L’UE obéit aux ordres de l’OTAN et de l'Allemagne

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par Joël Perichaud, Secrétaire national du Pardem aux relations internationales


Dans la lignée des décisions de l’OTAN et de l’Allemagne, les ministres de la Défense de l’Union européenne au garde-à-vous, ont approuvé, le14 novembre 2023, une révision des priorités en matière de développement des capacités (capability development priorities, CDP, en sabir anglo-saxon bruxellois). Le comité directeur de l’Agence européenne de défense (AED) a fait siennes, en bon suiviste, ces nouvelles priorités de l’OTAN. Elle a donc publié une nouvelle version (en anglais…) d’un document déjà publié en 2018 en anglais…
Ce document, fil conducteur des “initiatives” de l’UE en matière de défense, servira à identifier les équipements à acheter (aux USA), à développer ou à étudier pour combler des « lacunes éventuelles ». Un pognon de dingue va donc déferler sur les entreprises privées dites “de défense”. En effet, « Les priorités nouvellement adoptées reflètent également les objectifs de la boussole stratégique de l’UE et les réalités militaires observées en Ukraine, y compris les besoins de haute intensité (la demande en équipements militaires) », a indiqué l’AED qui n’y va pas de main morte en ayant défini 22 priorités. Accrochez-vous.

Selon le rapport, les 22 priorités comprennent 14 priorités réparties sur 5 domaines militaires et 8 priorités liées aux capacités stratégiques essentielles au développement de la nouvelle capacité de déploiement rapide (CDR) de l’UE, toujours en construction… Pour améliorer leurs capacités sur le terrain, les États membres de l’UE doivent renforcer leurs capacités de combat au sol (chars) et leurs armes de précision terrestres, en « renforçant » les stocks de munitions de gros calibre, les systèmes antichars de pointe, la capacité de résistance aux cybermenaces, de défense aérienne et antimissile, de systèmes aériens sans pilote (drones), etc.
De plus, la question de la “mobilité militaire”, c’est-à-dire la capacité à déplacer efficacement les troupes et les équipements à travers le continent, est un autre point important du programme de l’AED. Cette nouvelle “préoccupation”  de l’Agence n’apparaît que pour préparer les esprits à accéder à une demande de l’OTAN : la création d’un “ espace Schengen militaire”.

Vers un espace Schengen militaire… 

Dans l'objectif de se préparer à une possible guerre contre la Russie, l’OTAN, par la voix de son  chef du Commandement logistique interarmées, Alexander Zolfrank, veut créer une zone de libre passage d'armements militaires : « L’Otan devrait créer un espace Schengen militaire permettant la libre circulation de soldats dans la majeure partie de l'Union européenne (UE), les forces de l’Alliance doivent pouvoir se déplacer librement entre les pays membres, afin d’être prêtes à une éventuelle confrontation d’envergure en Europe… Nous devons avoir une longueur d'avance. Nous devons préparer le théâtre bien avant que l'article 5 n'ait été invoqué » (clause de défense collective de l’ OTAN qui met l'Alliance en état de guerre).
Le lieutenant-général Lance Landrum a expliqué que les forces de l'OTAN se heurtent à des obstacles, sous la forme de réglementations nationales, pour le déplacement des troupes et des munitions. « L’ Otan ne doit pas provoquer une erreur de calcul du Kremlin en donnant l'impression que Moscou pourrait avoir une chance de gagner parce que l'Alliance n'est pas préparée » a-t-il averti.
Autrement dit : ce qui reste des souverainetés nationales en matière de défense est un obstacle au déploiement de militaires étrangers (américains surtout) sur le continent européen. 
Inacceptable pour les États-Unis qui indiquent ainsi clairement que l’état-major de son bras armé, l’OTAN, s’est trompé. En effet, il a sous-évalué la capacité des forces militaires russes et surtout leurs avancées technologiques, a méprisé la solidité du gouvernement russe ainsi que le potentiel économique de la Russie et a misé sans limite, avec la complicité de l’UE, sur le gouvernement de Zelensky, depuis fort longtemps corrompu. 
Pire, c’est finalement le constat que l’OTAN a conçu et vendu à ses affidés des équipements militaires trop fragiles pour des combats de haute intensité et n’a pas constitué un stock de munitions adapté à un long conflit. Bad trip dans une future guerre contre la Chine…
Côté stratégie, si l’on doit reconnaître que la Russie n'a pas engagé beaucoup de troupes au départ de l’opération spéciale, il est devenu évident que les consignes de l’OTAN dictées à l’armée ukrainienne (AFU) ont été désastreuses sur le terrain. 
Au final, malgré la débauche de dollars, d’euros et d’armes, la Russie semble devoir l’emporter dans les prochains mois, lorsque les troupes ukrainiennes baisseront les bras, faute de munitions, de motivation et de conscrits. Et le bilan pour l’OTAN et l’UE sera terrible, car une large part de leurs équipement aura été détruit et, au passage, la cohésion et la crédibilité des gouvernements des États membres de l’UE, dont la plupart sont des affidés au Pacte Atlantique, auront été très largement altérées. Pour Biden et l'OTAN, il faut donc réagir en urgence. Première mesure : appeler à la création d’un « Schengen » militaire avec la libre circulation des troupes de l’OTAN. 
Devant l’occupation programmée de leurs territoires par une armée étrangère, les peuples des pays membres de l’UE auront un devoir de résistance. Car rappelons qu’aujourd’hui, la Russie n’est pas une menace en Europe mais que c’est l’UE qui menace la Russie : une UE contrôlée par les États-Unis et par l’OTAN qui enserre et provoque la Russie !

