu à l’échelle nationale et à l’échelle internationale.

Sur le plan national, durant la Révolution française, les élus de 1789 ont affirmé à deux reprises dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le droit de propriété comme naturel et imprescriptible. En son article 2, la Déclaration entend faire respecter : « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » De son côté, l’article 17 énonce : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».
 
En 1970, le Conseil constitutionnel reconnaît la valeur constitutionnelle de cette Déclaration en l’intégrant dans le bloc de constitutionnalité du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. Il a précisé « Les principes énoncés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété, dont la conservation constitue l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression, qu’en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique. »
La propriété immobilière est définie à l’article 552 du Code civil : « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. ». Ce principe souffre néanmoins d’exceptions d’ordre légal. Par exemple il existe un régime particulier pour l’exploitation minière du sous-sol. De même, la propriété du dessus peut être contrainte par des règles d’urbanisme.
Le droit de propriété est celui de jouir et de disposer de la chose perpétuellement et de la manière la plus absolue, « pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi et les règlements » (art 544, code civil), ou « de nature à nuire aux droits des tiers » (Civ.; 3e, 20/03/1978).  
Le droit de propriété individuelle possède néanmoins des exceptions. Si ce droit est reconnu comme une liberté fondamentale en droit positif français, il n’est pas un droit général et absolu car il peut y être porté atteinte par la collectivité. Selon les termes de l’article 544 du Code civil, de nombreuses lois sont admises en limitation du droit de propriété, notamment en matière d’urbanisme. Les expropriations, par exemple, sont possibles mais doivent impérativement être justifiées, c’est-à-dire qu’elles doivent correspondre à une nécessité publique, légalement constatée. Il existe par ailleurs des cas particuliers sans nécessité de recourir à l’expropriation et dont les effets sont sensiblement identiques sans pour autant indemniser le propriétaire lésés : remembrement, servitude administrative, incorporation au domaine public, réquisition, règles d’urbanisme…
 
Lors des nationalisations de 1982, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 janvier 1982, a insisté sur le fait que toute atteinte au droit de propriété par la puissance publique doit répondre à une nécessité « légalement constatée ». En cas de nationalisation ou d’expropriation, le Conseil constitutionnel est appelé à en vérifier le caractère « juste ». En effet, en matière de nationalisations, le préambule de la Constitution de 1946 énonce que « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité. » Ce texte a ainsi permis d’encadrer la vague importante de nationalisations des années 1945 et 1946 et celle de 1982.
L’application de ce droit privatif à l’entreprise, dont l’objectif et l’organisation sont tournés vers la production de biens et services destinés à la satisfaction des besoins de tous, nécessite d’être rééquilibré. e droit fondamental à la propriété a le caractère d'un instrument et que toutes les formes de propriété ne sont pas égales. La propriété bénéficie d'une protection particulière lorsqu'il s'agit d'une propriété personnelle permettant de garantir la liberté de l'individu. En revanche, la protection de la propriété est d'autant plus restreinte – et le pouvoir de réglementation du législateur d'autant plus large – que l'objet auquel s'étendent les droits de propriété « se situe dans un contexte social et joue un rôle sur le plan social ». Dans le cas de la propriété de parts d'une entreprise, la jouissance de la propriété touche les intérêts d'autres personnes, à savoir les travailleurs, et au-delà les acheteurs des biens et services produits. Ces derniers doivent, eux aussi, jouir d’une certaine façon du droit de propriété sur l'objet - l'entreprise - afin de pouvoir assurer eux-aussi leur liberté et leur vie sous leur propre responsabilité. Seule l'action conjuguée des porteurs de parts et des travailleurs permet d'atteindre le but de l'entreprise et la jouissance de la propriété.
 
