Le Pardem ne se place pas dans le clivage gauche-droite

Victimes collatérales de la nouvelle gauche, les classes dominées attendent que soit entreprise une vaste opération pour démystifier les représentations mythiques de la « gauche ». Elles ont compris qu’elles ne pouvaient compter ni sur la droite ni sur la gauche. Elles doivent même particulièrement se méfier de cette dernière puisque celle-ci était censée parler en son nom. Elle s’est en réalité révélée par ce biais capable de faire passer les mesures les plus lourdes de conséquence pour elles, avec, cerise sur le gâteau pourtant déjà lourd à digérer, l’accord de nombreux syndicats.

 

gauche droite 1

L’augmentation continue de l’abstention massive et du vote strictement protestataire chez les classes populaires, entre autres signes innombrables, démontre la claire conscience de leur part de cette trahison et la colère et la désorientation qui en découlent. Non seulement nous sommes retournés à une gauche dont le rôle est comparable à celui qui fut le sien au XIXe siècle, mais nous sommes même remontés à l’époque où les classes populaires ne pouvaient pas encore compter sur des syndicats et des partis qui les représentent. L’état actuel de vulnérabilité, d’inorganisation et d’anomie des classes dominées nous fait revenir à ce que nous décrivait Dickens, les conditions matérielles et de travail extrêmes en moins. Pour l’instant.

Tout projet qui tente de réenchanter la notion de « gauche » (Parti de « gauche »… Front de « gauche »… Autre « gauche »…) se heurte désormais immanquablement à un scepticisme d’acier de la part du peuple, très majoritairement, qui refuse de se laisser berner une nouvelle fois en mettant au pouvoir une élite de gauche, qu’elle soit nouvelle, plurielle, seconde, se présentant sous le vocable d’un parti ou d’un front, ceci ou cela.

Le mot « gauche » est devenu un mot repoussoir pour les victimes de la mondialisation.

Et on peut tout à fait le comprendre. Il y a donc un criant manque de relais politique pour faire repartir le processus démocratique. Le Pardem se propose de relever le gant pour rejoindre résolument le camp des classes dominées, et trouver les moyens de le leur faire savoir.

Les fondamentaux du Pardem sont suffisamment clairs et parlants pour le situer politiquement sans avoir besoin de réactiver des idéologies aussi floues et ambivalentes que celle du clivage gauche-droite. Le clivage fondamental est celui des classes dominantes contre les classes dominées. Il passe toujours par les institutions et les modes de production et d’échanges concrets, selon des modalités différentes bien sûr à chaque époque. C’est ce que doit relever et expliciter chaque parti politique qui respecte son rôle. C’est ce que nous faisons.

Le Pardem a donc décidé de mener le débat idéologique sur la situation de la gauche actuelle, responsable de l’impasse politique. La critique par le Pardem des insuffisances de la gauche - déjà réalisée - va prendre une tournure plus explicite et radicale. Il y a incompatibilité idéologique et programmatique totale entre le Pardem et la gauche telle qu’elle est devenue. Il ne s’agit pas de procès d’intention ou d’exagération des différences qui, dans le fond, se révèleraient en fait mineures. C’est ce que voudraient croire des électeurs et des militants du PG par exemple, qui pensent que de toute façon, les dirigeants de leur parti en viendront forcément à « désobéir » à l’UE, et finalement à sortir de l’euro.

Le raisonnement des optimistes du PG, qui partagent tout ou partie de notre programme, mise sur la pression de la situation et la pression populaire. Certes, on ne peut que constater, pour s’en féliciter d’ailleurs, que les tabous sur les questions européennes sautent les uns après les autres face à la montée des impasses européennes, et aussi grâce au travail du Pardem et de quelques autres. Mais c’est ne pas voir que s’en remettre à l’improvisation des dirigeants du PG qui ont en tête cet objectif supérieur d’intégration des Etats-nation européens, ne sont pas ceux sur lesquels il faut compter pour réagir de la bonne manière quand les choix décisifs devront être pris.

Adhérer au Pardem plutôt qu’à un des partis de la gauche actuelle est une nécessité.

Le Pardem relève ainsi publiquement ces contradictions et mène le débat idéologique sur l’impasse de la gauche. Il explicite les fondamentaux idéologiques de la position de la gauche actuelle, en fait l’histoire critique, et c’est une raison puissante qui motive une radicalisation de la position publique du Pardem. Pour que l’on nous comprenne bien, sans pouvoir être accusés pour autant de voir des traîtres et des complots partout, nous démontrons tranquillement pourquoi la gauche n’a pas l’intention d’attaquer de front les piliers principaux du nouveau capitalisme. Si le Pardem ne le fait pas, on l’accusera fatalement de faire gratuitement de la division et des procès d’intention. Si le Pardem ne le fait pas, il y a fort à parier que personne ne le fasse.

