Le 07-09-2023
Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Pardem aux relations internationales.
Des brèches se font jour dans le discours policé des médias à propos de la guerre en Ukraine. Après plusieurs mois de propos laudatifs sur le courage de Zelensky autotransformé en chef de guerre et de ses hommes enrôlés dans l’armée ukrainienne pour « aller jusqu’au bout », apparaissent des articles plus nuancés sur la situation des hommes envoyés au front. Dixit l’article du Monde (1) publié dans son édition du 31 août 2023 qui donne la parole à des hommes affaiblis, traumatisés et parfois découragés, en colère contre la bonne société de Kiev loin du front, profitant des terrasses ensoleillées, des piscines et des boîtes de nuit tout en glorifiant l’héroïsme du pays.
Les longs mois sans permission, le manque d’armes adaptées à la guerre de tranchées, les très nombreux tués, estropiés, amputés : peu à peu, des médias états-uniens rendent compte du véritable coût pour les soldats ukrainiens de la guerre par procuration menée contre la Russie par les États-Unis, l’OTAN et l’UE.
Au-delà des discours bien huilés tenus depuis plus de deux ans c’est bien la réalité sanglante de la guerre qui émerge. Car jamais un conflit armé n’a existé sans blessés, sans morts et sans conséquences psychiques pour les soldats et la population civile. En Ukraine comme ailleurs, ce sont toujours les mêmes qui paient le prix fort.
Le 2 août, le Wall Street Journal a publié un article faisant état du nombre de blessés parmi les troupes ukrainiennes (In Ukraine, Amputations Already Evoke Scale of World War I).
L’article affirme que 50 000 Ukrainiens ou plus ont été amputés, selon les données de la société allemande Ottobock, le plus grand fabricant mondial de prothèses. L’article explique que le nombre d’amputations de la guerre d’Ukraine serait comparable à celui des principaux pays engagés dans la Première Guerre mondiale : « 67 000 Allemands et 41 000 Britanniques ont dû être amputés durant la Première Guerre mondiale, alors que cette procédure était souvent la seule disponible pour éviter la mort ».
Aujourd’hui, le nombre de soldats ukrainiens morts pendant la guerre est l’un des secrets les mieux gardés de ce conflit. Bien que connu des gouvernements ukrainien et états-unien, et vraisemblablement des gouvernements des pays de l’OTAN, le chiffre réel n’est pas révélé au public. Et pour cause… L’horreur de la politique de guerre « jusqu’au dernier Ukrainien » du bloc USA-OTAN-UE sauterait aux yeux des peuples ! Cependant, les données publiées par le Wall Street Journal permettent de déduire quelques chiffres.
Pendant la Première Guerre mondiale, 880 000 soldats britanniques sont morts soit,12,5 % des effectifs. Si les amputations parmi les troupes ukrainiennes ont dépassé celles du Royaume-Uni durant la Première Guerre mondiale, alors que les amputations était bien plus courantes qu’aujourd’hui, cela signifie que le nombre de morts parmi les Ukrainiens se chiffrerait par centaines de milliers.
Le Wall Street Journal rapporte « qu’entre 5 et 10 % des troupes déployées ont été tuées, selon les estimations de l’armée ukrainienne partagées avec un groupe de chirurgiens militaires américains… En comparaison, seuls entre 1,3 à 2 % des troupes américaines déployées dans les conflits récents sont mortes au combat ». Autrement dit, le taux de mortalité des troupes ukrainiennes est jusqu’à cinq fois supérieur à celui des soldats américains dans les guerres récentes.
Mais il semble que pour le bloc USA-OTAN-UE, la boucherie est encore insuffisante.
C’est dans ce contexte que les militaires de l’OTAN, Biden et le Congrès américain exigent que l’Ukraine mène, vague après vague, des attaques sur des positions russes bien défendues. L’échec patent de la stratégie occidentale n’y change rien : « les Américains ont demandé des tactiques d’armes combinées – des attaques synchronisées des troupes d’infanterie, des blindés et de l’artillerie… Les responsables occidentaux ont défendu cette approche comme étant plus efficace que la stratégie coûteuse consistant à user les forces russes par attrition (2), ce qui menace d’épuiser les stocks de munitions de l’Ukraine » confirme le journal Times.
En d’autres termes, compte tenu de la pénurie de munitions, les responsables américains préconisent des assauts répétés, qui font des dizaines de milliers de victimes, contre les positions russes. Les généraux étasuniens et leurs soutiens de l’UE (gouvernements, presse, etc.) estiment, de toute évidence, que les vies ukrainiennes valent moins que les obus…
Le triomphalisme a du plomb dans l’aile
Mais il est clair aujourd’hui que la « contre-offensive ukrainienne » et « les offensives “combinées » de Kiev, chantées sur tous les tons par la presse européenne, ne sont que propagande, manipulation de l’opinion publique. En réalité, les Américains savaient que ces opérations militaires, prétendument sophistiquées, menées sans soutien aérien ne seraient que des assauts semblables à ceux de la Première Guerre mondiale et se solderaient par un carnage du même ordre.
L’échec de la contre-offensive est révélé par le changement de ton dans des médias états-uniens. On est passé de déclarations triomphales (le cours de la guerre va s’inverser grâce à la contre-offensive décisive de l’Ukraine) à l’assertion désespérée que tout n’est peut-être pas perdu…
Il faut se rappeler un article de Timothy Garton Ash dans le Guardian où il comparait l’offensive ukrainienne à l’invasion victorieuse lancée en Normandie contre l’Allemagne nazie : « Une victoire décisive de l’Ukraine est désormais la seule voie sûre vers une paix durable, une Europe libre et, en fin de compte, une Russie meilleure. À elle seule, cette victoire serait le nouveau Jour de la Victoire en Europe ». Et cette musique était reprise par la presse mainstream.
Mais cette dramatique comptine a été entonnée au dépend des Ukrainiens et ce, malgré le déluge de dollars, d’euros, de chars, de missiles et de munitions déversées, à jet continu, sur les comptes de Zelensky…
Que les illusions du bloc USA-OTAN-UE aient été brisées n’est pas grave en soi, c’est même réjouissant. Ce qui est impardonnable c’est que sous couvert de discours sur la défense de l’«auto-détermination», les États-Unis, les puissances de l’OTAN et l’UE considèrent, dans leur conflit avec la Russie, les Ukrainiens comme de la chair à canon. Les États-Unis et leurs complices cherchent à affaiblir la Russie dans une guerre d’usure sanglante dont le but est, selon les mots du président américain Joe Biden, de « faire du rouble une ruine ». quitte à sacrifier toute une génération de jeunes et moins jeunes Ukrainiens.
Comme toujours il est indispensable de se demander à qui profite la guerre !
Notes :
(1) Dans le train menant au front, la rage des soldats urkrainiens https://journal.lemonde.fr/data/3132/reader/reader.html?t=1694088118021#!preferred/0/package/3132/pub/4387/page/4/alb/178116
(2) Attrition : Guerre d'usure. Lors d'une guerre, une stratégie d'attrition est une stratégie dans laquelle l'objectif est d'user les forces combattantes et les réserves ennemies, plutôt que la progression en terrain ennemi ou la destruction (ou l’occupation) d’objectifs ennemis.
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