Grèce : Open-bar pour la finance

Par Joël Perichaud, secrétaire national du Parti de la démondialisation chargé des relations internationales

Le dernier des « plans d’aide » qui régissent la Grèce depuis 2010 s’est achevé le 20 août. La Grèce retrouverait donc son indépendance financière grâce à l’Union européenne (UE), au capitalisme mondialisé et à la « bonne volonté » de Tsipras.

Après trois « sauvetages » de UE et du Fonds monétaire international (FMI) pour un total de 260 milliards d’euros, la Grèce croûle encore sous les dettes (343 milliards d’euros, soit 180% du PIB). Elle devra, bien sûr, les rembourser, avec leurs intérêts colossaux. De nouveaux profits en perspective pour les créanciers.

La principale bénéficiaire de la « crise de la dette grecque » est la Banque centrale européenne (BCE) qui a annoncé en février 2018 avoir empoché 154 millions d’euros de revenus d’intérêts sur les emprunts grecs ; rien comparé aux 7,8 milliards d’euros de bénéfices nets réalisés grâce aux intérêts encaissés (de 2012 à 2016) sur les obligations d’État grecques. Merci au programme de rachat de titres de pays en difficulté de la zone euro (Securities Market Purchase – SMP) !

Ajoutons la plus-value (7,5 milliards d’euros) obtenue sur la revente d’obligations grecques achetées 42,7 milliards.... Le mécanisme est simple et juteux : entre fin 2010 et 2012, la BCE a acheté aux grandes banques privées des titres de la dette publique grecque à 70% de leur valeur d’émission et a exigé que ceux-ci soient remboursés à 100% de leur valeur à leur échéance.

Comme la BCE détient encore 13 des 35 milliards d’euros de titres souverains grecs, elle va continuer à faire d’énormes profits indus sur le reste de cette dette grecque jusqu’à l’échéance des derniers titres... en 2037.

Selon un accord passé, la BCE devait restituer à la Grèce les bénéfices réalisés à partir de 2012, en échange des « réformes ». Seule une infime partie a été rendue : 3 milliards en 2014 sur les bénéfices de 2012 et 2013... Puis, la BCE a annulé unilatéralement l’accord pour « sanctionner » le gouvernement Syriza.

Un hold-up de 6 milliards

Les braqueurs de la BCE planquent des milliards de bénéfices abusifs dans un fonds spécial du Mécanisme européen de stabilité (MES). L’Euro-groupe (les19 ministres des Finances de la zone euro) a annoncé qu’il allait réactiver les transferts de bénéfices vers la Grèce, mais seulement ceux à partir de 2017. Les Grecs ne verront donc jamais la couleur des bénéfices de 2014 et 2015, soit plus de 6 milliards, ni de 2016.

La BCE a redistribué une partie du butin, bien mal acquis, aux banques centrales européennes qui ont elles-mêmes transféré l’argent aux trésors nationaux. L’argent n’a pas d’odeur...

Les États européens, via 50 milliards d’euros de prêts bilatéraux octroyés à la Grèce, ont bénéficié d’un taux d’intérêt de 5%, très au-dessus des taux auxquels ces pays empruntent eux-mêmes. Par exemple, l’Allemagne, grâce à son prêt bilatéral, a empoché plus de 1,3 milliard d’euros de bénéfices et son gouvernement a reconnu avoir encaissé 2,9 milliards d’euros en intérêts sur les obligations grecques depuis 2010.

Autre avantage de la « crise grecque » pour le système financier : elle a favorisé la baisse du coût de financement des pays de la zone euro. Exemple : L’Allemagne emprunte à dix ans au taux de 0,3% contre 2,7% en 2011.

Le malheur des uns (les Grecs) ne fait-il pas le bonheur des autres ?

Vautours et associés

Le Fonds monétaire international n’est pas en reste. Selon Eric Toussaint , « le FMI a fait 5 milliards d’euros de profits, en lui [à la Grèce] prêtant à un taux élevé ». Et que dire des fonds d’investissement pour qui la Grèce a été le jackpot ? Au début de la crise, les banques se sont débarrassées de leurs obligations grecques jugées trop risquées. Les investisseurs privés et les fonds spéculatifs ont racheté, pour une bouchée de pain, des titres décotés qui ont pris de la valeur, avec des rendements qui peuvent monter jusqu’à 100%.
Les fonds vautours ont dépecé la Grèce et continuent à faire main basse sur la fortune mobilière et immobilière du pays.

La dette grecque est et reste une poule aux œufs d’or pour les banques centrales européennes, les banques privées, les « fonds d’investissements » et les multinationales. Tout ce beau monde a été grandement aidé par Alexis Tsipras qui a mis en œuvre, sans faillir, les politiques d’austérité décidées par l’UE et le FMI.

Pour les Grecs, sortir de l’austérité signifie : se débarrasser du gouvernement Tsipras-Syriza, sortir de l’UE et de l’euro.

 

Pour approfondir :
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