Européennes : Partout la démocratie bafouée

vadot democratie 

Par Joël Perichaud, secrétaire national du Parti de la démondialisation, chargé des relations internationales

Le 6 juin 2019

Le rideau est tombé, les grandes manœuvres bruxelloises pour la nomination des présidents de la Commission, du Conseil européen et de la BCE battent leur plein. Pour la forme les députés européens valideront le choix des chefs d’États et de gouvernements, mais c’est dans le cadre des institutions néolibérales que les décisions importantes se prendront.
Ces élections de pacotille n’auront rien changé. Et nous ne sommes pas étonnés. Il n’y avait rien à en attendre sauf, la liste des élus qui collaboreront à la feuille de route des prochaines défaites démocratiques et sociales.

Les élections des députés au parlement européen se sont closes le 26 mai. Le triomphe des européistes et des medias à leur service a été immédiat: Si la participation repasse au niveau européen la barre des 50% (50,97%), ce qu’elle n’avait pas fait depuis 1994 (56,67%), c’est que « l’Europe » intéresserait (voire passionnerait !) les foules… Si toute réclame est bonne pour les bonimenteurs, la réalité est tout autre.

 

Cette participation en hausse s’explique notamment par trois éléments : la campagne médiatique pro-européenne orchestrée et grassement financée par l’UE, les « super-scrutins » organisés dans quelques pays de l’UE, qui ont mobilisé, le même jour, les électeurs pour différents votes - la Belgique, pour les élections législatives et régionales, l’Italie pour les municipales et régionales, l’Allemagne pour les municipales, la Lituanie pour le 2e tour de la présidentielle, la Roumanie pour son référendum sur la justice, l’Espagne pour les municipales - et les enjeux nationaux internes à divers pays de l’UE. C’est le cas en Allemagne, en Autriche, à Chypre, en Croatie, au Danemark, en Estonie, en Finlande, en Lettonie, en Lituanie, aux Pays-Bas, en Pologne, au Royaume-Uni, en Slovénie et en Suède, avec, par rapport à 2014, un pic important en Pologne (+ 92%), en Slovaquie (+74%), en République tchèque (+58%), en Roumanie (+57%), en Hongrie (+50%) et en Espagne (+47%)... De quoi faire augmenter la moyenne européenne qui peine cependant à dépasser 50%...

Signalons que, malgré tout cela, en Belgique, en Bulgarie, en Grèce, en Italie, au Portugal, en Irlande, au Luxembourg et à Malte, la participation est même en baisse... Il faut dire que les citoyens de ces pays n’attendent, pour des raisons différentes, plus rien de l’UE.

Partout, il existe un consensus entre « conservateurs », « libéraux », « sociaux-démocrates », « écologistes » « droite », « droite dure », « gauche » et « gauche radicale » pour « sauver l’Europe » sans remettre en cause ses fondamentaux économiques néolibéraux et le recul des abstentions est providentiel pour les europhiles de tous poils qui l’interprètent comme une légitimation de l’Union européenne.

Dans la plupart des pays de l’Union européenne on assiste à la régression de la droite et de la sociale démocratie, à l’effondrement de la gauche radicale, à une poussée des Verts et à la montée de l’extrême droite nationaliste sans que ce soit un raz-de-marée.

La déliquescence des « gauches » sociales-démocrates et « radicales » se poursuit. En effet, les sociaux-démocrates participent depuis longtemps à l’appauvrissement des peuples. Ils ont accru l’austérité (France, Espagne, Grèce, etc.), mené des politiques quand ils ne les ont pas initiées, favorables, aux intérêts des plus riches et des multinationales, privatisé à tout va, sacrifié les intérêts nationaux et ceux de leurs peuples sur l’autel du néolibéralisme et de son bras armé, l’UE. Alors que l’« Union » européenne est une machinerie contre les peuples, ils ne rêvent que de « plus d’Europe » !

Les gauches dites radicales, ont mis genou à terre devant l’UE, appliqué à la lettre et avec zèle (Tsipras – Grèce), toutes les directives mortifères européennes. Elles continuent, jusqu’à la nausée, à vouloir « changer l’Europe de l’intérieur » (LFI - France, Podemos – Espagne, Bloco – Portugal) en sachant parfaitement que cela est impossible car les traités européens (TUE et TFUE) sont précisément écrits pour empêcher toute évolution favorable aux classes dominées. La cause de leur effondrement n’est pas à chercher ailleurs.

