Le 21-04-2017
Par le Parti de la démondialisation
Le Parti de la démondialisation met à disposition de tous les citoyens intéressés une réflexion théorique sur l’élection présidentielle et les élections législatives de 2017 et leurs enjeux. Sa portée, outre le choix pour le premier tour de l’élection présidentielle le 23 avril, va bien au-delà. Il s’agit d’une analyse du blocage politique français et des voies et moyens pour en sortir.
Jusqu’à présent, gauche et droite de gouvernement ont tenté de maintenir une bipolarité vide de tout contenu et enjeu politique. D’accord avec la mondialisation néolibérale et son chef d’œuvre continental, l’Union européenne, le principal parti de la gauche et le principal parti de la droite ont tout fait pour éliminer la souveraineté de la France. Ils ont ainsi éliminé toute possibilité politique, électorale, de remise en cause du néolibéralisme, protégé par des traités internationaux inviolables, intransformables et inatteignables par les citoyens. Face à l’épuisement de ce modèle et au brouillage de plus en plus visible du clivage gauche-droite, la droite de la gauche et la gauche de la droite, avec une partie du grand patronat, ont lancé un nouveau produit : Emmanuel Macron. Ce dernier est la réponse française à la crise mondiale de la social-démocratie. Celle-ci est en train de s’effondrer en Amérique du Sud. Elle s’est déjà effondrée dans les pays scandinaves qui en étaient le modèle emblématique. Elle s’est également effondrée dans les pays de l’Europe du Sud.
Partout les mêmes causes sont à l’origine de cette déliquescence : absence d’analyse de la mondialisation néolibérale, refus de s’attaquer sérieusement aux classes dominantes quand elles exercent le pouvoir d’État (Amérique du Sud), alliances gouvernementales avec la droite et mise en œuvre de politiques néolibérales (Union européenne). L’usure des partis travaillistes, socialistes, socio-démocrates, qui appartiennent à la catégorie des partis « réformistes », nécessitait une reconfiguration générale. Celle-ci est en cours. En Grèce, c’est Syriza qui joue ce rôle. En Espagne, Podemos a failli être utilisé dans ce but.
En France, le discrédit du PS obligeait à réagir, d’où la fabrication de Monsieur Macron. Propulsé par les grands médias, il est parvenu, selon les sondages, à capter une partie des électeurs de gauche, du centre et de la droite. Messieurs Hollande et Valls, entre autres, militent ouvertement pour cette recomposition politique. Le Parti socialiste du congrès d’Épinay (1971), en effet, a accompli son œuvre. Créé autour de François Mitterrand pour accéder au pouvoir en captant les voix du Parti communiste français, il a atteint son but et permis au Parti socialiste d’exercer trois mandatures présidentielles. Pour des résultats lamentables pour le peuple, excellents pour les classes dominantes. Si l’opération Macron échoue, l’oligarchie, avec Monsieur Mélenchon, aura un deuxième choix. Contre mauvaise fortune elle fera bon cœur. Certes il a le verbe haut et son petit caractère. Mais ce n’est pas cela qui compte. Ce qui compte, c’est son programme. Et celui-ci est inoffensif pour les classes dirigeantes.
D’autant que le parcours de Monsieur Mélenchon a de quoi rassurer la caste. Membre du Parti socialiste et mitterrandien pendant des décennies, il a compris qu’il fallait parler « populaire » pour être élu, pour ensuite faire une politique qui laisse en place le pouvoir des classes dominantes. Monsieur Mélenchon a voté OUI au traité de Maastricht (1992) qui ouvrait la voie à la monnaie unique. Il a été ministre de la « gauche plurielle » de Lionel Jospin (1997-2002) qui détient le record des privatisations, et il n’a pas jugé utile de démissionner. Il a soutenu jusqu’au bout l’échec prévisible du Premier ministre grec Alexis Tsipras. La dynamique réelle qui existe aujourd’hui en faveur de Monsieur Mélenchon annonce l’immense déception de demain s’il était élu. Il ne resterait alors au peuple – sauf si le Pardem se développe – que le FN pour incarner une rupture qui, elle non plus, n’aura pas lieu avec ce parti démagogue et xénophobe.
Alors que faire ? Il faut que les vainqueurs des élections, à la présidentielle comme aux législatives, soient largement minoritaires. Autrement dit, il faut que le total des abstentions, blancs et nuls (dont les cartons rouges) dépasse le nombre de voix obtenu par les candidats. Dans ce cas, la légitimité aura changé de camp. C’est le peuple, majoritaire, qui sera légitime pour agir, quel que soient les élus. Seule sa mobilisation, du type Front populaire, pourra permettre d’arracher au pouvoir, affaibli, les revendications d’emploi, de salaire, de services publics, de Sécurité sociale… bloquées depuis si longtemps.
I.- Tout a commencé par le choix des primaires dans les deux camps principaux des partis politiciens, symptôme du post-politique.
En 2017, innovation tristement révélatrice, les deux prétendants principaux de la gauche et de la droite de gouvernement, à savoir les candidats du PS et de LR ont été chacun désignés par le mécanisme d’une primaire ouverte. Pourquoi, plutôt que de s’en féliciter, y voyant naïvement une avancée de l’introuvable « démocratie participative », faut-il au contraire y voir un des nombreux symptômes de la disparition de la nature politique de nos sociétés et des processus démocratiques qui allaient avec ?
Le véritable rôle démocratique des partis politiques s’est perdu, et bien des gens ne comprennent pas pourquoi ni comment. Pour le comprendre, il faut revenir sur leur moment de naissance, qui transforma complètement la signification du Parlement. Le sens des institutions réputées « représentatives », et leurs conséquences pratiques, avaient en effet changé du tout au tout lorsque l’on inventa progressivement les partis politiques de masse (ouverts à tout le monde et pas seulement aux élites et aux élus) organisés au niveau national entre la fin du XIXe et le début du XXe siècle.
La théorie originelle de la représentation politique était que les élus au parlement forment en toute indépendance et sans esprit de parti la volonté générale de la nation, supposée unanime. Cette conception a eu des conséquences institutionnelles pensées par exemple par Sieyès, Constant et Thiers. Pendant tout le XIXe siècle, elles ont servi à capter la souveraineté populaire au profit de l’assemblée parlementaire uniquement composée de notables. Les parlementaires se retrouvaient les seuls légitimes pour décider de tout sans avoir de comptes à rendre à personne. En effet les décisions étaient censées être prises au nom de la volonté générale de la nation. Celle-ci étant comprise comme une entité abstraite et non comme la volonté majoritaire du corps des électeurs présents. C’était, de fait, les « représentants » qui se retrouvaient souverains, et non la nation.
Les revendications sociales suscitées par le capitalisme triomphant lors de la révolution industrielle n’avaient dans ce cadre tout simplement aucune chance d’aboutir. C’est cette situation que renverse totalement la création des partis politiques de masse organisés au niveau national, en commençant par les partis sociaux-démocrates en Allemagne.
