Élections en Grèce : la Commission européenne vote Tsipras !

Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a démissionné le 20 août 2015 et prononcé la dissolution du parlement. Il ne disposait plus de majorité puisque sa politique avait conduit à diviser son parti, Syriza. En faisant le contraire des engagements qu’il avait pris, le Premier ministre grec a ainsi provoqué le départ du tiers des membres de son parti (sur 35.000 adhérents) et du tiers de ses parlementaires. Ses soutiens au parlement se sont alors réduits à 119 députés sur 300. Les lois étaient désormais votées grâce aux députés de droite (Nouvelle Démocratie) et socialistes (Pasok), ceux précisément contre lesquels Syriza avait lutté. Ces partis avaient accepté et mis en œuvre les deux premiers mémorandums ayant saigné la Grèce à blanc, pour être ensuite rejetés par la population notamment lors du référendum du 5 juillet 2015 (61% de NON).

Syriza était arrivé en tête aux élections législatives du 25 janvier 2015 sur un programme qui, certes, ne prévoyait pas de rupture avec l’Union européenne et l’euro, mais comprenait néanmoins des mesures visant à mettre un terme à l’austérité. C’était d’ailleurs la principale contradiction de ce programme, car il n’est pas possible de sortir de l’austérité dans le cadre de l’euro, nous en avons eu la démonstration en grandeur réelle avec le cas de la Grèce. Toutefois, il était possible de penser que, confrontés à l’impossibilité de redévelopper leur pays tout en participant à la zone euro, les Grecs arriveraient progressivement, en plus grand nombre, à la conscience qu’il fallait revenir à la drachme et abandonner la monnaie unique. Ce n’est malheureusement pas le choix fait par Alexis Tsipras qui a provoqué, par sa lâcheté, ce gigantesque gâchis.

 

 

Quels étaient les enjeux pour ces élections ?

Dans son annonce du 20 août 2015, Tsipras justifie sa démission en affirmant : « le mandat que j’ai reçu le 25 janvier 2015 a atteint ses limites ». C’était faux ! Alexis Tsipras n’avait pas reçu du peuple grec un seul mandat, lors des élections législatives de janvier 2015, mais un second, qui avait renforcé le premier, à l’occasion du référendum du 5 juillet 2015. La question posée à ce référendum (par lui-même) était de savoir si les Grecs accepteraient le nouveau mémorandum proposé par la Troïka. Avec 61,3% de NON, Tsipras disposait d’un rapport de forces beaucoup plus important qu’en janvier. Au lieu « d’atteindre ses limites », ce mandat issu du peuple, bien au contraire, ouvrait de nouvelles perspectives. Quant au mandat donné à Syriza lors des élections législatives de janvier 2015, sur la base du programme dit de Thessalonique, il restait entièrement valable, malgré ses limites, puisque rien ou presque n’avait été mis en œuvre par le gouvernement Syriza.

Le motif invoqué par le Premier ministre grec était donc fallacieux, il fallait chercher d’autres raisons.

Il en existait une, parfaitement recevable, quand, toujours le 20 août 2015, il demandait au peuple de « décider si l’accord est valable pour sortir un jour des plans de rigueur ». Si la question était recevable, la réponse était négative pour deux raisons.

D’abord, cet « accord » (le 3e mémorandum) était encore plus sévère pour le peuple que les deux précédents.

Or la preuve par l’expérience avait déjà été fournie que l’austérité n’était absolument pas la solution pour le développement économique et social harmonieux d’un pays. Sur ce point la plupart des économistes, pour une fois, sont d’accord. L’austérité, en revanche, est une excellente solution pour éponger les richesses d’un pays et les canaliser vers les détenteurs de la dette publique. Par ailleurs, selon un institut économique allemand, l’Allemagne a économisé 100 milliards d’euros entre 2010 et 2015 en raison de la baisse de ses coûts d’emprunt liée à la crise européenne de la dette. Les obligations allemandes ont servi de valeur refuge, ce qui a fait baisser leur taux d’intérêt, diminuant d’autant la dépense de paiement des intérêts pour l’Allemagne.

