Le 27-04-2018
Par Jacques Nikonoff, président du Parti de la démondialisation
Monsieur Macron possède plusieurs casquettes. Il est certes Président de la République de jure, mais aussi Premier ministre de facto, chef de la majorité a fortiori et chef de parti a posteriori. Nous sommes loin de la Constitution française et de son article 5 qui évoque le rôle d’ « arbitrage » du Président de la République… Ce cumul et cette confusion des fonctions favorisent la machination actuellement à l’œuvre qui consiste à coordonner les moyens de l’État pour mijoter la cuisine électorale du parti présidentiel, La République En Marche (LREM) pour les élections européennes. Dès le départ, donc, ces élections sont désormais faussées puisque la liste présidentielle dispose de moyens décuplés vis-à-vis des autres listes, créant une inégalité inacceptable. Cette forfaiture ne peut susciter qu’une seule réaction : le boycott de l’élection européenne de mai 2019, par toutes les électrices et tous les électeurs attachés à la démocratie, indépendamment de leurs préférences politiques.
Quelles sont les preuves de cette machination ? Les stratèges de l’Élysée ont organisé une campagne imbriquée entre l’État et le parti présidentiel. Ces deux démarches ont pour objectif de se fondre au point de ne plus apparaître comme distinctes aux yeux de l’opinion. L’avantage est double. D’une part, ce système permet à M. Macron d’apparaître comme tête de liste du parti présidentiel sans l’être dans la réalité. La vraie tête de liste, difficile à désigner pour l’instant, quelle qu’elle soit, aura en effet de grosses difficultés à rassembler sur son nom les électeurs comme aurait pu le faire le Président de la République. En fusionnant la campagne de l’État et celle de LREM, Emmanuel Macron espère récupérer à son profit les avantages d’un bon score éventuel de sa liste, et se débarrasser sur la vraie tête de liste des inconvénients d’un mauvais résultat. Il existe d’autre part encore un avantage à ce stratagème, plus prosaïque, qui est l’aspect financier. Tous les déplacements de M. Macron, de ses ministres, des parlementaires qui feront campagne pour le gouvernement et indissociablement pour la liste présidentielle, seront payés par les contribuables et non par le parti présidentiel… Si des juristes pouvaient mettre le nez dans cette affaire, nul doute que des choses peu ragoûtantes en ressortiraient.
Jusqu’à présent on observe une valse à trois temps : le lancement de la campagne par M. Macron des « consultations citoyennes sur l’Europe », puis peu après le lancement de la campagne de LREM sur « la grande marche pour l’Europe », et enfin une première relance par le Président de la République. Le tout grossièrement camouflé derrière une rhétorique pataude, n’ayant pour objet que d’amener les électeurs dans les bureaux de vote aux élections européennes de mai 2019.
I.- Premier temps : l’État, incarné par le Président de la République, lance ses « consultations citoyennes sur l’Europe »
Ce lancement s’est organisé autour de trois temps forts. Il y a eu, d’abord, le discours d’Athènes le 7 septembre 2017, puis celui de la Sorbonne le 26 du même mois, et enfin le Conseil des ministres le 14 mars 2018.
Le discours d’Athènes caricature les notions de démocratie et de souveraineté
Le 7 septembre 2017, le président français a pris la parole sur la colline de la Pnyx, lieu où durant l’Antiquité, l’Ecclésia, l’assemblée composée de milliers de citoyens, se réunissait pour débattre et voter les lois de la Cité. Son discours a porté sur la « refondation démocratique de l'Europe ».
Le choix de ce lieu symbolique et le contenu de son discours n’ont fait l’objet d’aucune réfutation sérieuse et systématique des partis politiques où des intellectuels. Ainsi M. Macron peut-il en toute impunité détourner ce symbole de la démocratie et le manipuler afin de lui faire dire le contraire de ce qu’il exprime. Car la délibération publique suivie du vote de la loi par le peuple rassemblé (au sens athénien) n’a aucune espèce de réalité à l’échelle de l’Union européenne. On peut comprendre que la diversité des langues et la taille de la population constituent autant d’obstacles objectifs à cette délibération. On peut comprendre également que le « Parlement » européen ne possède pas l’initiative des lois. Il ne peut pas, en effet, et à juste titre dans l’univers juridique communautaire, proposer des lois qui remettraient en cause les traités européens. Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, a d’ailleurs parfaitement raison quand il dit : « Il ne peut pas y avoir de choix démocratiques contre les traités européens ». En outre, si le « Parlement » européen pouvait voter des lois, quelle serait alors le rôle des parlements nationaux ? Par conséquent, le « Parlement » européen ne peut et ne doit surtout pas être un vrai parlement, car s’il pouvait voter la loi, quatre transformations institutionnelles radicales et funestes en découleraient.
