Du mépris à la fierté

gilets jaunes

Que la Fête commence ! (1)

Vœux du Parti de la démondialisation (Pardem)

Par Michèle Dessenne, vice-présidente du Pardem

Le 2 janvier 2019

 

Mon gilet jaune, tu l’aimes mon gilet jaune ?
Et mes cahiers de doléances, tu les aimes mes cahiers de doléances ?

Mes ronds-points, tu les aimes aussi ?
Et mes filtrages, tu les trouves beaux mes barrages ?

Tu les vois dans la glace mes assemblées citoyennes ?
Et le RIC, il te plaît mon RIC ?

Et mes mots d’ordres ? Tu les aimes ?
Elle te plaît ma révolte ?

Alors tu m’aimes totalement ?

 

Oui, totalement, tragiquement. *

* Librement inspiré du film de J.-L. Godard, « Le Mépris ».
 

Ils ont eu beau tenter de bourrer le crâne des téléspectateurs, de la « populace » au « popu-lisme » le mépris du peuple par les élites et les classes dirigeantes a échoué. La fierté de constituer un peuple éclate au grand jour y compris sur la scène internationale. Héritiers des sans-culottes, armés du drapeau de la nation et s’identifiant à la Marianne ensanglantée par les politiques néolibérales, c’est la France qui est debout, vaillante, fière, impertinente, chantant La Marseillaise, porteuse de fraternité, éclatante de désir pour l’égalité, revendiquant des augmentations de salaires, des retraites, et l’instauration d’une véritable démocratie.

PAROLES DE GILETS JAUNES LE 29 DECEMBRE 2018 :

« Qu’est-ce qu’on veut ? Le gouvernement n’a qu’à lire nos cahiers de doléances »

« On ne veut pas laisser les gouvernements nous laisser des miettes ! »

« La mobilisation est nécessaire et continuera tant que le peuple n’aura pas été entendu »

« Macron démission »

« Dissolution de l’Assemblée nationale »

« On n’est pas fatigué »

« On veut le RIC » (2)

« Nous voulons davantage de démocratie et davantage de choix politiques »

 

Les Gilets jaunes se sont auto-nommés, auto-organisés, autonomisés. Nom d’un chien, qu’ils apprennent vite les méprisés, traités de gueux, d’illettrés, d’abrutis de télé réalité, de clopeurs et de rouleurs au diesel, de drogués à la pub, de sans-dents, les invisibles, les silencieux, les petits, tous ceux qui ne comptent pour rien et sur qui repose la production de richesses, les spoliés et piétinés, dilués dans le marasme d’une société inhumaine dirigée par quelques privi-légiés bénéficiant de la mondialisation néolibérale.

Emancipés des dogmes et des rituels institués, les « Gaulois réfractaires » s’en sont créés de nouveaux. Les invisibles ont envahi l’espace public sans autorisation préalable : chaussées, ronds-points, périphériques, autoroutes et quartiers riches de Paris, là où ils étaient interdits de séjour. Mieux ils ont donné à voir leur pauvreté dans un monde où il est de bon ton de cacher la misère. Ô ma France !

Qu'elle monte des mines descende des collines
Celle qui chante en moi la belle la rebelle
Elle tient l'avenir, serré dans ses mains fines
Celle de trente-six à soixante-huit chandelles
Ma France »
Jean Ferrat, Ma France, 1969. Extraits.

 

Les Gilets jaunes brillent depuis des semaines dans l’espace public. Ils y ont construit des « squats » à l’air libre sur les ronds-points, des lieux symboles mais réels, ouverts à tous ceux qui partagent la même colère. C’est table ouverte, constituée des nourritures apportées par chacun, par les dons des soutiens, des passants, des voisins, des automobilistes, des rou-tiers… On y a même réveillonné, comme en famille.

Ils sont devenus en un temps record non seulement des camarades mais des amis, des frères, des sœurs, des cousins, unis par la lutte et une fraternité qui leur avait été confisquée par la dictature du chacun pour soi, de la concurrence entre travailleurs, entre travailleurs et privés d’emploi, entre pauvres et miséreux, entre jeunes et vieux, entre salariés du privé et agents publics, entre gens des champs, des banlieues et du péri-urbain.