Tout le monde a compris que les « plans d’aide » à la Grèce, et notamment les 86 milliards d’euros qui ont commencé à lui être versés, ne servent qu’à une seule chose : rembourser les créanciers qui sont désormais, pour l’essentiel, des institutions publiques. C’est pourquoi les oligarques européens, ayant trouvé le Veau d’or, font tout ce qu’ils peuvent pour entretenir cette dette publique pour qu’elle n’ait jamais de fin. Si la Grèce veut vraiment aller de l’avant, elle doit donc cesser immédiatement de rembourser, ce qui entraînera ipso facto sa sortie de l’euro. C’est à cela qu’elle devait et doit toujours se préparer activement en mettant ces questions en débat parmi la population.

Ensuite, cet « accord » n’était pas valable car il prévoyait la mise sous tutelle de la Grèce. Il marquait l’écrasement politique de ce pays qui est devenu une sorte de colonie allemande et de la Troïka. On a peine à croire que le gouvernement grec ait pu signer un tel abandon et qu’une majorité de parlementaires l’ait voté. Cet « accord » prévoyait par exemple que « le gouvernement doit consulter les institutions [européennes] et convenir avec elles de tout projet législatif dans les domaines concernés dans un délai approprié avant de le soumettre à la consultation publique ou au parlement ». C’était marqué noir sur blanc dans « l’accord » du 12 juillet 2015. Tous les dirigeants des autres pays de la zone euro (19) se sont ligués contre la Grèce, participant à la négation des deux votes du peuple grec de janvier et juillet 2015, c’est-à-dire à la négation du peuple grec lui-même. C’est à cela qu’ont participé activement Alexis Tsipras et le Parlement.

C’est un résultat tout à fait stupéfiant dans l’histoire des relations internationales : une coalition de puissances privées – les marchés financiers et les firmes multinationales – par agents interposés (les dirigeants de la Banque centrale européenne, ceux de la Commission européenne, la plupart des chefs d’États et de gouvernements des Vingt-Huit), ont pris directement le pouvoir dans un pays souverain. Ils l’ont fait avec l’accord de ce gouvernement pourtant réputé être à la « gauche de la gauche » et avec le vote du Parlement. Cet exemple dramatique réduit à néant les illusions de tous ceux qui considèrent que les autres pays européens sont des « partenaires » avec lesquels on peut « coopérer ». Dans la configuration politique actuelle, la plupart des pays de la zone euro et de l’UE (et de l’Otan) sont des adversaires. Le droit, la démocratie, la souveraineté des nations n’existent plus dès lors qu’un pays refuse les politiques néolibérales de l’UE. C’est pourquoi la sortie de l’euro et de l’UE ne peut pas se faire au moyen de l’article 50 du traité de Lisbonne, mais unilatéralement par une politique du fait accompli.

Dans son allocution du 20 août 2015, le Premier ministre grec considérait également que ces élections législatives du 20 septembre 2015 serviraient à « savoir qui peut mener les réformes nécessaires ». Sur ce point il n’avait pas tort, mais il demandait en réalité aux Grecs de dire qui appliquerait au mieux le 3e mémorandum au sein du nouveau bloc européiste pro-mémorandum qui venait de naître en Grèce : ND, Pasok, ou Syriza ? On peut ajouter que pour Alexis Tsipras il s’agissait d’utiliser ces élections pour « nettoyer » le parti Syriza et son groupe parlementaire afin d’avoir les mains libres.

 

Alexis Tsipras avait le choix

Contrairement à ce que beaucoup de gens prétendent, particulièrement dans la « gauche de la gauche », Tsipras avait le choix. Il n’avait aucun « révolver sur la tempe » comme l’affirmait le dirigeant du PCF Pierre Laurent. La vie du Premier ministre grec n’était pas menacée. Personne, dans son entourage, n’avait été physiquement agressé, expulsé de son logement, licencié, interné dans un camp. Tsipras, avec ses amis, avait continué à vivre normalement. Il n’était pas obligé de capituler, personne ne l’avait contraint à la reddition. Certes, il avait subi des pressions politiques, et uniquement politiques, de la part de la Troïka. Mais qui peut croire que cette dernière serait une sorte d’organisme socio-éducatif chargée d’encadrer ses ouailles avec bienveillance et « d’aider » la Grèce ? Il faut arrêter de dire et de faire croire n’importe quoi. Tsipras a fait un choix politique. Et c’était aussi un choix politique, depuis son élection de janvier 2015, de tergiverser, de ne pas appliquer le programme de Thessalonique et de ne pas contribuer au développement des mobilisations sociales.