Ces nouveaux partis imposent progressivement aux parlementaires rétifs, mais de plus en plus dépendants de leur nouvelle réalité fondée sur le nombre pour obtenir leur poste, une discipline de vote, une direction politique claire, en amont des législatures. Ils créent de ce fait une responsabilité politique lisible et contraignante en fin de mandat. L’alliance d’un programme politique identifié et d’une stricte discipline de vote - pratiques jusque-là radicalement contraires aux usages et à la théorie parlementaire -, se révèle en effet beaucoup plus attractive pour les électeurs. Les parlementaires « traditionnels » auraient donc été progressivement balayés s’ils n’avaient pas compris à temps qu’il leur fallait à leur tour monter dans le train, et s’organiser de la même manière, avec bien sûr d’autres orientations et programmes que la naissante mais puissante social-démocratie.
Les débats qui comptent deviennent ceux organisés publiquement en amont des législatures (des élections), en dehors de l’enceinte parlementaire, reprenant les divisions et conflits essentiels de la société. Dès lors, les revendications principales des classes populaires, une fois celles-ci organisées en partis politiques de masse, ne peuvent plus être ignorées. Et ce d’autant moins que le suffrage universel s’impose partout progressivement.
L’enceinte parlementaire, jusqu’alors autonome dans ses décisions, se voit contrainte de l’extérieur. Ses débats principaux sont alors préemptés par le débat public en aval et en amont des élections, et le sort politique des députés en dépend, volens non volens. Grâce aux partis politiques ! C’est cette inversion du sens donné à l’institution parlementaire (représenter les clivages politico-sociaux internes à la nation et non plus les nier), et surtout la contrainte bien réelle du suffrage universel couplé aux partis politiques de masse organisés nationalement, qui donneront enfin un débouché politique aux luttes sociales et syndicales (les syndicats s’organisant aussi nationalement au même moment).
Cette nouvelle réalité rendra possible le processus qui arrachera toutes les conquêtes sociales et démocratiques majeures. C’est ce qui permettra de bâtir ce que l’on nommera plus tard l’État social (caricaturé en « État-providence ») : droit du travail, extension de la Fonction publique, Sécurité sociale, reconnaissance institutionnelle des syndicats, etc.
Mais cette avancée primordiale, liée aux partis politiques de masse, dépend bien sûr de la situation institutionnelle antérieure, où l’État dispose de tous ses pouvoirs pour transformer politiquement l’économie et la société, et où cette souveraineté étatique est attribuée en droit à la nation. C’est la situation d’avant la montée en puissance des institutions néolibérales, en particulier des institutions européennes. Celles-ci ont dissous la souveraineté nationale, seule garante que les débats et les rapports de force électoraux puissent au final déboucher sur des décisions primordiales sur tous les sujets essentiels. Depuis, les choix politiques et sociaux sont préemptés par ces institutions antidémocratiques, non élues et non nationales. Elles ne dépendent donc plus des rapports de force des sociétés réelles, qui sont et restent étatiques.
Les partis politiques restent formellement en place, mais ils tournent aujourd’hui à vide, ayant perdu leur fonction liée au fait que le Parlement disposait du monopole de la loi dans un pays souverain. Ils ont structurellement perdu leur sens et leur fonction démocratique. Ils ne sont plus contraints de représenter politiquement les clivages politiques et sociaux fondamentaux des sociétés européennes. Ils ne sont que les fondés de pouvoir des oligarchies européennes, les petites mains législatives de décisions prises ailleurs, hors de tout processus démocratique. Dans cette nouvelle configuration institutionnelle, ils ne peuvent plus servir à rien à part légitimer électoralement, et toujours plus laborieusement, l’avancée inexorable du néolibéralisme.
Cette perte de toute fonction effective a fini par se voir et se constater au fil des années. Ils ont alors logiquement perdu l’essentiel de leur crédibilité avec cette perte de fonction politique, celle qui les voyait contraints de traduire législativement les rapports de force sociaux, politiques puis électoraux. Cette logique antipolitique s’est coulée dans la pente bipolaire de la Ve République. Elle a été accentuée par les réformes constitutionnelles successives, particulièrement le quinquennat et la concordance du calendrier législatif et présidentiel. On voit alors la naissance d’un bloc de droite contre un bloc de gauche, alors que plus aucun enjeu politique majeur n’est lié à cette bipolarisation. Elle est devenue de plus en plus artificielle. Les vraies institutions contraignantes sont en effet désormais en dehors du jeu parlementaire, remplacées par des traités inatteignables, des négociations intergouvernementales secrètes, des commissions et des instances non élues.
Pour crédibiliser un candidat de la droite gouvernementale, le fait d’être le chef du parti hégémonique de ce camp idéologique sans enjeu politique réel, en l’occurrence Les Républicains (sans République, dissoute dans l’UE), ne suffit plus du tout pour animer une dynamique électorale en dehors des derniers militants, de plus en plus rares. Pour séduire le camp électoral en son entier (ici celui de la droite), il faut donc substituer une logique hors parti, qui rassemble tous les électeurs en les faisant directement désigner celui ou celle (très généralement celui) qui saura artificiellement faire revivre, le temps d’une campagne, les anciennes identités idéologiques. Ces dernières, la « droite », la « gauche », deviennent de vieux fantômes, des spectres politiques de plus en plus irréels, sans plus aucun lien avec la réalité, hormis les anecdotiques « sujets de société », comme par exemple les formes du mariage.
Les parlementaires, depuis longtemps des professionnels de la politique politicienne, tiennent leur fonction par le contrôle qu’ils ont su établir dans les partis d’élus, notamment la désignation des candidats. Le seul et unique intérêt des partis politiques pour ces politiciens est donc de leur fournir un cadre, des moyens financiers et humains, une machinerie institutionnelle et concrète pour accéder à des postes de responsabilité et de pouvoir par le biais des élections. Ils étaient donc par tradition méfiants face à la logique nouvelle des primaires, qui court-circuitait apparemment la logique de parti.
Mais quand ils ont vu les avantages qu’ils pouvaient en tirer en observant l’initiative du PS en 2011, qui organisait pour la première fois en France des primaires ouvertes pour désigner leur candidat, ils ont vite compris le bénéfice qu’ils pouvaient eux aussi en tirer. Il y a en effet deux avantages dans cette nouveauté qui tire les conséquences du post-politique spécifiques aux institutions néolibérales.
Le premier, et le principal, est celui d’arriver encore par ce stratagème à impliquer des électeurs qui ne croient plus à ces partis « politiques ». Ces derniers en effet ne décident plus de rien dans un parlement qui n’est plus que le fantôme d’un parlement. Il fait semblant d’avoir encore le monopole de l’initiative des lois, alors qu’il ne fait plus que transposer des directives européennes pour l’essentiel. Ces primaires ont mis en valeur un affrontement de personnalités pour représenter un courant , tentant par-là de redonner de la couleur, de l’attractivité, de la crédibilité à un clivage qui intéresse de moins en moins de citoyens.
