Pourquoi, comment sortir de l’euro ?

par Joël Périchaud, secrétaire national chargé des relations internationales du Parti de la démondialisation (Pardem)

10 octobre 2015

La reconquête de la souveraineté monétaire et financière est un impératif catégorique si l’on veut reconstruire – ou construire – une société de bien-être qui soit favorable au peuple. Cela passe, en premier lieu, par la sortie de l’euro. C’est ce qui facilitera le démantèlement des marchés financiers et le dépérissement de la Bourse en France, ainsi que l’annulation et la restructuration de la dette publique.

La crise est systémique, c’est tout le système qui est atteint et c’est donc tout le système qu’il faut changer : la monnaie, l’économie, le système bancaire et financier, la démocratie, l’implication citoyenne, l’environnement, les questions sociales…

Pour résoudre ces problèmes, il faut une démarche globale, systémique.

C’est aujourd’hui pour la France un programme de révolution pacifique qui est nécessaire, l’équivalent contemporain du programme du Conseil national de la Résistance.

Un gouvernement vraiment favorable aux classes dominées (populaires et moyennes) nouvellement installé devra à peu près tout faire à la fois, dès les premiers jours de sa nomination : annuler les plans d’austérité et commencer à créer des emplois ; contrôler les changes et les mouvements de capitaux ; rétablir la souveraineté du peuple sur la politique monétaire ; annuler la dette publique et la restructurer ; sortir unilatéralement et immédiatement de l’euro ; dévaluer le franc ; nationaliser toutes les banques et compagnies d’assurance ; démanteler les marchés financiers ; organiser le dépérissement de la Bourse ; créer un Pôle financier public.

La démarche systémique exposée ici requiert un certain ordre pour agir, qui explique les enchaînements suivants.

 

1.- Annuler les plans d’austérité

La première chose à faire est d’annuler, par décrets et lois, les mesures les plus antisociales qui ont un impact particulièrement négatif sur les populations. Le but est double.

Il s’agit, d’une part, d’alléger le plus vite possible les souffrances de millions de nos concitoyens. Et d’autre part, en montrant que le gouvernement est différent de tous les précédents, il s’agit de donner confiance à la population, de sorte qu’elle soit capable de se mobiliser pour les épreuves qui suivront.

 

2.- Contrôler les changes et les mouvements de capitaux


Le contrôle des changes

D’une part, il s’agit d’empêcher les achats excessifs de monnaies étrangères, d’autre part, il s’agit d’entraver les importations de produits susceptibles de concurrencer l’industrie nationale, et de réserver les achats avec des devises étrangères au règlement des importations jugées les plus utiles et les plus urgentes. Un tel objectif va dans le sens de la relocalisation des productions industrielles et agricoles. Enfin, cela sert à empêcher l’évasion des capitaux et des revenus taxables.


Le contrôle des mouvements de capitaux

La libéralisation des marchés de capitaux a provoqué un immense détournement de l’activité des services bancaires au détriment de l’activité productive. Le contrôle des mouvements de capitaux a pour but de remettre le système bancaire au service de l’économie réelle.

Chacun des quatre principaux marchés (actions, changes, dérivés et obligataire) doit faire l’objet de mesures spécifiques.

 

3.- Rétablir la souveraineté populaire et nationale sur la politique monétaire

La politique monétaire décidée par le nouveau gouvernement reposera sur un principe central : assurer un plein-emploi de qualité et sans précarité, dans le cadre d’une mutation écologique du mode de production.

Pour mettre en œuvre ce principe, cinq outils seront utilisés (en plus de la nationalisation du système bancaire et des assurances, et de la création d’un Pôle financier public) : une banque centrale autonome et non plus indépendante, le monopole de la création monétaire, l’encadrement du crédit, la sélectivité du crédit, la monétisation.

Dans la phase de sortie de l’euro le franc sera rétabli comme monnaie de la République et ne sera pas convertible.
Son taux de change avec l’euro sera de 1 pour 1.

 

4.- Annuler la dette publique et la restructurer

L’une des premières décisions à prendre, parmi les plus urgentes sur le plan social et la plus symbolique politiquement pour tous les peuples d’Europe, sera l’annulation des plans d’austérité.

L’annonce du défaut de paiement et la restructuration des dettes sera faite dans le même mouvement, car on ne peut pas annuler les plans d’austérité sans faire défaut. 


Annoncer le défaut de paiement

Annoncer le défaut est un acte politique extrêmement fort car il inverse instantanément le rapport de force en faveur du débiteur (l’État), au détriment des créanciers.

Les conséquences sont gigantesques.