Le gouvernement grec a toujours été souverain et il peut encore l’être, car il lui suffit de dire stop à la Troïka pour qu’il retrouve sa dignité. Ceux qui disent que Tsipras n’avait pas d’autre choix sont à classer dans le camp des thatchériens, lorsque Margaret Thatcher répétait « There is no alternative » (il n’y a pas d’alternative). Ainsi, pour Syriza, et plus généralement pour la gauche « radicale » européenne, il n’y aurait pas d’alternative à l’euro, nous en serions prisonniers, en sortir serait l’apocalypse.

On nous dit aussi que le gouvernement Tsipras n’avait pas de mandat, après les élections de janvier 2015 et après le référendum du 5 juillet 2015, pour sortir de l’euro. C’est vrai, et personne ne prétend le contraire. En revanche, Tsipras n’avait pas non plus pour mandat de ne pas sortir de l’euro. Son mandat était le rejet de l’austérité incarnée par les mémorandums. Plus grave, et c’est à ce propos que l’on peut parler de trahison de Tsipras, ce dernier a signé le 3e mémorandum, en contradiction flagrante avec les 62% de NON du 5 juillet 2015.

Tsipras devait envisager la sortie de l’euro. Face aux blocages de l’UE et du FMI il devait, par petites touches, acclimater l’opinion publique à la sortie de l’euro. Il devait laisser cette hypothèse ouverte et se garder de la diaboliser. Il a fait tout le contraire, disant par exemple qu’il livrerait « terre et eau » pour rester dans l’euro, ou que la sortie de l’euro serait la « faillite »de la Grèce. En tenant de tels propos, rejoignant ceux des grands médias et des oligarques, Tsipras a montré dans quel camp il se plaçait.

 

La Commission européenne vote Tsipras !

Le message a très bien été reçu par l’UE et le FMI. L’annonce de ces élections législatives anticipées n’a suscité aucun trouble particulier sur les marchés financiers. Aucun dignitaire de l’UE n’est venu faire campagne à Athènes, contrairement au référendum de juillet 2015, pour alerter les Grecs sur les « dangers » de cette élection s’ils votaient Syriza. Et pour cause, car, en effet, pour les oligarques, tout danger était écarté. Ainsi, pour Martin Selmayr, directeur de cabinet du président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker : « des élections rapides en Grèce peuvent être un moyen d’élargir le soutien au programme stabilisé que vient de signer au nom de la Grèce le premier ministre Tsipras ». Il ajoutait : « une élection peut renforcer la capacité du gouvernement grec à mettre en œuvre les réformes ».

Dans la même eau, selon des propos rapportés par l’AFP le 12 septembre 2015, le commissaire européen aux Affaires économiques, Pierre Moscovici, s’est dit « serein », à huit jours des législatives anticipées en Grèce, estimant qu’elles ne devraient pas remettre en cause les engagements pris par Athènes : « Je ne sais pas quel parti l’emportera, quelle coalition se formera, mais j’ai la sensation, y compris si je regarde les sondages, qu’il y a toujours une très nette majorité, une immense majorité en Grèce, pour les partis qui ont soutenu la démarche d’un programme d’aide en échange de réformes. Je n’ai pas d’inquiétudes de cette nature. Tous les partis politiques ont voté pour le Memorandum of Understanding [le MOU, le contrat de prêts] cet été. Donc il n’y a pas de souci à se faire sur sa mise en œuvre ».
Angela Merkel était encore plus claire : « les élections en Grèce font partie de la solution et non pas de la crise ». Autrement dit, le résultat probable sera une écrasante victoire des partis pro-mémorandum : Syriza, ND et Pasok. On comprend, par l’absence – nouvelle – de toute critique à l’encontre de Tsipras, et même le coup de chapeau qui lui était donné, que la meilleure formule était la victoire de Tsipras. Il était désormais la meilleure garantie de l’application du 3e mémorandum dans la mesure où il lui restait encore un certain soutien dans la population.