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, les « droites » classiques s’effondrent pour les mêmes raisons ... Plus une autre : devant le risque d’être « débordés sur leur droite », les partis de « droite classique » ont intégré, dans leurs programmes, les idées de la « droite dure ». Alors pourquoi préférer de pâles copies aux originaux ?

Les sociaux-démocrates et les « gauches », ont créé ces champs de ruines. Pire, n’offrant plus d’espoir politique aux classes dominées trahies par ceux qui leur promettaient un avenir européen radieux, ils ne laissent, comme « porte de sortie », que celle de la « droite dure ».

Les divers partis de droite dure ne souhaitent pas inverser les politiques néolibérales européennes (RN – France ; Lega – Italie ; Fidesz – Hongrie ; PiS - Pologne), pourtant elles se déclarent pour l’amélioration des conditions de vie des plus touchés par l’austérité sans fin imposée par l’UE et pour la reprise en main de la souveraineté nationale, condition impérative à toute amélioration durable de la situation des classes dominées. Les sociaux-démocrates et les « gauches », par leurs actions et leur européisme ont fait le lit de la droite dure. Cette situation se vérifie en Allemagne, Autriche, Espagne, France, Hongrie, Italie, Pologne, etc.

Qu’en est-il du score des écologistes ? Il convient d’examiner la « percée » du vote Vert dans toutes ses dimensions et de ne pas en tirer de conclusions hâtives. C’est, historiquement, un vote de « protestation » sans conséquence ni continuité. Aujourd’hui, le vote Vert repose sur trois paramètres. Le premier est le manque de débouché politique de la part des partis « traditionnels » toutes idéologies confondues. C’est donc toujours un vote de protestation et d’errance politique. C’est un vote dans l’air du temps qui traduit la prise de conscience de l’urgence climatique et en faveur de la défense de l’environnement ; les alertes écologiques sont entendues par les peuples. C’est aussi un vote qui traduit l’incapacité des partis traditionnels à prendre en compte autrement que dans les discours et à incarner la lutte réelle contre le changement climatique et la défense de l’environnement.

Tout ceci est bel et bon mais les désillusions viendront très vite car les partis écologistes ne remettent pas en cause ce qui est à l’origine des atteintes à l’environnement, à savoir le capitalisme et l'une de ses expressions, le libre-échange. Ils pensent que le combat pour le climat passe par encore plus de directives européennes et la disparition de la souveraineté des nations, alors que seul le stade national permet de vraies politiques environnementales en changeant les systèmes et les orientations de production et de consommation.

 

Le trompe-l’oeil des élections européennes

Malgré leur net recul, le Parti populaire européen (PPE-179 sièges) et l'Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D – 153 sièges) constituent toujours les principales forces de l'hémicycle (751 « députés ») mais ne disposent plus de la majorité à eux deux. 

Au PPE, l'écrasante victoire du Fidesz de Viktor Orbán en Hongrie (52% des suffrages - 13 sièges), et les très bons résultats des conservateurs grecs (Nouvelle Démocratie a remporté le scrutin avec 33% des suffrages ; 8 sièges) n'empêchent pas le recul du groupe qui représentera moins d'un quart du futur hémicycle (179 sièges, soit 24% des sièges), contre 29% lors de la mandature 2014-2019. La perte de sièges en France où Les Républicains passent de 20 à 8 sièges et en Allemagne où la CDU de Merkel passe de 34 à 29 sièges explique la baisse pour moitié du nombre de siège du PPE, qui passent de 216 à 179 sièges.

L’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D) passe de 185 à 153 sièges suite à la déconfiture des socialistes en France, du SPD en Allemagne et du PD en Italie, notamment.

Les libéraux de l'ADLE, (105 sièges), constitueront un nouveau groupe avec les élus français de la liste macronienne Renaissance (21 sièges), le groupe des Verts/ALE (69 sièges) et les libéraux-démocrates allemands du FDP (5,40% des voix, 5 sièges). Ils seront les principaux acteurs des nouveaux jeux d’alliance qui alimenteront les éditoriaux des médias mais ne changeront rien à la réalité de l’Union européenne.

