L’art de changer de mots pour préparer la guerre en loucedé* !

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économies de guerre

Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Pardem aux relations internationales

L'Union européenne (UE) et tous ses affidés, sous prétexte de combattre une pseudo-invasion Russe, intensifie la mise en œuvre d’un programme effréné de réarmement militaire.
L'Union européenne débloque 800 milliards d’euros, l'Allemagne annonce, avec l’autorisation du Bundestag, 1 000 milliards d’euros de nouveaux crédits pour la guerre, avant même que Friedrich Merz (CDU) ne prenne ses fonctions de Chancelier.
Macron, soutenu par l’intégralité du spectre politique européiste, prévoit de doubler ses dépenses militaires annuelles et propose même un objectif de 5 % du PIB. De plus, sans aucune concertation avec la représentation nationale , il affirme être prêt à placer les « alliés européens » sous le parapluie nucléaire de la France.
La Grande-Bretagne, gouvernée par le travailliste Keir Starmer, propose d'envoyer en Ukraine des « bottes britanniques au sol et des avions dans les airs », dans le cadre d'une « coalition des volontaires » en alliance avec la France et d’autres pays va-t-en-guerre.
Le Parti socialiste espagnol (PSOE) et le parti de gauche Sumar finalisent leur projet d'augmentation des dépenses militaires à 2 % du PIB, la plus forte hausse de l’histoire, y compris en incluant la dictature fasciste du général Franco (1939-1975).
Seul, pour l’instant, le peuple italien résiste à la fureur guerrière. En effet, 62 % des Italiens sont favorables à la signature d’un traité de paix impliquant des concessions territoriales au profit de la Russie et, seulement 37 % d’entre eux sont favorables à un engagement militaire accru auprès de l’Ukraine (avec un net déclin du positionnement en faveur de Kiev, au regard du sondage précédent). De plus, 39 % des Italiens sont hostiles au plan « ReArmEurope » (Réarmer l’Europe) renommé « Préparation 2030 » de la Commission européenne, 28 % y étant favorables. Un exemple à suivre…

A qui mentira le plus

Chaque gouvernement de l’UE, chaque parti politique et grand média déverse des mensonges pour justifier cette explosion de militarisme, prétendant qu'il existe un impératif moral de défendre la « démocratie ukrainienne » et tout le « continent » contre l'agression russe et, plus absurde encore, contre une invasion.
Le leader des menteurs est Macron, notre Pinocchio national qui, lors de son allocution télévisée à la Nation du 5 mars 2025, a déclaré que « la paix ne peut plus être garantie sur notre continent même. […] La Russie est devenue au moment même où je vous parle et pour les années à venir une menace pour la France et pour l’Europe ». Ce discours belliciste, qui agite le spectre des chars russes aux portes des capitales européennes, manque de sérieux et contribue à renforcer l’isolement diplomatique de l’UE par rapport au reste du monde.
Les surenchères des boutefeux tentent simplement de cacher que l’Union Européenne (et chaque pays membre) est l’une des grandes perdantes du conflit russo-ukrainien. La véritable motivation des « Européens » est, en effet, la crainte que la politique étrangère de “l’America First“ (l’Amérique d’abord) de Trump, ses discussions unilatérales avec la Russie et ses exigences d'accès exclusif aux ressources de l’Ukraine, menace de les priver du butin de la guerre menée par l'OTAN.
Rappelons que le conflit en Ukraine a été préparé par une campagne de déstabilisation américano-européenne, visant à faire tomber le pays dans les griffes de l'OTAN et de l'Union européenne et à provoquer un changement de régime à Moscou… Changement qui devait permettre aux Occidentaux d’accéder aux ressources considérables de la Russie.
Noyée dans le raz-de-marée d'hypocrisie déclenché pour justifier le réarmement, l’UE cherche désespérément à relancer le « Protocole d'accord entre l'Union européenne et l'Ukraine sur un partenariat stratégique concernant les matières premières » (Memorandum of Understanding between the European Union and Ukraine on a Strategic Partnership on Raw Materials) de juillet 2021, comme base de leur soutien continu au régime fascisant de Zelensky.
Le mois dernier, ce protocole d'accord a été décrit par Stéphane Séjourné, le commissaire européen à la stratégie industrielle, comme fournissant « 21 des 30 matières critiques dont l'Europe a besoin » dans le cadre d'un « partenariat gagnant-gagnant ». L'UE dépend, en effet, bien plus de l'exploitation des minerais stratégiques de l'Ukraine que les États-Unis car aujourd’hui, l’UE s’appuie presque exclusivement sur la Chine pour son approvisionnement.
Le reflux du soutien militaire, financier et politique des États-Unis à l’Ukraine a sauté aux yeux du monde entier le 18 février dernier, lors de la rencontre entre Trump, son vice-président J.D. Vance et Zelensky  qui a tourné au pugilat. Peut-on pour autant parler d’une alliance objective entre Trump et Poutine ? Non, bien sûr. Car Trump veut dicter son tempo et compte même accroître les sanctions si Moscou temporise dans les négociations. De même, les annonces de renforcement militaire des pays de l’UE illustrent en réalité une dépendance extrême à l’égard des États-Unis car l’industrie de l’armement européenne n’est pas en mesure d’y répondre à court terme.

