Le 12-02-2017
Actualisé en août 2021.
PARTIE IV.- RECONQUERIR LA SOUVERAINETE ECONOMIQUE PAR LE RÉ-ENCASTREMENT DE L’ÉCONOMIE DANS LA DÉMOCRATIE, LE RETOUR OU LE TRANSFERT A LA NATION des grands groupes industriels ET de services, LA RÉINDUSTRIALISATION sociale et ÉCOLOGIQUE DE LA FRANCE, des mesures protectionnistes dans le cadre rénové de la Charte de La Havane de 1948, une planification DÉMOCRATIQUE.
Sommaire de la partie IV
A.- Une conception et une organisation de l’économie reposant sur 7 principes fondamentaux
1.- Notre définition de l’économie
a.- Première signification de l’« économie » : fournir la subsistance à la société.
b.- Seconde signification du terme « l'économie » : gérer la rareté.
c.- Ces deux concepts hétérogènes ont été fusionnés en un seul
2.- Nos 7 grands principes de politique économique pour ré-encastrer l’économie dans la Nation et la démocratie
Principe 1 : Organiser la délibération publique pour définir les besoins de la population.
Principe 2 : Définir les domaines stratégiques nécessaires à la satisfaction des besoins de la population et planifier leur mise en œuvre.
Principe 3 : Transférer ou restituer à la Nation les groupes et entreprises stratégiques.
Principe 4 : Engager la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes.
Principe 5 : Sortir le travail, la terre, la monnaie et le commerce international de l’univers du marché.
Principe 6 : Éradiquer l’esprit de marché, promouvoir les valeurs de coopération et de solidarité, réhabiliter les critères non marchands de gestion des entreprises publiques.
Principe 7 : Encourager la maîtrise des entreprises par leurs salariés (coopératives de production)
B.- Retour ou transfert à la nation des grandes féodalités industrielles et de services
- Les objectifs que nous fixons aux nationalisations.
- Mise en place d’un Statut général des entreprises nationales.
- Raisonnement pour définir l’indemnisation des actionnaires.
- Nos principes concernant l’indemnisation des actionnaires.
- Première catégorie de nationalisations : le système financier (banques, compagnies d’assurances, etc.)
- Deuxième catégorie de nationalisations : les entreprises essentielles pour la Nation.
- Troisième catégorie de nationalisations : toutes les entreprises figurant au CAC 40.
- Quatrième catégorie de nationalisations : toutes les grandes entreprises qui fraudent.
- Cinquième catégorie de nationalisations : la grande distribution et les centrales d’achat.
- Sixième catégorie de nationalisations : certaines entreprises stratégiques dans lesquelles l’État détient déjà une participation :
- l'Agence des participations de l'État (APE).
- la Banque publique d’investissement (Bpifrance).
- le Fonds stratégique d’investissement (FSI).
- les objectifs que nous assignons aux participations de l’État.
C.- Une réindustrialisation sociale et écologique de la France
- Pourquoi parler de politique industrielle ?
- Les 6 composantes de la nouvelle politique industrielle de la France proposée par le Parti de la démondialisation.
D.- La Charte de La Havane de 1948, rénovée, pour passer du libre-échange à la coopération internationale
- Les dégâts du libre-échange.
- Appliquer certains des principes de la Charte de La Havane.
- Les points les plus importants de la Charte de la Havane.
- Nous chercherons à conclure des accords commerciaux bilatéraux.
- Initiatives multilatérales.
E.- Création du ministère du Plan et mise en œuvre d’une planification démocratique
- Nos principes pour la construction d’une économie planifiée.
- La création du ministère du Plan et les trois phases de la planification.
