Par Dimitris Kazakis, Président de l’EPAM
Les Britanniques ont voté pour le Brexit, tout en ignorant les menaces, les intimidations et les fables monstrueuses.
Les professionnels de la division, de la guerre civile et du racisme européen sont en panique. Le Royaume-Uni a voté pour le Brexit, en donnant à Boris Johnson un man-dat sans équivoque - “Get Brexit done” ; “que le Brexit se fasse”. C'était de toutes fa-çons le slogan de la campagne électorale des Conservateurs.
La BBC prédit que les Conservateurs avec 43.6% des voix, obtiendront 364 sièges, et que les Travaillistes du Labour, avec 32.2%, auront 203 sièges. Les Libéraux-Démocrates avec 11.5% auront 12 sièges, tandis que le SNP (le parti national écos-sais, NdT) avec 3.8% aura 48 sièges. Un parti a besoin de 326 sièges pour s'assurer la majorité absolue à la Chambre des Communes.
“Ces élections mettent en évidence le fait que la mise en oeuvre du Brexit est désor-mais la décision irréfutable, irrésistible et incontestable du peuple britannique. Et je crois que par ces élections, nous mettrons fin à toutes ces menaces minables et mé-prisables d'un second referendum,” a dit Johnson en commentant la véritable significa-tion du résultat électoral.
Presque trois années entières après l'activation le 29 Mars 2017 de l'article 50 du Trai-té sur le Fonctionnement de l'UE – connu sous le nom de Traité de Lisbonne – par Theresa May, Premier Ministre de l'époque, et un tir de barrage composé d'attaques pitoyables contre les citoyens britanniques, afin d'inverser de façon coercitive et à la manière d'un coup d'Etat, le résultat du referendum de 2016, et ainsi garder le Royaume-Uni au sein de l'UE, les Britanniques, et principalement la classe ouvrière, ont confirmé leur décision initiale au-delà de tout doute : Le Royaume-Uni doit quitter l'Union Européenne.
Je me demande : où sont tous ceux qui anticipaient que le peuple britannique avait changé d'avis sur le Brexit ? Où sont tous ceux qui ont fait l'éloge des coups du Parle-ment, où une alliance contre-nature des travaillistes, des libéraux et des nationalistes, ainsi que toute sorte de monstres européens, ont tenté d'empêcher la mise en oeuvre du Brexit par tous les moyens ?
Où sont tous ceux qui, manquant de l'intelligence la plus élémentaire de la démocratie, ont soutenu le coup d'Etat juridique de la Cour Suprême du Royaume-Uni, laquelle avait déclaré que le referendum était “consultatif”, tout en tentant de contourner le ver-dict de la majorité par des clichés idéologiques odieux, renvoyant l'ordre constitution-nel du Royaume-Uni à l'époque d'avant Cromwell ? Seulement cette fois, les fossiles historiques de la Cour Suprême n'ont pas défendu la monarchie absolue contre le peuple, comme ils le firent à de nombreuses reprises par le passé, mais l'absolutisme de l'Union Européenne contre la majorité des citoyens britanniques.
Où sont tous ceux qui, de la manière la plus vile, ont dénigré la classe ouvrière britan-nique pour leur fermeté dans leur décision de sortir leur pays de l'UE ? Où sont tous ceux qui marquèrent au fer rouge les travailleurs britanniques dans les villes et les campagnes, en les traitant de racistes, de fascistes, d'extrêmistes de droite, en parti-culier ceux qui subissent le côté le plus impitoyable d'un capitalisme sauvage – plus sauvage que celui que Thatcher voulait imposer – mis en place grâce au processus d'intégration européenne par Tony Blair, criminel de guerre notoire pour ses crimes contre l'humanité et Premier Ministre travailliste.
Tous ces gens-là sont en panique aujourd'hui. Mr Corbyn, chef du Parti Travailliste, qui a subi une défaite cuisante, a annoncé qu'il ne dirigerait pas son parti dans une autre campagne électorale. Peu importe ce que cela peut vouloir dire. Il paiera ,justement, le prix de son incapacité politique et idéologique à comprendre, mais aussi à défendre le droit fondamental de tout travailleur, et avant tout de la classe ouvrière, le droit à l'auto-détermination nationale et à la souveraineté populaire. Il est impossible pour les diri-geants travaillistes de saisir ce qui peut être compris par le travailleur le plus inexpéri-menté politiquement, à savoir que lorsque la souveraineté nationale de votre pays est en jeu, votre principal souci est de la défendre. Car sans elle, il ne peut y avoir de droits ni de progrès pour les classes populaires. Il ne peut même pas y avoir de démo-cratie représentative pour le peuple
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Mr Corbyn et ses camarades croyaient qu'ils pouvaient manipuler la masse des travail-leurs et les désorienter en supprimant cette question principale, tout en agitant l'épou-vantail du thatcherisme conservateur, ainsi qu'en tentant d’orienter l'agenda politique vers des politiques, supposées différentes, qu'ils proposaient. Aux électeurs qui ve-naient voter, Corbyn déclarait : “Boris Johnson vendra notre NHS (le système de santé publique au Royaume-Uni, NdT) et c'est ça la question. Aujourd'hui, vous votez pour sauver notre NHS. Votez pour des augmentations de salaires. Votez pour un accueil des enfants gratuit. Votez pour des prix et des factures plus économiques. Votez pour le véritable changement. Votez travailliste.”
