Grèce, entends-tu le vol noir des corbeaux sur tes plaines ?

Avant chaque déboursement de crédits prévus dans le « plan de sauvetage », les « créanciers » augmentent leurs exigences. La dernière réunion de l’Eurogroupe du 26 janvier 2017 en présence de responsables du FMI, a été du même tonneau. Alors que Tsipras attend un déblocage des crédits européens pour l’aider à refinancer environ 6 milliards de dettes en juillet, la discussion a donné lieu aux menaces habituelles, où il n’est question que « de tenir les engagements, de mettre en œuvre les réformes, de diminuer les déficits, de retrouver une croissance soutenable, etc. ». Elle s’est achevée par une nouvelle humiliation pour la Grèce et son peuple.

Un nouvel ultimatum vient d’être lancé au gouvernement grec. Alexis Tsipras doit trouver un accord avec les créanciers du pays pour la réunion européenne du 22 février. D’ici là, une ébauche complète du plan proposé par Tsipras doit être présentée à Bruxelles le 6 février. Michel Sapin, le ministre français des Finances, met la pression en rappelant qu'il y a, en 2017, des élections aux Pays-Bas, en France et en Allemagne et que la Grèce risque de trouver des « partenaires européens » moins disposés à son endroit.

La discussion porte, comme d’habitude, sur les ratios financiers qui tiennent lieu de politique pour les responsables européens et du FMI. Alors que Tsipras soumet le peuple grec à une austérité inhumaine pour réaliser un excédent budgétaire (avant paiement de la dette et des frais financiers) de 1,5 % en 2016, les responsables politiques européens ont conditionné leur aide, pourtant prévue, de juillet prochain à un surplus budgétaire primaire de 3,5 % à partir de 2018 et ce pendant au moins vingt ans !

Volte face du FMI

Jusqu’alors le FMI qualifiait un tel niveau d’excédent budgétaire d’irréaliste et même de contre-productif. Mais le FMI a complètement changé de position. Non seulement, il soutient l’objectif de 3,5 % d’excédent budgétaire mais il exige en plus des garanties. Ce pilier du néolibéralisme conditionne maintenant son soutien au « plan de sauvetage » à l’adoption préventive par le gouvernement grec de mesures d’austérité supplémentaires. Bien sûr ces dernières s’ajouteront à celles déjà prévues dans le plan de sauvetage et devront être automatiquement mises en œuvre dès le plus petit dépassement budgétaire de la Grèce.

Le gouvernement Tsipras a déjà porté la TVA à 24 %, diminué les retraites de 40 %, augmenté les impôts, notamment fonciers, décidé de nouvelles taxes sur les voitures, les télécommunications, les télévisions, l’essence, les cigarettes, le café, la bière, annoncé de nouvelles réductions de 5,6 milliards sur les salaires publics.

Ces lois préventives se traduiront par de nouvelles baisses des salaires publics, des retraites, et de nouvelles hausses d’impôt.

Aujourd’hui, le ministre grec des Finances, Euclide Tsakalotos fait mine de résister mais l’Allemagne exige la présence du FMI au plan de sauvetage et tous les « Européens » se sont alignés, comme d’habitude, sur la position allemande. 

Pourtant les calculs du FMI, comme répété chaque année depuis 2013, montrent que la dette grecque est « explosive ». Selon ses derniers calculs, elle s’élèverait à 260 % du PIB en 2060. Le FMI le dit :« La Grèce ne peut pas repousser son problème d’endettement. Athènes a besoin d’un substantiel allégement de sa dette de la part de ses partenaires européens pour retrouver un niveau acceptable d’endettement ».

La dette grecque est insoutenable depuis très longtemps. Elle atteint 180 % du PIB, soit deux fois la production annuelle de richesse nationale.

Association de malfaiteurs

Mais les « responsables européens » s’en fichent. Lors de la réunion du 26 janvier, ils ont à nouveau nié le problème. « Il n’y a aucune raison de tenir de tels propos alarmistes sur la situation de la dette grecque » (communiqué du Mécanisme européen de stabilité).

Pour les « responsables européens », la dette ne doit pas inquiéter ni être allégée. La seule chose que le gouvernement grec doit faire, répètent-ils comme un mantra, est « d’appliquer les deux tiers des réformes » prévues qu’il n’a pas encore mises en œuvre.

Les responsables européens, y compris A. Tsipras, ont beau soutenir que leur plan de sauvetage fonctionne, se féliciter du redressement de la Grèce et des excédents budgétaires réalisés, la situation est tout autre : le pays est à l’agonie.

En sept ans, le PIB de la Grèce a chuté du tiers. Le chômage touche 25 % de la population (40 % des jeunes entre 15 et 25 ans). Un tiers des entreprises a disparu en cinq ans. Les coupes successives imposées au nom de l’austérité paupérisent toutes les régions. Il n’y a plus de trains, plus de bus dans des parties entières du pays. Plus d’écoles non plus. Beaucoup d’établissements secondaires des campagnes éloignées sont fermés, faute de financement. Les dépenses de santé par habitant ont diminué d’un tiers depuis 2009. Plus de 25 000 médecins ont été renvoyés. Les hôpitaux manquent de personnel, de médicaments, de tout. 20% de la population vit sans chauffage ou sans téléphone. 15 % de la population est tombée dans la grande pauvreté (2 % en 2009). Selon la banque de Grèce, 13 % de la population est exclue de tout soin médical ; 11,5 % des patients ne peuvent acheter les médicaments prescrits ; les personnes souffrant de problèmes chroniques de santé sont en hausse de 24,2 %. Suicides, dépression, maladie mentale enregistrent des hausses exponentielles. Pire : alors que la natalité a baissé de 22 % depuis le début de la crise, le taux de mortalité infantile a quasiment doublé en quelques années pour atteindre 3,75 % en 2014.

L’Union européenne, le FMI, les gouvernements européistes de droite comme de gauche, Alexis Tsipras et Syriza sont responsables de l’austérité et de son coût humain et social.

Le seul espoir du peuple grec est de recouvrer sa souveraineté nationale, économique et politique en sortant unilatéralement et sans délai de l’euro et de l’Union européenne, de refuser de payer la dette illégitime.