Rôle émancipateur de l’école pour prévenir la radicalisation

Par le Parti de la démondialisation (Pardem)

Le 8 août 2016.

La politique extérieure de la France, faite de soumission aux États-Unis et de piétinement de la souveraineté de pays comme la Libye ou la Syrie, est loin d’être la seule cause de la radicalisation de jeunes français. Invoquant la conformité avec les recommandations, règlements et directives européens, la politique intérieure de nos gouvernements successifs a généré chômage et précarité. Elle a considérablement réduit la présence des services publics auprès des populations déjà les plus pauvres.

 

Les écoles, les travailleurs sociaux, les centres culturels, de loisirs et les maisons de quartier assuraient, par leurs activités (enseignement, santé, alphabétisation, voyages, sorties, aides diverses, etc.), une intégration minimale des habitants de ces quartiers à la société française liée au plein-emploi. La disparition de ces vecteurs d’égalité a laissé une partie des citoyens en dehors de la République, dans des zones de non-droit n’étant pour certaines même plus accessibles aux forces de police ou de secours et dont les habitants sont les premières victimes.

Ces options prises par les gouvernements depuis une trentaine d’années à propos d’urbanisation, de transport, de culture, d’emploi et surtout d’éducation ont favorisé le repli d’une catégorie de laissés pour compte dans ce qui leur est resté accessible : la religion. D’autant que des élus, de gauche et de droite, considérant que certains jeunes issus de l’immigration ne pouvaient plus s’intégrer par le travail du fait de la mondialisation, ont encouragé l’intégration et la socialisation par la religion. Des moyens ont été donnés pour que les imams remplacent l’école, la maison des jeunes et de la culture, et aussi la police et la justice... Cela s’appelle le communautarisme. Des préoccupations bassement électorales n’étaient pas non plus étrangères à ces dérives.

Il n’y a pas que les jeunes musulmans qui se réfugient dans une communauté, des jeunes rejoignent aussi des mouvements communautaires anti-avortement, anti-mariage pour tous, sans parler des multiples groupes créés par les réseaux sociaux. Ce besoin de se retrouver en « communautés » est la conséquence du fonctionnement libéral d’une société qui privilégie le court terme et n’a de considération ni pour la jeunesse ni pour l’avenir qu’elle représente. Tous ceux qui ne sont pas « rentabilisables » rapidement dans cette économie de marché n’ont pas de place. Dans ce cadre, toute la spécificité d’une personne, son originalité, ses aptitudes particulières, ses capacités qui font la richesse d’une nation sont méprisées.

Les attentats du 13 novembre 2015 sont emblématiques de ce que le pouvoir veut qualifier de guerre de civilisation : la jeunesse qui aime Le « Livre unique » (celui de LA religion) et abhorre l’hédonisme et la créativité s’est attaquée à la jeunesse qui étudie, aime les livres, le plaisir et la culture.

Cette société mortifère qui fait s’entretuer sa jeunesse, déstructure les modes relationnels, neutralise les volontés et les forces créatives et propulsives. Au travers de multiples émissions, les médias répandent une image déplorable de la jeunesse et essaient d’imposer ces nouveaux modèles : des jeunes gens, beaux, minces et sexy, qui faute de vocabulaire, s’expriment par insultes et colères dans des villas luxueuses, et essaient de faire le « buzz » quitte à être ridicules. Si enfin l’un d’entre eux est « remarqué », même pour de très mauvaises raisons, c’est la « réussite » c’est-à-dire l’argent car il peut, pour un temps, monnayer cette notoriété de pacotille.

« Dans un monde chaotique où les institutions sont inopérantes et les destinées humaines arbitraires, il n’est guère surprenant que ce soit la Fortune plus que toute autre qui préside aux destinées » (Apulée, 125 après J.C).

 

L’école, service public indispensable de la République

Parmi les services publics, l’école est un levier essentiel permettant de ne pas confier son avenir à la Fortune. Les valeurs de l’école de la République qui ont présidé, jusqu’à il y a une trentaine d’années, à son fonctionnement pour la formation des maîtres et des élèves sont :    

  • la laïcité : c’est l’accès aux savoirs émancipé des origines sociales, religieuses et culturelles de chacun, le développement de la pensée et du sens critique. Elle assure le droit à la différence mais interdit la différence des droits.      
  • l’égalité : tous les élèves quels qu’ils soient, où qu’ils vivent, reçoivent le même enseignement et ont accès aux mêmes formations sanctionnées par des diplômes ayant la même valeur sur tout le territoire.

Ces principes concourent à faire de l’école un lieu protégé où, de manière identique sur tout le territoire, chacun accède au savoir et développe un maximum d’aptitudes et de capacités en accord avec ses volontés et ses possibilités.

 

Une lente dégradation volontaire

Depuis les années 90, l’école a été particulièrement visée par le choix politique néolibéral entraînant un véritable carnage culturel, intellectuel et humain qui est l’une des véritables causes de la radicalisation religieuse de certains. Dans les quartiers populaires, de nombreux jeunes ont été orientés malgré eux vers des études qu’ils ne souhaitaient pas suivre. Des responsables de l’orientation scolaire, sous la pression d’une politique d’orientation par l’échec et en raison du coût du redoublement par exemple, ont déconseillé les études longues aux enfants de migrants sous prétexte de difficultés scolaires qu’ils ne pourraient pas surmonter.

