Le 23-10-2021
Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Parti de la démondialisation aux relations internationales
Scandale et crise d’apoplexie chez les européistes : la plus haute juridiction polonaise, le tribunal constitutionnel, s’est prononcée le 7 octobre contre la suprématie absolue du Droit de l'Union européenne. Elle affirme ainsi la primauté du Droit polonais sur le Droit européen. Disons-le tout de go : nous n’avons aucune sympathie pour le gouvernement polonais, mais la décision, historique, prise par le tribunal constitutionnel polonais et les réactions qu’elle a entraînées méritent quelques éclaircissements.
Utile pour tous les pays « appartenant » à l’Union européenne.
La réaction politique de la mafia eurocrate
Dominer sans contestation, tel est le crédo de la Commission européenne (CE). Et cela s’applique d’abord par le Droit. En effet, le Droit est une forme “plus subtile” de domination que “le marché" et la “concurrence libre et non faussée” dont les peuples subissent cruellement les méfaits. C’est pour assoir sa domination et surplomber (passer au-dessus) les droits nationaux, que l’Union européenne (UE) a créé la Cour de justice européenne (CJUE).
Mais le conflit entre la CE et Varsovie, à propos de la réforme du système judiciaire polonais, est ancien. Le parti Droit et Justice (PiS) l’estime comme nécessaire pour rendre les tribunaux plus efficaces, mais ses détracteurs et la CE la voient comme un frein à l'indépendance des juges. A cela se sont ajoutés des différends sur la liberté de la presse et les droits de la communauté LGBT.
La décision du Tribunal constitutionnel fait suite à une saisine par le Premier ministre (Mateusz Morawiecki) qui avait demandé à la juridiction de se prononcer sur la légitimité des institutions de l'UE à empêcher la réforme du système judiciaire polonais.
La question de fond, la vraie, est là !
Ce ne sont donc pas les réformes judiciaires controversées (et contestables) introduites par le parti Droit et Justice (PiS) au pouvoir en Pologne qui sont en cause. En effet, le Tribunal constitutionnel polonais a déclaré que certains articles du traité de l'UE étaient "incompatibles" avec la Constitution polonaise et enjoint les institutions européennes à ne pas "agir au-delà du champ de leurs compétences" en interférant avec le système judiciaire polonais. Une contestation de sa supranationalité inadmissible pour la CE et sa CJUE. Et elle le fait claironner par son commissaire européen à la Justice, Didier Reynders, qui a déclaré que l'UE « utilisera tous les outils » à sa disposition pour protéger la primauté du Droit européen qui se trouve « au cœur de l’Union »…Et par David Sassoli, le président du Parlement européen : « La primauté du droit européen ne peut être remise en cause. Car c'est s'attaquer à l'un des principes fondateurs de notre Union. ». Bien entendu, la macronie eurobéate a emboité le pas en faisant aboyer le Quai d’Orsay qui a qualifié la décision des Polonais de « gravissime ». Pour rappel, en septembre 2021, la Commission avait demandé à sa “Cour de justice” d'infliger des amendes quotidiennes à la Pologne, jusqu'à ce qu'elle suspende ses réformes judiciaires.
Pourtant, il est vrai que les traités européens sont incompatibles avec les Constitutions nationales et sapent la souveraineté des pays membres. C’est d’ailleurs pourquoi le Titre XV, intitulé « De l'Union européenne, de la Constitution Française », a été modifié et adopté par le parlement félon le 28 février 2005. Il a acté la supériorité du « Droit européen » sur la Constitution française.
Pour l’UE, les peuples sont des idiots, des incapables et des soumis…
La rengaine est connue. Pour imposer son pouvoir, la CE (et sa CJUE) se réfugie derrière « l’État de droit ». Selon l’UE, depuis 2015, le PiS veut contrôler le pouvoir judiciaire, le gouvernement polonais n’aurait cessé de saper l’indépendance de la justice et de sanctionner les juges rebelles et installé une de ses proches, Julia Przylebska, à la tête du Tribunal constitutionnel. Bien, admettons. Ce qui est vrai en Pologne serait faux dans d’autres pays “européens” ? La justice serait libre en France par exemple ? Les Gilets jaunes n’auraient subi aucun acharnement judiciaire ? On peut en douter et en rire…
De plus le peuple polonais serait incapable de lutter contre son gouvernement ? Au point que seule la CE serait garante de la démocratie ? Il est vrai que son ancien Président, Jean-Claude Juncker, affirmait tout de go : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens ».
Pourtant le peuple polonais résiste. Il l’a démontré récemment en luttant pour le droit à l’avortement. C’est aux Polonais eux-mêmes de construire un rapport de force favorable au changement de son gouvernement. Pas à l’UE ou à quiconque d’imposer des changements de l’extérieur. Le soutien aux luttes du peuple polonais s’appelle l’internationalisme. Le changement conduit de l’extérieur s’appelle l’impérialisme.
