Le 26-03-2019
Par Michel Quinet, Secrétaire général du Pardem
Le 26 mars 2019
Le traité de l’Élysée (1) du 22 janvier 1963 voulu par De Gaulle était un traité de coopération entre deux nations. Il traitait de défense, d’affaires étrangères et d’éducation et de jeunesse. Pour le faire adopter par le parlement allemand, on y rajouta un préambule (2) qui le replaçait dans le contexte allemand, à savoir l’Unité européenne intégrant le Royaume-Uni, l’Alliance atlantique et le GATT (General agreement on tariffs and trade - Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce).
Dire que le traité d’Aix-la-Chapelle(3) est la continuité du traité de l’Élysée est une mystification. Il faut plutôt écouter le discours de M. Macron : « Entre l’Allemagne et la France, c’est aujourd’hui par ce traité d’Aix-la-Chapelle un nouveau chapitre qui s’ouvre. ». Et ce nouveau chapitre est celui du renforcement de l’intégration européenne.
Déjà en 1988 un « Protocole portant création d’un Conseil économique et financier franco-allemand » (4) avait été ajouté au traité de l’Élysée. La République française et la République fédérale d’Allemagne, se disaient « convaincues qu’un renforcement de la coopération entre les deux États contribue à l’union économique et monétaire européenne ».
Bien sûr, il est question d’ « amitié étroite entre la France et l’Allemagne », de « faire converger leurs économies et leurs modèles sociaux »...De telles affirmations ne peuvent que satisfaire les européistes béats.
Mais il est aussi question de réaffirmer « l’engagement de l’Union européenne en faveur d’un marché mondial ouvert » et d’agir conformément aux « règles constitutionnelles et juridiques nationales respectives et dans le cadre juridique de l’Union européenne ». Il ne s’agit donc pas d’un traité de collaboration entre deux États indépendants mais bien de réactiver le mythe du couple franco-allemand, censé être le moteur de l’Union européenne.
Et en cinq chapitre de décliner les déclarations d’intentions.
Pour les Affaires européennes, il s’agit « de mener à bien l’achèvement du Marché unique et [de s’employer] à bâtir une Union compétitive, reposant sur une base industrielle forte, qui serve de base à la prospérité, promouvant la convergence économique, fiscale et sociale ».
En matière de Paix, sécurité et développement, il est prévu une collaboration entre les deux États « en s’efforçant de renforcer la capacité d’action autonome de l’Europe », tout restant bien dans le cadre du traité de Lisbonne et de l’OTAN. De même il est prévu « une coopération la plus étroite possible entre leurs industries de défense » et une politique commune d’exportation des armements.
Dans le domaine Culture, enseignement, recherche et mobilité, se confirme une volonté d’échange, particulièrement entre les jeunes. L’apprentissage mutuel des langues a bien besoin d’être renforcé quand 16% des jeunes Français apprennent l’allemand et 19% des jeunes Allemands apprennent le français (chiffres 2014), l’anglais étant prédominant.
Pour ce qui concerne la Coopération régionale et transfrontalière, s’il n’est pas question de redonner l’Alsace et la Lorraine à l’Allemagne, il s’agit bel et bien de « faciliter l’élimination des obstacles dans les territoires frontaliers afin de mettre en œuvre des projets transfrontaliers » et de doter « les collectivités territoriales des territoires frontaliers et les entités transfrontalières comme les eurodistricts de compétences appropriées, de ressources dédiées et de procédures accélérées », et s’il le faut « des dispositions juridiques et administratives adaptées, notamment des dérogations, peuvent également être accordées ».
Enfin en matière de Développement durable, climat, environnement et affaires économiques, il est surtout question de l’Accord de Paris sur le climat, de transition énergétique et d’approfondir « l’intégration de leurs économies afin d’instituer une zone économique franco-allemande dotée de règles communes. », mais on ignore lesquelles.
Ainsi ce traité affirme des tas de bonnes intentions et ne présente pas de réelles contraintes. Mais sous ces apparences trompeuses, ce traité est dangereux par ce qu’il dévoile : une volonté d’intégration et de renforcement de l’Union européenne – son titre est d’ailleurs révélateur : sur la coopération et l’intégration franco-allemandes. Et c’est à juste titre que les européistes ont pu titrer comme le site Breizh-info.bzh Le traité d’Aix la Chapelle, un tremplin pour l’Europe !
En fait il s’agit d’un traité de circonstance signé par deux chefs d’États en proie à des difficultés intérieures, devant faire face à la volonté hégémonique des États-Unis, inquiets face au Brexit et aux peuples qui remettent en cause la construction européenne.
La coopération industrielle entre la France et l’Allemagne est une belle histoire qui ne résiste pas à la réalité : une industrie allemande qui s’est construite, dans le cadre de la mondialisation, au détriment, entre-autres, de la France, le dernier avatar étant le rachat d’Alstom par Siemens. Les industriels allemands de l’armement entendent bien assurer leur hégémonie et profiter de l’ « approche commune en matière d’exportation d’armements en ce qui concerne les projets conjoints ».
Accepter le jeu du marché mondial ouvert et de la recherche de la compétitivité est une fuite en avant qui bénéficie aux entreprises multinationales au détriment du bonheur des peuples et conduit à l’intensification de la répartition « d’activités réservées » selon une division du travail interne à l'Union européenne : l’industrie lourde pour l’Allemagne, les services et le tourisme pour la France, l’agriculture industrielle pour les pays de l'Est, les Pays-Bas et l’Espagne, l'industrie manufacturière et de confection pour l'Italie, etc. Quant à la coopération transfrontalière, c’est une atteinte à l’intégrité des territoires nationaux, à la souveraineté des nations.
Ce traité montre que la volonté est forte de la part du président français d’intensifier la destruction de notre État-nation pour le noyer dans une pseudo-souveraineté européenne, tributaire des États-Unis via l’OTAN.
Au contraire, le Pardem lutte pour quitter cette Union européenne, pour extraire notre pays de la mondialisation néolibérale et retrouver notre souveraineté politique, monétaire, économique et établir des relations de coopérations réelles avec les autres nations.
Le traité d’Aix-la-Chapelle entre dans la stratégie de campagne de Macron pour les élections européennes. Ces élections pour un parlement sans réel pouvoir sont une mascarade pour tenter de donner un verni démocratique à l’Union européenne. Tous les partis tentent de jouer leur partition, y compris ceux appelant à la sortie de l’Union européenne, qui ainsi cautionnent cette institution qu’ils prétendent combattre. Mais aussi, ces élections constituent un « tour de chauffe » pour les présidentielles de 2022.
Refusons ces élections, le 26 mai : abstention citoyenne !
- https://www.economie.gouv.fr/traite-de-l-elysee-22-janvier-1963
- http://www.assemblee-nationale.fr/14/evenements/50-ans-traite-elysee/Elysee_preambule.pdf
- https://de.ambafrance.org/Texte-du-Traite-d-Aix-La-Chapelle
- https://minefi.hosting.augure.com/Augure_Minefi/r/ContenuEnLigne/Download?id=98509149-AA7A-4B06-9AF4-D1668C58ED0E&filename=1043%20-%20Manifeste%20franco-allemand%20pour%20une%20politique%20industrielle%20europ%C3%A9enne%20adapt%C3%A9e%20au%20XXIe%20si%C3%A8cle.pdf
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