Il ne faut pas oublier l’argument logique que l’on nous sert parfois, voulant que si les partis de gauche actuels sont tout à fait capables, à terme, d’incarner les ruptures que le Pardem met en avant, alors il n’y a aucune raison de privilégier notre parti encore peu connu et aux dimensions modestes. C’est la raison pour laquelle nous expliquons pourquoi les directions actuelles des partis et mouvements de la gauche n’ont pas les bonnes positions idéologiques et stratégiques face à la mondialisation et à l’Union européenne, et que la logique des choses fait qu’on ne peut pas compter sur eux pour réagir correctement aux défis majeurs qui en découlent. Ainsi nous voulons convaincre qu’il faut privilégier le petit Pardem face aux mastodontes de la gauche. Si nous n’y arrivons pas, et que certains se contentent de puiser des analyses décapantes chez le Pardem en espérant que les directions de ces partis les incorporent plus ou moins, ce sera l’impasse pour tout le monde.

Le Pardem se propose donc d’être la voix de l’exaspération des classes dominées, de manière constructive, contrairement au FN.

Mais sans fausse honte, en n’hésitant pas à mener un débat idéologique sans concession contre les directions des partis de gauche, leur bilan et leur idéologie (et bien sûr de la droite et de l’extrême droite, mais cela est plus facile et évident).

Comme les classes dominées exaspérées et les eurocritiques radicaux méfiants, le Pardem a pris la mesure de la trahison des élites. Il est prêt à brûler ses vaisseaux pour ce faire, à franchir le Rubicon de la coupure franche et nette avec les dirigeants de la gauche actuelle. C’est ce qui permet d’indiquer la voie d’un dépassement de leur abandon des classes populaires et de la construction d’une alternative viable et enthousiasmante. Cette voie est incompatible avec le ménagement même partiel des directions des partis, des mouvements, des médias et des syndicats (dont la plupart sont membres de la Confédération européenne des syndicats) de la gauche actuelle, qui sont en bout de course et se montrent incapables de relever avec succès les gigantesques défis actuels. Le tropisme du Pardem l’éloigne chaque jour un peu plus de la gauche renouvelée. De cette logique, il ne faut pas être les spectateurs passifs et contraints, mais les acteurs lucides et offensifs. Le Pardem développe cette stratégie, cependant, sans se couper, autant que faire se peut, des militants et surtout des électeurs de la gauche, qui ne disposent pas encore des clés pour analyser la nature de l’impasse actuelle dont ils souffrent néanmoins. Les partis qui ont conservé des liens avec le PS entrent dans le système du « râteau télescopique » qu’utilise depuis toujours le PS pour attraper les voix des électeurs qui ont une sensibilité de gauche.

Autrefois, on trouvait au sein-même du PS des tendances « rouges » (la « gauche socialiste » et autres fariboles). Le discrédit du PS est tel aujourd’hui que ces tendances ne peuvent plus jouer sérieusement sur l’image du PS. Le PCF les a remplacés. D’ailleurs, le PS ne cherche plus comme autrefois à « aspirer » les voix du PCF : il n’y a plus grand-chose à aspirer, et il a besoin du PCF pour faire durer le plus possible son image de « gauche ». On peut dire que le PCF se retrouve grosso-modo dans la même situation que le PSU dans les années 70. Dans la stratégie du « râteau télescopique » du PS, les tendances plus « à gauche » au sein du PCF servent à leur tour à préserver l’image « rouge » du PCF et servent de caution à sa direction. Qu’on ne s’y trompe pas : tous ces militants sincèrement critiques avec leur organisation ne le sont plus lorsqu’il s’agit de faire campagne pour les candidats de leur parti lors des élections. Par exemple, ceux qui avaient suivi la tendance Fabius en 2005, au moment du TCE, on fait campagne pour Royal puis pour Hollande…

Les classes dominées ont besoin d’une nouvelle idéologie, pleinement adaptée à la situation actuelle. Elles ont besoin d’un nouveau parti. De nouveaux syndicats. D’une nouvelle stratégie. On ne pourra pas faire du neuf avec du vieux. C’est bien trop tard.

Une fois la nécessaire prise de distance réalisée avec les dirigeants du Front de gauche et effectuée l’analyse de l’idéologie de la gauche actuelle sur la souveraineté nationale, il faudra s’attaquer à dénoncer les initiatives de la gauche pour ce qu’elles sont 9 fois sur 10. À savoir une stratégie dilatoire permanente pour ne pas se saisir des vrais enjeux et étouffer la dénonciation populaire des vraies contraintes. Le Pardem bien sûr continuera à être, parallèlement aux ersatz des initiatives du Front de gauche, une force de propositions qui construise des alternatives décisives face aux menaces actuelles. Mais il ne veut plus s’en contenter, puisque sa propre histoire prouve que cela n’est pas suffisant pour que les eurocritiques lui fassent confiance et qu’ils ne l’associent pas avec ceux qui prônent l’inverse. Les militants de gauche ne doivent pas croire que ce que le Pardem propose est déjà ou sera à terme peu ou prou inclus ou compatible avec les stratégies du Front de gauche. Les classes dominées doivent nous distinguer de ce que propose la « gauche de gauche », sur laquelle elles ne fondent aucun espoir particulier.

Dès lors, quelle utilité pour les classes dominées que cette gauche, dans son ensemble ? Aucune. Elle fait indéniablement partie du problème, c’est même le problème principal.

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