Le combat électoral devient alors un jeu de téléréalité médiatique concernant le pouvoir. Quelle personnalité veut-on voir au sommet ? Quelle personnalité veut-on éliminer ? Il n’y a plus d’enjeu politique, mais le rejet des élus précédents qui ont forcément trahis leurs promesses. C’est une possibilité de pouvoir influer sur ces postes en visibilité incarnant ce qui reste d’État. On fait participer (de plus en plus faiblement cependant) les électeurs à qui on ne laisse plus en réalité que ce dernier « pouvoir » : décider de qui va leur infliger l’inévitable potion néolibérale européenne.
Le deuxième avantage est encore plus anecdotique pour les citoyens mais très important pour les politiciens. Ils avaient constaté que le jeu des places et des chaises musicales, qui décide concrètement de la réussite de leur carrière professionnelle, était de plus en plus capté par des caciques inamovibles. On peut prendre l’exemple des éléphants socialistes, leurs dépendants directs et leur équivalent de droite. Les candidatures multiples que permet le jeu des primaires rouvre le jeu pour les autres. Même pour ceux qui ne parviennent pas à capter les premières places, ils font mine de représenter une dynamique politique quelconque afin de monnayer dans un second temps leur ralliement par un poste de gouvernement ou une place au soleil quelconque. Peu importe la nature de cette dynamique, pourvu qu’elle ait un peu le vent en poupe ou qu’elle représente une part du marché électoral.Ils font mine de représenter une dynamique politique quelconque afin de monnayer leur ralliement par un poste de gouvernement ou une place au soleil quelconque. Peu importe laquelle pourvu qu’elle ait un peu le vent en poupe ou qu’elle représente une part du marché électoral.
Plus ils auront réussi à incarner une idée et des électeurs, plus leur future place sera intéressante. Ils ont par exemple regardé très attentivement le destin de Montebourg avant et après la primaire, ce qui était en effet très parlant. Pour chaque prétendant, tous les rêves sont donc permis, et pour le groupe en son entier, il gagne en efficacité puisque les électeurs seront davantage tentés de voter pour le candidat final, puisque leur champion (ne) aura bien sûr fini par le rallier. C’est tout le jeu de la primaire, offrant comme monnaie d’échange pour leur prochain poste leur panel d’électeurs, comme la mariée sa dot.
Cela permet aussi de renouveler la fameuse stratégie du râteau. C’est l’art d’inclure dans un parti national de gouvernement des tendances politiques hétérogènes, voire opposées, afin d’attirer pour les seconds tours leurs électeurs potentiels. Ces derniers parient pour la suite la possibilité de pouvoir peser sur la ligne du parti. Ceci en échange de leur soutien du navire commun général pour les élections principales. Les stratégies de « gauche plurielle » avaient étendu ce stratagème interne au parti à des alliances extérieures négociées et hiérarchiques, afin d’échanger contre des postes les fameux ralliements de second tour.
Les « primaires ouvertes » sont de ce point de vue la continuation de la même stratégie du râteau. Leur but est d’attirer les électeurs devenus très méfiants vis-à-vis de ces partis inféodés. Ils peuvent se croire encore représentés par une « personnalité » qui s’affiche apparemment libre de toute contrainte partisane, alors que tout le système des primaires en dépend dans les faits.
Bref, les primaires ouvertes, à gauche comme à droite, avec le « vote utile » grâce au providentiel FN, et toutes ces manœuvres et bricolages démagogiques, ne sont là que pour faire de la respiration artificielle à un système électoral démonétisé. Un système qui n’arrive plus à masquer son absence totale d’enjeu politique réel.
C’est ainsi que nos sociétés post-politiques, post-démocratiques, post-nationales, inventent des dispositifs pour aménager tant bien que mal des institutions électorales vidées de tout enjeu. Elles suscitent de plus en plus d’abstention, d’indifférence et de scepticisme, puisque tout le monde a bien compris que l’essentiel ne passait plus par là depuis l’institutionnalisation du néolibéralisme. Les institutions du néolibéralisme (surtout l’UE), ou la politique, il faut choisir. Les partis « politiques » traditionnels ont tous choisi l’UE. Et adieu la politique (la vraie). Bien sûr ils n’abandonnent pas les élections, qui font leur poste. Mais ce sont donc des élections sans politique.
II.- Le seul enjeu des « primaires ouvertes » pour 2017 était de savoir qui serait en face de Marine Le Pen, et donc gagnerait les élections quel que soit son "programme".
Pour 2017, il suffisait de regarder un tant soit peu les sondages de 2016 et être le moindrement frotté de politique pour comprendre que l’accès au second tour de Marine Le Pen était une non question. Dès lors, ce n’était même plus le traditionnel conflit gauche-droite, devenu de toute façon dans le contexte de l’Union européenne une relique folklorique, qui animerait le second tour. La question devenait donc uniquement qui, lors du premier tour, arriverait à être face à elle, afin de gagner, et ce quel que soit sa famille idéologique et son programme officiel. De toute façon ce « programme » ne pourrait être traduit que par l’application des directives européennes.
Les candidates et candidats à la candidature ont donc toutes et tous fait semblant d’incarner une vision politique et un programme. Mais ils ont tenté en fait d’être uniquement majoritaire dans leur propre camp, dans le cadre des primaires ouvertes. Car ils ont acté l’inutilité politique de leur parti d’origine (toujours nécessaires cependant pour accéder aux postes). Le but est de passer le cap du premier tour, puisqu’au second le gagnant rafle la mise automatiquement (c’est l’effet FN).
Pour la « droite », qui ne se distingue plus en rien de la gauche de gouvernement, si ce n’est dans le verbe et la posture idéologique, il s’agit donc de passer devant le camp « socialiste » totalement déconsidéré par une politique spectaculairement néolibérale et européiste (les deux sont de vrais synonymes), en ne proposant pourtant que la même chose, tout en prétendant le contraire si tant est que cela soit possible. Il faut en effet avoir le soutien non seulement de sa base électorale qui les fera gagner les primaires (retraités possédant un patrimoine, bobos argentés, conservateurs idéologiques, etc.), mais aussi des classes dominantes en général qui maîtrisent (et tout simplement possèdent) désormais intégralement tous les grands médias et qui sont capables de faire ou de défaire les candidats.
Or, ces classes dominantes, dont le pouvoir décuplé est directement lié à l’agencement institutionnel européen qui a gravé dans le marbre le néolibéralisme en le sortant des rapports de force démocratiques, sont désormais aux abois. Elles ont compris que leur magnifique instrument bat sérieusement de l’aile. Elles veulent donc de très solides garanties des futurs candidats sur le fait qu’ils feront le maximum, quelle que soit l’impopularité qui en résultera, pour aggraver le plus possible et surtout le plus rapidement possible les politiques néolibérales de destruction totale des acquis de l’État social.
Il faut en effet se dépêcher, tant que la machinerie antidémocratique européenne fonctionne encore à plein régime, permettant des choses impossibles à obtenir et surtout à garantir dans le cadre de la souveraineté nationale. Il faut acter le plus possible de destructions sociales et politiques majeures avant que la poule européenne aux œufs d’or ne disparaisse, puisque tel est bien désormais pour les classes dominantes le risque qui se profile au loin.