Premièrement, les parlements nationaux n’auraient plus de raison d’être puisqu’ils ne pourraient voter que des lois acceptables par celles votées par le « Parlement » européen. Autrement dit, de tels « parlements » n’auraient aucune souveraineté.
Deuxièmement, si les parlements nationaux n’ont plus de raison d’être, les gouvernements nationaux non plus.
Troisièmement, pour que le « Parlement » européen devienne un « vrai » parlement, il doit alors pouvoir voter la loi en lieu et place de tous les parlements des États membres. Mais, nous l’avons vu, comme le dit très justement M. Juncker, « il ne peut pas y avoir de choix démocratiques contre les traités européens ». Autrement dit, ce vrai « parlement » européen ne pourrait voter des lois qu’à condition qu’elles soient compatibles avec les traités européens. Un tel système, à l’évidence, ne peut pas être démocratique, si nous définissons la démocratie comme la possibilité que le peuple se donne de choisir ses institutions et leur action en toute indépendance. Non seulement il n’y a pas de peuple européen formant une communauté politique européenne, mais ce « parlement » ne serait pas à indépendant puisque surplombé par les traités européens. Ces derniers, on le sait, pour être révisés, nécessitent l’accord unanime de tous les pays membres. Autant dire qu’il est rigoureusement impossible de les modifier sur des questions stratégiques car aucune unanimité ne pourra être trouvée.
Quatrièmement, ce « vrai » parlement européen, représentant un peuple européen qui n’existe pas, encadré dans ses actes par les traités européens, devrait voter son investiture à un « gouvernement » européen. Ce dernier, tout comme le « parlement » européen, ne servirait à rien puisque les grandes orientations stratégiques sont déjà définies dans les traités.
Bref, tout ceci relève du cauchemar !
On peut tirer quelques leçons particulièrement évidentes de ce qui vient d’être dit : la démocratie, au sens athénien, n’est pas possible à l’échelle de l’Union européenne. C’est pourquoi l’objectif de M. Macron, la « refondation démocratique de l’Europe », est parfaitement vaine. Ce ne sont que des mots qui ne peuvent être suivis d’aucune conséquence. Cette manipulation n’a donné lieu qu’à un silence gêné des intellectuels et de la classe politique, anesthésiés par leur européisme. On a même vu le Parti communiste français, lors de son Conseil national du 31 mars 2018, appeler lui aussi à une « refondation démocratique de l’Europe » (L’Humanité, 4 avril 2018, supplément, page III)…
Une chose, pourtant, est vraie dans les propos tenus à Athènes par M. Macron. C’est lorsqu’il affirme que « l'Europe est un des derniers havres où nous continuons collectivement de nourrir une certaine idée de l'Humanité, du droit, de la liberté, de la justice. Plus que jamais aujourd'hui, nous avons besoin de l'Europe. Le monde a besoin de l'Europe. » Toutefois, l’origine de cette situation n’a rien à voir avec l’Union européenne. Ce n’est pas elle qui a construit ce modèle de société. Ce dernier résulte au contraire de décennies de luttes sociales menées par les classes dominées contre les classes dominantes. L’apogée de cette tension se situe entre 1944 et 1948 lorsque les Résistants, qui avaient vaincu le nazisme, ont gouverné plusieurs pays d’Europe en nationalisant les industries stratégiques, en développant les services publics et en créant la Sécurité sociale. On peut ajouter que le « havre » dont parle M. Macron est en train, jour après jour, de partir en fumée, précisément sous l’effet des directives européennes. Car ce que veut cacher M. Macron et que ne veulent pas reconnaître beaucoup de citoyens, c’est le caractère intrinsèquement antidémocratique de l’Union européenne, qui lui ôte toute possibilité de s’améliorer de l’intérieur. Le Président de la République peut alors s’amuser à faire dire à la réalité le contraire de ce qu’elle est, puisque face à lui on ne trouve que du vide.
