Le 04-08-2023
Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Parti de la démondialisation chargé des relations internationales.
An 1789 : la révolution est en marche. En effet, la réunion des « états généraux » à Versailles le 5 mai doit être considérée comme le premier acte révolutionnaire. Non pas la réunion en elle-même car la réunion d’états généraux n’est pas une nouveauté même si les précédents remontent assez loin (les derniers s’étaient réunis en 1614), mais c’est la nouvelle composition de cette Assemblée et son nouveau fonctionnement qui sont sans conteste révolutionnaires.
An 2023 : la prochaine révolution sera une rupture radicale avec le système néolibéral et la création collective et populaire d’une nouvelle constitution.
Avant 1789 les états généraux étaient composés d’environ 900 membres, chaque ordre de la Nation (clergé, noblesse et tiers état) y déléguant 300 des siens. Lors des votes, chaque ordre ayant une voix, le résultat ne posait aucun problème à la royauté, les députés du clergé étant en large majorité des membres du haut clergé issus de la noblesse.
En 1789, grâce à des actions soutenues, le tiers état parvient à arracher au pouvoir royal deux réformes capitales : le « doublement du tiers » et « le vote par tête ». Les états généraux de 1789 comportent donc environ 1 200 députés dont 600 représentants du tiers état. Désormais lors des votes, chaque député comptera pour 1 voix. Le tiers état, par ses pressions incessantes et résolues, s’est donné les moyens de mener à bien son projet, à savoir « ne pas se séparer avant d’avoir donné une Constitution à la France » (serment du Jeu de Paume).
Naissance de la souveraineté nationale
Une révolution juridique vient de s’accomplir : la souveraineté nationale s’est substituée à l’absolutisme royal grâce à l’union de tous les députés conscients de la nécessité de réformes.
A partir du 5 mai, les états généraux, bientôt autoproclamés Assemblée Nationale puis Assemblée Nationale Constituante, se sont organisés en commissions de travail avec la mise en chantier de la « Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen », qui sera publiée le 26 août (achevée en’1791). Mais le pays est en pleine crise financière et économique. À Versailles, le roi et l’aristocratie complotent et menacent, cherchant par tous les moyens y compris militaires à se débarrasser de cette Assemblée inquiétante, afin de récupérer les concessions qu’ils ont dû accorder au tiers état.
Le peuple répond à ces menaces en cherchant à s’armer, ce qui conduit à des pillages de boutiques d’armuriers et à la prise de la Bastille le 14 juillet. La récolte d’armes est maigre ce jour-là, mais la Bastille est le symbole de l’arbitraire de la monarchie absolue puisque c’est là que le roi emprisonnait ses ennemis sur simple lettre de cachet. De plus, cette journée a vu tomber la première tête d’aristocrate, celle du gouverneur du lieu, qui sera promenée toute la nuit au bout d’une pique à travers Paris !
La révolution devient populaire. Grâce au peuple parisien et aux hésitations de la monarchie, la bourgeoisie parvient à se donner un embryon d’administration en créant la municipalité de Paris et en se dotant d’une garde nationale qu’elle réussit à faire reconnaître par le roi. La plupart des grandes villes suivront l’exemple parisien.
La nuit du 4 août… l’abolition des privilèges
C’est dans ce contexte qu’une réunion exceptionnelle de l’Assemblée est convoquée pour la nuit du 4 août. Cette réunion donne lieu à un spectacle inattendu, inouï. En effet, un véritable vent de folie semble souffler sur l’Assemblée ! Les plus hauts dignitaires de l’Ancien Régime défilent à la tribune et dans un enthousiasme et une euphorie relatés dans tous les documents d’époque, abandonnent leurs divers privilèges.