Premièrement, les marchés financiers, la plupart des forces politiques de droite et de gauche, le grand patronat, la Commission européenne, les gouvernements de l’Union, le FMI, les grands médias, hurleront à la mort contre une telle décision.

Ils menaceront, feront pression, lanceront des campagnes d’intimidation et d’affolement de la population…

Le peuple doit être préparé à l’avance pour assumer le défaut, et le faire légitimer par les élections afin de contraindre le gouvernement à le faire.

Deuxièmement, le défaut entraîne l’exclusion de fait des marchés financiers. Une fois le défaut annoncé, les paiements d’intérêts et les remboursements du capital interrompus, un gouvernement qui prendra cette décision devra engager le processus de restructuration de sa dette. 


Restructurer la dette publique

L’annonce du défaut et de la restructuration de la dette publique doit être accompagnée d’un dispositif de gestion du stock de la dette (ce qu’il reste à rembourser) et des flux de dettes à venir (les futurs emprunts).

Le gouvernement doit rembourser les petits porteurs qui ont prêté de l’argent à l’État en lui achetant des obligations.

En revanche, les personnes morales comme les Hedge Funds [1], les banques, les fonds de pension et autres fonds qui détiennent des obligations d’État, pourront voir leurs remboursements réduits, reportés dans le temps ou même annulés, selon leur rôle dans la spéculation internationale. Les remboursements du capital et paiements des intérêts se feront en monnaie nationale (franc) et non en euros.

Tout commence par cet acte politique exceptionnellement fort : annoncer que l’on ne paiera pas le jour prévu, qu’il s’agisse du remboursement du capital ou du paiement des intérêts.

À partir de là, des discussions s’ouvriront obligatoirement entre l’État et ses créanciers si ces derniers veulent avoir une petite chance de revoir tout ou partie de leur argent. C’est ce qu’on appelle une renégociation ou restructuration de la dette…Mais le bâton aura changé de main !

 

5.- Sortir unilatéralement et immédiatement de l’euro, revenir au franc 

Sortir de l’euro, c’est sortir de l’ordre monétaire néolibéral. C’est redonner au peuple le contrôle de la politique monétaire, c’est rendre de nouveau possible une politique économique digne de ce nom. 


Sortir de l’euro et revenir au franc

Dans un régime démocratique, le pouvoir de battre monnaie doit être confié aux élus du peuple car battre monnaie signifie pouvoir définir une politique monétaire qui servira à financer la politique économique.

Si la France sortait de l’euro, un effet d’entraînement serait provoqué.

Sur le plan politique, des partis, des syndicats, des mouvements divers pourraient vérifier par l’expérience de la France que sa sortie de l’euro n’a pas provoqué le déluge qui terrorisait certains.

Bien au contraire, la France diminuera son taux de chômage et fera repartir son système de protection sociale en annulant toutes les directives européennes et lois nationales qui l’avaient démantelé.

Les forces politiques défendant cette stratégie prendront de la vigueur en Europe. Des coalitions se formeront, pouvant devenir majoritaires.
Des victoires électorales ne seront pas à exclure dans tel ou tel pays. 


Annoncer la non-convertibilité de la monnaie nationale

Une monnaie convertible c’est le libre-échange de la monnaie, sous-ensemble de la libre circulation des capitaux. La France, dans un premier temps, devra choisir la non-convertibilité totale. Les opérations financières purement spéculatives seront privées de devises. 


Organiser la conversion des euros en monnaie nationale le jour et l’heure convenus

Nombre d’actions simultanées devront être engagées. 

En réintroduisant la monnaie nationale, le politique monétaire peut s’adapter aux réalités nationales.

Sortir de l’euro comme monnaie unique ne signifie nullement se fâcher avec les pays qui resteraient dans ce système, et entrer en conflit avec eux. Au contraire, la sortie de l’euro ne doit pas être simplement présentée comme une volonté d’indépendance et de souveraineté nationale, mais aussi comme une perspective internationaliste et universaliste parce que tous les peuples d’Europe ont intérêt à la disparition de l’euro comme monnaie unique.

 

6.- Dévaluer le franc

Une fois sortis de l’euro, il faudra dévaluer le Franc par rapport à l’euro. Pour protéger le pouvoir d’achat de la population (certains prix des produits importés peuvent augmenter), il faudra remettre immédiatement en place l’échelle mobile des salaires et des prix, puissant facteur de stabilité économique et sociale.

 

7.- Nationaliser toutes les banques et compagnies d’assurance

Ces formes de propriété publique et sociale fonctionneront démocratiquement, avec participation au Conseil d’administration : des représentants des salariés, des associations de défense des usagers ou consommateurs, mais aussi des représentants de certaines industries, des élus locaux, en plus des représentants de l’État.