Après la manipulation de la démocratie, le locataire de l’Élysée est passé à celle de la souveraineté
Pour lui, « la reconquête de notre souveraineté, c'est une nécessité première. Parce que je ne laisserai pas ce terme à ceux qu'on appelle les souverainistes ». Mais qu’entend-il par « souveraineté » ? Sa réponse est la suivante : « C’est bien ce qui fait que nous décidons pour nous-mêmes, que nous nous fixons nos propres règles, que nous choisissons notre avenir, et ce qui fait notre monde. » Il ajoute : « La souveraineté que nous voulons, c'est celle qui consiste précisément à conjuguer nos forces pour bâtir ensemble une puissance européenne pour pouvoir décider ne pas subir ce que les superpuissances feront mieux que nous » il précise : « Je crois dans la souveraineté, les souverainetés nationales qui sont les nôtres, mais je crois dans cette souveraineté européenne. »
Là encore, une chose est vraie dans le propos de M. Macron, c’est la nécessité d’unir les forces des pays européens pour rationaliser leur action sur les sujets qui leur sont communs comme le réchauffement climatique, l’immigration, le chômage, le terrorisme… Mais peut-on parler pour autant de « souveraineté européenne » ? L’analyse du Président de la République est non seulement erronée mais extrêmement dangereuse quand il affirme que « nos défis ne sont plus à l’échelle de nos nations. » Il a tort, car ces défis, quels qu’ils soient, sont toujours aussi et surtout à l’échelle des nations. Car c’est sur des territoires concrets et pour des peuples concrets qu’ils font sentir leurs effets. C’est à l’échelle de la nation, et nulle part ailleurs, qu’existe une communauté politique capable de prendre les décisions qui s’imposent, selon des règles démocratiques. Certes, la coordination d’actions à l’échelle européenne ou internationale peut être plus efficace sur des sujets comme le réchauffement climatique. Est-ce une raison pour mettre un coup de gomme sur la nation et considérer qu’elle n’a plus de rôle à jouer ? En réalité, l’efficacité maximale de l’action publique vient toujours de l’articulation entre l’échelon national et l’échelon international, à partir du moteur que sont les peuples mobilisés à la base.
C’est à Athènes que M. Macron a proposé une « feuille de route […] à l'ensemble des États membres de l'Union européenne […] pour construire l'avenir de notre Europe sur les dix années qui viennent. » Il veut que d’ici fin 2018 « les grands principes de la démarche » soient élaborés et qu’à partir du début 2019 ils soient soumis « aux peuples européens ». Il s’agit « dans chacun des États membres […] d’organiser des consultations, des conventions démocratiques qui seront le temps durant lequel partout dans nos pays nos peuples discuteront de l'Europe dont ils veulent. »
On sent la fébrilité des élites qui craignent par-dessus tout une faible participation électorale.
Le discours de la Sorbonne a donné lieu à une vaste confusion sur la notion de « souveraineté »
Le 26 septembre 2017, à la Sorbonne, le Président de la République a dénoncé ce qu’il appelle « nationalisme, identitarisme, protectionnisme, souverainisme de repli ». Selon lui, « la seule voie qui assure notre avenir […] c’est la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique. L’Europe seule peut, en un mot, assurer une souveraineté réelle, c'est-à-dire notre capacité à exister dans le monde actuel pour y défendre nos valeurs et nos intérêts. Il y a une souveraineté européenne à construire, et il y a la nécessité de la construire. » Cette définition macronienne de la souveraineté n’a aucun rapport avec ce qu’est réellement la souveraineté. Ce que définit M. Macron, c’est simplement une alliance entre pays pour approfondir leur coopération dans différents domaines.