Les classes laborieuses du Royaume-Uni, et en particulier les travailleurs britanniques les plus épuisés, ont entendu, encore et encore, Corbyn promettre des soins gratuits et une protection sociale, des augmentations de salaires, la nationalisation de secteurs stratégiques, la lutte contre le chômage, etc. Mais ils n'ont pas entendu, ni de lui ni de n'importe qui d'autre à la direction du Parti Travailliste, d'explications sur le “comment faire”.
C'est-à-dire, comment tous ces miracles peuvent-ils être accomplis dans un régime de libre circulation des capitaux, des marchandises et des personnes au sein de l'Union Européenne ?
Les travailleurs ont désormais suffisamment d'expérience. Ils savent parfaitement ce que l'adhésion à l'UE leur a couté et leur coute encore en termes de salaires, d'emplois et de progrès social. Et surtout, ils savent que, aussi longtemps que leur pays se trouve lui-même dans l'UE, ils n'ont aucune chance d'imposer un changement pour des politiques qui leur soient favorables. A l'intérieur de l'UE, ils peuvent changer de gouvernement, très bien. Mais ils ne peuvent pas changer les politiques qui leur sont hostiles. Les travailleurs britanniques, en particulier ceux appartenant aux couches les plus pauvres et les plus épuisées de la classe ouvrière, autrefois la base sociale et électorale du Parti Travailliste, savent très bien ce que Corbyn, la direction du Parti Travailliste et tous leurs conseillers, veulent ignorer : Le plus grand danger qui guette le NHS, la protection sociale, les salaires et l'emploi au Royaume-Uni, n'émane pas des Conservateurs, mais bien de l'Union Européenne.
Dans un Royaume-Uni hors de l'UE, les classes laborieuses savent très bien qu'elles peuvent se débarrasser des Conservateurs, de Johnson et de leur thatcherisme. Ils l'ont déjà fait par le passé. Avec le Royaume-Uni à l'intérieur de l'UE, ils n'ont pas leur mot à dire sur les orientations fondamentales des politiques appliquées.
Ceci est confirmé non seulement par leur expérience, leur vécu de la situation dans leur propre pays, mais aussi par ce qu'il se passe dans chaque pays de l'UE. Au cours des quelques vingt années d'existence de l'Union Européenne, par la mise en oeuvre des soit-disant “libertés communautaires” pour le capital et les marchés, les travail-leurs, même dans les pays les plus développés d'Europe, ont perdu presque tous leurs conquis sociaux, qu'ils avaient arrachés par deux siècles de luttes. L'état des travail-leurs de l'UE ressemble de plus en plus à celui des débuts de la Révolution Indus-trielle, à une époque dominée par le darwinisme social, lequel a été à présent renom-mé néolibéralisme.
Voilà pourquoi le Brexit était et est soutenu par les syndicats dans tout le Royaume-Uni. Les sondages d'opinion, ainsi que ceux de sortie des urnes, sur les récentes élec-tions, confirment ce fait une fois de plus.
Alors, comment peuvent-ils prendre au sérieux Corbyn et ses promesses ? Comment peuvent-ils ne pas croire qu'il soit un imposteur politique, lorsque dans la mandature précédente, il n'a pas hésité à s'allier avec des forces néolibérales extrêmes, telles que les Libéraux Démocrates ? N'oublions pas ce que Guy Verhofstadt, s'adressant au nom de la nomenklatura européenne au congrès des Lib-Dem, a ouvertement déclaré, le 15 Septembre dernier :
“L'ordre mondial de demain n'est pas fondé sur des Etats-nations ou des pays. C'est un ordre mondial fondé sur des empires, dans lequel nous autres Européens et vous les Britanniques, pouvez défendre vos intérêts, votre mode de vie, en coopérant dans un cadre européen et au sein d'une Union Européenne.”
Et il fut applaudi avec enthousiasme. A qui Guy Verhofstadt s'adressait-il, si ce n'est à des gens sans scrupules et nostalgiques des empires et du colonialisme ? Combien plus racistes que lui étaient ces vieux enthousiastes des races supposées “supé-rieures” et “inférieures”, lorsque ledit gentleman européiste refuse à n'importe quel peuple le droit à l'auto-détermination nationale ? Et qu'est-ce qu'un peuple sans l'auto-détermination, sinon un esclave et un vassal ?
Mr Corbyn et ses camarades ne trouvent rien à objecter dans une force politique, qui cherche le remplacement du vieil empire britannique par un empire supranational mo-derne – l'Union Européenne. Main dans la main lors de la mandature précédente, ils ont fait la promotion d'un coup d'Etat pour empêcher le Brexit.