« ReArmEurope » renommé « Préparation 2030 »… le jeu de dupes

Ce n’est pas dans les semaines ou les mois qui viennent, que ce « renforcement » des capacités militaires va se produire pour la bonne raison que les armées ainsi que l’industrie militaire des pays de l’UE ne sont pas prêtes à une accélération rapide.
Contrairement à ce que prétendent les « Européens » qui affirment s’opposer à Trump en accélérant leurs dépenses militaires, la hausse rapide de ces dernières bénéficiera en priorité aux États-Unis. En fait, ils multiplient leurs commandes auprès du complexe militaro-industriel américain. Concrètement, les livraisons qui étaient faites directement par les États-Unis vers l’Ukraine, financées par les États-Unis, seront financées par les « Européens » et livrées à l’Ukraine !  C’est donc une esbroufe, un jeu de dupes.
En réalité, L’UE a du mal à masquer qu’elle est la grande perdante du conflit russo-ukrainien qu’elle a provoqué avec l’OTAN. Au niveau économique, c’est catastrophique. Toute l’UE est impactée par la rupture avec la Russie, l’impact des sanctions, le coût de la guerre. L’UE, et jusqu’à récemment les États-Unis, portent à bout de bras le gouvernement  ukrainien. Tout cela coûte des milliards d’euros et l’UE et ses thuriféraires devraient logiquement pousser à une sortie du conflit. Pourtant il s’agit d’une situation paradoxale dans laquelle on a d’un côté les États-Unis, grands gagnants de ce conflit, qui veulent désormais s’en retirer rapidement en captant les ressources naturelles ukrainiennes et de l’autre les élites européistes, qui persistent à défendre une position sans solution diplomatique qui leur permettrait de s’approprier une partie des richesses du pays. Ce bras de fer avec les État-Unis est en défaveur de l’UE. 
Dans ce contexte, toute la rhétorique sur le réarmement de l’UE contribue in fine à son isolement et c’est tant mieux ! Car, en dehors de l’Occident global (pays du système néolibéral dominé par les USA), les BRICS et les pays dits « émergents » ont une lecture très différente du conflit de celle des Occidentaux de l’axe USA-UE-OTAN.

Des dangers incalculables

Ayant perdu la partie face aux USA, les élites européennes s’enferment dans une position belliciste. Les dangers pour les peuples de l’UE sont incalculables. Le déploiement de troupes européennes au sol et d'avions dans le ciel ukrainien, de même que l'extension du parapluie nucléaire français à l'Allemagne et à d'autres « alliés », sont la véritable source du danger de guerre sur le continent européen. 
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ne s’y est pas trompé. Suite aux déclarations belliqueuses de Macron, il déclarait : « S'il nous considère comme une menace, convoque une réunion des chefs d'état-major des pays européens et de la Grande-Bretagne, dit qu'il est nécessaire d'utiliser l'arme nucléaire, se prépare à utiliser l'arme nucléaire contre la Russie, c'est, bien sûr, une menace. »
Lorsque les gouvernements des pays membres de l’UE ainsi que tous les partis de droite ou de gauche se lancent dans une surenchère verbale guerrière et en profitent pour décider, sans consultation des peuples, de consacrer des dizaines de billions d’euros pour défendre des territoires que personne ne veut envahir, ils sont pleinement conscients que cela implique un conflit avec la Russie. En réalité, ces montants vont bien au-delà de ce qui est nécessaire aux efforts revendiqués pour un éventuel règlement de paix en Ukraine. Une guerre avec la Russie sous l'impulsion de l’UE serait-elle en discussion ?

La question brûlante qui se pose aux peuples des pays de l’UE est de savoir comment arrêter cette course folle vers la catastrophe. Pour ce faire, les peuples et, plus spécialement les classes dominées, ne peuvent compter sur aucun des partis de gouvernement, qu'ils soient de droite ou de gauche, ou sur les syndicats à genoux devant la Déesse Europe. 
Car la seule préoccupation des syndicats « européens » (grassement financés par l’UE) est de trouver comment soutenir au mieux les gouvernements et classes dirigeantes nationales dans l'escalade de la guerre commerciale et militaire en Europe. Voilà pourquoi ils soutiennent les mesures « protectionnistes » contre les États-Unis et la Chine, les sanctions contre la Russie et l’extension rapide d’industries nationales d’armement, bref, les décisions de la Commission européenne (CE) non élue… Par contre, au plan national, ils ne s’engagent jamais en faveur de mesures souverainistes pour sauver l’industrie française et les emplois…
En attendant de sortir de l’UE et de l’OTAN, les classes dominées n’ont d’autre solution que de mener une guerre contre la guerre. Car les programmes de guerre sont totalement incompatibles avec quelque forme démocratique de gouvernement que ce soit. 
Les élites dirigeantes (UE et gouvernements nationaux) se tournent d’ailleurs, à nouveau, vers un programme dictatorial pour mettre en œuvre une politique militariste à laquelle s'oppose la grande masse de la population.
Les milliards d’euros consacrés à l’armement et à la guerre impliquent une attaque plus violente qu'elle ne l'a été au cours des 80 dernières années contre les conquis sociaux et les classes dominées. Les luttes contre l’austérité, pour l’augmentation des salaires, pour la retraite à 60 ans, pour l’extension des services publics, etc. doivent fusionner avec la lutte contre la guerre à travers l’attaque frontale des oligarchies au pouvoir dans l’UE. Ce sera-t-il le cas ?
Non au réarmement de l’Union européenne !

* loucedé : argot utilisé par les bouchers pour découper la viande en douce… Idéal en temps de guerre ?