 

Le seul enjeu de ces élections, pour l’avenir, était le poids électoral qu’obtiendraient les forces progressistes anti-euro et anti-UE

Pour l’intérêt du peuple grec et pour les autres, il faut empêcher la mise en œuvre du 3e mémorandum. Si les Grecs voulaient atteindre cet objectif, ils ne pouvaient pas voter pour l’un des trois grands partis pro-mémorandum qui avaient signé avec les oligarques européens. Syriza était le plus emblématique d’entre eux puisqu’il avait annoncé qu’il mettrait un terme à l’austérité et même qu’il « changerait l’Europe ». On a vu le résultat !

Syriza et son leader ne sont plus les forces qui inspirent la confiance, la rupture avec le système et l’espoir. Tsipras a démissionné après avoir fait exactement le contraire de ce qu’il avait promis. Il a renié ses promesses électorales. En quelques jours, le NON au referendum du 5 juillet 2015 s’est transformé en OUI. La signature le 13 août 2015 par Alexis Tsipras du mémorandum a provoqué la désintégration de Syriza. Syriza dénonçait les vieux partis politiques du système, désormais il faisait partie du système. Syriza (Coalition de la gauche radicale) est désormais un parti du mémorandum comme les autres. Alors que Tsipras avait juré qu’il ne gouvernerait pas avec les partis qui ont mis en œuvre les deux premiers mémorandums, il a annoncé le 3 septembre 2015 qu’il était prêt à une alliance avec le Pasok si celui-ci se débarrassait de ses anciens ministres. Cette position était parfaitement hypocrite, car la ligne politique du Pasok ne dépendait pas de ces personnalités. Pilier du clientélisme, parti qui a poussé la Grèce dans l’euro et qui a largement contribué au chaos actuel, le Pasok allait donc devenir l’allié de Syriza ? Syriza est désormais un cadavre politique dont il faut accélérer la décomposition.

Les Grecs ne pouvaient pas non plus voter pour les petits partis qui n’avaient pas été impliqués dans l’application des mémorandums, mais qui ne rêvaient que de cela : To Potami (« centristes »), Grecs indépendant (ANEL) qui ont gouverné en alliance avec Syriza, Union des centristes (EK) donnée entre 3 et 5%, soutenue par la « grande » presse grecque qui avait fait tout ce qu’elle pouvait pour le faire entrer au parlement.

Le vote pour Aube dorée, à qui ces trahisons offrent un boulevard, était inimaginable. C’est un parti d’extrême droite, violent, meurtrier, raciste, qui devrait être interdit. Son dirigeant principal a été inculpé pour participation à une organisation criminelle.

Quant à voter pour le Parti communiste grec (KKE), c’aurait été une impasse

On rappellera que sa position lors du référendum du 5 juillet 2015 a été d’appeler à mettre dans les urnes un bulletin à l’effigie du KKE au lieu d’appeler à voter NON, ce qui rendait le vote nul. La conséquence a été un amoindrissement du score du NON et du rapport de forces qu’il exprimait. Ce dernier, avec les voix des électeurs communistes, bien que beaucoup d’entre eux n’aient pas respecté cette consigne étrange, aurait pu atteindre 65%.

Un texte publié par la Section des relations internationales du Comité central du KKE, le 27 août 2015, expose la position totalement incohérente et stérile de ce parti. Il commence par une critique en règle d’Unité populaire accusée de « régurgiter un certain nombre de mesures néokeynésiennes bien connues pour gérer le système ». Le premier exemple pris est celui de « la socialisation des banques afin qu’elles jouent un rôle dans le développement ». Étrange qu’un parti communiste soit contre la socialisation des banques ! Cette position s’explique cependant par le fait que le KKE est opposé à tout processus progressif de changement comportant des étapes dans l’affaiblissement du pouvoir des classes dominantes. Il veut le socialisme tout de suite. Notre désaccord avec cette thèse est total, car le socialisme ne saurait se limiter à un simple agencement matériel différent des rapports de production. C’est aussi, et peut-être même avant toute autre chose, un état d’esprit de la population, une conscience, une pratique de luttes et de solidarité, une fraternité en actes que seul un long processus de changement peut faire naître. Sans cet aspect immatériel décisif, la voie est ouverte aux systèmes autoritaires.

