Otan / Russie : derrière les apparences

Pourquoi l’OTAN a choisi la Russie comme ennemi

Après le sommet de l’OTAN des 8 et 9 juillet derniers, les analystes, après avoir scruté les 139 points du « Communiqué du sommet de Varsovie », ont fait un constat presque unanime : l’OTAN (dominée par les USA) et l’Union européenne considèrent encore et toujours la Russie comme une menace et procèdent à son «encerclement». L'OTAN a pris, depuis 2014, des mesures drastiques pour « renforcer la réactivité de ses armées » et construire des bases logistiques dans les pays de l’ex Bloc soviétique partageant une frontière avec la Russie. L’OTAN a pris possession de la mer Egée avec le soutien sans faille du gouvernement Tsipras et de tous les partis représentés à la Vouli (parlement Grec).

En fait, pour justifier son existence, l’OTAN a besoin d’un ennemi et a naturellement choisi la facilité : elle poursuit le même épouvantail, celui qui avait été mis en avant pour justifier sa création, l’URSS. Et la justification la plus apparente n’est pas la seule. La deuxième raison de la création de l’OTAN était pour les Etats-Unis, d'institutionnaliser et de pérenniser la soumission militaire et donc politique, des autres puissances impérialistes européennes (Royaume-Uni, France, Allemagne).

Cette soumission militaire, économique et politique s’étant accentuée l'OTAN, contrairement à une idée reçue, ne pouvait donc pas disparaître en 1991 avec le Pacte de Varsovie et l'URSS.

La Russie, menace pour les pays européens ?

Face au fondamentalisme islamique et aux conséquences de la déstabilisation du Proche-Orient, qui peut sérieusement encore croire que la Russie constituerait une menace plus grande que Daesh pour l’Europe occidentale ? Personne et surtout pas les USA et leurs affidés de l’OTAN. Mais il est facile et rentable de présenter la Russie d’aujourd’hui comme le « Grand Satan ». Il suffit de rappeler qu’elle a été « communiste » hier, qu’elle a pris des positions anti USA sur l’Afghanistan, l’Irak, la Libye, qu’elle a coopéré avec l’Iran et qu’elle obtient, contrairement à l’OTAN, une réussite diplomatique et militaire avec la Syrie.

Si Daesh est la réelle menace, pourquoi l’OTAN se focalise-t-elle sur la Russie ?

Il suffit de lire le « Communiqué du sommet de Varsovie ». Daesh y est mentionné 12 fois alors que la Russie est désignée explicitement à 58 reprises. La raison est simple. C’est le profit, la rentabilité des grands groupes que l’on appelait encore récemment le complexe « militaro-industriel ». Combattre le soit-disant « Etat islamique » (EI) est moins rentable que de « combattre » la Russie. Pas besoin de sous-marins, d’armes sophistiquées hors de prix (nucléaires) pour combattre Daesh, mais des hommes au sol ce qui est politiquement coûteux, mais financièrement économique. Le contraire d’un conflit potentiel avec la Russie. L’OTAN ne souhaite en réalité aucune guerre avec la Russie mais la peur fait vendre, c’est donc aussi une « pompe à fric ».
Utiliser Moscou comme épouvantail permet de maintenir le niveau de dépense militaire américain à plus de 9% par an entre 2000 et 2009 (« guerre contre la terreur »). Cette hausse massive de dépenses a été justifiée par la nécessité d’éliminer Oussama ben Laden puis Saddam Hussein. Une fois ces deux cibles supprimées les dépenses auraient du revenir au niveau antérieur au 11 septembre 2001.

Toujours plus de profits

Aux Etats-Unis, la défense représente 54% des dépenses discrétionnaires fédérales (1) et près de 17% du total des dépenses de Washington. La Russie, elle, consacre environ 18% de son budget national à la défense mais ne cherche pas à dicter au reste de l’Europe et du monde qui être considéré comme une menace.
Dans le petit monde militaro-industriel 7 des 10 plus grandes entreprises de défense (2) au monde sont américaines. Elles emploient plus de 750 000 personnes auxquelles il faut ajouter des milliers de personnes travaillant chez les sous-traitants et dans les circuits d’approvisionnement qui en dépendent. Toute réduction de la voilure mettrait ces emplois en péril et créerait du chômage dans de nombreuses villes américaines principalement dans celles qui ont déjà été gravement affectées par des décennies de délocalisations.

L’ « Alliance » a créé un référenciel normatif (3): les normes OTAN (NORMOTAN et RNPA). Casques, armes et munitions de différents calibres, échange de données (ADatP-3), couleurs, missiles, canons, centres de commande, navires, certifications diverses qui permettent aux USA d’imposer ses conceptions et ses entreprises. Un système entièrement dédié à la domination politique et à l’argent qui maintient un vaste éventail d’industries et de « think tanks » en vie. Les nations ont détruit une grande partie de leur industrie nationale de défense et fait passer le reste sous les fourches caudines des normes OTAN
pour accéder à un marché potentiel.

La menace principale


Aujourd’hui, la principale menace qui pèse sur la sécurité et sur les peuples européens est générée par l’OTAN et l’UE. En effet ces organisations ont largement contribué à détruire des nations comme l’Irak, la Libye ou la Syrie. Elles ont provoqué le chaos politique, la destruction des structures étatiques, la terreur et la misère, l’arrivée de plus d’un million de réfugiés rien qu’en Allemagne...qui ne sont pas victimes des actions de la Russie.
Mais pour maintenir son gigantesque budget militaire et faire tourner à plein le complexe « militaro-industriel », dominer les pays de l’ « Alliance », les Etats unis et son bras armé l’OTAN, ont besoin d’un adversaire de taille et la Russie remplit actuellement parfaitement ce rôle.
L’ « affrontement » avec Moscou a tous les avantages : il est familier au public et peu susceptible de conduire à une guerre réelle. En même temps, il est extrêmement lucratif.

Tout cela démontre qu’il est urgent de sortir du système néolibéral en quittant unilatéralement les organisations sur lequel il repose : OTAN, FMI, Banque mondiale, OMC et Union européenne ; bref, de démondialiser.

Notes :
1 - La dépense discrétionnaire est la partie du budget que le Président demande et que le Congrès lui accorde chaque année. Elle représente moins d'un tiers du budget fédéral, alors que la dépense obligatoire représente environ deux-tiers.

graphique

2 – Classement (ordre décroissant) : Lockheed Martin (USA), Boeing (USA), BAE System (Royaume-Uni), Raytheon (USA), General Dynamics (USA), Northrop Grumman (USA), Airbus Group (UE), United Technologies (USA), Finmeccanica (Italie) L-3 Communications (USA).

3 - Le RNPA est un recueil de normes et documents normatifs à utiliser de façon préférentielle lors de la rédaction des clauses techniques des marchés des programmes d’armement ; il n’est pas exhaustif.
NORMOTAN : Les normes OTAN sont issues de la base NSDD OTAN complétée par la liste des organismes pilotes, experts et satellites nationaux.