Ce n’est pas cela la souveraineté. La souveraineté est la capacité d’un État de créer un ordre légal autonome sur un territoire précisément circonscrit, non soumis à une autorité externe à l’extérieur de ce territoire. C’est la puissance de faire et de casser la loi, c’est une puissance instituante et même constituante qui forme le cœur de la souveraineté, accompagnée d’une série de prérogatives matérielles présentes pour s’assurer de l’effectivité de la puissance publique sans laquelle cette souveraineté n’est plus qu’un principe creux : pouvoir de lever l’impôt, souveraineté militaire, souveraineté monétaire, souveraineté budgétaire, souveraineté judicaire, souveraineté commerciale et financière, etc. Autrement dit tout ce que nécessite la garantie et la réalisation de l’autonomie politique de l’État souverain doit entrer dans les compétences de la souveraineté matérielle, sous peine de n’être plus qu’une prétention sans force et sans enjeux.
Cette puissance cependant n’est pas celle d’une omnipotence, d’une toute-puissance, avec laquelle souvent on la confond pour juger de son obsolescence présumée. Un État souverain ne peut pas tout faire bien entendu et n’est jamais totalement indépendant ni de facteurs extérieurs, ni de manière plus générale de contraintes matérielles. Il doit être en revanche toujours libre de décider comment réagir institutionnellement à ces contraintes inhérentes à tout exercice d’un quelconque pouvoir. Dans un État démocratique, cette souveraineté est nationale, c’est-à-dire qu’elle est attribuée à la communauté des citoyens présents. La capacité de la société à être autonome politiquement, à s’auto-instituer, à pouvoir transformer continuellement la forme et le contenu de ses institutions est donc mise au service du projet politique de l’ensemble des membres de la société, de leur volonté générale, de leur bien commun défini par le débat public, tranché régulièrement par la majorité de tous les citoyens. Le souverainisme, pour sa part, ne s’intéresse qu’à la souveraineté de l’État, sans la relier forcément à un projet démocratique (au sens politique et social du terme).
On le voit, il ne peut et ne doit pas y avoir de « souveraineté européenne » car l’Union européenne :
- Est soumise à une autorité externe en matière de défense et de politique étrangère que sont les États-Unis au travers de l’Otan.
- N’a pas la puissance de faire et de casser la loi puisque celle-ci est figée dans le marbre des traités internationaux d’inspiration néolibérale.
- Ne dispose pas des prérogatives matérielles pour s’assurer de l’effectivité de sa souveraineté (la monnaie par exemple).
- N’a pas l’autonomie politique de l’État souverain.
- N’est pas libre de décider comment réagir institutionnellement à des contraintes inhérentes à tout exercice d’un quelconque pouvoir à cause des traités européens.
- Ne peut attribuer cette souveraineté à la communauté des citoyens puisque celle-ci n’existe pas.
- N’a aucune capacité à s’auto-instituer, à pouvoir transformer continuellement la forme et le contenu de ses institutions car elle ne dispose d’aucun projet politique de l’ensemble de ses membres, de leur volonté générale, de leur bien commun défini par le débat public, tranché régulièrement par la majorité de tous les citoyens.
Au total, la « souveraineté européenne » de Monsieur Macron n’est que de la rhétorique électorale.
Monsieur Macron développe même une pensée de défaitisme national puisque selon lui « tous les défis qui nous attendent - du réchauffement climatique, à la transition numérique, en passant par les migrations, le terrorisme, tout cela, ce sont des défis mondiaux face auxquels une nation qui se rétrécit sur elle-même ne peut faire qu’à peu près et peu de chose. » Pour lui, prendre ses responsabilités à l’échelle nationale est assimilé à « la voie du repli national ». C’est pourquoi il propose « les six clés de la souveraineté » qu’il veut pour l’Union européenne.
1) « La sécurité ». Tout ce qui peut être fait en matière de sécurité avec nos voisins européens est bon à prendre. Mais pourquoi en conclure que nous devons abandonner toute initiative indépendante à l’échelle nationale ? Qui nous défendra du terrorisme islamiste, si ce ne sont nos propres forces ?
2) « Maîtriser nos frontières en préservant nos valeurs ». Bien sûr, les frontières de l’Union européenne doivent être « maîtrisées ». Mais pourquoi renoncer à ce qui a fonctionné pendant des siècles : le contrôle des frontières par chaque pays ? En quoi ce double contrôle serait-il un quelconque « repli » ? Ne serait-ce pas beaucoup plus efficace ?