Et comme à ce jeu-là, les socialistes se sont révélés encore plus efficaces que la droite, il s’agit de faire preuve de surenchère néolibérale et euro-compatible afin d’être néanmoins soutenu par les grands médias, les relais d’influence, les réseaux de pouvoir. Le soutien médiatique et sondagier à Macron prouve que les classes dominantes qui contrôlent ces leviers ont tout à fait conscience de cet atout supérieur des néolibéraux de gauche sur la droite classique.
Mais ils ont néanmoins leur chance puisque le PS, du fait même de son efficacité dans l’avancement à marche forcée du néolibéralisme, bat des records d’impopularité, et donc voit ses chances pour être au second tour s’amenuiser radicalement. C’était le même côté impopulaire qui avait rendu leur champion Sarkozy soudainement contreproductif, et qui leur avait fait soutenir massivement Strauss-Kahn, puisque, encore une fois, les classes dominantes sont en tant que telles complètement indifférentes à l’idéologie, surtout dans un contexte institutionnel où cette dernière ne peut déboucher sur aucune différence sur l’essentiel pour elles.
Le même processus voit donc le phénomène pendulaire s’inverser, même si structurellement, les mêmes politiques néolibérales sont plus susceptibles de déclencher des luttes sociales et syndicales quand elles sont impulsées par la droite que par la gauche. Mais faute de grives les classes dominantes mangent du merle.
Quant à la gauche de gouvernement, ce n’est que le camp idéologique de ceux qui se présentent comme « progressistes », et c’est bien comme tels que se présentent les socialistes et Macron. Ils se servent de cette surenchère programmatique bienvenue de la droite pour bien sûr se présenter comme le camp d’en face, malgré un bilan qui dément spectaculairement dans les faits cette prétention. Nul besoin de rajouter d’inutiles guillemets à « gauche », puisque la gauche n’a qu’à de très rares, conjoncturelles, et atypiques occasions, correspondu au camp anticapitaliste réel sur les enjeux principaux ; à savoir 1936, 1945 et 1981.
De toute façon tout cela ne concerne que le premier tour, puisque tout se décidera hors programme politique, au second tour, rejouant le psychodrame de 2002, le « sursaut républicain », les années 1930, etc. Plus personne ne raisonnera alors en termes politiques, du moins dans les médias et les milieux militants. On assistera à l’hystérie idéologique rejouant à peu de frais, et presque a contrario de la réalité, le scénario de l’arrivée au pouvoir des fascistes par des voies légales.
Pourquoi prétendre que le FN représente une dynamique politique inverse à celle des années 1930 en France ? Il est bien évident que les racines idéologiques de ce parti indéniablement xénophobe, démagogique et nauséabond sont bien celles issues de l’extrême-droite française, par ailleurs très diverse, hétérogène (l’extrême-droite est bien loin de se résumer au fascisme), et groupusculaire. Mais en fait là n’est pas la question. L’actuel succès de ce parti n’a rien à voir avec cela, si ce n’est la xénophobie, ce qui certes n’est pas rien.
Il a tout à voir en revanche avec la colère des classes populaires et moyennes précarisées par la mondialisation et le scandale démocratique qui a vu confisquée la souveraineté populaire par des institutions antidémocratiques, et la similarité des programmes réellement appliqués entre la droite et la gauche qui en découle. Cette situation post-politique, où le corps électoral n’a plus aucun moyen de peser sur les lois, et où il devient manifeste que droite et gauche font la même chose pour l’essentiel, a profondément dégoûté la population qui s’était structurée idéologiquement sur la base de cette distinction identitaire (même si à l’époque où elle fonctionnait encore, elle était déjà illusoire mais c’est une autre question).
Or, la situation des années 1930 représentait l’inverse. C’était alors l’incapacité des institutions représentatives et parlementaires à faire face à la crise et à la question sociale qui avaient conduit une bonne part du peuple à douter de la pertinence et de l’intérêt du système parlementaire et représentatif. Ces doutes fondamentaux amenèrent les différents peuples d’Europe pour certains à tolérer, pour d’autres à carrément placer leurs espoirs dans l’État fasciste et le parti unique. C’était une solution qui n’avait pas encore été testée et qui semblait très déterminée à réagir de manière nouvelle et radicale aux problèmes du temps. Cette solution était aussi celle privilégiée par les classes dominantes comme rempart rassurant contre le risque communiste. Les peuples européens ne purent que constater où les menaient cette erreur fatale. Mais ils ont durement retenu la leçon, jusqu’à aujourd’hui.
Ici, le phénomène est bel et bien inversé. Le peuple français utilise le FN pour signifier sa colère de voir les institutions représentatives, électorales, la souveraineté nationale, base de tout processus démocratique, les acquis sociaux durement obtenus, tout cela bafoué de façon éhontée par une classe politique intégralement acquise aux institutions néolibérales européennes. Ces dernières, en effet, sont incompatibles avec toute possibilité de pouvoir peser sur les lois, imposer le plein-emploi et faire avancer le progrès social. Tout ce à quoi tient avec raison la population la plus exposée à la mondialisation.
Bref, cette dernière ne veut pas tenter de supprimer les institutions parlementaires et l’État de droit pour voir si cela pourrait solutionner leurs problèmes. Tout au contraire, elle veut se débarrasser politiquement de la classe politique qui, en son entier, a vidé de leur sens les institutions représentatives et l’État de droit en les remplaçant par les institutions européennes. Se venger de cette trahison démocratique, de la classe politique traditionnelle, tout en restaurant l’efficacité et le sens des institutions électorales et parlementaires, restaurer la souveraineté nationale, on ne peut faire projet moins fasciste que cela...
Là où ces victimes de la mondialisation se trompent, c’est en croyant que le FN puisse en être le vecteur. Sans avoir en rien les moyens concrets ni même l’objectif politique d’imposer une quelconque solution fasciste dont personne ne veut, même lui, le FN, tente juste de monnayer au plus cher sa capacité de nuisance, sa niche politique protestataire, et pourquoi pas à terme arriver au pouvoir. Quoique cela puisse aussi signifier son chant du cygne, l’épreuve du réel étant souvent rédhibitoire pour les stratégies purement démagogiques qui ont besoin du flou et des promesses contradictoires pour pouvoir se développer.
Tant qu’il reste le seul parti visible à pouvoir incarner, à tort, une rupture politique avec la mondialisation pour les classes populaires et moyennes précarisées (le PG de Mélenchon s’adresse à une autre tranche sociologique et idéologique, beaucoup moins sensible à la démondialisation), il a tout intérêt à continuer de surfer sur cette exigence du retour aux structures de base de la démocratie. Les classes dominantes, quant à elles, n’ont aucun intérêt à privilégier un retour de la solution fasciste, puisque le système européen sert infiniment mieux leur intérêt, et qui de plus est de manière durable. Elles n’ont pas plus intérêt à pousser le FN, qui incarne (à tort) le rejet de la mondialisation, mondialisation qui fait leur force. Bref, ni les classes dominantes, ni le FN, et encore moins ses électeurs ne songent un seul instant à faire revivre un régime fasciste.
