Le 06-11-2024
Après avoir activement organisé et soutenu le coup d’État du 7 décembre 2022 contre le Président légitime du Pérou, Pedro Castillo, les États-Unis étendent leur mainmise politique, économique et militaire sur le pays inca. Une fois le coup d’État consommé et la marionnette américaine Dina Boluarte propulsée comme présidente de facto, les États-Unis ont été le premier pays à la reconnaître en tant que « présidente ». Puis, en 2024, des membres de l’US Space Force se sont rendus au Pérou pour la création d’un port spatial au sein de la base « El Pato » (ville de Talara au nord du Pérou… et siège de la raffinerie Petroperu) dans le cadre d’une « concession » aux États-Unis pour une période initialement fixée à 20 ans...
En fait, le Pérou est un champ de bataille géopolitique entre les États-Unis et la Chine. Pendant des années, il a été un modèle d’ultralibéralisme. Washington ne connaissait pas alors de rival commercial. Mais les échanges commerciaux entre la Chine et le Pérou ont cru, passant de 704,6 millions de dollars en 2000 à 36,7 milliards de dollars en 2023. Au cours de la dernière décennie, la Chine est devenue le premier partenaire commercial du Pérou. De quoi crisper les États-unis et les pousser à «changer le régime » et le président que s’étaient choisis les Péruviens pour intervenir directement dans les affaires de leur pays qui a désormais perdu sa souveraineté.
Ce sont les informations, les faits et les étapes de cette opération étatsunienne contre le choix des Péruviens qui sont relatés dans cet article paru sur le site La Linéa et que nous relayons.
Le 7 juin 2021, un tremblement de terre a eu lieu au Pérou. Un outsider politique, l’instituteur rural Pedro Castillo, est élu président de la République avec la promesse de transformer un système politique et économique conspué, responsable des clivages qui défigurent la société péruvienne.
La première mesure prise par ce gouvernement populaire a été, à l’initiative du ministre des affaires étrangères Hector Bejar, de rompre avec le groupe de Lima, affaiblissant ainsi l’opération de changement de régime au Venezuela initiée par les États-Unis que les années plus tôt. Et dont le Pérou était un fer de lance. La décision souveraine du ministre des affaires étrangères lui a d’ailleurs coûté son poste. Quinze jours après son entrée en fonction, il a été destitué par le Congrès. Cet acte de bravoure géopolitique dans un pays où règne traditionnellement la soumission à l’impérialisme sera le premier et le dernier du mandat écourté de Pedro Castillo. Constamment attaqué par les pouvoirs législatif, judiciaire, économique et médiatique, le président décide d’abandonner le front de la politique étrangère à des diplomates de carrière qui reproduisent les lignes traditionnelles de leurs prédécesseurs.
Mais la transgression initiale n’a pas du tout été du goût de Washington. Bien que n’entretenant pas de mauvaises relations avec le gouvernement de Pedro Castillo, l’incertitude sur l’évolution du gouvernement est trop grande pour les États-Unis, qui vont précipiter la chute du professeur péruvien.
L’implication des États-Unis dans le coup d’État contre Castillo le 7 décembre 2022 est attestée par l’intense agenda de l’ambassadrice de l’époque, Lisa Kenna, dans les jours qui ont précédé le coup d’État. Cette semaine-là, elle s’est réuni avec toutes les figures clés de la conspiration tel que l’ancien ministre de la défense Nicolas Bobbio, le président du Congrès Williams Zapata, ou encore l’ancien procureur général Patricia Benavides. Une fois le coup d’État consommé et Dina Boluarte propulsée comme présidente de facto, les États-Unis ont été le premier pays à la reconnaître en tant que présidente, alors que pour de nombreux pays d’Amérique latine Pedro Castillo restait le chef de l’État en exercice.
Dès le début du gouvernement de Dina Boluarte, le poids des États-Unis au Pérou a été considérablement renforcé. L’ancienne ambassadrice Lisa Kenna, le chargé d’affaires John McNamara et l’ambassadrice récemment nommée Stephanie Syptak-Ramnath ont tenu et continuent de tenir des réunions hebdomadaires avec les ministres, les hauts responsables des forces armées et de la police, ainsi que les autorités du Congrès, du pouvoir judiciaire et du pouvoir. L’action de l’ambassade américaine dépasse les limites du comportement diplomatique entre pays souverains et constitue une ingérence manifeste. L’ambassade semble s’assurer de la bonne inclinaison du régime en place. Évidemment, c’est la seule mission diplomatique à Lima à se comporter de la sorte.