3) Un « partenariat avec l’Afrique, cette politique de développement qui doit nous conduire à fonder un vaste projet reposant sur des investissements croisés, sur l’éducation, la santé, l’énergie. » Tout à fait d’accord, mais une remarque cependant. La voie choisie actuellement par l’Union européenne pour les pays ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) est celle d’un partenariat qui a pour nom Accords de partenariat économique (APE). Il s’agit en fait d’accords de libre-échange dont l’objet n’est pas la coopération mais la concurrence, une concurrence perdue d’avance par les pays africains. Une politique de coopération menée par la France est indispensable.
4) « La transition écologique ». Oui bien sûr, nous devons coopérer avec nos voisins sur cette question. Mais en quoi est-ce incompatible avec des initiatives adaptées à notre territoire national ? Par exemple, en ce moment, les apiculteurs observent une mortalité alarmante des abeilles. Cette situation n’affecte pas simplement la production de miel mais les écosystèmes. Faudra-t-il conduire des palabres interminables à Bruxelles, sans garanties de résultats, avant d’agir ? Non, nous devons prendre nos responsabilités nationales.
5) « Le numérique ». Même chose : oui à des actions concertées à l’échelle de l’Union européenne, et oui au développement de nos propres initiatives.
6) « La puissance économique industrielle et monétaire ». Il serait très positif que l’Union européenne développe une politique de puissance économique, industrielle et monétaire. Mais elle fait le contraire pour l’instant puisque le traité de Lisbonne empêche toute politique industrielle, alors que l’autorisation de la liberté de mouvement des capitaux déstabilise l’industrie et que la monnaie unique est une arme de destruction massive des salaires et de l’emploi. Il faut donc impérativement se doter de nos propres politiques nationales économiques, industrielles et monétaires.
Au total, le raisonnement de M. Macron apparaît particulièrement stupide. Pourquoi oppose-t-il la nécessité d’unir nos forces avec celles de nos voisins et le renforcement de nos propres forces ? Pourquoi cette « souveraineté européenne » qu’il appelle de ses vœux devrait-elle se construire en déconstruisant la souveraineté des nations ?
Les plus vives inquiétudes doivent se manifester quand M. Macron annonce à la Sorbonne : « Je souhaite […] que nous ayons une discussion concrète sur ce qu'est ce socle social européen […] Nos niveaux de cotisations sociales sont aujourd'hui trop disparates ». Comment entendre ce message ? Tout simplement par la volonté de baisser le niveau des cotisations sociales dans les pays où il est le plus élevé. Mais que sont les cotisations sociales ? C’est du salaire indirect. Les pays qui ont des cotisations sociales élevées sont des pays qui ont un haut niveau de protection sociale obtenu grâce à une meilleure répartition des richesses produites entre le capital et le travail. Vouloir baisser le niveau des cotisations sociales, c’est faire baisser les salaires indirects, diminuer la protection sociale et faire des cadeaux au capital.
Après tout ce babil européiste, le Président de la République a donné la véritable raison de toute cette mise en scène : « En 2019, les Européens éliront leurs députés. Ce sera le moment du Brexit. Ce sera aussi, si nous lançons maintenant la refondation de l’Europe, un moment de confiance retrouvée dans notre avenir. Avec un mandat clair, nos députés européens doivent agir pour transformer l’Europe. Et cinq ans plus tard, c’est une Europe nouvelle qu’ils devront laisser à 500 millions d’Européens. C’est pour cela que ce débat, cette ambition doivent être portés maintenant. C’est le bon moment. Qu’il soit construit pour les élections européennes de 2019. C’est le bon moment ! Et ce mandat de 2019 à 2024, c’est celui de la transformation européenne. »
En effet, les élections européennes de mai 2019 seront « le bon moment » pour contester radicalement la dictature de l’Union européenne par un boycott massif !
