La notion de « souveraineté » vient de 1789, lorsque la « Révolution bourgeoise à soutien populaire » s’est faite pour conquérir la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. Or, ces deux principes politiques fondamentaux sont aujourd’hui combattus avec la plus extrême vigueur par la propagande néolibérale. C’est ainsi que prôner la souveraineté – populaire, nationale ou alimentaire - expose immédiatement à l’accusation de « souverainisme », notion au demeurant mal définie, mais dont on sent qu’elle n’est pas un compliment. De la même manière, invoquer le peuple serait une preuve de « populisme », alors qu’évoquer la nation serait un témoignage de « nationalisme ».
On nous dit et on nous répète que les « décideurs économiques » joueraient sur un terrain mondial, alors que les « décideurs politiques » joueraient sur un terrain national. Dès lors, la compétition serait inégale, les seconds ne pouvant que laisser la place aux premiers. C’est pourquoi, selon les néolibéraux, la souveraineté nationale serait une notion non seulement inadaptée, mais dangereuse, car elle ne pourrait, sur le plan politique, qu’isoler la France, et la mettre en difficulté sur le plan économique. D’autant qu’en raison de la mondialisation, la question ne se poserait même plus…
Quant à la souveraineté populaire, la complexité du monde actuel la rendrait contreproductive et elle ne pourrait relever que de la démagogie. La meilleure preuve de ce raisonnement peut être trouvée dans la victoire du NON au référendum sur le Traité constitutionnel européen en 2005, et le refus, par le gouvernement français, de soumettre le Traité modificatif européen à un nouveau référendum. En 1958, de Gaulle avait utilisé le référendum pour contourner le Parlement ; en 2007, Sarkozy utilise le Parlement pour contourner le référendum, c’est-à-dire le peuple ! Quant aux autres pays européens, leurs gouvernements n’ont évidemment pas non plus organisé de référendum, justifiant cette attitude, quand c’était le cas, par l’existence de constitutions – réactionnaires – qui ne le permettaient pas. Hélas, dans ces pays, la soumission est telle que le peuple lui-même a perdu la force de s’ériger en souverain.
Pour se déployer avec toute l’ampleur souhaitable, les politiques néolibérales ont besoin de faire sauter les deux verrous que représentent la souveraineté nationale et la souveraineté populaire. Ils y sont partiellement parvenus en faisant croire que la nation était un cadre désuet à l’heure de l’Europe et de la mondialisation, tandis que le peuple, face à la complexité croissante du monde, n’avait aucune aptitude à s’exprimer.
Selon le néolibéralisme, le marché, spontanément, avait réponse à tout, à la condition d’être totalement libre de ses mouvements. Or, précisément, la souveraineté nationale et la souveraineté populaire peuvent, à tout moment, entraver cette liberté. L’idéal, pour les néolibéraux, était donc de formater les esprits en les acclimatant peu à peu à l’idée que toute réforme de structure serait désormais interdite en raison de la « contrainte extérieure » que représenterait, pour chaque nation, la mondialisation.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, cette stratégie des néolibéraux a parfaitement bien fonctionné, comme en témoigne, pour ne prendre que cet exemple, la « construction européenne » qui n’a fait que construire le néolibéralisme à l’européenne.
C’est pourquoi le Pardem se fixe pour objectif de faire de la souveraineté des nations et des peuples LA question politique principale, car cette question « surplombe » toutes les autres. Cette analyse, bien évidemment, n’a rien à voir avec du souverainisme, du populisme ou du nationalisme. Il s’agit d’une perspective universaliste. C’est la liberté pour la France – comme pour chaque pays – de choisir son système économique et social. C’est, par exemple, ou ce devrait être, la liberté pour chaque pays de refuser d’importer des OGM, ou de s’opposer aux délocalisations d’entreprises, ou de réinstaller le contrôle des changes.
Lutter pour la souveraineté nationale, la souveraineté populaire et la coopération internationale entre les peuples, c’est nécessairement lutter contre la mondialisation. Et lutter contre la mondialisation, c’est aussi, nécessairement, lutter pour la souveraineté nationale, la souveraineté populaire et la coopération internationale entre les peuples puisque la mondialisation, précisément, pour atteindre son objectif de réorganisation du travail à l’échelle planétaire, vise à détruire toute souveraineté et toute coopération internationale. Un immense effort de clarification idéologique, historique, politique est donc nécessaire sur ces questions, tant la propagande néolibérale a fait de ravages.
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