Pendant près de deux ans de gouvernement Boluarte, les États-Unis ont renforcé leur présence et leur contrôle sur le territoire péruvien grâce à une coordination permanente avec la police nationale et les forces armées. Ainsi, en mars 2023, quelques mois seulement après le coup d’État contre Pedro Castillo, le ministère de l’intérieur et l’ambassade des États-Unis se sont engagés à coopérer en matière de sécurité urbaine et de lutte contre le trafic de drogue. Pour parapher cet accord, Todd Robinson, sous-secrétaire d’État au Bureau des affaires de lutte contre les stupéfiants, a rencontré le ministre de l’intérieur Victor Torres, afin de « former » la police péruvienne et d’éradiquer 25 000 hectares de cultures de feuilles de coca.
La coopération militaire a aussi été consolidé. Le 19 mai 2023, le Congrès péruvien a approuvé la résolution législative 4766 autorisant le déploiement de troupes étasuniennes au Pérou. Depuis cette date, 1 500 militaires des USA opèrent sur le territoire péruvien, menant des formations, des opérations conjointes, des déploiements territoriaux et des opérations secrètes. En décembre 2023, le Congrès a voté la prolongation de cette occupation militaire jusqu’en décembre 2024.
En septembre 2023, Dina Boluarte a rencontré le conseiller spécial des États-Unis pour les Amériques, Chris Dodd. La visite de Dodd visait à renforcer l’Alliance pour la prospérité économique, une stratégie promue par les États-Unis pour tenter de contrer l’intégration latino-américaine et de renforcer le leadership économique des USA dans la région. Il convient de rappeler qu’en janvier 2023, quelques semaines seulement après la destitution de Pedro Castillo, Boluarte avait fait rentrer le Pérou dans cette Alliance, qui n’est soutenue que par 11 pays sur les 35 que compte l’Amérique latine et les Caraïbes.
Le 17 septembre 2023, le général Laura Richardson, chef du SouthCom -l’armée impériale des États-Unis pour l’Amérique latine- a rencontré le ministre péruvien de la Défense, Jorge Chávez, pour discuter de la coopération en matière de sécurité. Le chef du commandement conjoint des forces armées, le général Manuel Gómez, les hauts commandants des forces armées et les commandants de l’armée de l’air, de la marine et de l’armée de terre péruviennes ont assisté à la réunion. Le chargé d’affaires au Pérou, John McNamara, a également participé aux entretiens. Cette visite visait à renforcer le rôle du Pérou comme allié stratégique dans la région. Le général Richardson s’est aussi rendu a la Naval Medical Research Unit (Namru), un laboratoire biologique des États-Unis situé dans la jungle péruvienne. Cette unité de recherche biologique est la seule que les États-Unis disposent en Amérique du sud. L’équipe de la Namru travaille sur la recherche et la surveillance des maladies infectieuses.
En octobre 2023, un mois après la visite de Richardson, le Special Operations Command South, l’unité qui contrôle toutes les forces d’opérations spéciales au sein du SouthCom, a mené un exercice avec les forces armées péruviennes. Au cours de l’entraînement, divers équipements ont été utilisés, allant des mitrailleuses M240L de 7,62 mm aux fusils d’assaut FN SCAR, en passant par les fusils de précision Accuracy International AW et Knight’s Armament M110 SASS.
Toujours en octobre 2023, le ministre péruvien de la défense, Jorge Chavez, a rencontré Juan Gonzalez, alors conseiller principal de la Maison Blanche pour l’Amérique latine, ainsi que les secrétaires adjoints pour l’hémisphère occidental des départements d’État et de la défense, Mark Wells et Daniel Erikson, et le président du Conseil des ministres de l’époque, Alberto Otárola, qui a annoncé la coopération de l’armée de l’air péruvienne avec ses homologues américains en leur accordant une place dans le contrôle de l’espace aérien péruvien, sous le prétexte de la lutte contre le trafic de drogue. À la suite de ces réunions, Juan Gonzalez a déclaré que les États-Unis « considéraient comme importante la présence de Dina Boluarte au sommet de l’APEC en novembre 2024 », laissant entendre à leurs alliés du parlement qu’ils ne soutiendraient pas de processus de destitution jusqu’à cette date. Le message semble être passé car malgré la responsabilité de Boluarte dans les massacres de manifestants, ainsi que plusieurs cas avérés de corruption, le parlement n’a jamais mené à terme aucune motion de censure ou d’impeachment.
