Pour l’UE, le camouflet suisse est aussi violent que le Brexit

 

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Rupture Suisse / UE
Le président suisse Guy Parmelin et la présidente de la Commission européenne Ursula Von der Leyen

 

Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Parti de la démondialisation chargé des relations internationales

Depuis 2014, les Suisses rechignent à signer un « accord institutionnel » avec l'Union européenne (UE). Après le Brexit, le refus par la Suisse des contraintes de Bruxelles mérite qu'on s'y attarde tant il éclaire ce qu'est réellement la soi-disant “Union”. Autopsie d'un nouvel échec de l’UE.

L'entrée de la Suisse dans l’Espace économique européen (EEE), rejetée par référendum le 6 décembre 1992 par le peuple suisse (14 cantons et 4 demi-cantons ont voté pour le non contre seulement 6 cantons et 2 demi-cantons pour le oui) est, par essence, impossible. En effet, l’UE exige de la Suisse un véritable Hara-kiri institutionnel qui abolirait un élément clé de son pacte national : la démocratie directe. Les Suisses ne pourraient plus, par une votation populaire, remettre en cause une directive européenne.

Devant l’affront, mais en sourdine, les discussions s’étaient poursuivies entre le Conseil européen et la Suisse. Fâché, le Conseil des affaires générales de l'UE a pris, en 2014, une décision de principe : la Suisse n'aura pas de nouveaux accès au marché unique si elle ne signe pas un accord-cadre, inacceptable pour les Suisses. L’accord proposé par l’UE impose l'indivisibilité (tout ou rien…) des quatre libertés de circulation (des personnes, des biens, des services et des capitaux) et la domination supranationale de la Cour de justice européenne qui interprèterait in fine le droit européen en cas de litige… Or les exigences de l’UE, appelées abusivement “négociations”, se heurtent à la souveraineté Suisse. L’UE tourne en rond.
Usant de leur droit au référendum, c’est à dire du droit du peuple à décider des grandes orientations politiques, les Suisses ont approuvé par référendum (50,3%) l’initiative intitulée contre « l'immigration de masse » qui visait а instituer des quotas de travailleurs. Un pied-de-nez à la libre circulation des personnes, un des piliers de l'UE. A l’époque, sur une population de 8,3 millions d'habitants, plus de 400 000 citoyens suisses vivaient et travaillaient dans l’UE. Réciproquement, 1,3 million de ressortissants des pays de l’UE étaient installés en Suisse, sans compter les travailleurs frontaliers (environ 300 000).
En représailles à la votation populaire, l'UE avait aussitôt éjecté les étudiants suisses du programme Erasmus…

 L’UE avait ensuite frôlé la crise diplomatique, fin 2017, quand les 27 ont failli annuler la reconnaissance de l'équivalence du système financier suisse. Un coup nouveau de semonce très mal perçu par Berne car, un mois plus tôt, la présidente d’alors de la Confédération (Doris Leuthard), avait reçu Juncker avec un chèque-cadeau de 1,3 milliard de francs suisses sur dix ans en faveur de l'UE pour aider les pays européens les plus pauvres. En décembre, Juncker avait laissé un sursis d'un an sur l'équivalence boursière et demandé, en échange, que cette période soit mise à profit pour que la Confédération helvétique signe cet accord-cadre.
Nouvelle pression en 2018 : l’UE avait lancé un ultimatum à la Suisse : signer un accord général avec l'Union européenne avant le 31 décembre 2018…

La Suisse rejette l’accord-cadre avec l’UE

C'est fini ! Le Conseil fédéral (instance pluripartite à présidence tournante) de la Confédération helvétique a décidé, le 26 mai 2021, de ne pas donner suite а l’accord cadre avec l’Union européenne. Elle refuse, en particulier, l'alignement sur le cadre réglementaire de l’UE qui heurte de plein fouet le système démocratique Suisse.
 
Les Suisses, ne peuvent pas admettre que le cœur de leur souveraineté législative soit, même en partie, délégué à un Parlement européen ni que son système judiciaire soit intégré dans un ensemble supranational chapeauté par la Cour de justice européenne. Les Suisses ont du bon sens.
De plus, trois autres points étaient inadmissibles pour les Suisses :
-    l’encadrement des aides d'État par l'UE (incompatible avec l'usage qu'en font les cantons suisses),
-    la libre circulation des personnes qui reviendrait à élargir l’accès aux prestations sociales suisses aux ressortissants des pays membres.
-    le nivellement des salaires par le bas (protégé en Suisse par des mesures d'accompagnement contrôlées par les syndicats au grand dam du Parti socialiste (PS) pro-européen).
Bien entendu, le Conseil fédéral considère “qu'il est dans l'intérêt commun de la Suisse et de l'UE de préserver l'avenir de leur coopération bilatérale, qui a fait ses preuves, et de maintenir les accords existants". Nous sommes loin du pseudo “repli sur soi” mantra exutoire seriné par les européistes…mais avec l’UE c’est “Toute l’Europe” (lisez la domination totale de l’UE) ou rien.
Fidèle à sa doctrine d’expansionnisme européen, le Conseil européen menace : “Il n'y aura aucun nouvel accès au marché européen, aucune nouvelle coopération sans un accord-cadre… les entreprises suisses vont se heurter graduellement à de nouveaux obstacles qui vont renchérir leur accès au marché européen… Des pans de l'économie vont dépérir progressivement…La Suisse va graduellement perdre ses privilèges de connexion au système électrique européen. Elle ne pourra plus bénéficier de la protection des données (on croit rêver…) pour le commerce en ligne. Les chemins de fer fédéraux suisses seront aussi impactés du fait que l'Europe du rail a suspendu la participation de la Suisse. Même chose pour les programmes de recherche européens (Horizon) et tous ceux qui dépendent du budget européen de long terme”.

Effondrement économique, pluie de sauterelles et autres sornettes européistes sont régulièrement brandies par l’UE. Tous ces fléaux et bien d’autres encore, n’ont pourtant jamais touché les rives de Grande-Bretagne…

Face au diktat de l’UE, la décision Suisse de rompre les les négociations, de conserver sa souveraineté et de conclure des traités bilatéraux avec d’autres pays, y compris l’UE avec laquelle 120 traités sont déjà en application, nous montre deux choses :
- Les européistes Suisses ne sont pas prêts à soumettre au vote populaire un nouveau référendum qui confirmerait un rejet de l’U
-   Une vie économique et démocratique est possible sans Union européenne.

Ce deuxième camouflet, après celui du Brexit, est un coup dur pour l’UE et un bon signe pour les peuples.

 

Bref résumé des relations Suisse-UE

22 juillet 1972 : accord de libre-échange entre la Suisse et la CEE.
20 mai 1992 : la Suisse annonce vouloir adhérer à l’UE.
6 décembre 1992 : rejet par référendum de l’entrée de la Suisse dans l’Espace économique européen (EEE).
11 décembre 1998 : première série d’accords bilatéraux entre la Suisse et l’UE.
1er juin 2002 : libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE.
19 mai 2004 : deuxième série d’accords bilatéraux.
9 février 2014 : référendum sur l’immigration de masse qui remet en cause la libre circulation des personnes.
mai 2014 : début de la négociation d’un accord-cadre institutionnel avec l’UE.
14 juin 2016 : retrait unilatéral de la candidature d’adhésion à l’UE.
23 avril 2021 : échec du sommet entre Ursula von der Leyen et le président de la Confédération, Guy Parmelin.
26 mai 2021 : retrait unilatéral du projet d’accord-cadre institutionnel.