La propriété des moyens de production présente à l’évidence des avantages financiers, de prestige et politiques pour leurs propriétaires, qu’ils soient grands ou petits. Concernant les petits et moyens propriétaires du capital, dès lors qu’ils se conforment aux normes sociales, environnementales, de qualité fixées par la collectivité, leur outil de travail peut rester leur propriété. D’autant que les biens et services qu’ils produisent contribueront à répondre finement aux besoins de la population, probablement mieux que ne peuvent le faire de grandes entreprises, qu’elles soient privées ou nationales.
Mais Il existe aussi de nombreux inconvénients pour la société à la propriété privée des grands moyens de production, d’échange et de communication :
-    exploitation du travail d’autrui et création d’inégalités ;
-    conflits et guerres dont les enjeux sont la conquête de marchés ;
-    obstacles à une « allocation optimale des ressources » nécessaires à la production ;
-    obstacles à une large circulation des informations et des connaissances,
-    comportements abusifs ou pervers vis-à-vis du patrimoine de la nation et/ou des biens communs de l’humanité,
-    choix de production décidés pour le profit privé, et non pour répondre aux besoins de la population ;
-    obsolescence programmée des biens manufacturés ;
-    publicité souvent mensongère pour créer artificiellement des besoins généralement inutiles ;
-    sous-estimation dramatique des dégâts causés à l’environnement par le processus
-    de production. etc.

Éléments d’histoire sur le retour ou le transfert à la Nation d’entités privées

L’intervention de l’État dans l’économie est à l’origine même de l’activité économique, c’est l’État qui a créé le marché, c’est lui qui lui permet de fonctionner. Cette réalité est universelle et ne concerne pas simplement la France. Le terme de « nationalisation », souvent utilisé pour parler du retour ou du transfert à la Nation d’entreprises privées, ne recouvre qu’imparfaitement l’acte du souverain décidant, pour des motifs d’ordre public, de mettre un terme à une propriété privée. La confiscation, par exemple, fait partie des instruments du souverain (le roi ou le peuple). L’une des plus spectaculaires confiscation, au Moyen-Âge, a été celle décidée par le roi de France Philippe IV le Bel sur les biens des Templiers (1307). Ce fut une sanction, sans compensation financière, qui s'est d’ailleurs accompagnée, en outre, du meurtre des dirigeants Templiers. Bien avant Colbert, sous Louis XI, l’État récupère le contrôle de la soie et de l’imprimerie. Il s’agit à chaque fois de protéger le patrimoine industriel national, d’assurer son indépendance en matière de production d’armements ou de réguler l’activité économique afin de maintenir un environnement stable dans la société.
 
- La Révolution française a nationalisé les biens de l'Église dès le 10 octobre 1789, les curés de campagne étant dédommagés sous forme du versement d’une rente annuelle. Le clergé et l'Assistance publique (hôpitaux et hospices) ont été « fonctionnarisés ». Le 30 mars 1792, la confiscation des biens des nobles hostiles à la République, émigrés à l'étranger depuis le 1er juillet 1789, était décidée. Cette confiscation au profit de l'État, décidée à la veille de la guerre, a été opérée par sanction, sans compensation financière.
 
- Pendant la Révolution bolchévique, l'abolition de la grande propriété foncière, sans compensation, est décidée le 8 novembre 1917, pour les banques le 27 décembre. Pendant la guerre civile, pour priver les contre-révolutionnaires de leurs ressources, le commerce extérieur (2 mai 1918), l'industrie pétrolière (20 juin 1918), puis toute la grande industrie (28 juin 1918) sont nationalisés.
 
- En Allemagne, la République de Weimar nationalise les chemins de fer en 1920.
 
- Au Québec, en 1921, en pleine prohibition, le gouvernement crée la Société des alcools du Québec pour assurer le commerce des vins et des spiritueux dans la Belle Province. Aujourd'hui, la Société des alcools du Québec est le plus grand vendeur de vins au Canada et le plus grand acheteur institutionnel de vins au monde. En avril 1944, le gouvernement québécois nationalise les compagnies électriques et donne naissance à Hydro-Québec. Aujourd'hui cette société d’État est responsable de la production, du transport et de la distribution de l’électricité de la province de Québec. Dans le domaine des télécommunications, le gouvernement québécois crée Radio-Québec en février 1968.
 
- Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre est nationalisée en octobre 1945, les charbonnages en janvier 1947, les transports aériens en février 1947, les chemins de fer en janvier 1948, la sidérurgie entre 1951 et 1953, ainsi que les constructions automobiles et navales. En Iran, la nationalisation de l'Anglo-Iranian Oil Company provoque le renversement du gouvernement du Premier ministre Mossadegh par la CIA en août 1953. L’agence américaine remet le shah au pouvoir. La nationalisation du Canal de Suez en 1956 par Nasser provoque une intervention militaire franco-britannique soutenue par Israël qui, d’ailleurs, échouera.
 
- En France, l'État nationalise les réseaux téléphoniques en 1889. En 1907 c’est au tour de la Compagnie ferroviaire de l’Ouest, puis en 1919 l'État prend le contrôle des mines de potasse d’Alsace.
Trois grandes périodes, en France, sont marquées par des nationalisations :
-  Le Front populaire en 1936-1938 (voir la description complète en annexe VII).
-  La Libération en 1944-1948 (voir la description complète en annexe VIII).
-  La période Mitterrand en 1981-1982 (voir la description complète en annexe IX).
 

Problèmes de définitions
 

C’est le mouvement ouvrier, en France particulièrement, dès sa naissance au XIXe siècle et ensuite tout au long de son histoire, qui va mettre en avant la question de la propriété des moyens de production. Mais il a utilisé des notions différentes, souvent floues, pour en parler. Les termes utilisés, selon les courants d’idées et les périodes, sont assez nombreux et imprécis. On parle d’entreprises nationalisées, d’entreprises publiques, de services publics, de sociétés d’économie mixte, d’établissements publics industriels et commerciaux, de secteur public marchand, d’appropriation sociale, de socialisation, d’étatisation…
Existe-t-il des définitions rigoureuses couramment admises et des différences entre ces termes ? Il semble que la réponse soit négative. Cependant, une distinction assez pertinente a été faite, par exemple, dans le cours donné à l’Institut supérieur ouvrier de la CGT en 1936 et intitulé « Nationalisations, Étatisations, Socialisations ». La nationalisation est distinguée de l’étatisation car elle est l’appropriation collective par la Nation. Les forces productives et les consommateurs, au même titre que l’État, doivent intervenir dans la gestion. Quant à la socialisation, elle « transgresse le cadre capitaliste, elle est réalisée par les travailleurs organisés exerçant le pouvoir. »
Nous choisissons d’utiliser comme expression générique « retour ou transfert à la Nation » pour parler des entreprises qui seront concernées, ce processus aboutissant à des nationalisations. Nous parlerons donc d’entreprises nationales pour décrire ces entreprises et de nationalisations pour décrire le processus de leur passage de la sphère privée à la sphère publique nationale. C’est le terme qui nous paraît le mieux correspondre à ce que nous voulons car il signifie clairement que des entreprises vont passer sous le contrôle de la Nation ou qu’elles sont déjà sous son contrôle. Il ne s’agit donc pas de « socialisation » ou « d’appropriation sociale », expressions floues qui masquent la réalité précise des propriétaires effectifs. Il ne s’agit pas non plus « d’étatisation », car la Nation englobe l’État qui est son instrument, elle le surplombe. La « nationalisation » évoque très clairement que c’est la Nation qui possède, et non l’État ou tel groupe social. La forme juridique de la nationalisation est l’Établissement public et industriel et commercial (EPIC). Ainsi, toutes les entreprises qui retournent ou qui sont transférées à la Nation, seront transformées en EPIC.
L’autre intérêt de n’utiliser que le terme « nationalisation » est que non seulement il indique clairement que la propriété est nationale, mais il entraîne une conséquence évidente : s’il s’agit d’une nationalisation, la mission de cette entreprise est d’être au service de la nation. Son activité doit donc correspondre aux attentes des citoyens qui sont ses usagers, et aussi aux citoyens qui sont ses salariés.
Le retour ou le transfert à la Nation de certaines entreprises est donc un processus de nationalisation par lequel la propriété des entreprises concernées est entièrement transférée à la nation. Les entreprises deviennent des EPIC, aucune nationalisation ne peut avoir lieu dans laquelle la nation ne possèderait pas 100% du capital. Les filiales deviennent également des EPIC. L’État, au nom de la Nation, peut prendre des participations minoritaires dans des entreprises privées, mais il ne s’agit pas de nationalisation. La forme juridique, dans ce cas, est celle de la Société d’économie mixte (SEM). Comme leur nom l’indique, ces sociétés étant « mixtes » ne peuvent avoir de missions d’intérêt général puisque composées d’intérêts particuliers. La loi du 2 janvier 2002 sera modifiée en ce sens.
Puisque nous parlons de « contrôle de la Nation » sur ces entreprises, cela signifie que leur conseil d’administration est majoritairement composé de représentants de la Nation : parlementaires et fonctionnaires. Les salariés et les consommateurs doivent également avoir des représentants.
 