L’UE fait la promo de l’augmentation des dépenses de « défense »

Pour financer leur(s) guerre(s), les USA, l’OTAN et L’UE ont besoin d’argent. Qu’à cela ne tienne, les peuples paieront. Austérité programmée, et déjà en marche, dégradation des services publics à grande vitesse, diminution des prestations sociales, augmentation des prix et taxes sur les énergies, des prix de l’alimentation et d’autres produits de première nécessité. C’est de toute part que les citoyens sont pressurés pour engraisser les industriels de l’armement. 
Car oui, les dépenses des États alimentent principalement les industries d’armement européennes et occidentales, qui réalisent des profits inimaginables sur les multiples fronts de guerre du monde.
En témoigne le rapport de L’AED sur les dépenses de « défense » des États membres de l’UE pour l’année 2022. Il salue le montant record de 240 milliards d’euros, soit + 6 % par rapport à 2021.
L’AED exulte car c’est la huitième année consécutive de « croissance » de ces dépenses. Sur les 27 États membres, 20 ont augmenté leurs dépenses de « défense » et  6 d’entre-eux ont augmenté leurs dépenses dans des pourcentages à deux chiffres : Suède (+30,1%),  Luxembourg (+27,9%),  Lituanie (+27,6%), Espagne (+19,3%), Belgique (+14,8%) et Grèce (+13,3%).
Ravi, Josep Borrell le vice-président de la Commission européenne, commissaire aux Affaires étrangères et chef de l’AED, s’est fendu d’un communiqué pour applaudir l’augmentation des dépenses, affirmant que « Le montant record de 240 milliards d’euros soutient l’engagement des États membres à renforcer la Défense européenne »… Il a toutefois demandé une augmentation supplémentaire de ces dépenses, précisant que « nos forces armées doivent être prêtes à affronter une époque beaucoup plus exigeante. S’adapter à ces nouvelles réalités signifie avant tout investir davantage dans la défense ».

Mesures commerciales de l’UE pour stimuler les achats des pays membres

Malgré l’effort significatif de dépense, la majeure partie des 27 pays de l’UE ne dépensent pas les 2% de leur PIB réclamés à corps et à cri par l’OTAN. Seuls 6 pays ont les doigts sur la couture du pantalon : la Grèce (3,7 %), la Lituanie (2,5 %), la Pologne (2,4 %), la Croatie (2,2 %), l’Estonie (2,1 %) et la Lettonie (2 %). La France, plus importante armée des 27, consacre 1,9 % de son PIB à la défense. Mais rassurez-vous ! La Macronie a prévu de passer à 2 % d’ici à 2025. C’est le sens du “réarmement” maintes fois répété par Macron.
D’autant que nous voilà sauvés par une promo exceptionnelle : grâce aux “nouvelles règles de gouvernance économique de l’UE”, les dépenses de défense pourraient bénéficier d’un statut spécial. Les États membres qui augmenteraient leurs dépenses de défense seraient traités avec plus d’indulgence s’ils dépassent la limite fixée dans les règles de l’UE en matière de déficit (3 % de leur PIB). Ainsi, une  « augmentation des investissements publics dans la défense par rapport à la moyenne au cours des quatre années précédant le plan […] devrait être explicitement reconnue comme un facteur pertinent spécifique lors du déclenchement d’une procédure de déficit excessif (PDE), au même titre que d’autres facteurs pertinents ». Si elle est mise en œuvre, cette mesure inciterait les 27 à augmenter leurs dépenses en matière de défense. L’UE décernerait ainsi un label “bonne dépense” aux armements mais un label “mauvaise dépense” à l’augmentation des salaires des fonctionnaires ou à l'indemnisation des chômeurs, par exemple.
Rappelons que le chefaillon de la diplomatie européenne, l’inénarrable Borell, avait, en 2022, qualifié l’UE de « beau jardin » et le reste du monde de « jungle qui peut envahir le jardin ». Autrement dit le paradis doit s’armer pour combattre l’enfer ! Le camp du bien contre le camp du mal. La même réthorique que celle de l’OTAN et des Etats-Unis ! 

Un espoir existe cependant. Les citoyens sont de plus en plus nombreux à vouloir quitter ce jardin des horreurs parce qu’ils comprennent de mieux en mieux sa nature, ses objectifs et ses dangers. En attendant ce grand jour du retour de la souveraineté nationale et populaire, ils boycotteront en masse l’élection européenne de juin prochain.