Bien entendu, pas plus Mr Corbyn que la direction travailliste n'ont hésité à coopérer avec le SNP (le parti national écossais, NdT), d'extrême-droite. Afin que le Brexit ne se réalise pas, les patrons travaillistes de Corbyn n'ont rien trouvé de mieux que le natio-nalisme extrême de ce parti en particulier, lequel, au nom d'une idéologie raciale parti-culière, cherche à séparer l'Ecosse du Royaume-Uni et à la vendre à l'Union Euro-péenne. Peut-être cherchent-ils à vendre l'Ecosse à un bien meilleur prix que celui obtenu par les seigneurs féodaux du pays, lorsque ces derniers se sont vendus, ainsi que leurs serfs, au monarque anglais…
Comment Corbyn pouvait-il convaincre qui que se soit lorsqu'il s'est opposé au sens démocratique le plus élémentaire de la classe ouvrière, classe que son parti a manipu-lée pendant des décennies ? Comment a-t-il pu faire cause commune avec une bande de députés renégats de la City lors de la dernière mandature, des néolibéraux hysté-riques, fanatiques de la grandeur impériale de l'Union Européenne, des extrémistes et des racistes, qui n'ont aucun problème à voir le Royaume-Uni s'embraser dans les flammes d'une nouvelle guerre de sécession qui mènerait à son démantèlement avec la bénédiction du cartel bancaire ?. Même Bloomberg, l'un des représentants typiques de la richesse parasite la moins scrupuleuse à l'échelle mondiale, ne pouvait cacher sa préférence pour le Parti Travailliste, pourvu qu'ils empêchent le Brexit.
Donc, comment tous ces professionnels de la tromperie politique ne pouvaient-ils pas paniquer ? Et bien évidemment, entêtés et irrécupérables comme ils sont, ils ont mis bas les masques et montré leur visage fasciste. “Les sondages en sortie des urnes de la BBC prévoient que les Conservateurs obtiendront environ 70 sièges. Si c'est le cas, ce serait une victoire des vieux sur les jeunes, des racistes sur les gens de couleur, de l'égoïsme sur la planète. L'Ecosse quittera le Royaume-Uni.” Ainsi parlait Paul Mason, le grand conseiller de Corbyn et un chaud partisan de la double monnaie !
Combien, profondément raciste – de ce vieux racisme qui savait comment imposer les intérêts de la “planète” ou de la “terre habitée” sur les “égoïsmes” des indigènes à tra-vers le monde, par des génocides et des nettoyages ethniques – doit-on être, si l'on est aveugle à l'évidence : Le fait que la majorité des Britanniques, et en particulier les plus humbles et les plus écrasés de la classe ouvrière, affirme son droit à son auto-détermination nationale. Le droit d'avoir son mot à dire. Le droit de prendre des déci-sions engageant la destinée de leur propre pays.
Combien, profondément impérialiste doit-on être, si l'on est incapable de percevoir cette évidence ?
Est-ce que le résultat de l'élection assure que le Royaume-Uni mettra en oeuvre le Brexit ? Non, il détruit seulement le récit de la propagande officielle selon laquelle les Britanniques auraient changé d’avis. Les forces impériales des européistes se regrou-pent pour empêcher le Royaume-Uni de quitter l'UE. Et la corruption sera déchaînée. Tout comme lors de la mandature précédente.
Par ailleurs, les Conservateurs ont pu remporter la majorité à la Chambre des Com-munes, sous la bannière du “Get Brexit done” – “que le Brexit se fasse”. Mais ce n'est pas suffisant. Quelle sera leur priorité ? Un Brexit clair et net, ou peut-être un accord avec l'UE, que l'on pourrait qualifier de Brexit sans être le Brexit ? Combien de temps la nouvelle majorité compacte de Johnson au Parlement resistera aux charmes de l'apostasie ? N'oublions pas qu'un gros paquet d'argent est en jeu pour le cartel ban-caire de l'Europe.
Et surtout, comment pourra-t-il gérer la menace de la sécession de l'Ecosse et de l'Irlande du Nord hors du Royaume-Uni, maintenant que le Sinn Fein a prévalu ? Je pense que ce sera l'une des cartes-maîtresses que les représentants politiques de l'Europe impériale vont utiliser, afin d'empêcher le Brexit souhaité ou pour le dénaturer complètement.
La seule réaction efficace aux menaces de guerre civile et de partition émanant des Iago de la construction européenne, réside en la sortie immédiate, sans le moindre délai, du Royaume-Uni hors de l'UE, avec un renforcement parallèle des droits des travailleurs dans le pays. Seul un retour aux politiques économiques et sociales des années d'après-guerre, avec pour levier les nationalisations, la protection sociale, le plein emploi permanent, les hauts salaires, principalement dans les secteurs primaire et secondaire au développement dynamique, peut contrecarrer les plans de partition du Royaume-Uni par les forces de l'Europe impériale.
Est-ce que les Conservateurs de Johnson sont capables de relever un tel défi ?
Sinon, une chose est sûre. La division autour du Brexit grandira, plus forte et plus pro-fonde. Elle prendra des dimensions sans précédent. Sans précédent même pour l'his-toire britannique.
Publié le 13 Décembre 2019