François Hollande a donné le coup de grâce à la gauche

Par le Parti de la démondialisation (Pardem)

Nul ne peut contester la cohérence de François Hollande et du Parti socialiste. Ils demeurent, contre vents et marées, fidèles au choix de 1982-1983 lorsqu’avait été décidé le « tournant de la rigueur » qui avait donné le coup d’envoi de la néolibéralisation de la France, opérée pour l’essentiel par leurs soins, et couplée avec l’accélération de son intégration dans l’ordre institutionnel supranational européen. Le PS avait ensuite poursuivi cette politique orthodoxe d’inspiration néolibérale quand il était revenu aux affaires en 1997, avec la « gauche plurielle » et Lionel Jospin comme Premier ministre, en anesthésiant le Parti communiste français entré au gouvernement.

Depuis le printemps 2012, c’est la même politique qui est menée par le président de la République François Hollande, ses Premiers ministres Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls et sa majorité parlementaire. Pour des résultats qui ont été nuls et même largement négatifs pour les classes populaires et moyennes dans les années 80, puis dans les années 90, et qui le seront aussi dans la décennie 2010.

Après trente ans de recul, il est frappant de constater que le véritable concepteur du néolibéralisme en France, celui qui l’a mené le plus loin et qui a pris les mesures les plus dures, est le PS et nul autre parti.

Le soutien actif du gouvernement socialiste au Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (PTCI) étant le dernier exemple. Le RPR, l’UDF, et maintenant l’UMP étaient évidemment sur une ligne néolibérale, mais plus traditionnelle. Ces partis ont contribué à affaiblir les syndicats, diminuer le poids de l’Etat, encourager le libre-échange, privatiser. Mais il faut bien comprendre que le cœur du néolibéralisme est la financiarisation de l’économie et surtout la suppression des processus institutionnels liés à la souveraineté nationale.

Le but est de se débarrasser de toute pression démocratique sur les choix économiques en organisant un univers institutionnel définitivement favorable au capitalisme. Car les néolibéraux, à la différence des libéraux originels, savent que le capitalisme dépend des institutions. Le capitalisme ne peut vivre en dehors d’un cadre institutionnel régulateur qui lui assure des conditions optimales. C’est le moyen d’étendre son emprise sur les sociétés qu’il colonise, et d’asseoir la puissance des classes dominantes qui reposent sur cette organisation de la société. Le projet néolibéral est donc d’assumer la création institutionnelle permanente dont a besoin le capitalisme. Sa création la plus sophistiquée aura été le contournement et la dissolution de la démocratie par les institutions supprimant les souverainetés nationales, sans pour autant supprimer les Etats, méthode beaucoup plus efficace et durable que les dictatures. Son chef d’œuvre est sans conteste « l’Union européenne ». La réalisation en France de ce projet délétère, et une partie substantielle de sa réalisation européenne, est due au principal parti de gauche, le Parti socialiste, dont il serait dramatique de sous-estimer le véritable rôle.

François Hollande et le Parti socialiste, avec la politique qu’ils mènent depuis 2012, ont probablement donné le coup de grâce à la gauche.

Le clivage gauche-droite, qui présuppose qu’il y a coïncidence avec le clivage de classe, a été totalement brouillé.

Non seulement le PS, comme l’UMP, est au service exclusif des classes dominantes, mais il en est même le parti le plus stratégique, le plus efficace, celui qui est le seul capable de réaliser pleinement le cadre structurel et institutionnel néolibéral. L’affirmation du M’PEP comme parti politique répond à cette première nécessité. Eclairer la société sur cette réalité, ce que personne ne fait. Et surtout pas le Front de gauche qui reste enfermé dans le projet suicidaire d’une nouvelle « union de la gauche » avec le PS, vieille recette qui n’abuse plus personne.

 

Une politique gouvernementale au service exclusif des classes possédantes

François Hollande poursuit l’œuvre néfaste de Nicolas Sarkozy. Se présentant comme un homme de gauche, issu d’un parti se réclamant de la gauche, menant une politique qu’il affirme être de gauche, François Hollande brouille tous les repères. François Hollande, depuis qu’il est à l’Elysée, dynamite aussi consciencieusement que son prédécesseur les restes des acquis du Conseil national de la Résistance (CNR).

