Le 11-09-2019
Par Michel Quinet, Secrétaire général du Parti de la démondialisation
le 11 septembre 2019
La démarche de 248 députés et sénateurs de tous bords d’engager un processus de référendum d’initiative partagée (RIP) sur une proposition de loi « visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris » est intéressante en ce qu’elle implique les citoyens dans la défense du Service public.
Le Parti de la démondialisation appelle tous les citoyens à apporter leur soutien à l’initiative des parlementaires jusqu’à atteindre 4,7 millions de signataires. Plus efficace que les pétitions sur change.org et autre mesopinions.com, si le seuil de signatures est atteint le gouvernement devra organiser un référendum sur la proposition de loi présenté par les parlementaires. C’est l’opportunité pour les citoyens de bloquer l’opération consistant à donner un aéroport de plus à Vinci.
Le RIP a été mis en place par Nicolas Sarkozy, ce grand démocrate, pour calmer les velléités de démocratie participative. Des députés ont décidé de l’utiliser pour contrer le gouvernement. Ce sera pour les citoyens l’occasion de tester un processus, éloigné du référendum d’initiative citoyenne (RIC) réclamé par les Gilets jaunes, mais la campagne qui aura lieu permettra d’avoir une réflexion sur la démocratie, sur l’intervention des citoyens dans les prises de décisions.
Après un départ en fanfare le processus marque le pas et atteint 717 000 signatures soit 15% de l’objectif. D’où l’importance d’une mobilisation massive de la population pour s’inscrire sur le site https://www.referendum.interieur.gouv.fr/. Pour participer à la réussite de cette mobilisation nous multiplierons les initiatives, les points de rencontre dans les lieux publics, avec du matériel pour faciliter l’inscription sur le site du ministère de l’intérieur.
Il ne faudrait pas que l’arbre ADP cache la forêt des privatisations passées et à venir.
Tout le monde se mobilise contre la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP), pour ʺmettre une claque à Macronʺ, au point que l’opération apparaît comme une revanche après la débâcle de l’élection européenne. Toutes les forces de gauche ont l’espoir de rompre avec le cycle des défaites électorales et l’échec des mobilisations contre les réformes mises en œuvre comme un rouleau compresseur par les partis au pouvoir depuis de nombreuses années, au mépris de l’opinion des citoyens exprimée parfois par le vote – contre le TCE en 2005 – ou par les grèves et manifestations contre la loi El Khomri sous Hollande, puis la loi travail sous Macron, contre la destruction du service public de la SNCF…
La liste est longue des défaites !
La mobilisation pour soutenir la loi Visant à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris ne doit pas uniquement avoir pour objectif de mettre une déculottée à Macron. Elle doit être une lutte politique pour stopper la privatisation des services publics.
La privatisation d’ADP est déjà bien engagée, et il suffit de lire l’exposé des motifs de la proposition de loi pour s’apercevoir qu’ADP a perdu son statut d’Établissement public en 2005 pour devenir une société anonyme cotée en bourse dont l’État français n’a plus que 50,3% des actions et qui, on se demande pourquoi, possède des participations dans les aéroports d’Amsterdam-Schiphol et d’Istanbul-Atatürk. Donc, viser à affirmer le caractère de service public national de l’exploitation des aérodromes de Paris doit remettre en cause son statut actuel et revenir à un EPIC (Établissement public industriel et commercial), car le service public doit être géré par un établissement public et pas par une entreprise privée car la logique du service public, celle du bien général, n’est pas celle de l’entreprise privée et du « marché » qui est la maximisation du profit et la concurrence.
Les projets en cours sont nombreux, qui ne suscitent pas, on se demande pourquoi, la même opposition politique. Ainsi la privatisation de la Française des jeux prévue comme ADP dans la loi PACTE n’a-t-elle pas été incluse, on se demande pourquoi, dans le RIP et se déroule sans anicroche.
Les barrages hydro-électriques français doivent être vendus sans qu’EDF puisse participer à l’appel d‘offre, ce qui est quand même un bon exemple de distorsion de la concurrence organisée par la Commission européenne…
Il est aussi question de privatiser les routes comme le propose le député LREM Joël Giraud dans deux amendements soutenu par l’Association française des sociétés d’autoroutes et le ʺthink tankʺ ultralibéral IREF (Institut européen de recherche militant pour la liberté économique et la concurrence fiscale). Ces gens sont adeptes de ʺl’usager payeurʺ, un concept dans lequel les services publics doivent entrer dans le marché à l’opposé du principe de solidarité qui régit le modèle social français depuis la fin de la deuxième guerre mondiale et le programme du Conseil national de la Résistance.
Au-delà d’Aéroports de Paris, ce sont toutes les privatisations qu’il faut combattre.