Ils résistent à tous les méprisants patentés et aux « méprisants malgré eux » qui les considé-raient comme des idiots manipulés, trop loin de la pureté des « corps intermédiaires » si utiles au « dialogue social ». Mais pas de pot pour les dominants imbus d’eux-mêmes, nourris au poison de l’entre-soi, camés au néolibéralisme et à l’Union européenne et à la morgue de l’héritage et du capital. Pas de bol non plus pour les organisateurs patentés des manifs Répu-blique-Bastille. Les gens du peuple ont repris la parole et ne veulent plus la lâcher. Ils n’étaient rien et veulent être tout ! Ni la violence policière ni la perfidie des grands médias ne parvien-nent à les désarmer.

 

Ça secoue, ce vent nouveau et rafraichissant !

Figurez-vous qu’ils savent même se servir avec brio des réseaux sociaux pour s’organiser, galvaniser leurs forces et, plus encore, ils écrivent !

Hé ouais ! Ça vous en bouche un coin les arrogants ! Les GJ écrivent le récit de leur propre histoire au-delà des slogans et des tracts. Ils expriment leur colère, agissent et décrivent leur vie faite de tant de frustrations et de privations. Ils s’inscrivent dans l’histoire de la France. Ils filment leur lutte et mettent sur papier numérique leur volonté de foutre en l’air ce système d’hyperviolence qui bafoue les droits, instaure la misère, écrase les plus faibles et désormais la masse du peuple, chair à pâtée du capital mondialisé les privant de leur souveraineté et de démocratie.

 

Inimaginable ma chèèère ! Que cessent ces obscénités !

Marie-Chantal se désespère : Mais pour qui se prennent-ils avec leur RIC (beurk, quel vilain mot). Quoi ? Ils ne veulent plus être dirigés par les sachants, les cultivés, les experts que nous avons formatés, les respectueux des institutions ? Ils crachent sur les parlementaires ? Oh là là ! Se méfient des partis politiques et du ballet de l’alternance, des syndicats, tous affiliés à la CES heureusement (3). Ils n’utilisent pas le registre de langage convenu, ils brandissent les drapeaux bleu blanc rouge, et même, alors là quel toupet, ils invoquent la Révolution. Comme si d’un coup ces GJ avaient crevé la chape de plomb du politiquement correct. Quelle inso-lence ! Aucun savoir-vivre. Un cauchemar ! Leur reviennent en déferlante les images et la mémoire collective d’un peuple fier et conquérant, celui de la Révolution française, des Sans-culottes et de tous les soulèvements populaires qui ont jailli dans l’histoire et ont fait changer le cours des choses.

Mais enfin, Marie-Charlotte, dans quel pays vivons-nous ? Ne devrions-nous pas comme BHL (4), cet ex-soixante-huitard radicalement repenti et qui nous est devenu si précieux, menacer de quitter cette terre devenue infréquentable ? Pensez-donc, Charles-Henri, ils mettent leurs gros croquenots et leur fringues hideuses pour envahir la plus belle avenue du monde et le triangle d’or ! On n’est décidément plus tranquilles chez nous !

Ils braillent des mots d’ordre insolents à l’encontre des nôtres, certains menacent notre Hérault européen de la guillotine, surnomment sa bien-aimée Marie-Antoinette et d’autres agressent nos chers députés LREM… Ce samedi 29 décembre, ils se sont même massés devant notre grande chaîne de télévision préférée. BFM assaillie ! Où allons-nous ? Et même la Police n’est plus respectée. Heureusement que notre président lui a accordé une petite prime de Noël de 300 euros et promis de discuter pour le paiement des heures supplémentaires (pffut). Il ne manquerait plus que nos forces de l’ordre revêtent elles-aussi un gilet jaune !