- Nos objectifs pour le Plan 2022-2027
LES ANNEXES :
Annexe I : Proposition de loi visant à lutter contre les délocalisations
Annexe II : Les nationalisations du front populaire (1936-1937)
Annexe III : Les nationalisations de la Libération (1944-1948)
Annexe IV : Les nationalisations de 1982
Annexe V : L’établissement public industriel et commercial (EPIC)
Annexe VI : La société d’économie mixte (SEM)
Annexe VII : Liste des enseignes par groupes
Annexe VIII : Le traité de Lisbonne, par de nombreux articles, interdit toute politique industrielle
Annexe IX : Privatisations opérées sous le gouvernement de Jacques Chirac (20 mars 1986 au 10 mai 1988)
Annexe X : Privatisations opérées sous le gouvernement de Michel Rocard (24 juin 1988 au 16 mai 1991)
Annexe XI : Privatisations opérées sous le gouvernement d’Edouard Balladur (29 mars 1993 au 11 mai 1995)
Annexe XII : Privatisations opérées sous le gouvernement d’Alain Juppé (17 mai 1995 au 7 novembre 1995)
Annexe XIII : Privatisations opérées sous le gouvernement de Lionel Jospin (2 juin 1997 au 6 mai 2002)
Annexe XIV : Privatisations opérées sous les trois gouvernements de Jean-Pierre Raffarin (6 mai 2002 au 31 mai 2005)
Annexe XV : Privatisations opérées sous le gouvernement de Dominique de Villepin (31 mai 2005 au 15 mai 2007)
Annexe XVI : Privatisations opérées sous le gouvernement de François Fillon (18 mai 2007 au 10 mai 2012)
Annexe XVII : Privatisations opérées sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault (15 mai 2012 au 31 mars 2014)
Annexe XVIII : Privatisations opérées sous le gouvernement de Manuel Valls (entre le 31 mars 2014 et le 10 février 2016
Annexe XIX : Liste des entreprises fraudeuses qui seront nationalisées
Annexe XX : Privatisations opérées sous le gourvenement d'Edouard Philippe (15 mai 2019 au 3 juillet 2020)
Annexe XXI : Privatisations opérées sous le gouvernement de Jean Castex (3 juillet 2020 à ce jour)
Annexe XXII : Eléments d’histoire de la planification
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La réflexion menée par le Parti de la démondialisation sur les questions de l’économie ne sort pas du néant. Si nous ne nous réclamons d’aucune école de pensée particulière, nous nous appuyons cependant sur quelques penseurs qui éclairent nos travaux. Ce n’est pas pour autant, d’ailleurs, que nous adoptons l’ensemble de leurs analyses. Chez chacun d’eux, toutefois, nous trouvons des raisonnements et des propositions qui alimentent notre propre vision de l’économie. On peut parler de soubassement théorique à ce propos. Il s’agit principalement, par ordre alphabétique, de John Maynard Keynes, Karl Marx, Karl Polanyi et Max Weber. Dans un autre domaine et plus récemment, les travaux de Serge Latouche nous sont très précieux.
John Maynard Keynes (1883-1946) remet en cause la vision néoclassique du chômage fondée sur la prétendue insuffisante flexibilité des salaires à la baisse. Pour les libéraux, tous les travailleurs peuvent être employés à la condition qu’ils acceptent une baisse de leur rémunération. S’il existe encore du chômage, celui-ci, pour eux, ne peut être que volontaire puisque certains travailleurs n’acceptent pas une diminution de leur revenu. Pour Keynes, la demande de travail ne dépend pas du prix du travail. En période de chômage, il faut soutenir l'économie par la dépense, et notamment l'investissement public. Ainsi l'injection de monnaie dans l'économie a un effet multiplicateur. Si l'État décide d'investissements publics, y compris par création monétaire, les entreprises verront augmenter la demande. Elles livreront davantage de produits et embaucheront pour produire, ce qui stimulera les dépenses de consommation. L'augmentation de la demande provoque ainsi des anticipations positives, les entreprises investiront, anticipant une hausse de la demande, ce qui provoquera une distribution d'argent, et donc des achats, qui provoqueront à nouveau des anticipations positives, et ainsi de suite. Un cercle vertueux s'enclenche. L'effet de la dépense de départ est multiplié. D'où le concept du « multiplicateur » keynésien. La baisse des salaires apparaît donc particulièrement dangereuse, puisqu’elle réduit la demande en biens de consommation sur laquelle s’appuient les stratégies des firmes. Si la demande effective est d’un niveau inférieur à celle qui serait nécessaire à la réalisation du plein-emploi, l’État doit relayer les forces spontanées du marché par un programme de dépenses publiques pouvant provoquer un déficit public et une augmentation de la dette publique. Le retour à une meilleure activité économique permettra de rembourser. Ce schéma, dans le cadre du libre-échange, de l’euro et du contrôle de la politique monétaire par l’Union européenne n’est plus possible. Il n’est pas non plus souhaitable dans le sens où il augmente quantitativement la demande, sans préoccupations qualitatives et environnementales. Mais avec la sortie de l’euro, des mesures protectionnistes et une conception de l’économie fondée sur le respect de la nature, le raisonnement redevient intéressant.