La théorie néolibérale et le dogme de la propriété des grands groupes de production, d’échanges et de services
 

La privatisation est le mouvement inverse à celui de la nationalisation. Elle consiste à transférer au secteur privé la propriété, l'exploitation et/ou la distribution de produits ou de services qui étaient jusque-là produits ou mis en marché par des entités publiques. Dans certains cas, l'étatisation étant prévue par la Constitution des pays, comme c’était le cas pour les terres collectives et le pétrole au Mexique, la privatisation a nécessité la déconstitutionalisation des droits de la collectivité.
Les privatisations, dans leur principe, répondent d’abord, fondamentalement, aux intérêts géopolitiques, financiers et économiques des États-Unis. C’est dans ce pays, en effet, que le système des Pension Funds et Mutual Funds est le plus développé au monde. Ces investisseurs institutionnels ont besoin d’acheter et vendre sans interruption des quantités immenses, toujours renouvelées, de titres financiers, et particulièrement des actions. Les marchés boursiers américains, pourtant gigantesques, sont devenus trop petits pour eux. Les privatisations, partout dans le monde, leur offrent les actions qu’ils recherchent. La Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ont alors joints leurs efforts pour bâtir un discours visant à présenter la nécessité de la libéralisation financière et des privatisations comme relevant d’une sorte de droit naturel. Les privatisations ont ainsi contribué à financiariser un peu plus l’économie mondiale en poussant artificiellement le prix des actions à la hausse et en encourageant, du coup, les crises financières. USAID[1] et la Banque mondiale ont également imposé la doctrine de la privatisation au Sud. Dès 1991, la Banque mondiale avait déjà fait 114 prêts pour accélérer le processus, et chaque année son rapport « Finance du développement global » dénombre des centaines de privatisations effectuées dans des pays débiteurs auprès de la Banque. C'est l'un des plus gros hold-up de l’époque moderne. Les fonds de pension et fonds mutuels américains ont ainsi pu profiter de la hausse du prix des actions générées par les privatisations. Ils sont devenus de très importants détenteurs de titres dans les entreprises cotées européennes.
Les privatisations sont au cœur des dogmes néolibéraux et ont été engagées dès le début des années 1980 partout dans le monde. C’est soi-disant pour respecter le principe de la concurrence que les néolibéraux veulent réduire le secteur public. Pour eux, la concurrence par le marché est censée – par principe – résoudre les problèmes supposés d'efficacité des monopoles publics, favoriser la baisse des prix et l'innovation, encourager l’emploi et la croissance économique. De très nombreux économistes à gages ont tenté de donner un verni théorique à cette idéologie. Ces « théories » alimentent le discours néolibéral habituel. On a vu, avec la crise financière qui a débuté en 2007, ce qu’il en était de ces « théories » et de leur mise en pratique. Heureusement que les États étaient là pour « sauver » les banques et un certain nombre d’entreprises.
Les « monopoles naturels » doivent être nationalisés pour éviter la constitution de monopoles privés. Un monopole naturel existe quand il est nécessaire aux entreprises d’un secteur d’avoir une certaine taille pour garantir une efficacité économique maximale afin de réaliser des économies d’échelle pour amortir des investissements conséquents, soit en équipements soit en R&D. C’est le cas, par exemple de la conception et l’assemblage d’avions. Les industries de réseau sont une autre catégorie de monopole naturel. Indépendamment de leur taille, il est nécessaire qu’elles aient un monopole sur un territoire donné pour éviter le doublement des réseaux qui constitue un gaspillage évident de ressources. C’est le cas des rails de chemins de fer, les lignes à haute tension, les tunnels de métro, les réseaux de gaz, d’égouts, d’eau, de fils téléphoniques
C'est pourquoi les monopoles publics sont la solution optimale évidente car tout ce qui a tendance à fonctionner en réseau finit par se développer en monopole naturel. Mais les néolibéraux considèrent que tout ce qui est public est par définition « inefficace ». En réalité, tout ce qui est public n’est pas privé (!) et ne génère donc pas de profit privé !
L'idéologie de la privatisation a conduit à s'aveugler sur deux réalités. La première est que, contrairement au dogme de la supériorité absolue du secteur privé en matière de management, il existe des entreprises publiques excellemment dirigées et des entreprises privées qui le sont de façon catastrophique. La seconde est que lorsqu'une entreprise à but non lucratif est en difficulté, le fait de lui imposer des exigences de rentabilité, loin d'améliorer sa situation, l’expose aux pires déconvenues.
