Le 03-05-2017
Le 18 avril 2017, Theresa May aurait « surpris » la classe politique Britannique en appelant à la tenue d'élections législatives anticipées le 8 juin prochain au Royaume-Uni, alors que les prochaines élections n'étaient prévues que pour 2020. Pour valider la tenue du scrutin, la Première ministre devait obtenir l'aval du parlement à la majorité des deux tiers. Jeremy Corbyn, leader de l'opposition travailliste, a immédiatement « accueilli favorablement » l'annonce de Theresa May, laissant anticiper un feu vert sans équivoque des députés.
Le lendemain, le Parlement britannique a approuvé, par 522 voix contre 13 et après une heure et demie de débats, le projet de Theresa May de tenir des législatives anticipées le 8 juin dans le but d'avoir "une meilleure main" pour négocier le Brexit.
Mais est-ce la « vraie » raison ?
En fait, Theresa May profite de la situation pour deux raisons inavouées.
La première, c’est que les travaillistes sont distancés de plus de 20 points par les conservateurs dans les derniers sondages. Mme May veut donc en profiter pour conforter sa faible majorité actuelle de 17 sièges. Les premières projections indiquent en effet que les Tories pourraient porter leur majorité à plus de 100 députés, à la Chambre des Communes qui compte 650 sièges.
La deuxième est que Theresa May cherche à obtenir un mandat pour poursuivre son programme, sur cinq ans, de politique néolibérale comprenant plus d’austérité, de privatisations, de militarisme et de guerre en alliance avec les Etats-Unis et l’OTAN.
Son courant dans la direction du Parti conservateur (qui a majoritairement fait campagne pour le maintien dans l’UE) veut obtenir un accord sur le commerce et l’investissement avec l’UE sur la base de la plupart des règles du Marché unique européen. D’ailleurs, la Commission européenne approuve cette démarche et ne cache pas son soutien à des élections anticipées.
Un autre courant de la direction du Parti conservateur veut que la Grande-Bretagne retrouve un contrôle total sur ses politiques commerciales, migratoires et fiscales, sans plus aucune contribution au budget de l’UE.
Une large majorité à Westminster devrait permettre au courant de Mme May d’imposer son calendrier en se passant des dissidents anti-UE les plus intransigeants.
Mme May veut accroître sa marge de manœuvre au sein des Tories, afin d'avoir les mains libres pour négocier des compromis sur le Brexit sans faire de concessions à la faction la plus europhobe de son parti, tout en satisfaisant les proeuropéens qui cherchent à en atténuer les conséquences.
Mais c’est aussi une stratégie pour renforcer sa position, du moins à court terme, face à la montée des travaillistes opposés à plusieurs de ses orientations politiques intérieures, telles que la réintroduction des « grammar schools » (et donc des « secondary moderns ») qui est le rétablissement d’une sélection à l’entrée dans l’enseignement secondaire, (un peu équivalente aux projets de suppression du collège unique en France), la privatisation du Service national de santé, de nouvelles coupes dans les services publics et les allocations sociales et encore davantage de réductions d’impôts pour les plus riches.
Les deux courants du Parti conservateur partagent la vision de Mme May d’une Grande-Bretagne, paradis fiscal, pays de bas-salaires, déréglementé, privatisé, hostile aux syndicats.
Une victoire travailliste le 8 juin prochain pourrait ouvrir la voie à un gouvernement dirigé par Jeremy Corbyn pour conduire des politiques progressistes sur de nombreuses questions intérieures et internationales.
C’est précisément parce qu’elle redoute une telle perspective que la classe dominante et sa représentante, Theresa May veulent des élections immédiates afin que le Parti travailliste ne puisse reconstruire l’unité du parti avec une ligne politique tournée vers le peuple.
Les libertés nouvelles données par la sortie de l’UE et du Marché unique pourraient permettre au Parti travailliste d’adopter enfin des orientations politiques pour reconstruire l’industrie en Grande-Bretagne, défendre et étendre les services publics, diminuer ou supprimer la TVA, renforcer les syndicats et en finir avec la surexploitation de la main-d’œuvre immigrée.
Un gouvernement travailliste pourrait faire valoir la souveraineté de la Grande Bretagne et la souveraineté populaire dans des négociations avec l’UE.
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