Le 17-04-2022
Le processus de délibération publique, à l’échelle locale dans les communes, les bassins de vie, les administrations et services publics locaux, et à l’échelle nationale dans les administrations, les grands services publics et les entreprises nationales aura donné un matériau d’une immense richesse. Des commissions pluralistes, à l’échelle du ministère du Plan, en établiront la synthèse et proposeront les priorités stratégiques qui en découlent et leur planification. Le tout sera présenté au parlement qui en débattra et votera le Plan quinquennal.
Les « domaines stratégiques » résultent de la délibération publique et sont votés par le Parlement
Il existe deux grands domaines stratégiques : les branches économiques et un domaine transversal, celui de la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes qui fait l’objet de notre principe n° 4.
Les branches économiques font l’objet d’une définition normalisée par l’Union européenne, comme par exemple « sylviculture et exploitation forestière » ou « industrie du cuir et de la chaussure ».
Selon la définition de l’Insee, une branche (ou branche d'activité) regroupe des unités de production homogènes, c'est-à-dire qui fabriquent des produits (ou rendent des services) qui appartiennent au même item de la nomenclature d'activité économique considérée. Au contraire, un secteur regroupe des entreprises classées selon leur activité principale. Un secteur regroupe des entreprises de fabrication, de commerce ou de service qui ont la même activité principale (au regard de la nomenclature d'activité économique considérée). L'activité d'un secteur n'est donc pas tout à fait homogène et comprend des productions ou services secondaires qui relèveraient d'autres items de la nomenclature que celui du secteur considéré. Au contraire, une branche regroupe des unités de production homogènes. L'entreprise est la plus petite combinaison d'unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d'une certaine autonomie de décision, notamment pour l'affectation de ses ressources courantes.
Le néolibéralisme contre la démocratie
Cet exercice de démocratie inédite, suivi d’une planification, pourtant, sera décrié par tous les agents du néolibéralisme. Ces derniers détestent la planification quand elle s’applique à l’économie et dans laquelle l’État joue un rôle moteur. Ils préfèrent la mystification de l’« autorégulation » des marchés.
Dans son ouvrage La Route de la servitude, Friedrich von Hayek soutient ainsi que la planification est par essence un phénomène totalitaire. Pour qu'elle soit « efficace », selon lui, cela supposerait que tous les leviers de l'économie soient entre les mains de l'État, ce qui entraînerait de proche en proche un contrôle total de ce dernier sur la vie des individus. Dans Ordeal by Planning (1946), John Jewkes développe une thèse similaire.
De son côté, Ludwig von Mises, économiste autrichien parmi les principaux fondateurs du néolibéralisme, décrit la planification, qu’il assimile à de l'étatisme, comme la subordination complète des individus à l'État en les tenant en tutelle tout en restreignant la liberté d'action individuelle. Cherchant à façonner la destinée des individus, l'étatisme tendrait pour lui à remplacer les initiatives individuelles par un appareil social qui aurait le monopole de toute initiative.
Considérations générales sur la planification
Depuis toujours les gouvernants, les dirigeants d’entreprises les stratèges militaires, mais aussi les familles, se fixent des objectifs. Tout le monde fait des plans. Ce sont des projets qui, pour voir le jour, nécessitent une action cohérente, organisée, rationnelle, selon un certain ordonnancement dans le temps. Les gouvernants, par exemple, élaborent des projets d’urbanisme depuis bien avant l’Antiquité ! En 1670, l’intendant du roi, Jean-Baptiste Colbert, a créé entre autres la futaie de chênes de Tronçais, dans l’Allier, qui est réputée être aujourd’hui la plus belle futaie de chênes d’Europe. Elle appartenait au pouvoir central depuis 1527, date à laquelle elle fut confisquée au Connétable de Bourbon. Désireux de doter le Royaume d’une marine puissante, Colbert décidait de planter plus d’un million d’hectares d’arbres dont les troncs et les branches devaient fournir à l’industrie navale une matière première de grande qualité. Le chêne sessile, en effet, recherché pour fabriquer les tonneaux qui permettront « d’élever les vins », possède peu de nœuds, a un grain fin et pousse lentement et régulièrement lui donnant une forte densité. Colbert avait fait réaliser un « catalogue » reproduisant les pièces spéciales utiles à la charpenterie de marine, appelées les « bois tors ». Il réorganisait ainsi toute la filière, de la plantation des chênes à la construction des chantiers navals, les corderies… La construction d’un grand vaisseau nécessitait d’abattre 4 000 chênes centenaires. La planification était ainsi faite sur plusieurs décennies.