Comparer cette situation avec les années 1930 est à vrai dire irresponsable et d’une grande légèreté de la part de ceux qui prennent une posture avantageuse en se plaçant sans frais du bon côté de la barrière morale. Ils inversent le sens de la dynamique actuelle, et renforcent d’ailleurs de ce fait la crédibilité du FN en tant qu’ennemi public numéro un des partis en place, alors qu’il n’en est qu’une sorte de fou du roi et qu’il a été pendant trente ans le garant et le gagnant du blocage politique qu’il feint de vouloir faire exploser.
Si le FN représentait réellement une dynamique fasciste et était soutenu massivement par les classes dominantes voulant instaurer un régime fasciste, le tout avec un FN à 30%, et avec des électeurs prêts à supprimer les institutions représentatives et les libertés publiques (de ce seul point de vue on ferait mieux d’ailleurs de surveiller le PS), alors la situation serait réellement critique. Et la solution ne serait hélas déjà plus dans les urnes mais dans la rue, physiquement. Face à une véritable menace fasciste, nous le savons, ou nous devrions le savoir, la guerre civile, la plus terrible hélas, est tout simplement inévitable, il n’y a jamais eu d’exception !
C’est donc les armes à la main qu’il faudrait impérativement combattre le FN. Tous ceux qui font mine, à peu de frais et en prenant la pose, de combattre la bête immonde, avouent être des plaisantins incapables eux-mêmes de prendre au sérieux leur propre discours, puisqu’ils n’instruisent aucun rapport de force physique contre le FN, ses cadres, ses militants et ses électeurs, et leur supposée menace fasciste. Tout cela n’est en réalité qu’une sinistre farce, et n’a aucun rapport avec la réalité, qui ne ressemble en rien à celle des années 1930. Heureusement, car avec de tels défenseurs autoproclamés de la démocratie, le fascisme aurait alors de beaux jours devant lui...
C’est tout cela qu’il faut avoir en tête pour ne pas céder au chantage absurde qui, cela ne fait aucun doute, présentera en 2017 le deuxième tour comme celui du combat vital entre les défenseurs de la « démocratie » et le « fascisme » !
Les électeurs qui réclament réellement le retour de la démocratie voteront pour la démondialisation au premier tour, donc Jacques Nikonoff à la présidentielle (carton rouge) et pour le PARDEM aux législatives. C’est le seul parti qui le propose.
Ceux par contre qui seront objectivement dans le camp du post-démocratique seront les défenseurs du candidat du parti de gouvernement qui aura réussi à se placer au deuxième tour, et qui défendra le statu quo, c’est-à-dire le maintien dans les institutions antidémocratiques européennes (Hamon, Macron, Fillon, Mélenchon). Telle est la réalité objective. Le reste sera de l’hystérie idéologique qui atteindra certainement des sommets, vu les enjeux et la situation critique des tenants de « l’Union » européenne.
III.- Le faux-semblant des programmes des uns et des autres : de pures opérations de marketing politique, destinées à rassembler laborieusement des camps idéologiques en lambeaux.
Maintenant que nous sommes à quelques heures du 23 avril 2017, les professionnels de la politique quittent le terrain grisâtre et indistinct de la gestion néolibérale des directives européennes pour se jeter sur le terrain grisant de la communication politique et de la relance de leur carrière. Ils ont pour principales armes les sondages et la sociologie électorale, la rhétorique démagogique et la communication médiatique renouvelée par les nouvelles technologies. La première phase a donc été, pour les raisons citées précédemment, celle des primaires ouvertes pour les deux partis de gouvernement censés être politiquement opposés, LR et PS + EELV (alors qu’ils ne sont opposés que pour les postes, chacun gérant un camp idéologique et une base électorale correspondante, et pratiquant une fois au pouvoir la même politique).
Il fallait alors réunir ses réseaux, décrocher des soutiens connus, financer sa campagne, obtenir la signature d’élus parlementaire, etc. Pour tenter d’être crédible et de se distinguer, il fallait aussi se faire écrire un livre d’analyse politique, avoir l’ébauche d’un programme, et livrer régulièrement des petites phrases destinées à faire polémique. Les électeurs aux primaires étaient bien sûr les militants, et une certaine masse d’électeurs restés fidèles aux deux grands partis. Cette phase n’était donc pas vraiment ciblée sur le corps électoral général, mais sur la stricte base électorale fidèle, soucieuse du respect de l’identité idéologique de leur camp. Il fallait donc d’abord gagner dans son camp avant de gagner tout court, et les deux exercices sont très différents.
Ce schéma a d’ailleurs volé en éclats car des électeurs de gauche ont voté à la primaire de la droite et inversement, pour éliminer le candidat du camp opposé qui leur paraissait le plus dangereux.
Pour les candidats LR, il fallait d’abord réaffirmer que Valls et Macron n’étaient que de pâles et maladroites copies pour « réformer » la France, s’attaquer aux « privilèges » de la Fonction publique et des syndicats, couper drastiquement dans les budgets publics, dégraisser l’État, faire baisser les « charges » et les impôts directs, faciliter la vie des entreprises, s’attaquer aux fraudeurs de la Sécurité sociale et des minimas sociaux, forcer les allocataires à prendre un emploi sous le SMIC, etc. Il fallait aussi réaffirmer que la politique sécuritaire, et « l’identité nationale » (peu importe que personne ne puisse la définir et que le problème soit celui de la souveraineté nationale et non de l’introuvable identité nationale), c’est l’affaire de la droite.
C’était aussi le moyen de rassurer les sources de financement privé et les médias tenus par eux que la ligne ne varie pas, et qu’elle sera même accentuée et accélérée (voir plus haut). Les programmes, tous quasiment identiques, hystériquement néolibéraux, ne signifient rien de plus que la continuation de la même et éternelle ligne. Ce qui sera appliqué en vrai sera bien, comme aujourd’hui, la ligne néolibérale européenne, en fonction des oppositions syndicales et politiques du pays, en sachant que la marge de manœuvre sera sans doute plus réduite que sous Hollande. Ce ne sera pas pour appliquer les « programmes » de la droite, puisqu’en fait il suffira comme d’habitude de continuer à transposer les directives européennes, toutes néolibérales, comme l’imposent de toute manière les traités, placés au-dessus de la Constitution.
L’hostilité de l’opinion en général aux sempiternelles mesures néolibérales est telle pourtant que même ces ténors de droite sont obligés d’en tenir compte, d’autant plus que certains déjà y voient une opportunité pour faire la différence en promettant qu’eux ne seraient pas favorables à une purge trop drastique, veulent une ligne moins docilement européiste, défendent l’identité nationale, etc. Nous l’avons vu avec le rétropédalage de Fillon sur la Sécurité sociale. Cela ne change bien sûr strictement rien quant au fond, tout cela étant juste une question de ripolinage idéologique en fonction des sondages. Pour le candidat PS c’est la même chose. La mise en orbite médiatique de Macron, la ligne hystériquement ultralibérale du candidat de droite, permettent fort opportunément pour le candidat socialiste de dégager une ligne plus « à gauche », mais tout aussi « ouverte » « sociétalement » que Macron, et bien sûr « protectrice pour les plus faibles » pour un PS pourtant comptable d’une législature historiquement destructrice de toutes les composantes de l’État social !
