Lire notre avenir : les Programmes nationaux de réforme (PNR, ex-GOPE) 2022

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Commission européenne

 

Nul besoin de boule de cristal, de jeu de tarot ou de méthode satanique pour connaître les politiques à venir et savoir ce qui attend les peuples. En effet, le 23 mai 2022, comme tous les ans à la même période, la commission européenne a publié ses recommandations sur le programme national de réforme (PNR) pour la France pour 2022. Ceux qui s’interrogeait sur le programme de Macron 2/Borne  ont désormais la réponse : c’est celui de la Commission européenne. Comme le furent les programmes de Sarkozy, Hollande. Il n’y a qu’à lire et à partager l’info avec tous ceux qui n’ont pas le temps de prendre connaissance de la langue techno-néolibérale suintant le relevé de décision d’un conseil d’administration d’une multinationale à destination de leurs filiales.

Les recommandations de l’UE : de quoi s’agit-il ?

En signant, le 7 février 1992  le traité de Maastricht, traité fondateur établissant l'Union européenne, Mitterand a accepté la monnaie unique, l’euro, aujourd’hui carcan financier et économique de dix-neuf États, tout comme le principe d’une convergence politique, économique et sociale pour maintenir la viabilité de l'euro sur le long terme. Celle-ci s’établit par une entité centralisatrice qui coordonne les politiques économiques et sociales : la Commission européenne (CE).
C’est elle qui fixe, chaque année depuis 2009, les grandes orientations des politiques économiques (GOPE) et sociales des pays membres en vertu de l'article 121 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (Traité de Lisbonne).
La logique de l’UE était déjà simple et implacable : la commission européenne demandait à chaque État membre de lui transmettre ses propositions. Le système fonctionne toujours mais, depuis 2011, sa présentation a été un peu modifiée : chaque État présente un programme national de réformes (PNR) transmis à la Commission européenne qui l’examine et publie une recommandation qu'elle adresse au Conseil européen (Conseil des Chefs d’État et de gouvernement) qui publiera ensuite une recommandation définitive sur le PNR de chaque pays membre…

Demandez le programme !

Le 9 mai dernier, le gouvernement Macron a transmis à Bruxelles son projet de Pro-gramme National de Réforme (PNR) qui a été élaboré en France avec différents ministères dans le cadre d'une coordination du Secrétariat Général des Affaires Européennes (SGAE) qui examine, avec chaque ministère, comment aller dans le sens des exigences de la Commission Européenne. Ce PNR est transmis à la CE laquelle a publié le 23 mai (quatorze jours après l’avoir reçu), son document en s'inspirant du PNR proposée par la France. Cette procédure donne aux européistes deux faux arguments :  le premier est que la Commission n’impose pas sa politique économique puisque c'est à partir des documents transmis par les États que ses recommandations sont rédigées. Si cet argument est factuellement exact, en revanche il est politiquement faux et manipulatoire.
En effet, pour qu’elles soient acceptées par la Commission, les États membres savent qu'ils doivent proposer les réformes voulues… par cette même Commission. Ce processus n’a que l’apparence de la souveraineté et permet de “mouiller”, non sans raison, les États.
Le deuxième faux argument des européistes est que la décision est prise par le Conseil des Chefs d'État et de gouvernement. La Commission européenne ne serait donc que le secrétariat (de luxe) qui rédige les recommandations élaborées par le Conseil. Le raisonnement est faux et spécieux. Car le Conseil regroupe 27 Chefs d'État et de gouvernement qui doivent s’entendre. Ils sont donc contraints de faire des compromis pour valider le document final où tout a déjà été bouclé par les fonctionnaires de chaque pays et de l’UE. En réalité, la quasi-totalité des décisions, dont la Commission se prévaut ensuite, sont donc prises par le Conseil européen qui ne peut quasiment rien changer aux textes, d’autant plus que la Commission européenne a le monopole des procédures pour les pro-jets de nouvelles directives.
En réalité, le document, appelé “recommandations”, publié par la Commission, est loin d’être une suggestion amicale et désintéressée. C’est une “obligation à faire” sur la base du PNR fourni par chaque État membre. Pour la France, il est élaboré par les services administratifs français pour répondre aux demandes de la Commission et permet à celle-ci de se parer d’une (fausse) virginité.
Avant d’entrer dans le détail des recommandations 2022, il faut comprendre - ou se rap-peler - que le système décrit plus haut est en œuvre chaque année et que les Grandes Orientations des Politiques Economiques (GOPE), rebaptisées PNR, publiées chaque  année, sont une couche supplémentaire sur les années antérieures, qu’elles ne remplacent pas les GOPE-PNR des années précédentes. Parmi l’ensemble des “mesures à prendre”, certaines sont d’ordre général et ne se mettent pas en place en un an mais sur plusieurs années. Les GOPE-PNR s’empilent donc comme un millefeuille et leur mise en œuvre, comme par exemple, la casse de la SNCF, la réforme du Code du Travail ou celle des retraites, s’étale sur plusieurs années. Elles sont exécutées par les gouvernements successifs, européistes, de droite comme de gauche… Le pilotage des réformes-destructions par la CE et ses GOPE-PNR s'estompe de la mémoire commune et la responsabilité de l’UE finit par disparaître. Seule, la responsabilité de tel ou tel gouvernement perdure un peu.

Alors qu’y a-il dans le PNR/GOPE 2022 ?

