Le 23-04-2016
Texte publié sur Russia Today.
Après dix ans d’absence, la présence de Vladimir Poutine lors de la 70e session de l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies et son discours du 28 septembre, marque le retour en force de la Russie sur la scène diplomatique mondiale. Le président russe est apparu à la fois comme le chef de file d’une sorte de nouveau camp des non-alignés, et comme défenseur de la légalité internationale et de l’ONU.
Il est encore trop tôt pour dire si cette session de l’ONU entrera dans l’histoire au même rang que la conférence de Bandung (Indonésie) tenue en avril 1955. Elle réunissait pour la première fois les représentants de vingt-neuf pays africains et asiatiques qui allaient devenir une force politique revendiquant pour le Tiers-monde la liberté de choisir son destin entre les deux blocs de l’époque. Il y a un peu de cela dans le discours de Vladimir Poutine qui acte la fin du monde unipolaire dominé par les États-Unis depuis l’explosion de l’URSS. La période que nous vivons est désormais celle du passage de ce monde unipolaire sous domination occidentale, à un monde multipolaire intégrant les BRICS et l’Iran. Ce sont deux visions du monde qui, en réalité, s’opposent. Du côté occidental c’est la défense d’un universalisme artificiel et arrogant, réduit au capitalisme et à la démocratie libérale ; du côté des puissances émergentes c’est la défense de la nation souveraine et de ses choix politiques et économiques, le capitalisme, par exemple, n’étant pas une valeur universelle mais typiquement occidentale. Vladimir Poutine a été appuyé par le dirigeant chinois Xi Jinping qui a affirmé le besoin d’une « nouvelle charte des Nations unies » afin de bâtir des « partenariats d’égaux à égaux » et de respecter la « souveraineté ». C’est en effet le nouvel ordre mondial qu’il reste à construire pour dépasser celui mis en place, avec l’ONU, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Le dirigeant iranien Hassan Rohani est allé dans le même sens. On regrettera le silence du Brésil, de l’Afrique du Sud et de l’Inde qui, affaiblis par des tensions internes dues aux politiques néolibérales menées par ces pays, réduisent ainsi leur aura internationale.
Mettant l’occident sur la défensive, Vladimir Poutine a défendu le respect de la légalité internationale et le rôle de l’ONU. Il a pulvérisé les leçons de démocratie et sur les droits de l’homme professées en permanence par l’occident. C’est ce dernier qui a organisé un recul très net des principes du droit international. Essentiellement à l’instigation des États-Unis, qui ont mis tous les moyens à leur disposition, le droit international est instrumentalisé pour des causes qui lui sont contraires. Il est même victime d’une tentative de liquidation dans tous les secteurs qui handicapent la liberté de manœuvre des États-Unis. C’est ainsi que la « non-ingérence » dans les affaires intérieures des États et des peuples, disposition centrale de la Charte des Nations unies, devient son contraire avec l’ingérence dite « humanitaire » et le « devoir de protéger » les peuples contre leur propre État. Les États-Unis n’ont jamais supporté les contraintes juridiques issues des conventions multilatérales. Il faut pourtant un retour au multilatéralisme afin de tenir compte de la réalité internationale d’aujourd’hui.
Le règlement de la question syrienne sera-t-il l’acte de naissance d’une nouvelle architecture politique mondiale ? C’est, en tout cas, le sens des propositions du président russe. C’est lui qui rappelle les principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, foulés aux pieds par l’occident : la « non-ingérence dans les affaire intérieures d’un pays ». Sa proposition de « coordonner toutes les démarches contre l’État islamique » par une « véritable coalition mondiale contre le terrorisme, semblable à la coalition antihitlérienne », « incluant les pays arabes », et « dans les règles de la charte de l’ONU », est la seule qui peut permette d’avancer vers la résolution du conflit. Vladimir Poutine a encore raison quand il explique qu’il n’y a « pas d’autre solution à la crise syrienne que de renforcer les structures gouvernementales et leur accorder une aide dans leur lutte contre le terrorisme. » Il faut en effet penser aux populations et assurer le fonctionnement des hôpitaux, des écoles, de la distribution d’eau et d’électricité. Il constate que « à la place d’États souverains et stables, nous voyons la propagation croissante du chao ».
Daesh et les autres groupes criminels fanatiques menacent paix du monde. L’objectif principal doit être leur destruction, c’est l’ennemi principal en Syrie, ce n’est pas Bachar el-Assad, même si ce dernier est un dictateur criminel. L’enjeu n’est pas la survie du gouvernement syrien mais celui de la Syrie elle-même. Vouloir détruire le gouvernement syrien, objectif de la coalition occidentale, provoquerait le même chaos déjà observé dans des pays comme l’Irak ou la Libye. C’est ce qu’il faut admettre, car les groupes criminels fanatiques contrôlent 60% de la Syrie, et sur le terrain seule l’armée syrienne est au combat avec les Kurdes du PKK et les unités de défense YPG.
La coalition internationale dirigée par les États-Unis, depuis plus d’un an, bombarde le territoire syrien de manière ciblée. Elle n’a aucun mandat de l’ONU et n’a pas non plus l’accord du régime syrien, quoique l’on pense de ce dernier. Elle n’a donné aucun résultat, les groupes criminels fanatiques ne font qu’étendre leur emprise. Il est donc nécessaire de franchir une nouvelle étape. Dans ce but, il n’y a pas d’autre solution que de rassembler une nouvelle coalition et d’articuler ses forces armées aux forces armées du gouvernement syrien. Il ne s’agit pas de soutenir le dictateur criminel Bachar el-Assad ou au contraire de mettre en préalable son départ. C’est aux Syriens de résoudre cette question. Il s’agit de concentrer toutes les forces pour éliminer le djihadisme fondamentaliste. Un tel accord serait de même nature que celui passé pendant la Seconde Guerre mondiale entre l’URSS et les États-Unis contre l’Allemagne et le Japon. L’URSS et les États-Unis étaient en désaccord sur tout, sauf sur la nécessité supérieure de détruire le nazisme.
http://francais.rt.com/opinions/7605-jacques-nikonoff-sur-dossier-syrien-poutine-a-raison
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