Encore une fois, toute cette agitation superficielle et politicienne ne doit tromper personne, il n’y a aucun enjeu politique réel derrière cette opposition en peau de lapin de la gauche (Hamon, Mélenchon) contre la droite. L’essentiel de ce que réalisera le vainqueur de 2017 est déjà écrit dans les directives européennes, c’est le même développement de « l’économie de l’offre » (favoriser les multinationales et les gros patrimoines en prétextant que cela relancera la croissance et l’emploi, conte de fées pour enfants mille fois démenti par les faits) et du démantèlement à marche forcée de tout ce qui constitue l’État social.
La règle de l’alternance veut que ce soit le tour de la partie la moins efficace des deux partis de gouvernement pour les classes dominantes, la droite, qui succède à un Hollande qui aura accompli des miracles supérieurs à Sarkozy pour faire avancer les fameuses « réformes de structure », les plus stratégiques. La fabrication de Macron est venue perturber ce schéma ou plutôt le compléter. Mais dans le fond cela ne change pas grand-chose. Les oppositions sociales et syndicales seront encore plus marquées avec un pouvoir de droite ou macronien, mais comme elles ne pourront pas déboucher politiquement, cela laissera néanmoins assez de champ au candidat de droite ou macronien pour avancer dans la même direction, celle que nous poursuivons depuis plus de trente ans, celle de l’approfondissement sans fin de la mondialisation néolibérale.
Il faut dire enfin quelques mots des « gaullistes » de droite qui sont membres de LR : Jacques Myard, Michèle Alliot-Marie, et Henri Guaino. Et des autres gaullistes revendiqués, candidats à la présidentielle mais hors LR : Nicolas Dupont-Aignan et François Asselineau.
Pour ceux qui s’étaient coulés dans la primaire, l’imposture était évidente. Quel sens pouvait-il bien avoir à se prétendre souverainiste dans une structure dominée par les complices et les acteurs, avec le PS, de la dissolution totale de cette même souveraineté nationale dans les institutions européennes ? Si encore ils présentaient le projet d’en sortir, mais même pas. Le cas d’Henri Guaino est encore plus emblématique. Celui-ci fut le principal conseiller politique de Nicolas Sarkozy, et la plume de ses principaux discours, pendant toute sa présidence. Et notamment en 2008 lors de la ratification du traité de Lisbonne actant le coup d’État parlementaire qui contredisait frontalement la décision référendaire du peuple souverain en 2005. Ce traité, de surcroît, diminuait encore les derniers vestiges de souveraineté nationale (budget, inclusion dans la constitution des traités européens, etc.). Et après ces trahisons spectaculaires de la souveraineté nationale, ce politicien manœuvrier trouvait encore le culot de se présenter comme « souverainiste » et « gaulliste » ? Plus c’est gros, plus ça passe.
La chose est moins simple pour Nicolas Dupont-Aignan et François Asselineau, qui eux sont vraisemblablement des gaullistes et des « souverainistes » sincères. Ce terme de « souverainisme » pose d’ailleurs problème. S’agit-il de la souveraineté de l’État, certes nécessaire, ou bien de la souveraineté nationale, clé de la démocratie dans l’État ? On peut exiger la souveraineté de l’État par « patriotisme » (autre terme ambigu) afin d’assurer une politique de puissance à l’international, comme on peut mettre l’accent sur la souveraineté de la nation dans l’État afin d’assurer la base institutionnelle et politique de tous les processus démocratiques qui en dépendent directement.
Les deux projets n’ont rien à voir, sont complètement différents. Le terme de « souverainisme » les met dans le même bain médiatique, créant de la confusion sur un point pourtant essentiel. Ceux qui se revendiquent comme « souverainistes » assument cette confusion, car elle représente bien leur ambiguïté, qui vient de loin puisque de Gaulle aussi, et toute la droite, n’a jamais été clair sur sa vision de la démocratie.
Cette dernière a deux volets : le volet institutionnel, qui assure que le peuple a le premier et le dernier mot, au sommet des institutions. Il détient la souveraineté de l’État, il a le monopole de la souveraineté constituante, seul habilité à légitimer la forme du régime politique et des institutions. Mais la démocratie a un deuxième volet, essentiel, et qui lui donne son sens véritable. Cette forme démocratique est issue des Grecs, qui l’avaient inventée pour renforcer le peuple par rapport à l’oligarchie de leurs cités. Elle a donc un enjeu directement social et politique : renforcer les classes populaires et affaiblir les classes dominantes, par les institutions.
De Gaulle lui-même et les gaullistes de droite en général, ne retiennent, au mieux, que le premier volet de la démocratie, afin d’assurer de la manière la plus large l’autorité du chef de l’exécutif, et se désintéressent du deuxième volet. Or, la force et l’enjeu de la démocratie est d’institutionnaliser les rapports de force sociaux afin de politiser la société, de civiliser les rapports de force, et d’élargir toujours plus l’espace du politique.
De Gaulle finira sa carrière sur mai 1968, de n’avoir rien compris aux enjeux réels qui se cachaient derrière le concept mou et faussement neutre d’ « économie », qui est tout ce que l’on veut sauf une intendance utile seulement pour renforcer la puissance de l’État. C’est pour cela qu’il vaut bien mieux parler de capitalisme, concept à la fois beaucoup plus large et beaucoup plus précis, définissant un type de société, que d’économie, qui se révèle être en fait, avec le libéralisme et l’individualisme, l’idéologie de ce type de société.
Cette incompréhension de la nature de la démocratie se reflète sans surprise chez les « souverainistes » de droite actuels sincères. Ils tentent eux aussi de lutter contre la dissolution de la souveraineté étatique dans les institutions de la mondialisation. Il faut d’ailleurs séparer ici le cas d’Asselineau et de Dupont-Aignan. Seul Asselineau propose sans ambiguïté de sortir non seulement de l’euro mais de l’UE (ainsi que de l’OTAN), seule position cohérente pour une ligne politique se prétendant gaulliste et souverainiste.
Dupont-Aignan, comme le FN, n’est pas clair sur ce sujet pourtant essentiel. On ne voit pas très bien d’ailleurs ce qui distingue son mouvement et sa ligne politique du FN, même pour ce qu’il y a de pire au FN (à savoir sa xénophobie intolérable), pourtant bien plus puissant et visible que lui. Mais surtout, ces deux mouvements ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, la nature de la mondialisation néolibérale. Ils font comme si ces institutions incompatibles avec la démocratie n’étaient pas conçues, contrôlées et protégées par des forces sociales particulières et identifiées, c’est-à-dire entièrement aux mains des classes dominantes, et faites tout exprès pour servir leur puissance.
Ils font mine aussi de ne pas s’apercevoir que les classes populaires et moyennes précarisées sont celles qui ont tout perdu dans cette évolution, et donc celles qui sont le plus motivées pour instruire un rapport de force inversant la situation. Leur projet est donc aseptisé socialement et politiquement, presque apolitique, il s’agirait juste de récupérer l’indépendance de l’État, sans identifier socialement les ennemis de ce projet, ni les soutiens logiques, ni les enjeux réels et concrets.