D’ailleurs celui de l’UE (en novlangue : pression) est actif et se manifeste en faveur de Donald Tusk qui dirigeait le précédent gouvernement polonais. Tusk était ensuite devenu président du Conseil européen puis a été élu à la tête du Parti populaire européen (PPE). Ce pantin, référence en matière de discipline et d’européisme intégriste, que la CE regrette encore, a pris la tête de l’opposition avec l’aide et la bénédiction de l’UE.
Cirque médiatique, comme d’habitude !
Pour tenter de masquer ses échecs (sanitaires, diplomatiques…), de contrecarrer le succès du Brexit et d’endiguer la remise en cause par les peuples de l’appartenance de leurs pays à “l’Union”, celle-ci allume un contre-feu et agite un pseudo-épouvantail : le polexit (référence au Brexit), dont ni l’UE ni le gouvernement polonais ne veulent.
La propagande institutionnelle va jusqu’à faire manifester des Polonais pour “rester dans l’Union” et filmer une pleureuse à Varsovie. Pathétique.
Et les chiens de garde européistes aboient :
- « Verdict dévastateur aux conséquences imprévisibles » (El País - quotidien espagnol),
- « La plus haute instance juridique du pays, qui avait reporté sa décision quatre fois d’affilée, affirme ainsi la primauté du droit polonais sur le droit européen » (Le Monde),
- « L'UE utilisera tous les outils à sa disposition pour protéger la primauté du droit européen qui se trouve au cœur de l’Union » (France 24),
- « L'arrêt est une nouvelle étape du conflit qui oppose depuis 2016 les institutions européennes au gouvernement populiste polonais au sujet de ses réformes qui remettent en cause, de l’avis de l’unanimité des juristes, l’indépendance de la justice et les fondements de l’État de droit » (encore Le Monde),
- « Le tribunal constitutionnel de Pologne est ainsi sous le contrôle du parti au pouvoir, Droit et Justice, et composé de plusieurs juges nommés en violation de la constitution polonaise » (Politico),
- Le bras de fer juridique entre Bruxelles et Varsovie en vient à faire « craindre que la Pologne ne finisse par quitter l'Union européenne » (L’Express)…
Pourtant (et malheureusement ajoutons-nous…) le gouvernement polonais ne souhaite pas quitter l’UE. Son Premier ministre, Mateusz Morawiecki, a assuré que « La place de la Pologne est et sera dans la famille européenne des nations, que son pays souhaitait rester dans l'Union européenne car environ 80 % des Polonais soutiennent l'appartenance à l’UE… » Il faut dire que cette dernière a accordé à la Pologne depuis son adhésion en 2004, des milliards d'euros de subventions, permettant ainsi à ses entreprises de faire baisser les salaires et la protection sociale dans toute l’UE et ainsi d’accueillir les entreprises délocalisées de France et d’ailleurs.
Ajoutons que la Pologne est, dans l’UE, l’écho de la voix des USA, le bras armé de l’OTAN et un fer de lance de l’anticommunisme et de l’anti Russie. Il n’y aura donc pas de Polexit.
La vérité des prix : ce qu’adhérer à l’UE veut réellement dire
Le Pardem l’affirme depuis longtemps : l’UE est une construction anti-démocratique. Avec la propagande anti-Brexit, les décisions du tribunal constitutionnel fédéral d’Allemagne (dite Cour de Karlsruhe) et celles du Tribunal constitutionnel polonais, les peuples ont la vérité des prix à condition qu’ils soient informés clairement, ce qui est rarement le cas, hélas. Ils peuvent comprendre ce qu’être membre de l’UE implique vraiment : le transfert de la souveraineté des Nations, et donc des peuples, au profit d’une instance supranationale, non élue, entièrement dévouée au marché, à la concurrence et au profit des entreprises multinationales. Les peuples peuvent aussi comprendre que le moyen privilégié de la “construction” européenne et de la domination de la mafia européiste est le Droit. C’est par lui, son adoption, sa “transposition” dans les droits nationaux et son application par tous les gouvernements, de “gauche” comme de droite, que sont “légales” les délocalisations, les travailleurs détachés, les augmentations du prix des énergies, les baisses des salaires, la casse des régimes sociaux, la réforme des retraites, la réforme de l’assurance chômage, l’obligation du passe sanitaire, etc.
Oui, aujourd’hui, le “droit européen” est supérieur au droit des Nations. Et pour que rien ne change, l’UE est prête à tout. Elle se comporte d’ailleurs comme une organisation mafieuse : chantage politique et financier sur les gouvernements, utilisation de la force si besoin. Ainsi, l'attribution des fonds européens dépend du respect de la règle de droit et des normes de l’UE et l’Union européenne s’est dite prête à recourir « à tous les outils » pour préserver le droit européen.
D’ailleurs, le commissaire européen chargé de l’économie, Paolo Gentiloni, a prévenu que l’affaire judiciaire polonaise pourrait avoir des « conséquences » sur le versement des fonds de relance à la Pologne car l’UE n’a pas encore approuvé les 23 milliards d’euros de subventions et les 36 milliards d’euros au titre du plan de relance européen anti-Covid-19 prévus pour ce pays. De son côté, la CE a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne d’infliger des amendes quotidiennes à la Pologne jusqu’à ce qu’elle suspende les réformes judiciaires. De plus, l'article 7 du traité d'Amsterdam (1997) « afin de protéger les valeurs de l'Union européenne », prévoit des sanctions allant jusqu'à priver un pays de ses droits de vote au sein de l'UE.
