Le 11-08-2023
Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Parti de la démondialisation aux relations internationales
La déclaration adoptée par les chefs d’État et de gouvernement des 31 pays membres de l’OTAN réunis les 11 et 12 juillet à Vilnius en Lituanie est un projet de guerre mondiale. Seule une partie de ce document de 24 pages traite, en effet, de la question centrale du sommet : la guerre en Ukraine. Dans le reste du document, l’OTAN déclare son intention d’imposer sa volonté au monde entier. Aucun continent et pratiquement aucune région ne sont exclus de ce que le document appelle « l’approche à 360 degrés » de l’OTAN.
Les premières sections du document se concentrent sur le conflit avec la Russie. Poutine y est dénoncé en des termes qui excluent d’emblée toute solution négociée à la guerre en Ukraine. L’OTAN y affirme qu’il ne peut y avoir « aucune impunité » pour ses « crimes de guerre » et « tous les responsables » doivent être « tenus de rendre des comptes »… Et que la condition préalable à la paix est « le retrait complet et inconditionnel de la Russie ». S’adressant directement à Poutine, l’OTAN déclare: « À la lumière de sa politique et de ses actes hostiles, nous ne pouvons pas considérer la Russie comme notre partenaire ».
La presse mainstream a mis l’accent sur le fait que si le communiqué affirme que « l’avenir de l’Ukraine est dans l’OTAN », il ne fixe pas de calendrier pour l’adhésion, a contrario de ce qu’avait demandé Volodymyr Zelensky. L’adhésion de l’Ukraine se ferait donc à une date ultérieure, « lorsque les alliés seront d’’accord et que les conditions seront remplies ».
Ce “report” d’adhésion met en lumière les raisons tactiques des principales puissances de l’OTAN, en particulier les États-Unis et l’Allemagne, qui ont décidé que le moment n’était pas venu pour une adhésion formelle de l’Ukraine. Celle-ci déclencherait, en effet, l’article 5 de l’organisation et invaliderait la fiction politique selon laquelle les États-Unis ne sont pas en guerre avec la Russie. De plus, ce “report” laisse la porte ouverte à la Pologne ou à d’autres pays de l’OTAN pour déployer, avec l’appui des États-Unis, des troupes à l’intérieur de l’Ukraine, sans engager l’alliance mafieuse par une déclaration de guerre formelle.
Et pendant ce “flou” juridique, l’OTAN intensifie la guerre en envoyant à jet continu, un soutien militaire et financier à l’Ukraine pour continuer à se battre “jusqu’au dernier Ukrainien” et à saigner à blanc la Russie.
D’ailleurs, le communiqué de l’OTAN précise que « le chemin de l’Ukraine vers une pleine intégration euro-atlantique rend superflue le Plan d’action pour l’adhésion » établi en 2008, car l’Ukraine est « devenue de plus en plus inter-opérable et politiquement intégrée à l’Alliance ». Et il ajoute : «Nous restons fermement déterminés à renforcer encore notre soutien politique et pratique à l’Ukraine, qui continue de défendre son indépendance, sa souveraineté et son intégrité territoriale à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, et nous maintiendrons notre soutien aussi longtemps qu’il le faudra »…
Sous la pression des États-Unis, la Pologne, l’Allemagne, l’Espagne, la France et d’autres pays de l’OTAN se sont engagés à fournir une nouvelle aide militaire substantielle à l’Ukraine. Les pays du G7, tous présents à Vilnius, y compris le Japon non-membre de l’OTAN, ont promis une aide importante à l’Ukraine dans le cadre d’un accord distinct.
Après avoir déclenché la guerre en Ukraine, les États-Unis et l'OTAN ont d’abord utilisé son inféodée Commission européenne (CE) dans le conflit avec la Russie pour lui donner une dimension européenne et utilisent maintenant le conflit pour organiser une vaste escalade militaire à l'échelle mondiale.
Escalade militaire à l’échelle mondiale
Le plan de guerre de 4 000 pages adopté à Vilnius détaille le déploiement des troupes et des armes dans toute l’Europe de l’Est. Ainsi la Force de réaction rapide de l’OTAN passera de 40 000 à 300 000 soldats et des plans visant à « assurer le renforcement en temps voulu de tous les alliés, conformément à notre approche à 360 degrés, sont établis pour une défense collective de haute intensité et multi-domaine ».
