Le 11-06-2016
Le 23 juin prochain, les citoyens du Royaume-Uni voteront sur cette question cruciale : leur pays doit-il rester membre de l’Union européenne ? Le référendum sur le Brexit est l’occasion pour les Britanniques de sortir de la prison néolibérale qu’est l’Union européenne (UE) et de reconquérir leur souveraineté nationale.
En 2013, face à la montée du Ukip (parti pour l’indépendance du Royaume-Uni) et pour répondre aux eurosceptiques de son propre camp, le Premier ministre conservateur David Cameron avait promis un référendum sur cette question avant la fin de 2017. Après avoir négocié, au mois de février dernier, avec l’UE un « statut spécial » pour la Grande-Bretagne, David Cameron a convoqué ce référendum.
La question de l’appartenance à l’Union européenne est posée depuis longtemps en Grande-Bretagne avec un premier référendum le 5 juin 1975 (participation : 64,5 %, Oui 67,09 %, Non 32,70 %, Blancs ou Nuls 0,21 %).
Depuis des semaines, une déferlante de chiffres venant d’économistes et du personnel politique nous submerge pour présenter le Brexit comme une catastrophe. Mais ces chiffres ne disent que ce que l’on veut leur faire dire. Le Brexit n'est pas un événement calculable car Il n'y a aucun précédent comparable et les techniques employées pour mesurer son effet sont partielles et partiales.
Il faut réfléchir politiquement ; sans chiffres.
Les enjeux pour le gouvernement de Grande-Bretagne : conserver sa position dominante
La Grande-Bretagne, qui ne fait pas partie de la zone euro, est depuis Margaret Thatcher le fer de lance du néolibéralisme européen.
C’est le bastion avancé du libre-échange qui ne met pas simplement des produits en concurrence, mais aussi des systèmes sociaux. Les droits sociaux conquis dans les décennies d’après-guerre sont devenus inacceptables pour les libéraux, ce qui aboutit à la destruction des conquêtes sociales et du mouvement syndical.
C’est le bastion de la libéralisation financière, illustrée par la City de Londres, c’est-à-dire le libre-échange appliqué à l’argent, permettant aux flux financiers et monétaires de spéculer massivement et immédiatement à l’échelle du globe, sans restriction. C’est la participation active aux institutions multilatérales, dont l’Union européenne et ses traités est la forme la plus aboutie, qui sont les gardiennes de l’ordre néolibéral mondial, le mettant hors de portée de toute pression démocratique.
C’est la tête de pont des USA en Europe. La sortie de la Grande-Bretagne de l’UE serait un préjudice stratégique et politique pour l’Empire. C’est pourquoi M. Obama est venu exhorter les britanniques à voter remain (rester).
Les enjeux pour l’Union européenne : l’accélération du projet néolibéral
La sortie de la Grande-Bretagne de l’UE aura un coût politique très élevé, incitant vraisemblablement d'autres membres de l'Union à demander des avantages spécifiques en menaçant de claquer la porte. C’est la crainte de l’effet domino. Comme le dit le numéro deux de la Société Générale, Séverin Cabannes « Le vrai danger serait que ce Brexit donne l’idée à d’autres pays de l’Union européenne de faire de même. »
Mais ce n’est pas tout… « Si le 23 juin au soir, les Britanniques décident de sortir de l’UE, les institutions européennes n’auront d’autre choix que d’enregistrer le résultat et de lancer des négociations de sortie » dit Vivien Pertusot de l’Ifri. Voilà une différence fondamentale avec le cas grec. Il sera difficile de mettre la Grande-Bretagne sous tutelle et la démonstration sera faite que l’on peut sortir sans dommages de l’UE.
Les enjeux pour les Britanniques : l’indépendance nationale
L’enjeu principal est le recouvrement de leur souveraineté nationale mise à mal par les traités européens. C’est la possibilité de voter ses propres lois, la possibilité de choisir et de construire la société dans laquelle ils veulent vivre.
Par ailleurs, le Brexit risque d'ébranler sérieusement l'échafaudage politique britannique, tout comme la campagne, puis la victoire du Non au TCE en France en 2005, avaient ébranlé le nôtre.
Les enjeux pour les peuples de l’UE : un exemple contagieux
- Un leave victorieux sera la preuve que l'on peut sortir de l’UE, unilatéralement. Sans s’embourber dans l'article 50 du traité de Lisbonne.
- La fin de l’illusion d’un changement possible de la nature de l’UE.
- Un éclairage violent sur l'obsolescence du clivage gauche-droite : les deux grands partis, le Labour (travaillistes) et les Tories (conservateurs), sont divisés : le Premier ministre David Cameron est pour le remain, l'ancien maire de Londres Boris Johnson mène une campagne en faveur du leave.
La gauche anglaise engluée dans l’européisme.
