La Pologne réactionnaire à la manœuvre

Il s’agit de la crise politique la plus grave en Pologne depuis plusieurs années. Des députés occupent le Parlement.

Après la loi de reprise en main des médias publics votée en début de mandat par les élus du parti au pouvoir, le PIS (Loi et Justice), un texte prévoit une nouvelle limitation de la liberté de la presse. Selon les nouvelles règles, le nombre de chaînes de télévision autorisées à enregistrer les séances au Parlement sera limité à cinq et le nombre de journalistes accrédités à deux par organe de presse, avec un accès limité, voire interdit, à la salle de presse dans l'hémicycle.

Cette nouvelle tentative de contrôle de la presse a entraîné, une fois de plus, des manifestations importantes à Varsovie et dans tout le pays avec un blocage du Parlement par l'opposition libérale, de la Plateforme Civique (PO) au pouvoir pendant huit ans et du nouveau parti Nowoczesna (Moderne).

 

Des manifestations massives à l’appel du Comité de Défense de la Démocratie (KOD) ont poussé le pouvoir à reculer... Du moins, en apparence. Car au mois de janvier, le gouvernement présentera un nouveau projet. Une manière de rentrer par la fenêtre après avoir pris la porte.

Lors du vote du budget 2017, le Maréchal de la Diète (le président du Parlement), Marek Kuchcinski du PiS, a exclu le député d'opposition Michal Szczerba (Plateforme Civique) pour être monté à la tribune avec une pancarte où il était inscrit "Médias Libres". En réponse, l’opposition a occupé la tribune et bloqué les débats. Mais les Parlementaires de la majorité conservatrice les ont tenus dans une autre salle, où la loi budgétaire a été votée. L’opposition juge ce vote illégal et en exige un autre.

La rue a aussitôt répondu. Les manifestations ont repris, la police a bloqué les accès au Parlement et l'opposition réclame l'annulation du vote du budget comme étant entaché d'irrégularité en raison de cette expulsion du député d'opposition. Le gouvernement refuse, le président de la République, Andrzej Duda membre de PiS temporise. Le Sénat, la chambre haute où le PiS a aussi la majorité, estime que le vote de la Diète sur le budget est conforme à la loi et donc que le Sénat examinera le texte comme prévu du 11 au 13 janvier 2017.

Selon Nasz Dziennik, quotidien catholique conservateur, le chef de l'un des principaux syndicats polonais, Piotr Duda, qui soutient PiS, déclare se préparer à descendre dans la rue pour défendre le gouvernement conservateur.

Le Comité de défense de la démocratie (KOD), vaste coalition de contestation sociale née pour s’opposer à la mainmise par le PiS sur le Tribunal constitutionnel, a mobilisé ses sympathisants. Plusieurs milliers de manifestants ont accouru, barrant toutes les sorties du Parlement, se jetant à terre pour bloquer la voiture à bord de laquelle Jaroslaw Kaczynski (président du PIS) se trouvait…

Cette situation tendue vient après que le Président de la République a promulgué les trois lois concernant une réforme du Tribunal Constitutionnel et nommé présidente par intérim de ce tribunal, la juge très proche du pouvoir Julia Przylebska.

Désormais le tribunal constitutionnel est dans les mains de PiS, les juges libéraux étant en minorité.

Cerise sur le gâteau, un autre projet gouvernemental se heurte à une forte contestation. Il s'agit de la réforme de l'éducation. Le principal syndicat des enseignants et un collectif de citoyens, opposés à cette réforme, ont manifesté devant le palais présidentiel. Ils ont remis au président Duda une pétition, forte de 250 000 signatures, contre ce texte. Une fois de plus, le président botte en touche et déclare qu'il donnera son avis sur cette réforme en janvier.

La Pologne connaît donc des tensions politiques depuis plusieurs semaines. Malgré les reculs partiels et les atermoiements du gouvernement ultraconservateur, la crise continue et s’approfondit. Jusqu’où ?