Depuis le dernier sommet de l’OTAN à Madrid, en juillet 2022, le bloc OTAN-USA-UE a finalisé l’encerclement de la Russie en “invitant” la Finlande et la Suède à rejoindre ses rangs, a adopté un document stratégique prévoyant une augmentation massive des troupes de l’OTAN en Europe de l’Est et une hausse considérable des dépenses militaires.
Aujourd’hui, la Finlande est membre de l’OTAN et les derniers obstacles à l’adhésion de la Suède ont été levés à Vilnius. En conséquence, la frontière terrestre de l’OTAN avec la Russie a plus que doublé et se trouve désormais à moins de 150 kilomètres de Saint-Pétersbourg. La mer Baltique est devenue une mer de l’OTAN à laquelle la Russie n’a accès que par une petite partie de Saint-Pétersbourg et par l’enclave assiégée de Kaliningrad.
Le conflit avec la Russie fait partie d’un projet de domination mondiale
Le communiqué de Vilnius vise aussi la Chine, accusée d’utiliser « un large éventail d’outils politiques, économiques et militaires pour accroître son empreinte mondiale et projeter sa puissance ». Selon le bloc OTAN-USA-UE, la Chine porte atteinte à la sécurité de l’alliance par des « opérations hybrides et cybernétiques malveillantes », une « rhétorique de confrontation et de désinformation », et tente de « contrôler des secteurs technologiques et industriels clés, des infrastructures essentielles, des matériaux stratégiques et des chaînes d’approvisionnement ».
Bien sûr, la déclaration de Vilnius s’en prend violemment à « l’approfondissement du partenariat stratégique entre la République Populaire de Chine (RPC) et la Russie et à leurs tentatives, qui se renforcent mutuellement, de saper l’’ordre international fondé sur des règles, ce qui va à l’encontre de nos valeurs et de nos intérêts ».
Mensonges impériaux
Comme tous les documents produits par le bloc atlantiste, le communiqué de l’OTAN est partisan et mensonger. Les USA-OTAN-UE parlent de défendre la « souveraineté et l’intégrité territoriale », alors qu’ils ont eux-mêmes lancé des guerres d’agression dans le monde entier. Ils insistent sur le droit absolu de l’Ukraine à choisir ses « partenaires stratégiques » c’est-à-dire à rejoindre l’OTAN, mais refusent ce droit à la Chine et à la Russie. Ils insistent sur le droit de l’OTAN à fournir des armes en quantité illimitée à l’Ukraine mais considèrent toute assistance militaire à la Russie comme un véritable acte de guerre.
Et lorsque le document parle du maintien d’un « ordre international fondé sur des règles », il ne s’agit que de «l’ordre» où chaque pays doit obéir aux USA et à ses bras armés : l’OTAN et l’UE.
À cette fin, l’OTAN martèle ses intérêts et ses “valeurs“ dans toutes les parties du monde. « La région de la mer Noire revêt une importance stratégique pour l’Alliance, «Le Moyen-Orient et l’’Afrique sont des régions d’’intérêt stratégique, la région Inde-Pacifique est importante pour l’OTAN »…
L’OTAN veut même imposer sa “sécurité“ dans l'’Arctique, l’espace et le cyber espace car une cyber attaque peut servir de prétexte à une guerre : « Un ensemble unique ou cumulatif de cyber-activités malveillantes pourrait atteindre le niveau d’’une attaque armée et pourrait conduire le Conseil de l’’Atlantique Nord à invoquer l’’article 5 du traité de Washington, au cas par cas ». Rappelons que l’article 5 oblige tous les membres de l’OTAN à fournir une assistance à un membre faisant l’objet d’une attaque militaire.
La guerre nucléaire est désormais envisagée
Les références répétées dans le document à la guerre nucléaire montrent que celle-ci est entrée dans les calculs des planificateurs de guerre de l’OTAN : « Nous fournirons individuellement et collectivement toute la gamme des forces, capacités, plans, ressources, moyens et infrastructures nécessaires à la dissuasion et à la défense, y compris pour une guerre de haute intensité et multi-domaine contre des concurrents dotés de l’arme nucléaire », peut-on y lire. « En conséquence, nous renforcerons la formation et les exercices qui simulent la dimension conventionnelle et, pour les alliés concernés, la dimension nucléaire d’une crise ou d’un conflit, facilitant une plus grande cohérence entre composantes conventionnelles et nucléaires du dispositif de dissuasion et de défense de l’OTAN, dans tous les domaines et tout le spectre des conflits ».