Des trois piliers de la mondialisation néolibérale, libre-échange généralisé, financiarisation de l’économie, et traités et institutions supranationales, ils ne mettent vraiment l’accent que sur le troisième. Certes, c’est essentiel. Mais on ne le comprend vraiment que lorsque l’on saisit que sa première fonction est d’être le garant des deux premiers. Si on ne propose pas de supprimer le libre-échange au niveau national, de définanciariser intégralement l’économie et les budgets publics, si on ne présente pas les enjeux essentiels de ces mesures (affaiblir la puissance des classes dominantes, assurer le plein-emploi, permettre de nouveau le progrès social, assurer enfin une possibilité au progrès environnemental, etc.), alors on se place dans l’incapacité de fédérer et de motiver les secteurs de la société les plus concernés par ces enjeux, aujourd’hui en tant que victimes principales, et demain en tant que premiers bénéficiaires.
À faire comme si la société n’était pas divisée socialement, croyant pouvoir ainsi être un attrape-tout, on passe en fait à côté de ce qui fait l’essentiel des dynamiques et enjeux politiques. Dupont-Aignan et Asselineau ne sont donc pas des vecteurs fiables et cohérents pour la démondialisation, qu’ils ne proposent d’ailleurs pas en tant que telle.
IV.- Le véritable enjeu des élections de 2017, après 2005, 2015 et le Brexit : le début du processus de la démondialisation incarné dans le vote carton rouge.
La gauche et la droite de gouvernement ne peuvent bien évidemment pas incarner cet enjeu, mais au contraire se doivent de le refouler. Il ne faudra donc pas, moins que jamais, rentrer dans ce jeu apolitique de la droite contre la gauche en 2017, si l’on veut préparer la suite, décisive. Il ne faudrait pas croire pour autant, après ce qui vient d’être dit, que la situation politique est désespérément stationnaire et figée dans le formol néolibéral européiste. Ce qui ne change guère, ou peu et lentement, ce sont les comportements électoraux qui soutiennent encore le statu quo des institutions européennes : les électorats de la droite de gouvernement, de la gauche de gouvernement, et de la gauche radicale.
Comme ils constituent la majorité de ceux qui votent, hors FN, cela fait illusion. Car il ne faut jamais perdre de vue que désormais une majorité de la population en âge de voter et possédant une carte d’électeur s’abstient, sauf dans quelques exceptions. Les résultats et les sondages électoraux sont donc de plus en plus trompeurs.
Mais la réalité c’est que la situation de ces institutions européennes devient année après année de plus en critique dans l’opinion. La majorité de la population devient franchement hostile à cette usine à gaz néolibérale antidémocratique, rouleau compresseur de la mondialisation. Tous ceux qui s’abstiennent ou qui votent uniquement pour se débarrasser de Fillon, ou de Hamon/Macron, ceux qui votent Le Pen ou Mélenchon, une partie minoritaire de la gauche radicale elle-même, bref la très grande majorité des citoyen(ne)s en âge de voter, sont désormais en attente d’une rupture franche et massive avec cet état de fait.
Même si la perspective d’une sortie unilatérale des institutions européennes continue bien à tort d’impressionner les esprits, des évènements fondamentaux sont venus faire profondément bouger les lignes. C’est le souvenir cuisant de 2005 suivi trois ans après de l’adoption du traité de Lisbonne, c’est l’expérience spectaculairement instructive de la trahison de Tsipras en 2015, réduisant à néant l’espoir irréaliste d’un changement de l’intérieur de l’UE. Et c’est maintenant le Brexit de 2016 des Anglais qui montrera que le ciel ne tombe pas sur la tête des pays qui osent recouvrer leur souveraineté en sortant de cette machinerie néolibérale antipolitique et antidémocratique.
Tout cela fait bouger à toute vitesse les mentalités collectives, déjà décillées depuis plus de vingt ans des promesses fallacieuses de la mondialisation heureuse. Bref, les plaques tectoniques politiques bougent à toute vitesse, et le temps se rapproche où l’on pourra traduire en rapport de force politique sonnant et trébuchant ce capital de frustration grandissant et cette lucidité collective arrivant à maturité.
Les institutions phares de la mondialisation néolibérale, l’UE et l’euro, ont mangé leur pain blanc. Elles ne restent en place que par divers expédients qui n’auront qu’un temps, ne faisant que retarder le moment de vérité. Toute une série de diversions, ne sont là que pour faire durer encore un cycle électoral le consensus européiste néolibéral, renouveler l’offre politique à bout de souffle sans rien changer sur le fond. Et comme rien de tout cela n’est plus vraiment assuré de marcher à coup sûr désormais, il faut aussi des alternatives de sécurité, les candidats de la dernière chance si les stratégies classiques échouent toutes. La candidature Mélenchon, à cet égard, reprend le modèle de Tsipras et sa soumission au système après avoir fait croire l’inverse. C’est la seule roue de secours du système européen en France si le consensus sur le statu quo reposant sur des candidats classiquement néolibéraux ne fonctionne plus. Ce n’est certes pas du tout le premier choix de l’oligarchie, mais cela constitue bel et bien le dernier, si tout le reste échoue.
Les enjeux politiques sont pour le coup, contrairement aux programmes de droite et de gauche, désormais énormes. Il s’agit d’abord de récupérer des institutions démocratiques, le cadre irremplaçable de la souveraineté nationale en sortant des institutions « européennes ». Il s’agit aussi d’entamer enfin le démantèlement de la mondialisation néolibérale. Et de faire de nouveau avancer plus loin les acquis sociaux après avoir défait toutes les mesures néolibérales des trente dernières années.
C’est la possibilité retrouvée de ce rapport de force politique décisif qui non seulement redeviendra possible, mais même s’engagera de la meilleure manière, vu que les conditions n’auront jamais été aussi favorables depuis l’immédiate après-guerre. Pour cela, il faudra jeter aux oubliettes le conflit idéologique gauche-droite et se plonger résolument dans le conflit décisif entre classes dominantes - et tout ce qui les soutient objectivement - d’un côté, et classes populaires et moyennes précarisées de l’autre.
C’est précisément ce que les tenants du statu quo veulent éviter à tout prix. Vu la pente objective de la situation politique, idéologique, économique et sociale, c’est néanmoins ce qui arrivera, seul le moment où cela adviendra étant impossible à prévoir. L’enjeu réel de ces élections de 2017 est de faire sortir du néant ce processus pour l’instant préempté par de fausses alternatives qui surfent sur ce mouvement de fond sans avoir l’intention de le réaliser, à savoir Le Pen et Mélenchon. C’est tout le sens du PARDEM, seul parti proposant directement et sans fioritures la démondialisation, et qui propose déjà un programme détaillé et complet pour réaliser ce processus.
Personne ne doit donc se laisser bercer par la routine médiatique et politique qui fait comme si rien ne changeait, qui semble déjà assurée de tranquillement renouveler le ticket des tenants du statu quo, grâce au rôle de tremplin automatique que réalise le FN pour son prétendant du deuxième tour. Certes c’est bien ce qui risque d’arriver.