Nationaliser le secteur bancaire en son entier

Il faut le répéter, les banques ont un rôle de service public : garantir les dépôts des épargnants et non les ruiner, assurer le financement de l’économie et non l’assécher.


Nationaliser les compagnies d’assurance

Les compagnies d’assurance doivent être nationalisées pour les ramener à leur mission d’intérêt général en les privant de leurs activités spéculatives.

 

8.- Démanteler les marchés financiers

Le système financier doit avoir un simple rôle d’intermédiaire au service de l’intérêt général et ne pas se transformer en marché financier spéculatif n’agissant que pour les profits d’intérêts privés de très court terme. Le réglementer ne suffit plus, ce serait totalement inadapté à la situation actuelle, il faut le démanteler en fermant d’abord le marché obligataire

 

9.- Organiser le dépérissement de la Bourse jusqu’à sa fermeture

Alors que la Bourse était censée apporter de l’argent frais aux entreprises qui y sont cotées, on constate que le montant des émissions d’actions nouvelles est inférieur à la somme des dividendes et des rachats de leurs propres actions par les entreprises. La relation entre l’entreprise et ses actionnaires est inversée : ce ne sont plus les actionnaires qui financent l’entreprise, c’est l’entreprise qui finance ses actionnaires.

Nous faisons 14 Propositions pour faire dépérir la Bourse, vous en trouverez le détail sur notre site internet, rubrique "Programme".

 

10.- Créer un Pôle financier public

La somme des transformations à opérer pour sortir de l’Union européenne et de l’euro, se débrancher des marchés financiers en démondialisant, gérer l’annulation et la restructuration de la dette publique, remplacer le libre-échange par un protectionnisme coopératif visant l’équilibre de la balance des paiements, nationaliser les grands groupes stratégiques dont toutes les banques et sociétés d’assurances, dans le but de supprimer le chômage et la précarité, de relancer l’activité économique, la Sécurité sociale et les services publics, nécessite une coordination efficace des multiples acteurs concernés. Ils seront tous rassemblés au sein d’un Pôle financier public (PFP).

L’un des éléments majeur de ce dispositif sera la gestion du Livret E permettant le financement des entreprises, particulièrement des PME, en dehors de la Bourse.
 

Le Livret E

Un Livret E (comme Emploi ou Entreprise) sera créé, se substituant à la plupart des autres dispositifs d’épargne. Il sera conçu comme le Livret A.

Le but de ce Livret E sera double : offrir à l’épargne populaire la possibilité d’investir dans les entreprises de toutes tailles sans risque mais aussi sans rendements exagérés (en pouvant choisir les entreprises de son territoire) ; offrir, particulièrement aux PME, des sources de financement permettant leur développement.
Ce Livret E aura la garantie de l’État sur le capital et des intérêts fixes administrés, légèrement supérieurs à ceux du Livret A, et systématiquement supérieurs au taux de l’inflation.

Enfin, sur le plan juridique, la sortie de la France de l’Union européenne et de l’euro ne se fera surtout pas au moyen de l’article 50 du traité de Lisbonne.

Ce dernier, certes, sur le papier, permet à tout État-membre de se retirer de l’UE. Mais les conditions mises sont telles qu’elles sont de nature à empêcher toute réaction immédiate de l’État concerné à des attaques des marchés financiers ou à des troubles organisés par les classes dominantes. L’article 50 vise à engluer dans des procédures interminables les États qui voudraient sortir de l’UE puisqu’il faut « négocier » le retrait, le processus pouvant prendre deux ans.

Pour sortir de l’Union européenne, la France invoquera les articles 61 et 62 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités.

Ces articles décrivent le droit de retrait d’un traité international par un État, au motif notamment d’un « changement fondamental de circonstances ». Le fait que le peuple français élise une majorité politique souhaitant sortir de l’Union européenne serait un « changement fondamental de circonstances », évidemment !

En attendant la mise en œuvre de ces décisions, la France observera une « politique de la chaise vide » dans la totalité des instances de l’Union européenne.

La sortie de l’Union européenne s’accompagnera d’un référendum pour réviser la Constitution française afin d’en éliminer tous les articles qui placent le droit français sous la tutelle du droit communautaire européen, particulièrement ceux contenus dans le titre XV intitulé « De l’Union européenne ».

Voici la démarche systémique du Parti de l’émancipation du peuple pour une sortie de l’euro et de l’UE en faveur des classes dominées.

 

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