Macron se souhaite une bonne année !

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Par Michèle Dessenne, présidente du Parti de la démondialisation

Personne n’y échappe. Les vœux sont une tradition ancrée depuis des siècles. Aux origines de cet incontournable rite officiel et généralisé, figurent les Romains qui, à partir de -46, célébraient le Nouvel An en janvier en l’honneur du dieu Janus, le dieu aux deux visages, symbole de la transition et du passage du temps, représenté avec une face tournée vers le passé, l’autre sur l’avenir. Les vœux prononcés pendant ces célébrations étaient alors destinés à assurer une année favorable et à renforcer les liens sociaux. Précision importante : dans la religion romaine, les dieux sont des puissances abstraites. « Chez les Romains, les mythes méditerranéens ont été ramenés du ciel sur la terre, et les héros ne sont plus des dieux mais de grands hommes de Rome ». (1)

Emmanuel Macron, qui s’adore dans le rôle de Président de la République, fait donc un exercice certes obligé mais qui lui offre surtout une occasion d’encore plus montrer son double visage, celui tourné vers le passé et l’autre vers l’avenir. Autrement dit, il célèbre ses actions passées et se glorifie de tracer la voie pour l’année nouvelle (et les suivantes). Il assume. Il sait ce qui est bon pour la populace qu’il veut protéger de l’égarement politique et des fautes de goût.
D’accord, tout le monde ne s’est pas fadé le spectacle mis en scène dans les jardins de l’Élysée, on le comprend aisément. D’autres flonflons et réjouissances occupaient les gens (même si des millions parmi eux ont dû se serrer la ceinture plus encore que d’habitude). Alors, pour que vous ne restiez pas sur votre faim et dans l’ignorance de ce temps solennel, nous partageons notre coup d’œil et notre oreille attentive pour décrypter la masse de mots magiques piégeux que Macron a déversés sans aucune gêne. Mais nous n’en restons pas là ! Lisez jusqu’au bout.
On n’ose même pas vous/nous souhaiter une bonne année mais plutôt du cou-rage et de l’action collective pour résister au temps gris et travailler à éclaircir le ciel dans le but qu'adviennent de nouveaux Jours heureux !

31 décembre 2023, 20 h, chaîne de télévision publique

Avez-vous vu, en fond de décor de scène du 31 décembre 2023, la trâlée de drapeaux alignés le long des arbres ?

Avez-vous remarqué le nombre de fois que Macron a prononcé le mot « réarmement » ?

Avez-vous entendu la petite phrase concernant l’accord européen des 27 sur l’immigration (et auquel Macron a accordé son oui le 8 juin 2023 !), un acte législatif comme s’en réjouit von der Leyen, la présidente de la Commission européenne ?

Avez-vous frissonné d’émotion lorsqu’il a expliqué combien les événements de l’année 2023 avaient été difficiles pour certains mais tellement utiles qu’il ne changera pas de cap ?

Avez-vous enfin compris que la réforme des retraites était nécessaire pour sauver le modèle social français et que le Janus du jour assumait pleinement sa politique de père fouettard pour le bien de ses ouailles ?

Avez-vous senti le vent du boulet quand celui qui tient bien serré la fonction de chef de la nation a martelé qu’il continuera à agir, agir, pour le bien du pays et le bien de chacun ?

Avez-vous vibré de patriotisme et d’esprit guerrier européen  quand il a évoqué la prolongation du soutien (militaire et sonnant et trébuchant) à l’Ukraine ?

Avez-vous bien noté dans vos agendas la date des élections européennes de 2024 qui constituent un moment crucial ? Et l’appel à votre mobilisation sans faille, requise pour glisser un bulletin dans l’urne aux étoiles ? Vote et tais toi !

En d’autres mots

D’abord, comme dit l’autre, une bonne photo en dit plus qu’un long discours ! Un nouveau stade a été franchi pour ouvrir l’année 2024 : le drapeau de la France n’est plus seulement un parmi les 26 autres de l’UE, il est désormais mêlé aux drapeaux du monde « qui compte », le monde qui collabore à la grande épopée libératrice de la mondialisation, loin des égoïsmes nationaux, de la vision étriquée de la patrie, le monde qui offre des jeux planétaires faute de permettre à chacun de gagner son pain. Histoire d'accoutumer mentalement une fois de plus à la vision qui doit s’imposer dans les crânes des Français, et tout particulièrement des jeunes générations. Hé, ne nous faites pas l’offense de ne pas avoir envisagé que les JO étaient la raison de l’exposition des drapeaux ! Nous dirions plutôt le prétexte. Jamais les symboles ne sont choisis au hasard. Les images arborées jouent plus que les mots prononcés. Le b-a-ba de la com ! Souvenez-vous de mai 2017, quand Macron, élu président de la République, apparaissait sous une pluie d’étoiles jaunes sur fond bleu ! Aux couleurs de l’Union européenne donc. Il élargit désormais son ambition au monde, au sien en tout cas.

D’ailleurs, qui peut encore nier aujourd’hui que Macron agit sans relâche pour la disparition de la nation française, de son histoire et de son peuple ? Quand il prononce « souveraineté » il accole immédiatement « européenne ». Il se prosterne quotidiennement aux pieds de la déesse Europe… Ah, Ah, ce Janus ! De fait, sa politique étrangère en atteste : la France n’en a plus. Elle tortille des fesses et multiplie les entorses pour cavaler derrière les bergers allemands et les pitbulls étasuniens.