Cependant il faut bien reconnaître que notre Jupiter a commis des erreurs. Le Benalla est une épine de taille dans sa chaussure vernie. Qu’on veuille se lier avec un homme courageux et aventurier est certes utile, encore faut-il se donner les moyens de contrôler son homme de main. Il patauge un peu notre président des riches. Trop sûr de lui, il n’avait pas tout compris de l’exercice du pouvoir. Pourtant nous l’avions bien sélectionné. CV impeccable, âge idéal, silhouette avantageuse, amis recommandables, discours bien rôdé et détermination sans faille pour faire aboutir la panoplie de nos attentes : encore plus de libre-échange, de liberté d’entreprendre, moins de dette publique pour faire faire passer à notre profit la réduction du nombre de fonctionnaires, ces privilégiés qui s’ignorent, ces plaies de l’Etat social, la paupéri-sation de la Sécu pour faire fructifier nos actions en matière d’assurance, plus de taxes pour faire croire que nous étions accro à l’écologie. Bien joué d’ailleurs avant que les horribiles ne s’attifent de hardes fluorescentes… Mais bon, la DRH n’est pas toujours à la hauteur de ce que nous attendons d’elle, et ce, ma chèèèère amie, malgré nos formations répétées et, la plupart du temps, son sentiment de partager les valeurs de notre monde. Devons-nous désor-mais douter du bien-fondé de notre recrutement ? N’allons pas trop vite. Emmanuel et Brigitte en vacances à Saint-Tropez nous ont mis du baume au cœur tout comme ses vœux aux Fran-çais le 31 au soir. Il a réussi l’exploit de ne pas citer les gueux excités, nous a rassurés sur ses convictions européennes sur le maintien des prochaines réformes. Ouf ! D’ailleurs l’annonce d’un grand raout, heu ! je voulais dire une manifestation, en soutien à notre Jupiter, le 27 jan-vier, pansera nos plaies. Je suis certaine que la Police assurera notre sécurité avec brio et déférence.

 

Des Gilets jaunes candidats aux élections européennes ? Une bonne nouvelle ?

La bonne nouvelle, car oui il y en a une, mes amis de la Haute, est que certains des GJ veu-lent se présenter aux élections européennes. Quels bêtas ! Mais tant mieux pour nous. Cette belle inspiration éviterait à notre représentant de sombrer dans la débâcle électorale en mai 2019. Et puis une liste de gueux en jaune cela ferait du bien aux étoiles de notre Union euro-péenne tant aimée, apporterait du panache au caractère démocratique de son parlement (Ah ! Ah !), renforcerait sa crédibilité face à ceux qui veulent nous priver de ses bienfaits. Car oui, ce fut une idée de génie que la construction de cette alliance supranationale de notre classe. Une pure merveille que cette Union européenne, mes chers Jean (Monnet) et Robert (Schuman), dirigée de main de maître par notre ami Jean-Claude Juncker. Grâce à vous nous sommes assurés de la préservation de notre capital, facilités dans nos démarches d’évasion fiscale, de placements financiers juteux, de baisse des salaires, de réduction des droits sociaux (pouah ! que cette expression de la vile populace est hideuse), de privatisations et de délocalisations et, surtout, ne l’oublions pas, de notre totale liberté d’investir là où il fait bon faire fructifier notre pognon de dingue : les pays à bas coût salarial et à fiscalité avantageuse pour nos profits. Evidemment je n’oublie pas les magiques directives, les normes profitables à des marchés nouveaux, les traités internationaux comme le CETA, le JEFTA et bien d’autres. Mais le must est votre talent inimitable pour dire le contraire de ce que vous faites afin d’étouffer toute velléi-té de sortir de ce système si parfait pour nos intérêts qu’on ne pouvait même pas imaginer qu’il serait mis en place. Enfin débarrassés des miasmes de la nation et des frontières, nous avons confisqué au peuple la souveraineté monétaire et budgétaire. Ô mes beaux profits grâce à l’euro, cette monnaie unique qui échappe à l’Etat. Et la BCE, elle n’est pas exceptionnellement efficace, la BCE ? Et le TFUE (5), je l’aime aussi. Mais on a eu chaud aux miches. Avouons que nous avons subi un coup de grisou en 2005 quand le peuple ignorant s’est mis à lire le texte savamment illisible et a, malgré tous nos efforts pour le persuader que l’Europe c’est la paix et l’amour, osé voter non au TCE (6). Ô Dieu quel stress ! Au Fouquet’s et dans nos grandes brasseries préférées nous avons échangé nos tourments pendant quelques se-maines. Nous avons failli douter mais, heureusement, nos élites formées à tous les bons coups ont concocté le Traité de Lisbonne. Bien vu, d’autant qu’il a été intégré à la Constitution française grâce à la belle servitude des parlementaires français ! Ainsi tout ce qui faisait en-core obstacle au développement de nos grandioses projets de réformes drastiques est désor-mais éradiqué. Ah Ah ! C’était ça notre Plan B. Nous avons fêté l’événement comme il se doit. Sauver et pérenniser nos libertés n’a pas de prix !
Marie-Chantal, bien installée dans son salon Louis XV, rassérénée par ses propos, savoure une gorgée de thé brûlant de chez Mariage