Pourquoi ? Le 14 juillet et ses suites en sont l’explication. En effet, l’information circule mal à cette époque et ces événements parisiens qui se répandent en province à partir de la seconde quinzaine de juillet, y parviennent déformés, grossis, ce qui embrase, à leur tour, les campagnes. C’est la « Grande Peur ». Le monde paysan craint « le complot aristocratique » qui se trame à Versailles et la destruction de ses récoltes par les bandits qui écument les campagnes en cette période de crise et de chômage.
Les paysans entrent à leur tour dans la révolution : ils pillent et brûlent les châteaux, s’attaquant aux biens des aristocrates. Ils s’en prennent tout particulièrement aux « terriers », les archives seigneuriales sur lesquelles sont inscrits les droits féodaux que les paysans doivent à leurs seigneurs, espérant ainsi s’en débarrasser faute de preuves.
C’est cette révolte des paysans qui a affolé les aristocrates et les a conduits à se dépouiller volontairement d’une partie de leurs privilèges dans la nuit du 4 août. Mais comme la suite le montrera cette action était largement calculée…
Certes l’Ancien Régime féodal s’écroule cette nuit-là mais seulement verbalement. Car les députés de la noblesse et du clergé reviendront sur les réformes promises. Surtout, les paysans n’obtiennent pas la suppression des multiples droits féodaux qui pèsent sur la terre des seigneurs qu’ils cultivent. En effet, les droits féodaux, considérés comme faisant partie des biens seigneuriaux, sont déclarés « rachetables »… Toutefois la majorité des paysans n’ayant aucun moyen de payer la somme forfaitaire exigée ne pourront les racheter et continueront donc à les payer. Pour la masse des petits paysans c’est une amère déception. La bourgeoise, que l’atteinte au droit de propriété commence à inquiéter, n’est pas prête à les suivre.
Pourtant les résultats de cette nuit du 4 août n’en furent pas moins d’une extrême importance : ce sont tous les liens de servitude personnels (corvées…), tous les privilèges des individus (droit d’aînesse, hérédité des « charges » octroyées par le roi) et des ordres (dîme payée au clergé, titres de noblesse et blasons, droits de colombier, de chasse, etc., dus aux seigneurs) mais aussi les privilèges des provinces et des villes (péages, droits d’octroi) qui sont mis à bas cette nuit-là. On peut donc parler d’ébranlement de l’Ancien Régime féodal, même si il faudra attendre la tentative de révolution populaire et le décret du 17 juillet 1793 de la Convention nationale pour que les privilèges féodaux soient abolis sans contrepartie.
En août 1789, la bourgeoisie, grâce à l’intervention populaire, a fait table rase de l’Ancien Régime. Oubliant l’aide déterminante du peuple, elle reconstruira la France à son profit…
2023 et la suite
Aujourd’hui, avec Macron, la bourgeoisie contemporaine, financière, mondialiste, européiste et atlantiste poursuit le mouvement entamé depuis de nombreuses années, par tous les gouvernements de « droite » comme de « gauche », en inversant les termes d’alors. Ils n’ouvrent que pour le maximum de profit en détruisant la France et en asservissant son peuple !
En 2023, comme en 1789, la question du changement de régime est vitale pour le peuple de France. Nous ne reviendrons pas ici sur la longue liste des changements radicaux à effectuer ni sur les mesures immédiates à prendre en faveur des classes dominées. Elles sont détaillées dans les nombreux textes et dans le programme du Pardem (https://pardem.org/les-dix-points-cles-du-programme-du-pardem).
En revanche, nous retenons les leçons de l’Histoire et affirmons simplement, mais avec force, que pour en finir avec le régime néolibéral autoritaire de la nouvelle bourgeoisie, incarné par Macron et sa clique mondialiste, une nuit du 4 août ne nous suffira pas ! Pour rompre avec le système il nous faudra construire une nouvelle constitution fondée sur des droits nouveaux inaliénables pour le peuple d’aujourd’hui et de demain et construire un programme révolutionnaire. La tâche est immense mais l’histoire atteste qu’une révolution est toujours possible !
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