Pour le savoir, il faut aller à dernière page du document et lire (si possible) le sabir des technocrates de l’UE. Il est à noter que le document est en anglais, uniquement en anglais, qui n’est la langue d’aucun pays de l’UE, et n’est désormais plus traduit dans les langues nationales. Un moyen de plus, pour le bras armé du néolibéralisme étasunien de mettre les peuples à l’écart de ses décisions antisociales et anti populaires.

Premièrement : rigueur budgétaire. « En 2023, assurer une politique budgétaire prudente, notamment en limitant la croissance des dépenses courantes financées par l'État à un niveau inférieur à la croissance de la production potentielle à moyen terme…. mener une politique budgétaire visant à atteindre des positions budgétaires prudentes à moyen terme et à assurer une réduction crédible et progressive de la dette et la viabilité budgétaire à moyen terme par un assainissement progressif, des investissements et des ré-formes… »
En clair : une rigueur très sévère par rapport aux années antérieures. Fini le “quoiqu’il en coûte”, il faut payer la facture. L’UE vise au plus tard 2027 le retour aux 3% de déficit budgétaire faute de sanctions.

Deuxièmement les retraites. « Réformer le système de retraite pour unifier progressivement les règles des différents régimes de retraite afin d'en renforcer l'équité tout en assurant sa viabilité. »
Ce n’est pas la première fois que l’UE presse les gouvernement successifs de la France de réformer les retraites et de supprimer les régimes spéciaux. Rappelons-nous que la réforme des retraites et la suppression les régimes spéciaux réclamée par la CE est pro-posée par le gouvernement Macron à la demande de la CE…
L’UE revient donc à la charge et tient, avec Macron, à la réalisation de cette casse sociale que seule la mobilisation populaire a, pour l’instant, fait reculer.

Troisièmement cohésion européenne. « Poursuivre la mise en œuvre de son plan de redressement et de résilience… Finaliser rapidement les négociations avec la Commission sur les documents de programmation de la politique de cohésion 2021-2027 en vue de commencer leur mise en œuvre. »
En clair, la politique dite “de cohésion européenne” signifie que les décisions de l’UE en matière économique, sociale, environnementale, écologique, etc. devront s’appliquer jusqu’en 2027 et ce, quels que soient les résultats des élections qui pourront se tenir en France d'ici là. La prochaine élection présidentielle aura lieu en 2027 mais personne ne sait ce qui pourrait se passer d’ici là : Macron pourra -t-il terminer son second mandat ? Dissoudra-t-il l'Assemblée Nationale ? Y aura t-il des “ troubles sociaux ” ? Une inflammation “jaune” ? Bref, l’UE prend les devants et installe son carcan pour contraindre un éventuel nouveau gouvernement jusqu’en 2027.

Quatrièmement l’éducation. « Remédier à la pénurie de compétences en relevant le niveau des compétences de base, en offrant des possibilités supplémentaires d'apprentis-sage en milieu professionnel …notamment en adaptant les ressources et les méthodes aux besoins des élèves… »
Pour l’UE, les élèves de France ne sont pas assez directement opérationnels ou performants pour les entreprises. Une énième réforme de l’école et du métier d’enseignant est demandée.

Cinquièmement l’écologie. « Réduire la dépendance globale à l'égard des combustibles fossiles. Accélérer le déploiement des énergies renouvelables à l'échelle des services publics et décentralisés en augmentant l'investissement public et en facilitant l'investisse-ment privé, notamment en rationalisant davantage les procédures d'autorisation et en veillant à ce que les administrations chargées de l'octroi des autorisations soient dotées d'effectifs suffisants. Améliorer le cadre politique pour inciter à la rénovation profonde des bâtiments. Développer la capacité d'interconnexion des réseaux d’énergie. ».
En clair : la France doit réduire sa dépendance globale au pétrole et au gaz (hydrocarbures) et accélérer le déploiement des énergies renouvelables à taille industrielle et dé-centralisé notamment, en facilitant l’investissement privé et l'octroi des permis d’exploitation. L’UE impose donc au gouvernement français de développer rapidement et tous azimuts les énergies renouvelables au premier rang desquels les éoliennes…Tout cela sans débat national.

Ces “recommandations”, obligatoires, mettent en relief l’imbrication idéologique de la Macronie et de la droite française ainsi que la duperie idéologique, ou la cécité volontaire, du RN et de la NUPES.  
En effet, si l’obéissance des euro-idolâtres est connue, la désobéissance à l’UE, prônée par le RN (exemple, le refus des éoliennes) et la FI (augmentation du SMIC), par ailleurs, tous deux favorable au maintien de l’UE et de l’euro, est de fait, illusoire. La seule solution politique pour échapper au carcan de l’UE et de sa monnaie l’euro est d’en sortir. Toute autre affirmation, quelle que soit la figure de style employée, est une mystification de l’opinion publique et une impossibilité de faire adopter des lois contrevenant au livre sacré de la Commission européenne.

Un dernier point n’apparaît pas dans les “ recommandations” mais figure plusieurs fois dans les considérations et le sabir les précédant : la décision sans appel de ne « plus dé-pendre » des hydrocarbures russes. Non contente de voler aux peuples leurs choix démocratiques en matière économique, budgétaire, sociale, environnementale, énergétique, numérique, de santé (HERA), etc.,  l’UE leur confisque, d’autorité et avec la complicité de leurs gouvernants, le domaine international et géopolitique. En effet, l’UE suivant les ordres étatsuniens et au risque de participer au déclenchement d’un conflit mondial, a décrété que nous sommes tous des adversaires de la Russie et veut imposer aux 27 pays membres de l'UE de mener la même politique vis-à-vis de la Russie et de l’Ukraine.

•    Le texte en anglais
•    La traduction en français réalisée par le Pardem