Toutes les lois votées par la majorité parlementaire depuis 2012, dans le domaine économique et social, résultent d’une seule et même conception : le néolibéralisme. C’est ce qui a conduit le président de la République à annoncer la création d’un « Pacte pour la compétitivité de l’industrie française » en novembre 2012. La même conception est à l’origine de la création du « Crédit d’impôt pour la compétitivité » (CICE) et du maintien du « Crédit impôt-recherche » (CIR), tout comme le vote de la « loi de sécurisation de l’emploi » issue de l’ « Accord national interprofessionnel » (ANI), et aussi le « Pacte d’avenir pour la Bretagne ». Il faut ajouter l’ « Acte III de la décentralisation », la ratification de la « Charte des langues régionales et minoritaires » et le « Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement » (PTCI) en négociation entre l’Union européenne et les Etats-Unis. Le « Pacte de responsabilité » annoncé en janvier 2014 et la loi Macron constituent le bouquet final d’une politique socialiste reposant désormais sur une alliance avec le MEDEF contre les classes populaires et moyennes.

Le Premier ministre réel n’était plus ni Monsieur Ayrault, ni Monsieur Valls, mais Monsieur Gattaz, le président du syndicat patronal.

Ce ne sont pas les simagrées des députés socialistes « frondeurs » qui changeront les orientations politiques du gouvernement. Le 8 juillet 2014, lors du vote de la loi de financement de la Sécurité sociale rectificative qui contenait les mesures phare du pacte de responsabilité élaboré entre le gouvernement et le MEDEF, ils se sont couchés : 33 députés PS seulement se sont abstenus, la loi a été votée alors qu’un vote contre aurait suffi à l’empêcher !

En 1982-1983, le « tournant de la rigueur » décidé par le Parti socialiste avait été justifié par la « contrainte extérieure » et la nécessité de donner la « priorité aux exportations », puisque François Mitterrand avait renoncé à se donner les moyens de développer le marché intérieur. Aujourd’hui le PS n’a toujours pas changé et n’a modifié que les mots. La « compétitivité » n’est qu’une reformulation de la priorité à donner, selon lui, aux exportations, car il se refuse à mener des politiques de démondialisation. Le bilan du tournant de la rigueur de 1982-1983 a été dramatique pour notre pays, principalement en termes de chômage, précarité, développement de la pauvreté et des inégalités. En désespérant les classes populaires.

Si l’on veut bâtir un nouveau type de plein-emploi, il n’y a pas d’autre solution à la crise systémique que de sortir de l’Union européenne et de l’euro.

Une rupture franche et unilatérale est nécessaire. Annoncée à l’avance et constituant un objectif politique émancipateur. Pas une fausse rupture comme le slogan hypocrite et ambigu de « désobéissance européenne ».

 

L’effacement du clivage gauche-droite comme tentative d’effacement des clivages de classes

Lorsque l’on parle de « gauche », aujourd’hui, on ne sait plus très bien de quoi l’on parle. Pourquoi est-il devenu relativement banal d’entendre dire qu’il n’y a plus de différences entre droite et gauche ? Ce sentiment est unanimement confirmé par toutes les enquêtes d’opinion depuis des années et les conversations de tous les jours, notamment avec les jeunes. Il est vrai que le Parti socialiste a tout fait pour alimenter ce sentiment, en renonçant, une fois parvenu au pouvoir, à plusieurs reprises, à mener des politiques qualifiées de gauche. La gauche, du moins une partie d’entre elle, a été perçue comme exprimant la continuité des luttes ouvertes en 1789. La topographie parlementaire (gauche et droite) a été un moyen primordial par lequel les citoyens se sont repérés en politique, et continuent encore à le faire pour une partie d’entre eux. Ajoutons que le suffrage universel a créé un besoin d’identification politique où chacun est sommé de se situer ; rouges et blancs permettait de simplifier le conflit et de reconnaître immédiatement où l’on se plaçait, ce qui s’est traduit, plus tard, par gauche et droite. Ces notions ont conquis, pendant une période, une partie de la planète et sont devenues des catégories quasi-universelles de la politique. Gauche et droite ont désigné l’univers conflictuel de la politique pendant plus d’un siècle, l’opposition des idéologies et des mouvements qui divisent le monde.