À notre époque, le même type de préoccupation doit nous guider dans le domaine de l’environnement, c’est à l’échelle de décennies qu’il faut inscrire nos actions pour réparer les dégâts du capitalisme. Les dirigeants d’entreprises contemporains, en ce qui les concerne, vont faire des « business plans », développer des plans marketing, des plans de formation… Les chefs militaires vont faire des plans de débarquement, en temps de guerre, comme en juin 1944 en Normandie. En temps de paix, ils vont planifier la construction des bateaux, des avions, des matériels terrestres parfois des décennies à l’avance. Un navire militaire possède ainsi une durée de vie comprise entre 40 et 50 ans. Quant aux familles, elles vont projeter d’acheter un logement et de mettre de l’argent de côté pour rembourser ensuite pendant 20 ou 30 ans.
Toutes ces opérations portent un nom : la planification. La planification est donc tout simplement l'organisation dans le temps de la réalisation d'objectifs. La planification économique, pour ce qui la concerne, est la tentative de rationaliser les projets économiques d'un pays. À l’époque moderne, la planification économique s'est développée durant la Première Guerre mondiale. L'objectif des États était d'encadrer la production civile et de soumettre l'économie aux impératifs de la guerre.
Dirigisme ?
La planification est systématiquement qualifiée péjorativement de « dirigisme » par les agents de la propagande néolibérale. Il n’y a pourtant rien de scandaleux à ce que les parlements, les gouvernements, les collectivités locales, les entreprises nationales et les citoyens exercent un pouvoir d'orientation et de décision sur l'économie afin de l'organiser selon certaines fins. Il est même hautement souhaitable qu’il en soit ainsi et que les moyens de l’État soient utilisés pour orienter l'activité économique par le contrôle du crédit, de la monnaie, de la fiscalité, de la politique du commerce extérieur, de la politique de la Sécurité sociale, des salaires et des investissements… Le dirigisme, dans ce sens, est nécessaire. Nous considérons en effet que c’est à la Nation et non aux marchés de diriger l’économie et plus encore la société.
Colbertisme ?
Pour les agents de propagande du néolibéralisme, qualifier quelqu’un ou une organisation de « colbertiste » est une grave insulte. Le mot vient du nom de Jean-Baptiste Colbert, ministre d'État et contrôleur général des finances de Louis XIV. Les principes colbertistes demeurent profondément associés dans notre pays à la définition du rôle de la Nation (en politique), de l'État (en économie) et de certaines branches de l'activité nationale. Colbert manifeste une volonté d'ordre dans les finances, la monnaie, les corporations, les fabrications. Il entend impliquer toutes les forces de la Nation : hommes, techniques et capitaux. Pour que cet effort de modernisation puisse se faire, il met en place :
• un protectionnisme qualifié « d'éducateur » et exclusivement industriel ;
• l'octroi de subventions à l’exportation ;
• la mise en place de commandes publiques ;
• un développement extrêmement contrôlé des colonies entièrement dépendantes de la métropole.
À l'époque du Grand Siècle français, il entend développer un climat supérieur de civilisation, où la qualité est reine :
• développement des industries du luxe (métiers d'art, textiles, verreries, dentelles, soies et velours...) ;
• révision des normes de qualité : l'objet vaut par ce qu'il est.
Colbert transforme la logique mercantiliste d’accumulation de métaux précieux qui est la norme à l’époque dans la classe dominante, en une organisation méticuleuse de l’État qui sera un vecteur de puissance et de grandeur pour le pays et son monarque. Les soutiens apportés à l’industrie française par l'État (dont les fameuses manufactures) ne sont pas conçus pour durer éternellement : l’objectif est que les entreprises acquièrent un savoir-faire et une taille suffisante (qui entraîne des économies d'échelle) qui leur permettront de devenir compétitives face aux principales concurrences de l'époque, anglaises et hollandaises.