Pour Karl Marx (1818-1883), selon sa conception matérialiste de l’histoire, l’économie constitue le facteur qui détermine, directement ou indirectement, les domaines juridique et politique ainsi que la sphère des idées. La base économique conditionne et explique ainsi la « superstructure » de la société. Marx voit un renversement entre l’économie marchande simple et l’économie capitaliste avec l’apparition de l’exploitation du salariat, moteur même du capitalisme, lorsque le travailleur est transformé en marchandise. Le capitalisme, une fois établi, la domination du domaine économique s’étendra aux autres dimensions de la vie de la société. Ceci entraîne des crises de surproduction régulières et la mise en place d’une « armée de réserve » de chômeurs. Marx a analysé le capitalisme, système politique, économique et social dont le principe fondamental est la recherche systématique de plus-values obtenues grâce à l'exploitation des travailleurs par les propriétaires des moyens de production et de distribution. Leur but est de transformer la plus grande partie possible de ces plus-values en capital supplémentaire qui engendrera à son tour davantage de plus-values. Pour le capitalisme, tout tend à devenir marchandise et en premier lieu la personne humaine (la santé, le sang, les organes, la procréation...), l'éducation, la connaissance, la recherche scientifique, les œuvres artistiques... Le capitalisme repose d’abord sur la propriété privée des moyens de production. On entend par « moyens de production » tout ce qui permet de produire, c'est-à-dire les terres, les bâtiments, les machines ou les outils qui, exploités par le travail de l'homme, aboutissent à la réalisation des biens et des services qui permettent la consommation, et donc la survie des populations. Le capitalisme est aussi la division du travail, l'existence d'un marché qui permet la régulation de l'activité économique, l'objectif d'un profit individuel pour les propriétaires du capital et la séparation entre le capital et le travail. Il convient également d'ajouter ce que des auteurs appellent l’ « esprit du capitalisme ».
Pour Karl Polanyi (1886-1964), l’économie constitue, dès la préhistoire, un domaine d’activité inséré ou encastré dans les autres relations sociales (de parenté, politiques, religieuses). Elle s’en émancipe lors du bouleversement qui instaure l’économie et la société de marché, au XIXe siècle. La domination de la société par l’économie est un phénomène unique et récent dans l’histoire, la conséquence de politiques actives de l’État fondées sur le crédo libéral. Il faut « ré-encastrer » l’économie dans la société.
Pour Max Weber (1864-1920), les diverses sphères de la vie sociale (économie, droit, religion, pouvoir) entretiennent des relations caractérisées par l’interdépendance et l’autonomie relatives, sans déterminisme historique universel. Weber comme Marx voit dans le capitalisme une fois établi la domination directe du domaine économique sur les autres dimensions de la vie de la société.
Quant à Serge Latouche, un contemporain, né en 1940, il fait partie des inventeurs de la « décroissance » en se présentant comme « objecteur de croissance ». Il fait cependant remarquer à juste titre que la croissance est consubstantielle à tout être vivant, que cette croissance « naturelle », « organique », « biologique » s’oppose à la croissance néfaste et dévastatrice de l’économie capitaliste, qu’elle soit de marché, d’État, mixte, ou quelle que soit son appellation. Le mot « décroissance » est pour lui une provocation, car vouloir faire décroître tout et n’importe quoi serait en effet absurde. Il dénonce un mécanisme pervers du système productif entièrement axé sur la consommation pour la consommation, avec son absurde pillage des ressources non renouvelables, l’entassement des rebuts et autres déchets, les pollutions incontrôlables et la transformation de l’individu en « dividu ». Il préconise la sortie de l’euro, la nécessité de se réapproprier la monnaie et de contrôler les banques, la démondialisation.