Une seule solution pour les peuples : reconquérir leur Nation et leur souveraineté
La définition de la démocratie, retenue par le Pardem, est « le gouvernement du peuple par le peuple pour le peuple ». Cette définition est inséparable de la souveraineté. Pour le Pardem, seul le peuple est souverain, c’est-à-dire que seul le peuple peut et doit décider des lois qui régissent son territoire et les citoyens, la Nation. A contrario, toutes les colonisations économiques et politiques vont de pair avec une domination par la loi, celle d’un système juridique et judiciaire pensé et appliqué pour maintenir les territoires et leur population sous le joug du colonisateur. Elle se concrétise aussi au niveau des institutions avec une organisation des relations de pouvoir entre l’UE et les pays membres, destinées à asseoir la domination de la première sur les seconds. La construction européenne se base d’abord sur le marché mais aussi sur une dimension technocratique, qui fait des institutions supranationales, un moyen de contourner la souveraineté des États membres pour imposer des réformes économiques, sociales et sociétales sans passer par la délibération démocratique. Le droit communautaire en constitue la cheville ouvrière, faisant de la CJUE l’instrument d’une « supra-constitutionnalisation » des politiques publiques qui devraient être l’apanage des peuples eux-mêmes.
Contrairement à la formule des européistes de tous poils, il n’y a pas de « déficit démocratique » de l’UE. Cette formule n’est destinée qu’à cacher, aux yeux des peuples, la nature fédéraliste de la construction européenne à marche forcée, .
Inutile de tergiverser. L’UE étant, par nature et par construction, anti-démocratique, il n’y a qu’une seule solution : en sortir unilatéralement… et vite.
Pour aller plus loin dans les tentacules institutionnelles de l’UE
La Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), anciennement Cour de justice des Communautés européennes (CJCE), est l'une des sept “institutions” de l'UE. Elle regroupe deux juridictions : la Cour de justice et le Tribunal. Le siège de l'institution et de ses juridictions est à Luxembourg.
La Cour de justice est la plus haute juridiction de l'Union européenne en matière de Droit de l'Union européenne. Elle interprète le Droit de l'Union et assure son application uniforme dans tous les États membres. Elle se compose d'un juge par État membre (27) mais seuls 3, 5 ou 13 juges siègent normalement. Son rôle se distingue d'autres juridictions internationales car sa juridiction est obligatoire et ses décisions s'imposent à tous dans l'Union européenne. Les “attributions” de la Cour de justice augmentent avec les compétences que s’attribue l’UE. La Cour de justice affirme la primauté du droit communautaire sur les droits des États membres par l’arrêt Costa contre ENEL (15 juillet 1964) et se donne elle-même la position d’une Cour de justice fédérale, ce qui n’avait pas été prévu par les États membres lorsqu'ils signèrent les traités. Des États (France, Allemagne et Italie notamment) protestèrent contre cet arrêt, considéré comme un coup de force. Pour ces États, l'arrêt de la Cour de justice résultait d’une interprétation déformée des traités et allait à l’encontre des intentions des États au moment de la signature des traités. La Cour de justice réfuta ces arguments en présentant l’arrêt van Gend en Loos (5 février 1963) et renvoya les États à la niche.
Fidèle à l’éviction de toute démocratie, les juges de la CJUE sont nommés et choisis parmi des personnalités. Les juges ont d’abord été majoritairement des universitaires (professeurs de droit) sans expérience de la magistrature. Ce sont aujourd’hui majoritairement d’anciens magistrats nommés d'un commun accord par les gouvernements des États membres pour six ans renouvelables. La nomination se fait après consultation d'un comité composé de sept personnalités choisies parmi d'anciens membres de la Cour de justice et du Tribunal, des membres des juridictions nationales suprêmes et des juristes. Les juges de la Cour désignent parmi eux le président de la Cour pour une période renouvelable de trois ans… Entre-soi assuré.
Le Tribunal, anciennement Tribunal de première instance des Communautés européennes (TPICE) est le juge de droit commun du droit de l’UE (dit : Droit communautaire). Depuis son entrée en vigueur, le 1er janvier 1989, il n’a cessé d’étendre ses compétences au point qu’il devient juge de droit commun en Tribunal de première instance. Le Traité de Lisbonne (2007) transforme l'appellation de « Tribunal de première instance des Communautés européennes » en « Tribunal ». Il établit son propre règlement de procédure, en accord avec la Cour de justice, après qu’il a été approuvé à la majorité qualifiée par le Conseil des ministres de l’UE. Les gouvernements successifs sont donc impliqués et complices de son pouvoir. Le système opaque de nomination des juges du Tribunal est identique à celui de la CJUE. Alors, que faut-il en conclure ?
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