Finalement s’est installée une école à plusieurs vitesses : celle des quartiers populaires où la politique d’urbanisation a isolé les populations migrantes, celles des centres-villes, celles des écoles rurales qui se vident et celles des villes nouvelles suréquipées. Le financement des écoles maternelles et élémentaires dépendant des volontés et des moyens des mairies, le montant des dotations varie de 1 à 10. Conséquence immédiate de ces politiques : les enseignants n’inscrivent plus leurs propres enfants dans les écoles où ils enseignent mais leur préfèrent parfois même l’école privée. Les établissements entrent en concurrence et modifient les programmes selon leur public.

En juin dernier, la ministre de l’Éducation nationale, arguant du fait que le Latin est une option que choisissent les meilleurs élèves, a voulu « rendre accessible à tous ce qui était un marqueur social réservé à une élite, une option de bons élèves ». Du coup, elle a supprimé les options facultatives Latin et Grec ouvertes à tous les élèves volontaires. L’instauration ou non d’un enseignement de Latin ou de Grec est laissé au bon vouloir des établissements ; ainsi, certains collèges pourraient ne proposer ni l’un ni l’autre, privant totalement leurs élèves de ces enseignements. Un choix qui sera fonction du bassin social des élèves.

Ces décisions ne sont pas des erreurs de jugement, ce sont des décisions prises en toute conscience par nos gouvernants contre l’intérêt des usagers et dans un seul objectif : se conformer aux injonctions des traités européens, entre autres ouvrir le marché de l’éducation.

En 1977, le concours de recrutement pour les Écoles Normales d’Instituteurs, emblématiques de la France républicaine et laïque, se déroulant en fin de troisième, est supprimé, le recrutement se fera désormais au niveau Bac.

En 1990 sont créés par Lionel Jospin les Instituts universitaires de formation des maîtres (IUFM) qui recruteront les futurs instituteurs au niveau Bac+2, puis Bac+4. On pourrait se féliciter de l’élévation du niveau scolaire exigé pour devenir enseignant, mais les élèves pouvant faire face au coût de 4 années d’études supérieures ne sont pas, pour une très grande majorité, issus des milieux modestes. Le monde des enseignants n’est plus le reflet de la société.

Avant 1990, un jeune recruté après le Bac ou en fin de collège, nourri, logé, enseigné et payé pendant les 2 à 5 années de sa formation avait un fort attachement au service public de l’Éducation. Grâce à l’État et aux valeurs d’égalité et de laïcité, il s’était émancipé de son milieu et avait échappé au déterminisme social. Les nouveaux Professeurs des Ecoles ne doivent rien à la société, ils se sont payés leurs études et se sentent une responsabilité limitée dans l’échec scolaire de leurs élèves, ce que la hiérarchie leur confirme.

L’école compte aujourd’hui sur un travail quotidien d’aide et de participation des parents ou des cours privés dans l’enseignement au travers des « devoirs, recherches et leçons » ; pour les élèves ayant des parents illettrés, absents ou sans revenus, c’est la double peine : les carences familiales et sociales deviennent héréditaires, leur chance de réussir est réduite à peau de chagrin, et pour les autres c’est la course effrénée au développement de l’esprit de compétition.

 

Des décisions urgentes indispensables

Il faut que l’école assure à nouveau la prise en charge des difficultés, remplacée actuellement par leur prise en comptequi permet de justifier l’orientation par l’échec. Il faut différencier le cadre ou la méthode d’enseignement, et non le programme. Dans certains quartiers, les élèves reçoivent un enseignement au rabais, les contenus doivent être les mêmes pour tous.

Pour trouver une « place » aux élèves « en échec », les sections d’enseignement techniques (BEP, CAP) ont servi de voie de délestage. Beaucoup de jeunes y ont été envoyés alors qu’ils auraient préféré aller au lycée. Certains ont suivi une formation qu’ils n’avaient pas choisie, par manque de place. L’enseignement technique et professionnel est une voie tout aussi admirable qu’une autre, il a été réduit à un pis-aller, déconsidéré et méprisé. Le pays a pourtant besoin de jeunes performants dans ces domaines.

Les centres spécialisés et/ou les personnels d’aide à l’enfance en difficultés psychologique, pédagogique ou comportementale doivent rouvrir et se développer : Centres Médico Psycho Pédagogiques (CMPP), Réseau d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (RASED), Maison d'Enfants à Caractère Social (MECS), Aide sociale à l'enfance (ASE), etc.). Leur disparition a conduit, faute de « places », à l’abandon de ces jeunes dans des classes ordinaires, leur interdisant ainsi toute possibilité de progresser, induisant parfois une impossibilité de travailler pour les autres élèves.

Les centres sociaux proposent une présence culturelle, éducative, sportive. Leurs horaires d’ouverture doivent assurer la présence d’éducateurs le soir et le week-end.

Les lieux de vie pour jeunes en ruptures axés sur des sessions de travail pour favoriser leur insertion par des projets concrets (qui améliorent la vie d’une commune par exemple) ont de bien meilleurs résultats que les centres fermés militarisés.

Une partie des Français, en particulier celle issue de l’immigration ne se sent pas citoyen à part entière mais plutôt rejetée et victime de discriminations. La pression qu’exercent les lois de l’Union européenne sur les populations renforce l’individualisme et développe un sentiment général de peur et d’insécurité sociale. Toutes ces réformes ont entamé sérieusement les références et la culture commune dans notre pays. Chacun devient l’étranger de l’autre, la communication devient impossible et le repli sur sa famille, « sa communauté » devient la seule échappatoire.

Pour redonner à l’École de la République tout son sens et lui donner les moyens de se développer, la démondialisation est également nécessaire.

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