Ce ne sont donc pas les 38 sièges (contre 52 en 2014) de la Gauche unitaire européenne / Gauche verte nordique (GUE/NGL) qui feront changer quoi que ce soit.

Les partis dits « euro-sceptiques », ne sont pas en mesure de peser sur quoi que ce soit, d’autant plus qu’ils ne veulent pas sortir de l’UE.

A la droite dure, l'Europe des Nations et des Libertés (ENL) - qui pourrait disparaître au profit d'une nouvelle alliance lancée en avril par Matteo Salvini (Lega - Italie), obtient 58 sièges (7,7 % des sièges). Ce nouveau groupe est porté par la victoire du RN en France (23,3% des voix, 22 sièges) et de celle de la Lega Italienne (34,3% des suffrages, 28 sièges).

Le groupe Conservateurs et réformistes européens (CRE) est en net recul puisque le Parti conservateur britannique de Theresa May s'effondre à 8,9% des suffrages (4 sièges). Malgré le bond du parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir en Pologne (45,4% des suffrages, 26 sièges), le CRE n'occupe plus que 63 sièges (8,4% des sièges). De plus, les sièges britanniques bénéficieront en particulier au PPE et à l’ALDE quand le Brexit sera effectif.

Le groupe Europe de la liberté et de la démocratie directe (ELDD) passe de 42 à 54 sièges (soit 7,2 % de l'hémicycle), grâce à par l'envolée du Brexit Party de Nigel Farage (30,8% des suffrages britanniques, soit 29 sièges) et ce, malgré le léger recul du Mouvement 5 étoiles italien (17,1% des voix, 14 sièges). Qu’adviendra-t-il de ce groupe après le Brexit ?

 

Non, rien n’a changé...

Cela va s’agiter pour la désignation des présidents (Conseil, Commission, Parlement et BCE), les chefs d’État et de gouvernements vont montrer leurs muscles et ensuite, ce sera « business as usual » : on continuera d’appliquer les politiques néolibérales qui détruisent la démocratie au plus grand profit des entreprises multinationales. Le PPE, S&D et les Verts formeront des alliances avec ADLE, les députés de la GUE, amoindris, s’agiteront inutilement et la droite dure, éclatée, n’aura aucun impact.

Les mêmes causes, UE et néolibéralisme, ont les mêmes effets partout dans l’Union européenne. Plus que jamais, les peuples des pays de l’ « Union » souffrent des politiques néolibérales et antidémocratiques menées par les instances supranationales et les gouvernements à leur botte. Pour mener d’autres politiques, il faut abattre le néolibéralisme et mettre en place la démocratie, reconquérir la souveraineté nationale et populaire au sein de chaque nation, seule entité politique dans laquelle le peuple peut décider de son avenir, qui ne se bâtit pas en concurrence avec celui des autres peuples mais en coopération. Pour y parvenir, la première condition est de quitter toutes les instances supranationales telles que l’Union européenne, et sa monnaie unique, dont le rôle est de bloquer la démocratie et de priver les peuples de la liberté de décider de la société dans laquelle ils veulent vivre. Sortir de ces institutions supranationales n’est certes pas suffisant mais un préalable nécessaire et incontournable pour la mise en œuvre de politiques favorables aux peuples.

La question se pose désormais ouvertement à tous les peuples de l’UE : quelle stratégie déployer pour y parvenir ? Il convient que tous ceux qui veulent reconquérir leur souveraineté travaillent d’arrache-pied pour tracer leur chemin de la libération nationale.

Aller au-delà des querelles de chapelles, mais sans compromis sur l’essentiel, pour refonder la démocratie, revoir le fonctionnement des institutions nationales, démocratiser l’Etat et ouvrir un nouvel espace d’initiatives au service de tous les perdants de la mondialisation néolibérale est nécessaire.

C’est ce à quoi s’emploie, au niveau européen, la Coordination européenne pour la sortie de l’UE, de l’euro, de l’OTAN et du néolibéralisme, qui regroupe des organisations politiques d’Autriche, d’Espagne, de France, de Grèce et d’Italie.

C’est l’enjeu prioritaire si nous ne voulons pas assister, impuissants, lors des prochaines échéances électorales nationales, à la répétition du scenario mortifère écrit par les néolibéraux et l’UE !

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