Pour notre Parti, les politiques économiques doivent avoir pour but de développer la prospérité générale dans certaines limites collectivement admises, non seulement en préservant l’environnement, mais en réparant ce qui a été saccagé. Pour y parvenir, c’est toute la conception de l’économie qui doit changer, et qui doit même être révolutionnée. En premier lieu, la propriété des grands moyens de production doit changer de mains afin de préparer efficacement la sortie du capitalisme. « L’éviction des grandes féodalités économiques et financières de la direction de l’économie », pour reprendre l’expression du programme du Conseil national de la Résistance (CNR), viendra compléter la nationalisation du système bancaire et financier (voir partie II de notre programme) et celle des grands médias (voir partie X de notre programme). Elle permettra de mettre en œuvre un programme de réindustrialisation articulé à une mutation écologique, sociale et démocratique des modes de production et de consommation. Les mesures protectionnistes prises dans le cadre rénové de la Charte de La Havane de 1948 consolideront l’ensemble. La planification démocratique du développement national sera organisée au sein d’un nouveau ministère dédié à cette fonction : le ministère du Plan. Sans propriété sociale des grands moyens de production, la souveraineté populaire et la souveraineté nationale ne seraient que des formules creuses.
Notre perspective est bien de sortir d’une civilisation pour en créer une autre.
A.- Une conception et une organisation de l’économie reposant sur 7 principes fondamentaux
L’emploi des termes « économie » ou « économique » est entaché de nombreuses ambiguïtés et même de profondes contradictions, le plus souvent involontaires, mais aussi parfois parfaitement conscientes. Tout le monde ne met pas le même contenu derrière ces mots qui peuvent avoir parfois un sens contradictoire. Plus grave, l’idéologie néoclassique a perverti le sens originel du terme « économie ». C’est pourquoi nous voulons clarifier ce débat et définir ce que nous entendons par « économie ». Cette définition nous mettra sur un terrain solide pour présenter nos 6 principes fondamentaux de politique économique. Nous parlons bien ici de principes de « politique » économique, autrement dit de l’action de l’État pour diriger l’économie. L’État est constitué de l’ensemble des administrations et des moyens qui relèvent de son périmètre, sous le contrôle du gouvernement qui, lui-même, repose sur la confiance du parlement, et qui à son tour doit être activé et placé sous le contrôle vigilant du peuple mobilisé.
Dans notre projet, il ne s’agit plus du même État, ni de la même économie que ceux que nous connaissons aujourd’hui et qui nous accablent. Diriger l’économie ne relève pas d’un simple programme, même si un tel instrument est évidemment indispensable. Des principes fondamentaux sont nécessaires pour guider l’action dans une perspective longue, dégagée des contingences de court-terme, même si le court-terme, la conjoncture, sont aussi des paramètres à prendre en compte. Au total, les programmes peuvent changer, mais les principes demeurent.
1.- Notre définition de l’économie
Entre autres exemples, le dictionnaire Larousse illustre bien la confusion qui règne autour du mot « économie ». Pour lui, « l'économie » est :
- « L’ensemble des activités d'une collectivité humaine relatives à la production, à la distribution et à la consommation des richesses.
- La gestion où on réduit ses dépenses, où on évite des dépenses superflues, ce qu'on épargne, qu'on évite de dépenser. » « économie », habituellement employé pour décrire un certain type d’activité humaine, combine deux significations.