Dès 2024, des membres de l’US Space Force se sont rendus au Pérou dans le cadre de la création d’un port spatial au sein de la base « El Pato » dans la ville de Talara (nord du Pérou, et siège de la raffinerie Petroperu). Ce port spatial fonctionnerait dans le cadre d’une concession aux États-Unis pour une période initiale de 20 ans, renforçant ainsi le contrôle militaire que le pays du Nord exerce sur le territoire péruvien et sa souveraineté aérospatiale.
Contenir l’influence de la Chine
Le Pérou est un champ de bataille géopolitique entre les États-Unis et la Chine. Pendant des années, il a été un modèle d’ultralibéralisme et Washington ne connaissait pas de rival commercial avec le pays inca. Mais les échanges commerciaux entre la Chine et le Pérou sont passés de 704,6 millions de dollars en 2000 à 36,7 milliards de dollars en 2023. Au cours de la dernière décennie, la Chine a été le premier partenaire commercial du Pérou. Les entreprises chinoises se concentrent sur l’exploitation minière, l’énergie et maintenant les infrastructures. Malgré des gouvernements alignés sur les États-Unis depuis la chute du général Velasco, la Chine a réussi à contrôler des secteurs stratégiques de l’économie péruvienne.
Face à ce scénario, Washington a déployé son influence politique pour contenir l’avancée chinoise. En novembre 2023, les États-Unis ont exprimé leur inquiétude quant à la prise de contrôle par la Chine de parties stratégiques de l’infrastructure péruvienne, en particulier l’ensemble de l’approvisionnement en électricité de la capitale Lima et le méga-port de Chancay, la nouvelle plate-forme portuaire qui reliera l’Amérique du Sud à l’Asie. Une source proche du gouvernement Boluarte a déclaré au Financial Times que « du point de vue géopolitique, les inquiétudes américaines seraient justifiées ». Même si, pour Gonzalo Ríos Polastri, directeur général adjoint de Cosco Shipping Ports Chancay Peru, « Il s’agit d’un investissement réalisé par des entreprises privées selon les règles du marché », l’agacement de Washington est manifeste.
La position du gouvernement péruvien par rapport aux investissements chinois reste ambigüe. S’il est vrai que Dina Boluarte a été reçue à Pékin par le président Xi Jinping en juillet 2024, certains secteurs de son propre gouvernement ont tenté de faire pression ou de faire échouer le projet de hub portuaire de de Chancay sans que la présidente de facto ne puisse l’empêcher ou ne fixe une orientation géopolitique à son gouvernement.
En avril 2024, une tentative de pression a eu lieu par l’intermédiaire de l’Autorité portuaire nationale (APN) qui a poursuivi Cosco Shipping en justice, suite au signalement du cabinet d’avocats Olaechea, dont le portefeuille de clients comprend d’importantes sociétés nord-américaines telles que Blackrock, JP Morgan et General Electric. La manœuvre visait à priver la Chine de l’exclusivité des services portuaires dans les installations du port de Chancay. Il est important de mentionner que l’Autorité portuaire nationale dépend du ministère des transports dont le ministre Raul Perez est marié avec Isaura Delgado Brayfield, citoyenne étasunienne et directrice de la Chambre de commerce des États-Unis au Pérou. Les différents lobby pro Washington au sein du gouvernement montre qu’il n’y a pas de vision géopolitique cohérente au sein de l’exécutif.
Le cas de l’ambassadeur péruvien à Washington, Alfredo Ferrero, est illustratif à plus d’un titre. En juin 2024, alors que Boluarte préparait son voyage á Beijing, il déclarait dans une interview à Bloomberg: « Cent pour cent de l’électricité de Lima appartient aux Chinois, beaucoup de projets d’extraction de cuivre sont également chinois. La Chine aura le plus grand port d’Amérique du Sud. Telle est la situation objective et les États-Unis l’ont remarquée. Mais il ne suffit pas de s’en rendre compte, il faut agir ». Dans cette interview, l’ambassadeur incitait les investisseurs américains à investir dans le port de Corio (dans le sud du pays) car « ce serait un port qui servirait de contrepoids » Le silence de Boluarte face aux déclarations de son ambassadeur est révélateur. Le Pérou navigue à vue. Mais cette position tiendra-t-elle au fur et á mesure que les tensions géopolitiques entre la Chine et les États-Unis se renforceront ?