Jeremy Corbyn (travailliste), qui avait voté en 1975 contre l'adhésion de la Grande-Bretagne à la CEE, prédécesseur de l'UE, est en faveur du remain et dix syndicats britanniques ont publié une lettre dans The Guardian appelant leurs 6 millions d'adhérents à voter pour le maintien : « Après de nombreux débats et délibérations, nous pensons que les avantages sociaux et culturels d'un maintien dans l'UE l'emportent largement sur les avantages d'une sortie ».
Les responsables syndicaux estiment étrangement qu’au cours des 30 dernières années l’UE a amélioré la protection des droits des travailleurs. « Si le Royaume-Uni quitte l’UE, nous n’avons aucun doute sur le fait que ces protections seront gravement menacées ». Les syndicats soulignent qu’une sortie de l’UE serait négociée par un gouvernement conservateur qui attaquerait ces droits. Ils déclarent que l’UE « doit changer et tourner le dos aux politiques d’austérité ».
C’est nier l’expérience des classes dominées grecques, italiennes, espagnoles, françaises, allemandes, etc., et oublier que la précarité (self employed et zero hours) a été installée par les gouvernements successifs de Sa Gracieuse Majesté.
Dans tous les pays de l’Union, la destruction des régimes sociaux, la casse du droit du travail, l’austérité à perpétuité sont imposées par les gouvernements sur « recommandation » de la Commission européenne. La domination de l’« Union » atteint son point culminant avec la mise sous tutelle totale de la Grèce, devenue une colonie des institutions et des multinationales.
Pour un peuple, recouvrer la souveraineté nationale c’est pouvoir décider pleinement de son destin, retrouver la possibilité de combats victorieux.
En sortant de l’UE, de ses traités et de ses directives, les classes dominées pourront se confronter directement à leur classe dominante, en face à face, sans que celle-ci ait l’appui de la technostructure européenne. Pour les classes dominées, il est toujours plus facile de se défaire d'un gouvernement national, dans chacun des pays, que de transformer l’UE et sa Commission de l’intérieur.
Autre conséquence, la déstabilisation des structures de l’UE. Selon Lluis Orriols (politologue, professeur à l'université Carlos III à Madrid) « Une victoire du Brexit signifierait un changement de contrat au sein du Royaume-Uni et cela pourrait réactiver le référendum sur l'indépendance de l'Ecosse, qui demanderait à rester en Europe. Bruxelles serait donc obligée de se prononcer sur l'appartenance à l'Union européenne d'une région d'un Etat membre ou ex-membre... C'est une question clef pour la Catalogne qui cherche à s'assurer qu'elle pourrait rester en Europe en cas de sécession d'avec l'Espagne. »
Il s’agit donc bien, entre les anti et les pro-Brexit, d’une lutte de classes
C’est pourquoi le débat public s’enflamme et que les anti-Brexit, comme à l’accoutumée, utilisent la stratégie de la peur, sans rien démontrer. Ils affirment péremptoirement que quitter l’UE serait désastreux pour l’économie, pour la sécurité en ces temps de menaces terroristes, pour la science, l’environnement, l’immobilier…
Les grandes entreprises sont mobilisées : Ryanair se déchaîne contre le Brexit. Après avoir proposé des vols "spécial Brexit" à 19,99 € pour les 22 et 23 juin prochains (veille et jour du vote) à destination de la Grande-Bretagne pour que les ressortissants britanniques puissent venir voter pour le maintien, la compagnie irlandaise à bas coût va, selon Sky News, envoyer un email à plus de 5 millions de ses clients britanniques. Il s'agit de rappeler aux électeurs britanniques qu'ils commettraient une grave erreur en votant en faveur du Brexit : « En tant qu'entreprise britannique, nous sommes absolument certains que l'économie du pays et son développement à venir seront plus importants si nous restons membres de l'Union Européenne que si nous en sortons. Un vote en faveur du maintien, c'est davantage d'emplois créés, une croissance économique plus forte, plus d'investissement étrangers et - le plus important - des prix encore plus bas. Nous encourageons tous les citoyens britanniques à voter le maintien le 23 juin. Il suffit de ne pas manquer la date limite d'inscription du 7 juin ».
Dans cette lutte de classes, le Pardem est résolument aux côtés des classes dominées, pour la souveraineté nationale et populaire (condition première pour sortir de l’austérité et des politiques néolibérales impulsées par Bruxelles) et pour une coopération internationale véritable basée sur le respect des nations et l’intérêt mutuel des peuples. C’est pourquoi le Pardem appelle les électeurs britanniques à ouvrir les portes de la prison néolibérale qu’est l’UE et à reconquérir leur souveraineté en votant en faveur du Brexit le 23 juin prochain.
Nous observons très attentivement ce qui se passe outre-Manche, car un jour ou l’autre, en France, nous serons confrontés au même choix que les Britanniques.
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