Le compte-rendu du Conseil des ministres du 14 mars 2018 a mis au point la méthode des « consultations citoyennes sur l’Europe »
C’est le troisième temps fort du lancement de l’opération « refondation démocratique de l’Europe ». La ministre auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargée des Affaires européennes, a présenté une communication relative aux consultations citoyennes sur l’Europe, projet dont elle assure le pilotage en France et la coordination avec les autres États membres qui participeront. Ces consultations se tiendront d’avril à octobre 2018. Le communiqué précise que « cet exercice de large consultation et de démocratie participative vise à contribuer à restaurer le lien entre les peuples et la construction européenne. Le président de la République porte une ambition forte pour une Europe souveraine, unie et démocratique, qui soit à même d’apporter aux Européens les éléments de protection qu’ils en attendent. Ce besoin de protection apparaît plus nécessaire que jamais, partout en Europe. Cela suppose de refonder l’Union européenne. »
Un nouveau mot magique, après ceux de « nation » et « souveraineté », apparaît dans la communication macronienne, c’est « protection ». M. Macron a donc choisi la confrontation idéologique directe sur les concepts pouvant être interprétés à double sens : nation et nationalisme, souveraineté et souverainisme, protection et protectionnisme. Il joue sur du velours car les notions de « nationalisme », « souverainisme », « protectionnisme » ont été diabolisées. Ajoutons que si cette diabolisation a été aussi facile, c’est parce que ces notions ont mal été définies et mal utilisées. Il existe en effet un bon nationalisme, un bon souverainiste, un bon protectionnisme dont il faut persuader nos compatriotes.
On nous explique aussi, dans ce communiqué du Conseil des ministres, que les « consultations citoyennes sur l’Europe » combineront :
- « Des débats organisés par le gouvernement, mais surtout par les collectivités territoriales et les élus comme par la société civile (associations, entreprises, syndicats, chambres de commerce, acteurs culturels, universités, etc.).
- Une large consultation numérique en Europe.
- Des panel citoyens pour réfléchir de façon qualitative sur les grands thèmes prioritaires ».
D’immenses moyens sont ainsi mobilisés par l’État pour la campagne des élections européennes au bénéfice de la liste présidentielle.
Au total, « les analyses qui seront issues des consultations citoyennes sur l’Europe et les recommandations auxquelles elles donneront lieu, partout en Europe, seront présentées aux chefs d’État et de gouvernement qui les examineront à l’occasion du conseil européen de décembre 2018. Ce travail nourrira les travaux en cours de refondation de l’Union européenne. Il doit aussi permettre, en lançant un vaste débat européen, de faire émerger, pour les élections européennes du printemps 2019, un véritable espace public européen en identifiant les enjeux auxquels les citoyens souhaitent que l’UE réponde. » La place de LREM, dans ce processus imbriqué, est alors toute trouvée. S’il fallait s’interroger sur les véritables intentions du pouvoir au travers de cette campagne, le dossier de presse du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères du 28 mars 2018, qui précise la méthode, lève tous les doutes. Il insiste sur le constat selon lequel « partout en Europe, le sentiment d’une déconnexion entre les populations et les décisions prises à Bruxelles s’est installé. Beaucoup d’Européens se sentent insuffisamment associés aux décisions qui les concernent. Un nombre significatif exprime son mécontentement (« non » aux référendums, montée des partis qui s’affichent eurosceptiques) ou son découragement (forte abstention lors des élections européennes). » C’est la confirmation du caractère purement électoraliste de cette campagne qui prend en otage « l’avenir de l’Europe ».
Emmanuel Macron, lors de ses vœux au corps diplomatique, le 4 janvier 2018, le confirme une nouvelle fois : « Les consultations citoyennes sont une manière, avant l’échéance européenne, d’interroger nos peuples sur le projet européen qu’ils veulent et de mieux les associer ! » Nathalie Loiseau, ministre des Affaires européennes, devant le réseau d’information Europe Direct, le 29 janvier 2018, le confirme également : « Nous espérons que ces consultations citoyennes, en nourrissant le débat public, contribuent à un nouvel intérêt pour les questions européennes et permettent de faire en sorte qu’enfin la campagne électorale porte principalement sur les sujets européens. »
Nous sommes donc prévenus, le gouvernement a mis les moyens de l’État au service des élections européennes dont l’enjeu principal sera le niveau de la participation.
