La réforme du baccalauréat

Par Andrée Hemet, membre du Conseil national du Pardem

Le 7 février 2018

Ecole

M. Blanquer, ministre de l’Education, a déclaré mettre à l’étude un nouveau bac pour 2021. Des décisions déterminantes sont déjà arrêtées et signalées comme non négociables : quatre épreuves terminales (3 à l’écrit dont une de philosophie), deux "majeures", un oral pluridisciplinaire, et l’instauration d’un contrôle continu.
Si les syndicats enseignants reconnaissent la nécessité de réformer le bac et regrettent de n’avoir pas été consultés, aucun d’entre eux n’indique l’objectif politique de ces annonces.

Le modèle anglo-saxon des "compétences"

Depuis trente ans, malgré l’alternance des gouvernements, les politiques du ministère de l’Education nationale la soumettent à la même idéologie libérale qui discrédite et supprime les programmes nationaux et le modèle républicain d’instruction pour y substituer un système calqué sur le modèle anglo-saxon basé sur les "compétences" : le système curriculaire (1).

 

Le curriculum c’est le parcours d’apprentissage d’un élève, ce qu’il a compris, ce qu’il est capable de réutiliser. M.Blanquer a déclaré au sujet des deux disciplines "majeures" du futur bac : « deux disciplines qui sont deux points forts, qui disent quelque chose de vos goûts et de vos désirs ».
L’approche curriculaire, sous prétexte de parcours individualisé et personnalisé, a pour but de faire coïncider "l’offre scolaire" au monde du travail et aux besoins du marché, d’adapter l’école à l’élargissement de ses publics plutôt que d’exiger de ses publics des savoirs déterminés. C’est l’abandon définitif des valeurs républicaines de liberté et d’égalité.

La reproduction sociale valorisée

L’instrumentalisation des neurosciences contribue à maintenir les élèves dans le milieu social dont ils sont issus. En individualisant à outrance l’enseignement, c’est la reproduction sociale qui est valorisée. Selon le "bassin social", et les "singularités territoriales", l’école offrira certaines options correspondant aux besoins des entreprises locales.

Selon les "territoires"...

La quasi-suppression des classes bi-langues dans l’académie de Normandie et leur maintien dans celle de Paris montrent bien que le but est de réduire le coût, donc la qualité, de l’enseignement et de coller aux besoins de l’économie avec des emplois très qualifiés et bien rémunérés mais peu nombreux d’un côté et des emplois très peu qualifiés et très peu rémunérés mais majoritaires de l’autre.
Ces réformes réduisent les coûts de la scolarité : un lycée professionnel offrant des filières tertiaires peu qualifiantes coûte 4 fois moins cher qu’un lycée professionnel industriel et absorbe une plus grande masse d’élèves.
Faisant fuir les classes moyennes dans le privé, ces réformes confirment le désengagement et la réduction des investissements de l’État et conjointement le développement des "offres" privées d’éducation (le "marché scolaire" est évalué à 3 200 milliards d’euros).

Ces nouvelles réformes consolident la logique différentialiste : il sera désormais donné à l’élève un enseignement selon la catégorie socio-professionnelle de ses parents, et selon le niveau socio-économique du territoire sur lequel son école est située. Le droit à la différence implique désormais la différence des droits.

 

 

(1)-cf. F. Boudjahlat- http://www.mezetulle.fr/ocde-et-terra-nova-une-offensive-contre-lecole-republicaine/