En ce sens nous sommes colbertistes.
Interventionnisme ?
Après le « dirigisme » et le « colbertisme », « l’interventionnisme » figure également dans le lexique des insultes des propagandistes néolibéraux. Ils qualifient ainsi d'interventionnisme l’action de l'État lorsque ce dernier participe à l'économie du pays pour favoriser certains groupes sociaux ou certaines activités.
Il existe divers leviers d'intervention économique, conduisant à diverses formes d'interventionnisme :
• l'État-providence, agissant sur la redistribution des revenus ;
• l'aide à l'investissement ou à la création d'entreprises pour favoriser la création et le développement de « champions nationaux » ou de nouvelles filières ;
• l’orientation du budget public de recherche scientifique vers des domaines jugés prioritaires ;
• le développement des infrastructures (transports, eau, électricité, communications...) considérées utiles à l'activité économique ;
• la politique industrielle ;
• le protectionnisme défensif (barrières à l'importation) ou offensif (subvention des exportateurs, grands contrats d'exportation négociés d'État à État, etc.) ;
• la politique monétaire et budgétaire dans une optique d'action conjoncturelle ;
• la réglementation commerciale du travail (salaires, horaires), environnementale, etc.
L'interventionnisme économique est une stratégie qui cherche à doser la part du marché et celle de l'État. Les débats ont toujours été très vifs concernant le niveau de ce dosage, permettant de compenser notamment les effets pervers de chacun des systèmes. Ce niveau varie selon le contexte et selon les objectifs poursuivis. Le Plan vise à modifier la société en profondeur, à contrer les « effets pervers » et la « myopie » du marché. Il est pour nous une révolte de la société contre le marché.
Nous sommes évidemment pour une intervention de la Nation dans les affaires économiques, domaine qui a toutes les raisons d’échapper au monopole des classes dominantes.
Étatisme ?
C’est une autre insulte des agents du néolibéralisme qui s’ajoute à la panoplie déjà décrite. L'étatisme, dérivé du terme État, peut prendre plusieurs sens selon les contextes, il peut désigner à la fois :
• un courant ou doctrine politique selon laquelle l'État doit intervenir systématiquement, de façon plus ou moins directe, par le biais de son monopole territorial, dans les principaux domaines sociaux et d'activité économique ;
• l'exercice des pouvoirs de l'État, et l'expansion de son champ d'intervention sur la société ;
• les moyens par lesquels l'État exerce et détient un monopole plus ou moins important sur des secteurs économiques (entreprises contrôlées directement ou indirectement par l'État), sociaux et médico-sociaux, culturels et de communication (télévision publique).
L'étatisme est une doctrine, politique ou culturelle, selon laquelle l'État doit être le centre et la principale structure qui dirige, administre et contrôle tout ou partie de l'activité sociale ou économique. L'étatisme peut couvrir différents sens ou domaines, ceci selon la légitimité ou la non-légitimité que les individus trouvent dans l'action de l'État. C'est une forme de pouvoir politique exercée de façon autoritaire, voire discrétionnaire par l'État qui peut être désignée comme étatiste. On retrouve parmi les courants d'idées opposés à l'étatisme les libéraux, les anarchistes, et certains communistes. Ceci étant, les motivations et raisons de fond de cette opposition diffèrent selon les moyens et fins à atteindre.
Si nous sommes favorables à une intervention de l’État démocratisé dans l’économie, nous sommes opposés à l’étatisme précisément dans le sens où il se substitue à la souveraineté du peuple.
Notre conception de la planification
Le Parti la démondialisation s’inspire du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) en matière de planification. Planifier, c’est se projeter dans l’avenir, c’est rompre avec le climat morbide installé par les politiques néolibérales fondées sur l’austérité, la menace, le chantage et la peur. La formule « no future » s’applique ainsi à des millions de personnes, des jeunes en particulier, qui ne voient aucune perspective qui pourrait les mobiliser. C’est pourquoi ils sont si nombreux à s’expatrier.