Mais l’essentiel se joue ailleurs, dans les forces de renouvellement qui travaillent profondément la société française et toutes les sociétés européennes brisées partiellement par la mondialisation depuis plus de trente ans. Toutes celles et ceux qui se laisseront piéger par la gauche contre la droite, ou le « vote utile » contre la « bête immonde » retarderont donc gravement ce processus, légitimeront l’annulation des processus démocratiques, feront perdurer plus longtemps la déconstruction néolibérale qui démantèle à marche forcée l’État social.
Il n’y a qu’une seule manière de s’organiser rationnellement et efficacement pour accélérer le processus de restauration de la démocratie et du progrès social. C’est de rejoindre la seule force de renouvellement politique adaptée aux enjeux fondamentaux de la nouvelle époque qui s’ouvre devant nous, celle de la démondialisation démocratique et sociale, le PARDEM.
La politique c’est peser pour changer les cadres institutionnels qui font société, et leur contenu contraignant, les lois. Les rapports de force qu’elle implique ne sont réalisables que dans le cadre de la souveraineté nationale, au sein de l’État. La gauche et la droite actuelle, FN et gauche radicale inclus, sont la garantie de renoncer à la politique ainsi définie, pour se réfugier dans les identités idéologiques floues des « valeurs », au sein d’institutions antidémocratiques et antipolitiques, celles de l’UE.
V.- Proposition d’une méthode infaillible pour déterminer objectivement, et non idéologiquement, la position des partis politiques sur les questions principales et déterminer les camps réels en opposition.
Voici un petit test pratique infaillible pour déterminer, au-delà des postures, de la rhétorique et de l’idéologie, où se situe réellement un mouvement, un parti ou une personnalité politique par rapport aux enjeux politiques fondamentaux. Les classes dominantes ont instauré les institutions du néolibéralisme afin de garantir formellement une situation où plus aucun rapport de force n’est en état de l’inquiéter sur les structures de la société qui l’avantagent mécaniquement.
Le néolibéralisme est la nouvelle forme du capitalisme qui a compris que la démocratie devait disparaître pour ne plus inquiéter ses positions, mais en laissant néanmoins en place les anciennes institutions qui la caractérisent, même si les nouvelles leur ôtent tout impact potentiel.
Cette double armature institutionnelle, les anciennes, démocratiques, stérilisées, et les nouvelles, néolibérales, désormais seules contraignantes, est pensée afin que cette nouvelle situation apparaisse comme inéluctable, objective, rassurante, légale. Elle passe donc par « l’économie » et par les traités internationaux pour dévitaliser discrètement mais inéluctablement les institutions démocratiques. Son chef d’œuvre est « l’Union » européenne.
Le capitalisme néolibéral repose ainsi sur trois piliers, qui, tant qu’on les laisse en place, on réduit à néant toute possibilité d’instruire contre lui un rapport de force gagnable : le libre-échange généralisé (la dérégulation commerciale), la financiarisation de l’économie et des budgets publics (la dérégulation financière et monétaire), et les traités internationaux et institutions supranationales faites pour garantir les deux premiers piliers des aléas électoraux et pour court-circuiter radicalement tous les processus démocratiques. Le tout permettant, avec l’aide du chômage de masse qui vient forcément, mécaniquement, des deux premiers piliers de dérégulation commerciale et financière, la déconstruction méthodique de l’État social.
Laisser en place cette miraculeuse construction, ces trois piliers essentiels, est donc l’objectif fondamental des classes dominantes, le secret de leurs victoires continues depuis trente ans, la base de leur puissance désormais sans possibilité de contre-pouvoir efficace. La démanteler résolument est évidemment le seul moyen de les affaiblir structurellement à nouveau.
Dès lors, pour savoir où se situe objectivement un parti politique, nul besoin de lui demander quelles sont ses « valeurs », s’il est de droite ou de gauche, qui il défend, etc. Toutes les réponses qui vont avec ces questions ne sont souvent que de pures postures ou bien des positions identitaires ou idéologiques. Il suffit de demander concrètement : avez-vous un programme national pour démanteler le libre-échange, définanciariser l’économie (faire défaut sur la dette publique, sortir de l’euro, fermer la Bourse, supprimer la liberté de circulation des capitaux) et sortir de l’UE, du FMI, de l’OMC et de l’OTAN ?
Si c’est oui aux trois questions, alors ce parti est objectivement du côté des classes populaires et moyennes précarisées, et radicalement contre les classes dominantes. Si c’est non à l’une des trois questions (les trois piliers vont ensemble et font système) ou aux trois, alors, quelles que soient ses « valeurs », ses postures, ses déclamations, qui il déclare défendre, ses objectifs généreux ou pas, et enfin qu’il en soit conscient ou pas, il est objectivement du côté des classes dominantes et de ce qui fait leur force depuis quarante ans. C’est le cas des onze candidats en compétition le 23 avril !
Ces trois piliers, leur maintien ou leur démantèlement, constituent les enjeux essentiels de la situation politique contemporaine depuis la mise en place de la mondialisation néolibérale. Les divisions politiques, les rapports de force, les camps opposés, pour faire sens et avoir le moindre impact, doivent donc se positionner pour l’essentiel là où se situent les vrais enjeux.
L’idéologie, celle qui a accompagné tout le processus de la mondialisation, s’est focalisée sur une division artificielle, gauche-droite, qui ne s’est jamais en trente ans située à l’endroit où résidaient les enjeux réels, la mise en place ou le démantèlement des trois piliers de la mondialisation néolibérale. Les classes populaires, premières victimes de cette mondialisation, ont donc été logiquement les premières à abandonner le clivage gauche-droite et les partis qui en vivent.
Les classes moyennes précarisées sont en train de les suivre, pour les mêmes raisons évidentes. Ceux qui veulent agir en politique doivent donc enfin comprendre que les clivages réels, que les rapports de force essentiels passent totalement à côté des clivages idéologiques gauche-droite. C’est de ne pas l’avoir compris à temps qui explique qu’aucun parti d’envergure nationale ne se soit mis au service de cette majorité orpheline d’une structure politique qui traduise en rapport de force électoral ce combat essentiel contre la mondialisation néolibérale.
Le PARDEM est né de ce constat. Il n’est jamais trop tard pour bien faire. Il est encore possible de combler ce retard tragique, afin de ne pas laisser au FN le privilège incroyable et irresponsable de capitaliser sur cette absence stratégique d’un parti qui soit vraiment du côté des classes populaires et moyennes. La situation, qui évolue dans le bon sens à toute vitesse, dessine la probabilité d’une prochaine accélération de l’histoire mettant enfin en danger les institutions du néolibéralisme. Il s’agit d’être prêt pour organiser au mieux ce combat essentiel plutôt que d’en être des spectateurs passifs, voire pire, de laisser passer cette opportunité historique de restaurer la démocratie (la vraie, celle qui assure le pouvoir du peuple et qui renforce les classes dominées).
Quittez sans remord l’idéologie, redémarrez la vraie politique, instruisez un rapport de force décisif, rejoignez le PARDEM, soutenez le seul candidat de la démondialisation pour la présidentielle, Jacques Nikonoff (en votant carton rouge le 23 avril), votez aux législatives pour les candidats du PARDEM !
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