Plus récemment, en juin 2024, Jana Nelson, secrétaire adjointe à la défense pour les affaires de l’hémisphère occidental, le ministre péruvien de la défense, Walter Astudillo, et le chef du commandement conjoint des forces armées, le général David Ojeda, ont organisé le groupe de travail bilatéral sur la défense afin de promouvoir la coopération en matière de défense et de sécurité portuaire. Des représentants des principaux ports américains ont également participé à un événement parrainé par le gouvernement péruvien pour discuter de la sécurité portuaire. Cette participation active des États-Unis dans ce domaine intervient quelques mois seulement après l’inauguration de la plate-forme portuaire de Chancay. Ils semblent manifeste que les USA cherchent à contrôler d’une manière ou d’une autre l’activité chinoise au sein des infrastructures portuaires.
De même, en septembre 2024, l’ambassadeur américain a souligné les réunions tenues avec le fonds d’investissement BlackRock et les autorités péruviennes pour discuter de leurs investissements dans les ports de Matarani et Salaverry dans le sud du Pérou, dans le cadre d’une campagne visant à réduire le profil du port de Chancay et à établir une concurrence directe pour l’exportation de minerais et de soja vers l’Asie.
À noter également la visite à Lima de Carlos Días Rosillo, ancien directeur des politiques publiques à la Maison Blanche pendant le mandat de Donald Trump, actuellement directeur du Centre Adam Smith pour la liberté économique, qui a rencontré le directeur de cabinet du premier ministre, Aldo Prieto. Pendant son séjour, l’ancien fonctionnaire américain a donné un atelier à l’Université de Lima et une interview sur une chaîne privée. Dans les deux cas, il s’en est pris à la Chine : « Avec les efforts des États-Unis pour ramener les entreprises qui, pendant de nombreuses années, sont allées en Chine, il y a une énorme opportunité pour le Pérou et l’Amérique latine du point de vue de l’économie et de la sécurité nationale », a-t-il déclaré aux étudiants.
Depuis plusieurs mois, l’accent à été mis sur la campagne de lutte contre la « pêche chinoise illégale ». En septembre 2024, la Société nationale de la pêche artisanale du Pérou (Sonapescal), a mis en garde contre la pêche illégale de calamars par des chalutiers chinois, affirmant que « la Chine a pu réduire considérablement ses coûts, grâce au fait qu’elle a été systématiquement autorisée à entrer au Pérou pour effectuer des travaux logistiques sans respecter les réglementations péruviennes ». Cette nouvelle a été largement relayée par la presse péruvienne et des politiciens ont déjà proposé des commissions d’enquête. Depuis 2023, dans le cadre de l’exercice militaire multinational Resolute Sentinel, des membres de la marine péruvienne et leurs homologues des USA, effectuent des vols d’action conjointe dans le but d’identifier les « flottes de pêche étrangères », en confirmant qu’elles exercent leurs activités de pêche en dehors des 200 milles nautiques du domaine maritime péruvien.
Depuis 2017, la stratégie de sécurité des États-Unis met en garde contre la nécessité de « maintenir la liberté des mers pour assurer la sécurité des États-Unis et de leurs alliés ». Depuis, la lutte contre la pêche illégale est devenue pour le SouthCom un outil d’intervention et de contrôle du domaine maritime de l’hémisphère occidental. Lors de ses récentes tournées en Argentine, au Chili, en Équateur et au Pérou, Laura Richardson a mis l’accent sur la lutte contre la « pêche illégale », principalement chinoise, le long de la côte pacifique de l’Amérique du Sud. Au Pérou, le gouvernement, mais aussi les médias et les hommes politiques de tous bords idéologiques se sont pliés à la vision impériale et sinophobe mise en avant par les États-Unis.
Le 27 septembre 2024, le gouvernement a publié le décret 014-2014 pour renforcer le contrôle par satellite sur les navires étrangers dans les eaux territoriales péruviennes. Une norme concertée avec l’ambassade de Chine au Pérou mais qui continue de susciter la controverse au sein du Congrès. Si le Pérou a tout à fait le droit d’affirmer sa souveraineté et de contrôler sa frontière maritime, l’émergence d’une intense campagne médiatique sur la question correspond avec les préparatifs du Forum de coopération économique Asie-Pacifique (APEC) et l’arrivée de Xi Jinping à Lima. Une coïncidence pour le moins étrange alors que le problème perdure depuis de nombreuses années.
