Mélenchon empêche la prise de conscience du peuple

Le 4 février 2017
 

Le résultat de la primaire socialiste, en désignant Benoît Hamon d’un côté, et les déboires de François Fillon d’un autre côté, chamboulent tous les pronostics à propos de l’élection présidentielle. Désormais, Benoît Hamon apparaît en position pour battre Macron et se trouver opposé à Marine Le Pen au second tour, situation qui apparaissait encore impossible il y a quelques jours. Mais ce schéma, pour se réaliser, nécessite le retrait du candidat EELV (Yannick Jadot) et du candidat de la France insoumise (Jean-Luc Mélenchon), ainsi que l’appel du PCF à voter Hamon. S’ils ne le font pas, ils laisseront la place à un duel Le Pen – Fillon (ou son successeur), ou à un duel Le Pen – Macron, ou encore à un duel Fillon (ou son successeur) – Macron.

 

Tel est le choix impossible dans lequel se trouvent les dirigeants politiques de notre pays. Car la somme des inconséquences des uns et des autres, leur enfermement dans le système de la mondialisation néolibérale et de son chef d’œuvre, l’Union européenne – dont aucun ne veut sortir pour résoudre le chômage – conduit le peuple à choisir le « moins pire ». Mais avec cette logique, on trouve toujours un « moins pire » que le « pire ». Ainsi, en 2002, on nous a demandé de voter Chirac pour faire barrage à Jean-Marie Le Pen. Et pour quels résultats ? Jusqu’où allons-nous aller ? Aujourd’hui, qui est le « moins pire » : Mélenchon, Hamon, Macron ? Et qui peut le mieux rassembler faire barrage à Madame Le Pen : Mélenchon, Hamon, Macron ?

En réalité, tous se sont installés dans le système, même si, dans les mots, certains le critiquent plus que d’autres. Mais ce ne sont que des mots…

La campagne de Jean-Luc Mélenchon pour l’élection présidentielle est contreproductive, tant du point de vue de la forme que du fond. Lui qui se déclare « insoumis », il apparaît en réalité parfaitement soumis à la mondialisation néolibérale et à ses trois piliers : le libre-échange face auquel il ne propose rien d’efficace, la globalisation financière qu’il laisse en l’état car il ne propose pas de nationaliser le système bancaire, les institutions supranationales comme l’OMC, le FMI, l’Union européenne, dont il ne propose pas de sortir unilatéralement. Bref, une insoumission d’opérette !

 

1.- Son attitude publique : une posture télégénique 


Témoin ou victime d’injustices, le peuple ressent colère et indignation. Les mouvements politiques et syndicaux mettent en relation cette colère avec l’Histoire et engagent une réflexion politique menant à des propositions concrètes portées par une action politique. C’est une lutte sociale.

 

Aucune réflexion, aucune lutte sociale n’a jamais été engagée par des effets de manches qui s’adaptent aux sondages et aux modes du moment. L’action politique de JLM n’est qu’une posture basée sur l’émotion et sur l’image : c’est un illusionniste. Ses annonces ronflantes restent sans effet sur la vie sociale. Cette attitude démoralisante encourage les citoyens à se désintéresser de la vie politique et développe soumission et repli.

 

2.- "La France insoumise", un slogan plus qu'un mouvement

 

Le choix du nom de son mouvement : « La France insoumise », utilise des événements historiques admirables qui résonnent dans les mémoires. en 1914, les « insoumis » étaient fusillés. Ce sont les patriotes d’Alsace-Lorraine lors de la Seconde Guerre mondiale. Entre 1952 et 1962, ils sont les appelés de la guerre d’Algérie qui ont refusé de se présenter à l’appel.

 

Ces actes héroïques de résistance n’ont rien de commun avec les prises de position et le pseudo-programme de Jean-Luc Mélenchon.

 

Après la piteuse « désobéissance européenne » et feu le « front » de gauche, « la France insoumise » est le nouvel emballage qui empêche la défense des intérêts du peuple dans toute son ampleur et toutes ses conséquences.

 

JLM, avec son écharpe rouge, veut ressembler à un révolutionnaire, à un résistant. Mais il ne fait aucun lien historique pour expliquer l’origine des problèmes. Il affirme bruyamment que depuis toujours, il a choisi la bonne option. Et pourtant…

 

JLM défendait, en 1992, les principes du traité de Maastricht auquel il a appelé à voter OUI avec, entre autres, la monnaie unique et la privatisation des services publics. De 2000 à 2002 il est ministre de Lionel Jospin dans le gouvernement de la « gauche plurielle ». Gouvernement qui détient le record des privatisation. Mélenchon n’a pas démissionné, il était soumis…

 

Après avoir affirmé que l’Euro était à nous (au sens du peuple), il indique en 2011 que sortir de l’Euro serait une « catastrophe ». L’unique problème, selon lui, étant la Banque centrale européenne et son statut. En 2016, il épingle les grandes banques françaises contribuant au marasme économique, sans proposer de les nationaliser. Il ne cherche pas à remettre en cause le système monétaire et bancaire sous l’égide de l’Union européenne dans son ensemble.

 

L’Euro et la BCE sont une seule et même chose qui implique la disparition de la souveraineté monétaire. JLM complexifie le problème pour empêcher la conclusion évidente à laquelle arriverait le peuple : l’Euro et la BCE sont là pour capter les richesses produites par le peuple vers les classes possédantes.