La planification que propose le Parti de la démondialisation n’a rien à voir avec la caricature qu’en ont donné les pays qui se réclamaient du socialisme, comme en URSS ni même à ce qui s’est fait en France après la Seconde Guerre mondiale. Elle vise au contraire à recréer un avenir, à reconstruire la France, à la libérer de la mondialisation qui l’a mise à genoux, selon des méthodes démocratiques de délibération publique et de contrôle du parlement. Encore faut-il préciser de quoi nous parlons et définir avec précision les notions utilisées. À cet égard, l’expérience du programme du CNR mis en œuvre à la Libération grâce à un Plan est indispensable à analyser. C’est en tenant compte de cette expérience que le Parti de la démondialisation propose la création d’un ministère du Plan et une planification démocratique. Son orientation générale est de reconstruire la France, défigurée par quatre décennies de politiques néolibérales, pour améliorer la vie quotidienne des Français.
L’économie doit se recentrer sur ce qui doit être pour nous son essence : satisfaire correctement les besoins de la population, de toute la population, et au premier rang desquels se trouvent les besoins de subsistance. En France – tel est notre projet politique – chacun, quel que soit son revenu ou son patrimoine, doit pouvoir se nourrir en disposant d’une alimentation saine issue globalement de l’agriculture biologique ou paysanne française, se loger sans être pénalisé par des prix prohibitifs, se vêtir au moyen d’une production très majoritairement française, se soigner quasi-gratuitement. À ces besoins de subsistance, physiologiques, vitaux, s’ajoutent des besoins de base propres à notre époque comme s’éduquer et se former, se cultiver, se distraire, voyager, vivre en toute sécurité dans un environnement sain et agréable, communiquer, etc.
L’État démocratisé (voir sur cette question la partie VII de notre programme) doit organiser ce recentrage de l’économie, il doit la diriger. Les autorités politiques doivent montrer leur préoccupation relative à l’approvisionnement de la population. La production et la distribution ne peuvent avoir lieu sans un centre établi à partir duquel celles-ci sont coordonnées, et c’est le rôle de l’État. Ces opérations ne sont nullement une modalité de comportement individuel et ne peuvent relever du marché.
Tenir compte des échecs des économies planifiées
La planification économique que nous voulons est basée sur un pouvoir de décision détenu par le parlement et le gouvernement à la suite d’un débat national pour choisir les grandes orientations stratégiques. Les difficultés concrètes de la mise en place d'une économie planifiée ne doivent cependant pas être ignorées, notamment à partir de l’expérience des pays socialistes. Parmi les difficultés il a été observé que plus une économie nationale se diversifie, plus le nombre des produits qu’on y fabrique s’accroît, plus les procédés techniques mis en œuvre se multiplient, et plus certaines formes de centralisation risquent de devenir inefficaces car le processus de planification peut se trouver submergé par le nombre et la complexité des problèmes à résoudre et par la multitude des connaissances et des informations dont il faut disposer pour les résoudre correctement. Plus la société se développe, plus la planification doit se concentrer sur les grandes priorités stratégiques, sans entrer dans les détails au niveau national si on ne veut pas être noyé dans la complexité de l'activité humaine. C’est pourquoi la planification ne peut porter que sur les grandes orientations structurelles, le marché conservant toute sa place afin de permettre la souplesse nécessaire. Une grande liberté doit être accordée aux collectivités locales, aux services publics, aux entreprises nationales, aux PME et TPE. Et à la parole des citoyens.
La seule solution efficace et crédible, pour nous, est la décentralisation de la planification, c’est-à-dire les décisions stratégiques relevant du parlement, et les décisions d’application plus détaillées relevant des entreprises nationales, services publics, collectivités territoriales. La planification ainsi conçue affaiblira le capitalisme car elle offre la possibilité d’utiliser pleinement les capacités productives (main-d’œuvre et équipements), permettant de construire un système plus juste et plus rationnel du point de vue économique, social, environnemental, démocratique. En outre les gains pour la population seront considérables puisque le chômage structurel disparaît, le pouvoir d’achat augmente grâce à un rapport de force favorable au peuple, le sentiment d’appartenir à un système plus égalitaire dynamise les énergies.
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