D’autre part, on ne peut exclure de l’équation que ce sont des représentants de la marine de guerre qui sont associés avec la Chine dans le projet de port de Chancay. Plusieurs anciens amiraux en chef sont désormais les figures visibles de l’entreprise mixte créée pour construire et administrer le futur hub portuaire. Pour leur part, leurs homologues au parlement sont des ardents défenseurs de cette nouvelle infrastructure, et de l’association avec la Chine. Or c’est la marine de guerre qui est chargée de patrouiller et de surveiller la frontière maritime. Un conflit d’intérêt que la récente campagne insiste à rendre embarrassant.
Le régime Boluarte semble être dans une impasse. Sombrant dans une crise de légitimité, une crise économique et une crise de gouvernance, la présidente de facto ne doit son maintien au pouvoir qu’à un pacte avec le Congrès et à un alignement inconditionnel sur les États-Unis. Or, cette triple crise a fait fuir les investisseurs internationaux du pays inca. La seule issue pour le gouvernement est de tenter de se rapprocher de la Chine pour relancer la coopération économique entre les deux pays. Un exercice d’acrobatie politique très risqué qui pourrait avoir des conséquences sur la fin du mandat de Boluarte.
Ingérence dans tous les pouvoirs de l’État
Actuellement, l’influence étasunienne transcende les relations avec l’exécutif, englobant toutes les branches et institutions du gouvernement. Au niveau judiciaire, par exemple, le 2 avril 2024, le directeur de la Coordination nationale des procureurs spécialisés dans la corruption des fonctionnaires a rencontré l’agent spécial du FBI Alejandra Sánchez, coordinatrice du programme transnational de lutte contre la corruption du FBI. Alors que le pays apprenait le scandale du rolexgate, cette réunion a démontré qu’il existait plus d’intérêt pour renforcer le lawfare contre les dirigeants sociaux que pour éradiquer la corruption. De même, les services diplomatiques de Washington entretiennent des relations soutenues avec le Conseil national de la justice, ou le pouvoir électoral. L’ambassade des États-Unis est la seule mission diplomatique au Pérou à avoir un programme aussi soutenu d’ingérence dans les pouvoirs publics.
Le maire de Lima, Rafael Lopez Aliaga, du parti conservateur Renovación Popular, a renforcé la coopération de la capitale avec l’ambassade américaine. Dès les premiers mois de son mandat, il a encouragé la participation du personnel diplomatique à la gestion des ollas comunes, des organisations d’aide alimentaire situées dans les quartiers les plus pauvres de la ville. Avec la géolocalisation de leurs sièges et la distribution d’aliments, Washington a pu tisser des liens de coopération et de contrôle avec les leaders sociaux des bidonvilles de Lima.
En ce qui concerne la relation avec le Congrès, en mars 2024, les députés péruviens ont reçu une délégation de leurs homologues américains pour signer un accord de coopération qui, dans la pratique, permet aux États-Unis de s’immiscer légalement dans les affaires intérieures du pays. Selon l’ambassade américaine, cet accord permettra aux États-Unis de « soutenir la transparence, l’État de droit et de promouvoir des élections libres et équitables » au Pérou. Le président du Congrès péruvien, Alejandro Soto, a qualifié l’accord d’« alliance stratégique ». Des parlementaires néolibéraux et mais aussi de la gauche péruvienne prétendument « anti-impérialiste » étaient présents à la cérémonie de signature.
Un mois plus tard, en avril 2024, par le biais de la résolution législative 6672, le Congrès ratifie l’accord entre le Pérou et les États-Unis signé par le gouvernement Boluarte, qui permet aux États-Unis d’intercepter et d’abattre des avions légers en toute liberté. Sous le prétexte de la lutte contre la drogue, Washington étend ainsi sa domination sur l’espace aérien péruvien.
Alignement sur la politique étrangère des États-Unis
Nommée présidente par les factions qui ont organisé le coup d’État contre Castillo, Boluarte détient le record d’impopularité dans la région. Seuls 5% de la population la soutient, principalement dans les classes aisées du pays. Ce rejet massif et polyclassiste l’a amenée à négocier sa survie avec les secteurs d’ultra-droite du Congrès, avec le secteur privé principalement financier, minier et l’agro-export et, sur le plan diplomatique, avec les États-Unis.