Autre perle que l’on peut qualifier de folklorique : l’Unité populaire est encore attaquée car elle parle de « l’annulation de la plus grande partie de la dette de sorte que le pays puisse respirer, en acceptant de cette manière, comme les autres partis du système, que le peuple soit responsable de la dette et doit la payer ». Ce qu’écrit ici le KKE n’a ni queue ni tête. L’annulation de la dette vise précisément à refuser que le peuple la paie !

Mais la cerise sur le gâteau, pourtant déjà bourratif, concernait l’euro. On aurait pu croire qu’un parti communiste qui se respecte serait contre l’euro, monnaie emblématique du système capitaliste. Pas du tout ! Le KKE critique tous ceux qui portent des « propositions politiques pour les monnaies nationales, car ils portent le manteau du radicalisme dans le but de tromper les peuples et de cacher leur véritable contenu anti-populaire. Cette nouvelle fausse dichotomie euro-drachme vise à cacher au peuple que les questions fondamentales sont le cours et la puissance du capital, la participation dans l’UE et le système impérialiste. Le peuple doit faire face à ces choses et ne pas s’aligner avec des sections du capital qui flirtent avec l’idée d’une monnaie nationale, une autre alliance monétaire ». [...] « Tous ceux qui donnent un signe de tête et un clin d’œil aux sections du capital qui flirtent avec l’idée d’une monnaie nationale ne peuvent pas suivre un chemin différent autre que celui qui mène à la faillite du peuple. Il n’est pas important de savoir si cela soit effectué au moyen d’un mémorandum ou non. Il n’est pas important si cela soit effectué à l’intérieur ou à l’extérieur de la zone euro. Ce qui est important c’est que les efforts pour piéger le peuple dans un autre choix en faveur du capital doivent être contrecarrés ». Si c’est le « cours et la puissance du capitalisme » qui doivent concentrer notre attention – ce qui n’est pas faux – comment ne pas voir que l’euro est la monnaie qui renforce la puissance du capitalisme ? Mais le socialisme que le KKE appelle de ses vœux aurait-il l’euro pour monnaie ? On peut raisonnablement penser que non. Il faudra donc bien que la Grèce, à un moment ou à,un autre sorte de l’euro. Le plus tôt serait le mieux, non ?

Pour le KKE, la puissance du capitalisme n’est qu’une abstraction. C’est de la pure rhétorique qui ne s’incarne ni dans les banques (qu’il ne faut pas socialiser), ni dans la mise en déficit des États par l’invention de la dette publique (qu’il ne faut pas annuler), ni dans la monnaie unique (dont il ne faut pas sortir).

Il ne restait que trois groupes portant les espoirs du renouveau de la Grèce et qui tous militaient pour la sortie de l’euro :

  • ANTARSYA
  • EPAM (Front uni populaire)
  • Unité populaire qui avait été créée par Panagiotis Lamfazanis, ancien ministre de l’Énergie et de l’Environnement d’Alexis Tsipras. Son groupe déclarait sa volonté de « rester fidèles » au programme de Syriza. Il ajoutait « le gouvernement ne s’est pas fait renverser. Il s’est résigné, illustrant ainsi sa peur, son inertie et sa panique ».

À l’issue de ces élections, si ces trois groupes avaient fait un bon score, alors un rassemblement de luttes contre le mémorandum, pour la sortie de l’euro et de l’UE pouvait se constituer. Une expression politique aurait été donnée aux forces sociales qui voulaient se battre contre l’austérité et le retour de la Troïka via le nouveau mémorandum. Ce rassemblement aurait été l’expression politique du NON, qui s’est manifestée en juillet 2015.

 

Pierre Laurent (PCF) votait Tsipras

Le PCF continuait de soutenir Tsipras, si on en juge par le communiqué de sa responsable des relations internationales, Lydia Samarbakhsh : « le discours tenu au soir du 20 août [par Tsipras] est un discours d’appel à la mobilisation et à la riposte du peuple grec. Un chapitre effectivement se ferme, un nouveau s’ouvre déjà appelant les Grecs à se mobiliser pour se doter d’un gouvernement qui luttera contre l’impact de ces mesures austéritaires sur les classes populaires et pour regagner leur souveraineté face aux créanciers. On est loin d’un renoncement et d’une trahison mais bien dans un combat politique âpre ». Ce petit texte n’appelle aucun commentaire tant il est éloigné de la réalité que chacun peut constater.