En contre-poids (de pacotille), Macron encense la fierté de la France qu’il réduit à l’organisation des JO : «  Les Jeux olympiques et paralympiques seront en France comme chez eux », et à la reconstruction de Notre-Dame de Paris, « ce qui fera de 2024 un « millésime français ». Des jeux et de l’identité chrétienne et culturelle… Le reste est désormais décidé ailleurs et ne concerne pas les Français, sans doute inaptes à comprendre et décider des grandes questions : les politiques économiques, sociales, de défense, de santé, d’organisation du territoire, l’immigration, l’Union européenne, l’OTAN, etc.

Et le prêcheur, tout auto-stimulé par le désir de lui même, enfonce le clou avec cette envolée : « Nous aurons à faire le choix d'une Europe plus forte et plus souveraine à la lumière de l'héritage de Jacques Delors ».  Il nous somme de choisir entre « affirmer la force de nos démocraties libérales ou céder aux mensonges qui sèment le chaos ». Choisis ton camp, citoyen, et tu n’en a qu’un sauf à être un menteur !

L’obscénité est sans conteste sa récupération gerbante des Résistants

«  En 2024, nous célèbrerons aussi notre Histoire. 80 ans après 1944, nous serons fiers de notre passé, de nos héros aux destins mêlés. Soldats des armées alliées, mais aussi Français de naissance ou de préférence, Français et étrangers de la Résistance. Tous en lutte pour que soit libérée une France fidèle à l’esprit des Lumières, et à l’esprit de notre Révolution. » 
Et comme si cela ne suffisait pas il nous assène le coup de grâce : «  2024, année de détermination, de choix, de régénération, au fond,une année d'espérance. Oui, cette année, beaucoup de notre avenir se détermine. Alors, à nous de faire en-semble. A nous de choisir plutôt que de subir, à nous de tracer la route plutôt que de suivre. »

Mais qui est donc ce « nous » qu’il utilise à l’envi ? Lui et ses potes ou « nous » le peuple ?
C’est sans doute ce nous que devrions lui confisquer et devrions faire nôtre,  nous, le peuple, pour que la lutte soit menée hardiment et sans relâche par ceux qui veulent le voir dégager, lui et ses amis néolibéraux, les fossoyeurs des conquis sociaux, les prédateurs de liberté. Aux citoyens et citoyennes de choisir plutôt que de subir, à eux de tracer la route plutôt que de suivre les bourreaux qui conduisent à l’abattoir nos droits, nos libertés, nos entreprises et services publics, notre souveraineté populaire, nationale et monétaire.

Tournés vers l’avenir sans trahir le passé, nous le sommes ! Nous sommes les Janus populaires !

Souvenez-vous et vous, jeunes générations apprenez-le : le chant des partisans (ou chant de la libération) a été composé depuis Londres, propagé en France puis sifflé pendant l’Occupation de l’Allemagne nazie (2), et entonné à la Libération. Le manuscrit original, apporté clandestinement en France en juillet 1943, sera classé monument historique en 2006 !  
Chantons-le aujourd’hui encore, en souvenir des Résistants, dont les derniers sont en train de s’éteindre et dont le combat contre toute espérance a tracé la voie des Jours heureux pour le peuple de France. Leur engagement et leur courage éclairent encore le chemin vers la libération des peuples qui subissent aujourd'hui le joug des puissants, des prédateurs de la liberté et de la souveraineté populaire, ceux qui exploitent ou privent de travail des millions de personnes et recourent à la guerre.
Alors chantons et nous, « Soyons digne de l'indéfinissable splendeur de ceux qui sont destinés aux grandes entreprises » (3). !

Le chant des partisans (chant de la libération)

Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines,
Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu'on enchaîne,
Ohé ! partisans, ouvriers et paysans, c'est l'alarme !
Ce soir l'ennemi connaîtra le prix du sang et des larmes.

Montez de la mine, descendez des collines, camarades !
Sortez de la paille les fusils, la mitraille, les grenades.
Ohé, les tueurs à la balle et au couteau, tuez vite !
Ohé, saboteur, attention à ton fardeau : dynamite...

C'est nous qui brisons les barreaux des prisons pour nos frères.
La haine à nos trousses et la faim qui nous pousse, la misère.
Il y a des pays où les gens au creux des lits font des rêves.
Ici, nous, vois-tu, nous on marche et nous on tue, nous on crève...

Ici chacun sait ce qu'il veut, ce qu'il fait quand il passe.
Ami, si tu tombes un ami sort de l'ombre à ta place.
Demain du sang noir sèchera au grand soleil sur les routes.
Chantez, compagnons, dans la nuit la Liberté nous écoute...

Ami, entends-tu ces cris sourds du pays qu'on enchaîne ?
Ami, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh oh... »

NOTES :
1. Yves Lehmann, La religion romaine, Paris, puf, 1981, 128 p. (« Que sais-je », n° 1890), p.11.
2. Le chant des partisans, sifflé, devient le 17 mai 1943 l'indicatif de l’émission Honneur et Pa-trie, diffusée deux fois par jour par la radio britannique BBC, puis un signe de reconnaissance dans les maquis. On choisit de siffler la mélodie, d'abord pour ne pas être repéré en la chantant mais aussi car le chant reste audible malgré le brouillage de la BBC effectué par les Allemands. Dès sa première diffusion à l'antenne, le chant des partisans frappe considérablement les esprits. 
Les paroles sont publiées, sous le titre Les Partisans (chant de la Libération), dans le numéro 1 de la revue intellectuelle et littéraire clandestine Les Cahiers de Libération, dont l'édition originale porte le texte : « Ce volume a été achevé d'imprimer sous l'occupation nazie le 25 septembre 1943 ».
3. Citation de Flaubert utilisée sans référence à l’auteur dans le discours de Macron du 31 décembre 2023.