Il faut détruire cette légende qui veut que les entreprises privées sont mieux gérées et plus efficaces que les entreprises publiques. Nous avons hélas de nombreux exemples d’entreprises de haut niveau qui ont sombré, par l’incapacité de leurs dirigeants, sous les coups d’une concurrence déloyale et avec la complicité de gouvernants acquis à la philosophie néolibérale. On peut citer Péchiney qui a fini mangé par le canadien Alcan, lui-même repris par un fond d’investissement, Alcatel qui a raté sa fusion avec l’États-unien Lucent et a disparu dans Nokia, Arcelor, repris par ‘Indien Mittal qui a liquidé les usines en France, Alsthom qui a été dépecé et vendu par morceaux entre l’États-unien General Electric et l’allemand Siemens. La liste est longue hélas.
Il nous faut au contraire revendiquer l’efficacité des entreprises publiques quand elles sont au service de la population et du bien général. Hélas là encore des cadres et des hauts fonctionnaires acquis à la philosophie néolibérale ont progressivement fait évoluer ces entreprises de service public vers des entreprises purement commerciales, ouvrant la voie à leur privatisation. A chaque fois le processus a été le même : découpage des entreprises par la création de sociétés distinctes, privatisation des secteurs rentables, appauvrissement du service qui justifie l’ouverture à la concurrence. Cela été le cas des PTT dont on a privatisé le secteur télécom en pointe au niveau technique, de la SNCF qui a tout misé sur la grande vitesse au détriment des dessertes locales et est devenue majoritaire dans les entreprises de transports routiers qui ont participé au déclin de la branche fret, d’EDF/GDF qui a développé en France un réseau de production et de distribution d’énergie et qui est démantelé.
Toutes les restructurations en cours dans ces entreprises publiques n’ont qu’un but : finaliser l’ouverture des services publics à la concurrence dans le cadre de la politique néolibérale exigée par l’Union européenne, soutenue par nos dirigeants politiques.
En effet, dans le dogme néolibéral de l’Union européenne les monopoles naturels que sont les réseaux de transport, d’énergie, de communication, doivent être détruits et ouverts à la concurrence. Le prétexte est que quand il y a concurrence ʺlibre et non fausséeʺ les prix baissent. Comme si la concurrence ne conduisait pas à la guerre économique entre les entreprises, entre les États. Comme si dans tous les cas de privatisation de l’énergie, des transports, des télécommunications, il n’y avait pas eu augmentation des prix, baisse de la qualité de service, dégradation des conditions de travail des salariés.
Il faut renationaliser ADP, il faut renationaliser les autoroutes, il faut bloquer la privatisation des barrages hydroélectriques. Il n’est pas concevable que ces équipements réalisés par la puissance publique et payés par les contribuables, qui sont désormais amortis et rentables, aillent enrichir des entreprises privées rentières.
La lutte sera rude car le ver néolibéral est dans le fruit.
D’autant qu’il faut replacer ce combat dans le cadre de l’Union européenne qui, par ses directives successives depuis plus de quarante ans, a organisé le démantèlement des services publics dans tous les pays et persiste malgré les échecs en termes d’efficacité, de qualité de service, d’injustice en termes d’accès, parce que cela profite à quelques-uns.
Dans ce cadre, il est impossible de bloquer les privatisations, de renationaliser les services publics. Il nous faut donc aussi mener la lutte pour sortir du carcan de l’Union européenne, retrouver notre souveraineté, pour imposer la renationalisation des services publics pour qu’ils soient de qualité, accessibles à tous et pas seulement à ceux qui sont solvables.
Danger rideau de fumée
Cette mobilisation sera de longue durée, et il est à craindre que le gouvernement ne l’utilise comme un rideau de fumée, un os à ronger pour l’opposition et ne poursuive tranquillement ses réformes.
Au cours de l’été, inlassablement, le gouvernement et sa majorité ont accumulé les réformes destructrices pour l’école, les fonctionnaires, les services de santé, les chômeurs. Il continue à préparer sa réforme des retraites qui contrairement aux annonces signifie une baisse généralisée des pensions de retraite, de plus grandes inégalités,
Il est important d’obtenir les 4,7 millions de signatures pour obtenir un référendum qui pourra contrer le gouvernement sur la privatisation d’ADP.
Mais ce n’est qu’un moment dans la lutte que nous devons mener pour contrer le gouvernement dans ces réformes qui ont toutes pour but d’imposer le néolibéralisme. Cette mobilisation doit être l’occasion d’avancer dans notre combat plus global contre le néolibéralisme et les institutions supranationales (Union européenne, OTAN, FMI, OMC …) pour plus de souveraineté et plus de démocratie.
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