L’OTAN déclare qu’elle est une alliance nucléaire qui « a les capacités et la volonté d’imposer à un adversaire des coûts qui seraient inacceptables et dépasseraient de loin les avantages que tout adversaire pourrait espérer obtenir ». Ainsi, la menace d’utiliser des armes nucléaires est désormais transparente.
Bien que l’OTAN use de la menace nucléaire, elle condamne la Russie d’en faire autant et son intention de déployer des armes nucléaires sur le territoire de la Biélorussie. Pourtant, le « partage nucléaire » est une pratique à la fois historique et continue de l’OTAN : « la posture de dissuasion nucléaire de l’’Organisation repose également sur les armes nucléaires des États-Unis déployées à l’’avant en Europe ».
Poutine a fait pression sur les puissances impérialistes (USA-OTAN-UE) en vue d’obtenir des garanties de sécurité. Mais les impérialistes ne veulent pas de compromis. Ils veulent dominer le monde. Malgré l’échec évident de la contre-offensive ukrainienne, le bloc USA-OTAN-UE fera tout pour perpétuer la guerre, quel que soit le nombre de morts ukrainiens. Il a attiré la Russie dans un piège dont elle peut difficilement sortir. Plus le conflit s’éternise, plus la pression exercée sur le gouvernement de Poutine est forte pour qu’il l’intensifie ou pour qu’il capitule.
Déclin de “l’Occident” et de la mondialisation
La politique de l’OTAN, exposée dans le communiqué de Vilnius, pourrait paraître délirante et irresponsable. Il n’en est rien. Les plans de conquête et de domination du monde découlent de la crise du capitalisme mondialisé. Depuis plus de 30 ans, les États-Unis, soutenus par leurs affidés européens, tentent de compenser le déclin de leur domination économique par la force militaire. Ces soubresauts impériaux ont encore des conséquences dévastatrices pour l’Irak, l’Afghanistan, la Libye et de nombreux autres pays. La re-division violente du monde sous domination impérialiste fut déjà la cause de la Première et de la Deuxième Guerre mondiale.
Mais les plans de guerre du bloc USA-OTAN-UE et de leurs affidés vont intensifier considérablement les conflits sociaux. C’est pourquoi, même si le document de Vilnius engage tous les signataires à consacrer « au moins 2% de leur produit intérieur brut » à la guerre, il précise que « dans de nombreux cas, des dépenses supérieures à 2 % du PIB seront nécessaires pour remédier aux insuffisances existantes et répondre aux besoins dans tous les domaines découlant d’un ordre de sécurité plus contesté ».
Les peuples vont payer chèrement la note de l’OTAN
L’escalade de la guerre est aussi l’escalade de l’attaque des droits sociaux, des salaires et des emplois de la grande majorité des populations : les classes dominées.
Les participants au sommet en sont parfaitement conscients. Tout au long du document, figurent des références voilées aux conflits internes et l’affirmation de la nécessité de « renforcer notre capacité nationale et collective à assurer la continuité du gouvernement », de « permettre un soutien civil aux opérations militaires » et de « promouvoir la résilience de la société ». Le document évoque même la possibilité d’utiliser l’article 5 contre les opposants gouvernementaux de l’intérieur (les « acteurs non étatiques » ) qui « prennent pour cible nos institutions politiques, nos infrastructures essentielles, nos sociétés, nos systèmes démocratiques, nos économies et la sécurité de nos citoyens ».
Agir pour en finir avec la guerre
La fin de la guerre viendra de la convergence des luttes des classes dominées et de l’opposition interne au bloc USA-OTAN-UE. En France, pour que les conditions d’un tel mouvement se développent, il est urgent et nécessaire que les partis, mouvements et individus débattent sans exclusive des politiques et actions communes possibles. Pour le Pardem, les urgences sont la reconquête de la souveraineté populaire et nationale, la sortie immédiate et unilatérale de l’OTAN, de l’UE, de l’euro et du néolibéralisme. La tâche consiste à rendre ces impératifs et objectifs politiquement conscients. Pour cela, il faut développer la compréhension de la nécessité de lier les luttes politiques, revendicatives, sociales, écologiques et pour la paix.
Nous invitons tous ceux qui sont d’accord avec cette perspective à rejoindre le Pardem.
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