Cette définition du Larousse – ou plus exactement cette double définition – illustre bien la confusion des deux significations du terme « économie ». Car ces deux définitions sont à la fois vraies et fausses. Elles sont vraies car les activités de production, de distribution, de consommation, relèvent d’une activité que l’on peut à juste titre qualifier d’économique. Parallèlement, « économiser » pour dépenser moins afin d’épargner – faire des « économies » - est également une véritable activité qui a une indéniable réalité. Toutefois, ces deux définitions sont également fausses. Concernant la première, on ne peut qu’être frappé par l’absence de sens donné à la production, la distribution et la consommation. Pourquoi produire, distribuer, consommer ? Ces activités n’ont-elles aucun but ? Ne s’exercent-elles que pour elles-mêmes ? C’est l’absence de réponse à ces questions essentielles, sous l’effet de l’idéologie néoclassique, qui va conduire à l’autonomisation progressive de l’activité économique par rapport à la société, à son « désencastrement ». L’économie devient alors un but en soi, un moyen qui est sa propre fin, on produit pour produire, on consomme pour consommer, car c’est le moyen du profit. Or si l’on produit, distribue, consomme, c’est avant tout pour assurer la subsistance de la population. Telle est, pour nous, la raison d’être essentielle de l’économie. Concernant la seconde définition de l’ « économie » donnée par le Larousse, elle n’a aucun rapport avec la première, il n’existe aucun lien entre le fait d’assurer la subsistance de la population et de faire des économies. C’est pourtant cette définition que l’idéologie néoclassique va mettre en avant, l’économie devenant pour elle la gestion de la rareté et de la pénurie.
Toute tentative visant à expliquer la place qu’occupe l’économie dans la société doit donc partir du fait que le terme « économique », ou « économie », habituellement employé pour décrire un certain type d’activité humaine, combine deux significations.
a.- Première signification de « l’économie » : fournir la subsistance à la société
Aristote donne au terme « économie » un sens « substantiel », c’est-à-dire le processus institutionnalisé d’interactions entre l’homme et son environnement, destiné à fournir à la société ses moyens d’existence, sa subsistance, au sens large du terme. Toute société possède une économie dans le sens où il lui faut bien, au minimum, nourrir, vêtir, abriter ses membres. L’activité économique résulte des exigences physiques et matérielles de la production pour répondre à ces besoins vitaux, indépendamment du fait que les moyens sont suffisants ou insuffisants.
Les êtres humains, comme tous les autres êtres vivants, ne peuvent vivre durablement sans un environnement physique où ils trouvent leur subsistance. Là se trouve l’origine de la définition « substantielle » de ce qui est économique. Cette définition vient de la dépendance de l’être humain vis-à-vis de la nature et des autres êtres humains pour obtenir sa subsistance. Il doit sa survie à une interaction institutionnelle avec son environnement naturel. Ce processus, c’est l’économie, qui fournit à l’être humain les moyens de pourvoir à ses besoins matériels. Cela ne signifie pas que les besoins qu’il faut satisfaire sont exclusivement physiques ou matériels, comme la nourriture et l’habitat. Ce sont les moyens, et non les besoins, qui sont matériels. Peu importe que les objets utiles servent à prévenir la famine ou aient des fins éducatives, militaires ou religieuses. Tant que la satisfaction des besoins dépend d’objets matériels, la référence est économique. Économique ne signifie rien d’autre ici que se rapportant au processus de satisfaction des besoins matériels.
Aristote, dans son ouvrage intitulé Politique, conteste l’idée que la subsistance de l’homme, en tant que telle, pose un problème de rareté. Pour lui la véritable richesse d’une maisonnée ou d’un État, ce sont les biens nécessaires à la vie, que l’on peut entreposer et qui peuvent se conserver. Ce ne sont que des moyens pour une fin. Comme tous les moyens ils sont naturellement limités et déterminés par leurs fins. Dans la maisonnée, ce sont les moyens de l’existence ; dans l’État ce sont les moyens de la « vie bonne ». Les désirs et les besoins humains ne sont donc nullement limités, ce sont les moyens qui peuvent l’être. Les animaux ne trouvent-ils pas, dès leur naissance, la subsistance naturelle que leur réserve leur environnement ? Les êtres humains, également, ne trouvent-ils pas leur subsistance dans le lait de leur mère et, ensuite, dans leur environnement ?
Pour Aristote, l’économie est donc le processus institutionnalisé qui permet d’assurer la subsistance des membres de la société. L’économie ainsi définie possède alors deux niveaux : l’interaction entre l’être humain et son environnement (la nature et les autres êtres humains), et l’institutionnalisation de ce processus (le droit, l’État, les institutions…). Dans ce cadre, la production est le mouvement ordonné de tous les moyens matériels en direction du moment de la subsistance qui est celui de la consommation. Au total, l’économie humaine est un processus institutionnalisé d’interactions qui a pour finalité de fournir les moyens matériels de la société. Telle est la définition avec laquelle le Parti de la démondialisation se trouve en accord.