En France, les privatisations engagées depuis 1986 par les gouvernements de droite et de gauche ont servi d’instrument de « gouvernabilité » au jour le jour. Les recettes considérables qui en ont été obtenues n’ont servi qu’à pallier le manque de recettes fiscales provoqué par le chômage de masse et au financement des dépenses courantes, au désendettement et à la recapitalisation d’entreprises publiques pour les préparer à la privatisation. Leur impact sur la croissance économique (qualitative et quantitative) et l’emploi n’a pas été visible, contrairement aux promesses faites. Les privatisations ont même joué contre les salaires et l’emploi, les entreprises privatisées se jugeant déliées de leurs responsabilités sociales (déjà faibles au demeurant).
On voit clairement aujourd'hui à quels résultats désastreux les privatisations peuvent aboutir. Dans la plupart des cas, les privatisations ont donné des résultats calamiteux. Cette réalité rend d’autant plus paradoxale la disparition de la question de la propriété des moyens de production du débat public. C’est la ruine complète du rail anglais, qui malgré d'énormes subventions a failli fermer purement et simplement à la veille de Noël 2000, suite à des accidents dont l'un (en octobre 2000) a été particulièrement meurtrier. La cause ? L'incohérence d'un réseau réparti entre 25 sociétés d'exploitation, une 26e s'occupant de l'infrastructure, et l'état désastreux de tout le système par défaut d'investissements. Aujourd'hui, tout le monde ou presque reconnaît l'irresponsabilité et la hâte qui ont présidé à la déréglementation des chemins de fer britanniques. Devant la situation critique de la société nationale, les champions de la privatisation avaient pronostiqué que des compagnies à but lucratif feraient les investissements nécessaires, réhabilitant le rail pour attirer les usagers. Ce qui s'est réellement passé, et qui était pourtant facile à prévoir, est que les compagnies ont couru après les bénéfices immédiats sans investir, précipitant la ruine de tout le système.
Dans le cas californien, l'argument des champions de la privatisation des régies d'électricité, à savoir que les prix baisseraient à la consommation, a été totalement démenti. Non seulement les prix se sont envolés, mais la Californie a connu des coupures d'électricité monstres et répétées, dont les conséquences économiques se font encore sentir durablement au niveau de l’État de Californie.
En ce qui concerne les autres effets des privatisations, ils étaient prévisibles et ont été prédits. Les dirigeants des entreprises privatisées, souvent exactement les mêmes qu'avant, ont doublé ou triplé leur salaire, sans compter les stock-options qu’ils se sont généreusement attribués. À partir de ces résultats, on peut facilement voir que le but réel de la privatisation n'est ni l'efficacité économique, ni de meilleurs services pour le consommateur, mais simplement de transférer des richesses de la poche de l'État, qui pourrait les redistribuer pour combler les inégalités sociales, vers des mains privées. En Grande-Bretagne et ailleurs, l'énorme majorité des actions des sociétés privatisées sont maintenant dans les mains d'institutions financières et de très gros investisseurs.
Alors que monte à juste titre la critique du « turbocapitalisme » et de « l’ultralibéralisme » qui provoquent la « dictature des marchés financiers », des inégalités sociales et nationales croissantes, les désastres écologiques et alimentaires, la réflexion sur les formes de la propriété des entreprises a été évacuée du débat public malgré les dégâts engendrés par nombre de privatisations. Pour le Parti socialiste, particulièrement actif dans les privatisations, ce qui ne concourt pas à l’intérêt général doit être cédé au privé. Cette analyse manque de pertinence. D’ailleurs le PS, parallèlement, est muet sur la proposition inverse : tout ce qui concourt à l’intérêt général doit être cédé au public... On ne peut accepter la conception selon laquelle l’État devrait se limiter – au nom de quoi ? – à simplement compenser les défaillances du marché. C’est le marché lui-même qu’il faut changer, tâche qui s’avère impossible à conduire sans faire bouger les modes de propriété. Et dans les modes de propriété, il n’y a pas que l’État. Il existe des possibilités variées de propriété partagée qui peuvent associer les salariés, les sous-traitants, les fournisseurs, les collectivités locales, les mutuelles, les associations, les coopératives, les usagers…
À l’échelle mondiale, les privatisations ont été présentées comme le remède miracle censé permettre tout à la fois le développement des pays pauvres, d’assurer la transition vers l’économie de marché pour les pays de l’ancienne zone soviétique et l’assurance de la prospérité éternelle pour les pays de l’OCDE. Les privatisations étaient censées offrir toujours, à toutes les époques et sous toutes les latitudes, une meilleure efficacité économique et sociale que les services publics et les entreprises nationales. Elles sont l’une des armes principales des politiques néolibérales. Cependant le nombre d’entreprises à privatiser diminue et les privatisations affaiblissent l’emploi. Tout cela ne fait pas une stratégie de long terme et moins encore un projet de société viable. Il faut remettre à l’ordre du jour, dans des conditions inédites, la question de la diversification des formes de propriété des moyens de production et d’échange, comme outil mis au service du développement humain, et en particulier la nationalisation.
 