Pierre Laurent, le secrétaire national du PCF, était lui aussi fâché avec la réalité si on en juge au contenu de l’entretien qu’il accordait à l’Humanité le 8 septembre 2015. Pour lui, « la principale leçon » que l’on pouvait tirer de l’affaire grecque, « c’est que la solidarité des forces sociales qui veulent sortir l’Europe de l’austérité doit se renforcer ». Pierre Laurent, à cet égard, ne proposait rien. Sa déclaration n’avait aucun effet pratique, elle ne faisait que brasser du vent. Non, Monsieur Laurent ! La reddition d’Alexis Tsipras ne s’explique pas par la faiblesse de la solidarité des autres pays européens envers la Grèce. Ce n’est pas cela « la principale leçon ». Pour nous, la principale leçon est qu’il y a eu confirmation de ce que nous sommes un certain nombre à proclamer depuis plusieurs années : il n’est pas possible de transformer l’Union européenne de l’intérieur. Il faut avoir l’honnêteté, la lucidité et le courage de le reconnaître. La « principale leçon » est que la lutte contre l’austérité, pour être victorieuse, passe nécessairement par la sortie de l’euro et de l’UE. C’est pour avoir refusé de l’admettre que Syriza a connu une débâcle, et c’est pour cette raison que le Front de gauche disparaît du paysage politique français. Les appels à la lutte contre l’austérité, dans ces conditions, ne sont qu’un discours de façade dans lequel Pierre Laurent et Jean-Luc Mélenchon excellent.

 

Conclusion

Les sondages étaient de plus en plus préoccupants pour Tsipras et Syriza, même si les sondages en Grèce, davantage qu’ailleurs, sont sujets à caution. Certains n’avaient-ils pas prédit, la veille du référendum du 5 juillet 2015, la victoire du OUI ? Il n’empêche que les signes convergents et répétés de l’affaiblissement de Syriza étaient un indicateur à prendre en compte. Ainsi, entre mars et le 31 août 2015 (Université de Macédoine), la cote de confiance de Tsipras était tombée de 70% à 29%. Le 24 juillet (Metro Analysis), Syriza était à 33,6%, ND à 17,8% et To Potami à 6,1%. Le 2 septembre les choses avaient radicalement changé, ND était donné en tête avec 29%, Syriza était à 28,7% (GPO). À la même date (ALCO), Syriza était donnée à 29,2% et ND à 28,7%. Le pourcentage des indécis était de 25%, dont la moitié avait voté Syriza en janvier. Les sondages montraient en tout cas que le vainqueur devrait faire alliance avec un ou peut-être deux partis.

Syriza était le premier gouvernement de la gauche « radicale » en Europe. Cet évènement avait un caractère historique car il pouvait laisser entendre que la relève de la vieille social-démocratie était assurée. Il n’en aura rien été, bien au contraire. Syriza, soutenu par une grande majorité de la gauche « radicale » européenne, aura donné sa bénédiction à l’austérité, à l’euro, à l’Union européenne, son accord à la mise sous tutelle d’un pays, son accord avec une dictature financière. Syriza apparaît désormais comme une escroquerie politique. On a observé la mutation de ce parti qui s’est transformé en parti de soutien au mémorandum et au système oligarchique de l’Union européenne. Pour y parvenir, ses dirigeants, Alexis Tsipras en tête, ont détourné les textes programmatiques du parti. Ils ont annulé les orientations essentielles du parti et installé le bonapartisme en son sein. C’est toute la gauche radicale européenne qui a été discréditée, liquidée. Ce processus politique, cette dégringolade qui est loin d’être terminée, a accru la dilution du clivage gauche-droite.

La preuve est faite, une nouvelle fois, que c’est autour de la question de l’euro et de l’Union européenne que la recomposition politique doit se faire, en rassemblant les forces politiques progressistes démondialisatrices.

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