 

3.- "L'avenir en commun", un inventaire en lieu et place d'un programme

 

  • Sortir des traités : les fausses espérances

 

Les citoyens ont compris que le vrai problème c’est l’Union européenne. Alors JLM claironne son « plan A et plan B » qui pourtant n’ont pas spécialement réussi à la Grèce. Grand supporter de Syriza, il propose la même solution que M. Tsipras : « négocier et renégocier ».

 

Plan A : JLM veut discuter avec l’UE pour changer les statuts de la BCE. Mais pour changer ce point central, il faut l’unanimité des 28 pays. il est bien évident que tous les gouvernements de l’UE sont actuellement hostiles à cette idée (et pour probablement encore longtemps).

 

L’UE a été pensée et construite pour éliminer la souveraineté des nations et maintenir des politiques favorables aux classes dominantes. C’est un système verrouillé qu’on ne peut pas modifier de l’intérieur. La seule solution est d’en sortir unilatéralement pour bâtir une Europe des nations.

 

Le plan B, lui, n’est qu’un nouvel écran de fumée pour ralentir le processus : mandat, référendum, sortir des traités européens… Ce sont des tergiversations protégeant la politique favorable à la finance.

 

 

  • La 6e République

 

« L’avenir en commun », pseudo-programme de JLM, commence par un premier chapitre intitulé « la 6ème république ». Au long des vingt pages de ce chapitre, se succèdent des propositions plutôt séduisantes : le pouvoir au peuple, la liberté, la sécurité, la justice, l’égalité, la laïcité…

 

Quelques lignes suggèrent que les institutions françaises sont l’unique responsable de ce que JLM appelle « la caste médiatico-politique de la monarchie présidentielle » et « la tyrannie de l’oligarchie financière et de la caste qui est à son service » (P.21). C’est pourquoi il propose de reconstruire une république.

 

Ce sont les politiques néolibérales menées par les partis politiques au pouvoir qui ont créé les dysfonctionnements de la société française et non ses institutions issues des propositions du programme du CNR et des constitutions de 1946 et 1958.

 

Pour convoquer une assemblée constituante et changer de république, il faudrait être dans un pays souverain. La France est dépendante de l’union européenne par le traité de Lisbonne qui, rendu constitutionnel, soumet le droit interne au droit communautaire.

 

JLM propose encore une solution inefficace et n’expose pas la vraie raison de ce qu’il dénonce : la mondialisation néolibérale.

 

  • La planification écologique, sans souveraineté nationale et populaire et sans coopération internationale : une panacée

JLM en appelle aujourd’hui à Poséidon et ses Néréides dont le royaume marin offrira cette corne d’abondance qui règlera tous les problèmes, écologiques entre autres. Car l’écologie est la nouvelle marotte de la campagne de JLM, il n’hésite pas à recommander aux Français des Antilles de se tourner vers la mer, comme si depuis des siècles ils n’y avaient pas pensé.   « La mer, la mer ! » le nouveau mantra de JLM, clientélisme oblige.

Dans son programme « l’avenir en commun », le chapitre « la planification écologique » (page 66) propose une nouvelle liste de lieux communs qui ne trouvera aucun opposant.

En effet, qui peut être contre l’isolation de 700 000 logements par an, la fin de la précarité énergétique, le développement des énergies renouvelables, le développement des transports publics écologiques ?

Tout ce qu’il propose est interdit par le traité constitutionnel européen signé malgré l’opposition du peuple français en 2005.
Les questions environnementales sont extrêmement sérieuses et nécessitent un vrai programme argumenté, qui tienne compte de l’accessibilité réelle des ressources naturelles et de l’érosion des écosystèmes maritimes et terrestres.

 
 

  • Lemploi

Dans le chapitre « Protéger et partager » (P.43) de « l’avenir en commun », il est proposé, entre autres, d’empêcher les licenciements boursiers (pas les autres ?) et « d’accorder un droit de véto suspensif aux comités d’entreprise sur les plans de licenciement ».

JLM manque d’ambition sociale et ne s’approche pas de la radicalité du programme d’action du Conseil national de la Résistance de 1945 qui prévoyait notamment : « L’instauration d’une véritable démocratie économique et sociale impliquant l’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie » et « Le droit d’accès, dans le cadre de l’entreprise, aux fonctions de direction et d’administration, (…) et la participation des travailleurs à la direction de l’économie ».

Ses propositions dénaturent les aspirations du peuple et les transforment en un catalogue de fausses bonnes idées.

 

4.- "Il est indispensable de travailler sur la mémoire sociale" (Antoine Vitez)


JLM n’identifie pas les causes réelles de la domination. il sous-estime le poids des traités, de la monnaie. S’attaquer aux dividendes ne remet pas en cause le pouvoir que la classe dirigeante veut conserver sur le crédit, la monnaie et les outils de production.

 
JLM propose des scénarios alternatifs peu crédibles. Ses propositions manquent de radicalité : pour changer il propose avant tout d’essayer de ne pas changer (plan A).

L’exagération de l’enjeu environnemental camoufle ceux du pouvoir et de la souveraineté.

JLM utilise les espoirs du peuple pour construire un théâtre d’ombres qui empêche la prise de conscience des réalités politiques et sociales indispensable au vrai changement.

 

 

 

 0 Filet 2