La légitimité de la propriété nationale
 

Dans toute société la distinction entre ce qui est public et ce qui est privé est un aspect fondateur de l'ordre politique. Il existe ainsi des affaires qui intéressent la communauté nationale dans son ensemble (ordre public) et d'autres qui n’intéressent que des individus ou des groupes particuliers (ordre privé). Les décisions qui intéressent toute la communauté nationale relèvent de la politique, c’est-à-dire de l’ordre public. Elles ne peuvent en aucun cas être prises par des acteurs privés prétendant agir au nom de tous. Certaines entreprises, parce qu’elles jouent un rôle particulier dans une société, concernent la communauté nationale et doivent donc relever des affaires publiques. C’est la raison pour laquelle le principe de propriété sociale, publique, nationale, collective – quel que soit le nom donné – est parfaitement légitime.
La propriété nationale des organisations productives (les entreprises) est légitime car le but de la production et des services élaborés et fournis par ces organisations productives est la consommation finale des ménages (les citoyens) pour répondre à leurs besoins. Ce sont les citoyens, en achetant biens et services aux entreprises, qui permettent à ces dernières d’exister. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas l’entreprise qui crée la richesse et l’emploi, ce sont les consommateurs qui décident d’acheter ou de ne pas acheter. S’ils n’achètent pas, les marchandises restent inertes dans les entrepôts ou ne sont tout simplement pas fabriquées. Il est donc dans l’ordre naturel des choses que les citoyens ne se contentent pas d’accueillir passivement les biens et services que les entreprises leur proposent, mais qu’ils puissent définir, en amont, ce que sont leurs besoins (du moins les besoins d’objets et de services) et la manière dont ils souhaitent qu’il y soit répondu. La façon la plus efficace pour y parvenir est que les organisations productives ne soient pas un corps étranger à la société par leur caractère privé, mais qu’elles en soient parties intégrantes du fait de leur statut public.
Dans cette optique, des formes variées de propriété (nationale et coopérative) sont non seulement possibles mais indispensables : les travailleurs ne seraient plus une « ressource humaine » pour l’entreprise, mais ce serait l’entreprise qui deviendrait une ressource pour les citoyens.