II.- Deuxième temps : lancement de la campagne du parti présidentiel le 7 avril 2018
Après le lancement opéré par le Président de la République, c’est le 7 avril 2017, quelques jours après le Conseil des ministres qui a mis au point la campagne du gouvernement de « refondation démocratique de l’Europe », que le parti présidentiel lançait à son tour sa propre campagne. Elle prend la forme, dans un premier temps, d’une « grande marche pour l’Europe » dans toute la France à partir d’un porte-à-porte national. Le mouvement macroniste veut frapper à plus de « 100 000 portes » afin de « recueillir les attentes des citoyens sur l’Europe ». Les militants de LRM poseront des questions ouvertes, telles que : « si je vous dis Europe, ça vous fait penser à quoi ? » ou « selon vous, qu’est-ce qui ne marche pas en Europe ? » Une dizaine de ministres et près de de 100 parlementaires ont été mobilisés, le slogan est « bâtir une Europe qui protège » ! Le but de cette campagne (« recueillir les attentes des citoyens sur l’Europe ») est le même que la campagne déclenchée par le pouvoir (« consultations citoyenne »)…
La stratégie électorale du parti présidentiel est une réplique exacte de celle adoptée par Emmanuel Macron pour conquérir l’Élysée.
III.- Troisième temps : la relance de Monsieur Macron lors des discours de Strasbourg et d’Épinal
Emmanuel Macron, le 17 avril 2018, s’est adressé, à Strasbourg, aux « parlementaires » européens. Il a repris les thèmes déjà exposés dans ses discours d’Athènes et de la Sorbonne. Mais il est surtout venu pour faire de la cuisine électorale. Ainsi, il a laissé entendre qu’il voulait lancer sa propre formation européenne sur le modèle d’En Marche ! « Je n’appartiens à aucune des familles politiques parmi vous, c’est ma liberté », a-t-il expliqué. Le groupe ALDE, présidé par Guy Verhofstadt, l’ex-premier ministre belge, espère pourtant un ralliement jugé naturel de M. Macron à la famille libérale européenne. Le PSE et le PPE craignent de leur côté que M. Macron leur vole des troupes. C’est pourquoi ces groupes ont fait capoter le projet de listes transnationales proposées par Monsieur Macron et soutenu par Monsieur Mélenchon. Pour l’instant, seuls les Espagnols du parti de centre droit Ciudadanos ont annoncé leur allégeance à M. Macron. Le Mouvement 5 étoiles, arrivé en tête aux législatives de mars en Italie, a fait une proposition d’alliance. Son chef, Louis Luigi Di Maio, se proclame désormais « le Macron italien »…
Comme le relève avec perspicacité le journal L’Humanité du 18 avril 2018, « Est-ce le président ou le chef de la majorité qui a parlé » à Strasbourg ? Dans la perspective des élections européennes, Monsieur Macron cherche en effet à débaucher des parlementaires européens pour constituer un groupe partageant ses vues. Pour l’instant, le macronisme éprouve des difficultés à se structurer au « Parlement » européen, malgré les efforts de débauchage organisés par des eurodéputés français comme Daniel Cohn-Bendit ou Jean Arthuis. Emmanuel Macron veut rassembler un maximum d’élus, en partant de quasiment rien. Il a donc besoin de candidats identifiables, et le plus simple est de débaucher (acheter ?) des sortants.
Après Strasbourg, le chef de l’État a lancé le soir à Épinal le premier débat citoyen sur l’Europe. But de l’exercice : « donner la parole au plus grand nombre et faire remonter les doléances au sommet des États ». Il devait « écouter et répondre aux questions » des 300 personnes qui se s’étaient inscrites à cet événement. L’auditoire était en réalité composé en majorité d’une claque de partisans de La République En Marche. Personne n’avait de critiques contre l’Europe, et M. Macron a même été obligé de demander « si quelqu’un a des critiques ou des doutes » sur le fonctionnement de l’Union européenne !
Le « débat » n’a donc été qu’une farce, M. Macron le disant lui-même à sa façon : « Avec ces consultations citoyennes, je veux avoir un débat instruit avec les Français, pour chasser les fausses idées ». Il ne s’agit donc pas « d’écouter » les Français, mais de leur faire la leçon.
La morale de cette histoire est qu’il faut défendre la France contre Monsieur Macron. Comme le dit très bien l’essayiste Hervé Juvin, la France devient une ZAD (zone à défendre) !
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