Cela se reflète dans la position du Pérou sur la scène mondiale, où il s’est aligné sur la position de Washington concernant le massacre qu’Israël commet à Gaza, les élections au Venezuela ou la guerre en Ukraine.
Dans le cas du Venezuela, le Pérou a été le premier pays à reconnaître Edmundo Gonzalez comme président après les élections du 28 juillet 2024. Une position extrémiste qui a ensuite été corrigée. Désormais le Pérou ne prend plus aucune initiative et se contente de répliquer les mesures prises par le Département d’État. De même, alors qu’Israël continue de semer la guerre et la mort au Moyen-Orient, les pays satellites des États-Unis ont profité de l’Assemblée générale de l’ONU pour signer un communiqué condamnant le Venezuela. Le Pérou a rejoint les 30 pays qui se sont alignés sur la politique étrangère de Washington dans la région.
Dans le cas de la guerre en Ukraine, qui a débuté alors que Pedro Castillo était président, le Pérou a dû se montrer plus prudent. Dès que le coup d’État contre Castillo a été consommé, Dina Boluarte a été chargée par le SouthCom de livrer à l’Ukraine une partie de l’armement russe des forces armées péruviennes. En effet, depuis l’époque du général patriote Juan Velasco Alvarado, le Pérou dispose de nombreux équipements militaires russes et/ou ex-soviétiques, dans toutes ses composantes militaires et en particulier dans l’armée de l’air. La présidente a été rappelé à l’ordre par des militaires pragmatique qui n’étaient pas prêts à risquer de perdre les chaînes d’approvisionnement en pièces détachées en provenance de Russie, au cas où Boluarte aurait insisté pour que le Pérou devienne cobelligérant en Ukraine.
Cependant, le 4 octobre 2024, le ministre de la Défense Walter Astudillo a demandé un prêt de 3,5 milliards de dollars américains pour renouveler la flotte de l’armée de l’air péruvienne avec 24 chasseurs multirôles : 20 monoplaces et 4 biplaces. Actuellement, le pays dispose de chasseurs Mirage 2000P/DP, achetés neufs à la France en 1982, mais surtout des avions russes MiG-29S/SMP Fulcrum C et de Sukhoi SU 25 Frogfoot. La société américaine Loockeed Martin et la société suédoise Saab seraient en tête des préférences du gouvernement péruvien. Quelques jours plus tard, le Pérou a reçu des États-Unis un don de neuf hélicoptères UH-60 Black Hawk destinés à rejoindre ou à remplacer les hélicoptères russes ou ex-soviétiques actuellement en possession de l’armée de l’air péruvienne.
L’achat des avions et la livraison des hélicoptères constitueront un tournant géopolitique majeur puisque le pays ne sera plus dépendant de la chaîne d’approvisionnement russe et rendra le Pérou totalement soumis á la vision stratégique Otano-occidentale.
Un pays sous contrôle, pour l’instant
Avec la chute de Castillo, les États-Unis ont profité de la mauvaise gouvernance de Dina Boluarte pour renforcer leur présence et leur contrôle sur un pays important d’Amérique du Sud. En effet, le Pérou possède des frontières avec cinq pays du sous-continent, dispose d’énormes ressources en minerais et en eau douce. Et surtout, il est le deuxième producteur de cocaïne a monde, ce qui fournit un prétexte à l’ingérence au nom de la lutte contre le trafic de stupéfiants.
L’ascension inattendue de Castillo au pouvoir a mis en évidence une faille dans le système politique du meilleur élève de Washington dans la région. Les énormes inégalités et la crise économique font que le peuple péruvien aspire lui aussi à des changements structurels. C’est pourquoi les États-Unis ont décidé de resserrer leur emprise tout en essayant de contenir l’influence croissante de la Chine dans le pays. Grâce au gouvernement actuel, ils y sont parvenus pour le moment. Du moins jusqu’à la prochaine surprise électorale.
La Línea
Source: Misión Verdad – Traduction: Romain Migus
Misión Verdad : Groupe de chercheurs indépendants dédiés à l’analyse du processus de guerre contre le Venezuela et de ses implications mondiales. Notre contenu s’est révélé être une contribution rigoureuse, authentique et fiable pour des millions de personnes intéressées à connaître l’autre partie de l’histoire, celle qui reste cachée par les grandes chaînes de désinformation.
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