 

Raté pour les élitistes : l’année 2019 annonce la couleur du peuple !

Malgré leur arrogance et leur arsenal européen les élites n’ont pas le vent en poupe. Le roitelet rase les murs. Les députés LREM flippent. L’Union européenne s’inquiète d’un dépassement budgétaire de la France. Que pouvait-on rêver de mieux pour cette nouvelle année ? Que cette déferlante collective, qui envahit les rues, les routes, les réseaux sociaux, occupe toutes les discussions et reste soutenu par une majorité de citoyens. Que ce fier peuple en lutte qui veut continuer sans se prendre les pieds dans des négociations petits bras. Alors oui, que la fête commence, maintenant que la peur a changé de camp ! Certes les dominants ont encore les rênes du pouvoir, de la Police, de l’Armée mais ils sont désormais à nu. Ils sont définiti-vement disqualifiés et démythifiés. Aucun de leurs discours ne peut plus convaincre qu’ils agissent pour le bien du peuple, du pays. Après le bling-bling de Sarkozy, la pleutrerie de Hol-lande, la morgue de Macron a fait long feu. La puissance de la révolte est là. Ainsi dans les mois qui viennent c’est le pays tout entier qui pourrait basculer dans une révolution populaire salvatrice. Souhaitons que l’abstention citoyenne aux élections européennes de mai 2019 sonne le glas de l’Union européenne. Souhaitons qu’une dissolution de l’Assemblée nationale mette à bas le système politique institutionnel complice de la confiscation de la souveraineté du peuple. Que naisse une Constituante populaire grâce à des candidats Gilets jaunes, por-teurs du RIC, et permette le retour à la nation indépendante, déliée du Traité de Lisbonne et libre de décider de ses politiques. Souhaitons que ses couleurs éclairent une véritable Répu-blique sociale pour le peuple et par le peuple.

Souhaitons aussi que notre révolte continue de franchir les frontières. Déjà des Gilets jaunes ont fait irruption dans 22 pays. Amis et camarades, le pays de la Révolution française et de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme a encore et toujours un sens universel. Soyons fiers de porter notre gilet jaune en 2019, hérité de l’histoire révolutionnaire de notre peuple ! Pour gagner !

 

Et pour complètement bien commencer l’année :
 

  • Regardez cet extrait du film de Henri Verneuil de 1961, « Le Président »

{"preview_thumbnail":"/sites/default/files/styles/video_embed_wysiwyg_preview/public/video_thumbnails/o6pcBGpag2o.jpg?itok=lAXJbi5l","video_url":"https://youtu.be/o6pcBGpag2o","settings":{"responsive":1,"width":"854","height":"480","autoplay":0},"settings_summary":["Embedded Video (Adaptatif)."]}

 

 

Alors, à toutes et à tous, une bonne année 2019, en jaune bien sûr !

 

1. Film de Bertrand Tavernier (1974) : "Tavernier culbute l’Histoire dans une fresque aussi truculente que satirique. Entre cynisme et désenchantement, le germe de la révolution.”
2.- RIC : Référendum d’initiative citoyenne.
3.- CES : Confédération européenne des syndicats, vulgaire appendice de l’oligarchie euro-péenne.
4.- BHL : Bernard-Henri Lévy, aventurier chouchou des grands médias, au service des classes dominantes (et du sien).
5.- TFUE : Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (appelé traité de Lisbonne).
6.- TCE : Traité constitutionnel européen, soumis à référendum le 29 mai 2005, et pour lequel 55% des Français ont voté NON.