C’est tout cela qu’aujourd’hui un nombre croissant de citoyens interrogent. Le Parti socialiste a contribué à brouiller les notions de gauche et droite en laissant des socialistes diriger les instances supranationales qui sont parmi les plus en pointe dans la mise en œuvre de politiques néolibérales : Pascal Lamy directeur général à l’OMC, Dominique Strauss-Kahn directeur général du FMI, Jacques Delors, président de la Commission européenne, sans que des changements majeurs au profit des classes dominées aient été observés. Quel excellent moyen d’annihiler le clivage gauche-droite ! Peut-on considérer qu’une personne se qualifiant de droite qui défend la souveraineté nationale et populaire, est plus à droite qu’une personne se qualifiant de gauche et qui a voté « oui » lors des référendums sur le traité de Maastricht et sur le traité constitutionnel européen et qui a ensuite soutenu le traité de Lisbonne ? Comment s’étonner, dès lors, du brouillage des notions de « gauche » et de « droite » ?

C’est à partir du revirement des principaux dirigeants du Parti socialiste, en 1982-1983, que les notions de gauche et de droite ont été radicalement remises en cause et leurs différences contestées.

À l’échelle mondiale elles ont été encouragées et provoquées par la mise en œuvre des politiques néolibérales par des partis se réclamant de la gauche. Le phénomène a été amplifié par les bouleversements qui ont entraîné la disparition du « communisme » en Europe de l’Est à partir de l’automne 1989. Toutes les enquêtes d’opinion montrent la dilution du clivage gauche-droite, tant dans les opinions exprimées par les personnes interrogées que dans les valeurs qui semblaient identifier jusqu’ici la gauche et la droite.

Le journal Le Monde du 9 janvier 2014 titrait sur une pleine page : « En Europe, le clivage gauche-droite s’estompe ». Toute son argumentation, imparable, reposait sur le constat de l’alliance entre ce que certains commentateurs persistent à appeler des partis de « gauche » (partis socialistes, travaillistes ou socio-démocrates) et des partis conservateurs. En effet, parmi les 28 pays membres de l’Union européenne, 10 étaient gouvernés par de « grandes coalitions ». Pour cinq d’entre elles la « droite » était à la tête du gouvernement : Allemagne, Finlande, Grèce, Luxembourg, Pays-Bas. Pour les cinq autres c’était la « gauche » : Autriche, Belgique, Italie, République tchèque, Roumanie. Ajoutons que le rapport des forces était assez équilibré dans l’Union européenne puisque 9 pays étaient dirigés par la « droite » seule, et 7 par la « gauche » seule. Les pays dirigés par la « droite » seule étaient : Espagne, Estonie, Hongrie, Irlande, Lettonie, Pologne, Portugal, Royaume-Uni, Suède. Les pays dirigés par la « gauche » seule étaient : Bulgarie, Croatie, Danemark, France (!), Lituanie, Slovaquie, Slovénie. Quelles étaient les politiques menées par ces « grandes coalitions » ? C’était systématiquement des politiques néolibérales.

En France, selon une enquête CEVIPOF SOFRES de janvier 2010, 67% des personnes interrogées ne faisaient confiance ni à la gauche, ni à la droite pour gouverner le pays.

Seulement 16% faisaient confiance à la droite et 14% à la gauche. Quant à l’enquête du CEVIPOF de décembre 2013, elle posait la question suivante : « Etes-vous d’accord avec la phrase suivante ; aujourd’hui, les notions de droite et de gauche ne veulent plus rien dire ». La réponse était « oui » à 73% (63% en 2011).

Avec le recul de près de deux siècles sur ce qui constitua la gauche – ou les gauches -, il est désormais temps d’en faire le bilan critique. Le cœur du problème depuis cinquante ans est bel et bien le rejet par la gauche de la souveraineté nationale, qui a réussi à la stigmatiser comme un mal absolu et central. C’est aussi, corrélativement, la méfiance fondamentale envers l’Etat, vu comme la matrice du totalitarisme (en acceptant d’ailleurs que ce concept idéologique, celui de totalitarisme, ait une valeur historique rigoureuse). Les directions politiques des partis qui continuent, comme le PS, à s’intituler « de gauche », ont ainsi progressivement, tournant absolument majeur et pourtant très peu souligné, abandonné la souveraineté nationale. Et aucun parti de la gauche actuelle disposant d’une visibilité médiatique, en effet, n’est favorable à une restauration de la souveraineté nationale. Cette situation est paradoxale, alors même que la souveraineté nationale est si manifestement l’objet central des attaques de la mondialisation néolibérale et de son relais européen afin d’empêcher les classes dominées de disposer de ce levier cardinal, en théorie comme en pratique, pour peser dans la détermination des normes collectives contraignantes, et pour commencer de la loi. Comment la gauche a-t-elle pu arriver à cette conclusion stupéfiante pour un mouvement politique censé exprimer les intérêts structurels des classes dominées ?

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