Mais cette définition, c’est-à-dire l’économie comme processus destiné à assurer la subsistance de l’être humain, se heurte à un obstacle considérable. C’est celui d’une habitude de pensée fortement ancrée, représentative du type d’économie produit par le XIXe siècle et des conditions de vie qu’il a engendrées dans toutes les sociétés industrialisées. Cette mentalité est celle de l’esprit de marché. Beaucoup assimilent l’économie humaine en général à sa forme de marché. La dimension physique des besoins de l’homme appartient à la condition humaine ; aucune société ne peut exister sans une forme quelconque d’économie substantielle. Il ne faut donc pas confondre les moyens (l’économie) et les fins (la subsistance). Or l’aspect substantiel est tombé dans l’oubli, poussé par l’idéologie néoclassique.
b.- Seconde signification du terme « l'économie » : gérer la rareté
Pour l’économie néoclassique, l’économie est l’allocation de moyens rares en vue d’assurer la subsistance de l’homme. L’économie est l’activité économisatrice qui découle de la rareté de moyens. L’être humain se réduit alors à n’être qu’un individu sur le marché. Certes il a des désirs et des besoins. Mais seuls comptent ceux que la monnaie peut satisfaire sur les marchés. Les désirs et les besoins eux-mêmes sont en outre restreints à ceux d’individus isolés, il n’existe pas de besoins collectifs. En conséquence, par définition, l’idéologie néoclassique ne reconnaît d’autres désirs et besoins que ceux qui sont présents sur les marchés, et elle ne considère comme être humain personne d’autre que l’individu isolé. Ce qui compte pour cette idéologie, ce n’est pas la nature des désirs et des besoins humains, mais uniquement la description d’une situation de marché comme une situation de rareté. Elle ne prend en compte que les échelles de valeurs marchandes d’individus isolés agissant sur des marchés, s’ils sont solvables.
c.- Ces deux concepts hétérogènes ont été fusionnés en un seul
Les deux significations qui viennent d’être présentées n’ont rien en commun. Le concept habituel « économique » est donc un amalgame de deux significations distinctes. Une telle confusion revient à identifier l’économie humaine à sa forme de marché, à confondre les moyens et les fins. Pour éliminer ce préjugé il faut par conséquent opérer une clarification radicale du sens du terme « économique ».
2.- Nos 7 grands principes de politique économique pour ré-encastrer l’économie dans la Nation et la démocratie
L’activité économique suscitée par le capitalisme depuis le XIXe siècle s’est autonomisée et désencastrée de la société. Pourtant les sociétés ont toujours été marquées historiquement par l’encastrement des activités économiques dans les rapports ou les institutions non économiques, empêchant l’autonomisation perverse de l’économie, et soumettant la recherche de la subsistance de la société à des motivations non principalement lucratives. Le système économique capitaliste du XIXe siècle s’est institutionnellement distingué du reste de la société. Dans une économie de marché, et plus encore dans une société de marché, la production et la répartition des biens matériels sont réalisées par un système autorégulé de marchés, régi par ses propres lois, les prétendues lois de l’offre et de la demande. Dans ce système, la motivation individuelle repose en dernière analyse sur deux incitations élémentaires : la peur de la faim pour les classes inférieures et l’espoir du gain pour les classes supérieures. Cet arrangement institutionnel est ainsi séparé des institutions non économiques de la société comme l’organisation des liens familiaux, les systèmes politiques ou religieux. La participation des individus au système n’est plus définie par les liens du sang, ni par la contrainte légale, ni par le devoir religieux, ni par l’allégeance féodale, ni par la magie, ni par des mécanismes de délibération publique comme ce pourrait être le cas dans une démocratie. Elles résultent au contraire d’institutions comme la propriété privée des moyens de production et le système du salariat, qui fonctionnent à partir d’incitations exclusivement économiques. Ainsi devient-il possible de faire du profit sur l’activité économique fondamentale qui consiste à assurer la subsistance de la population.
C’est cela qu’il faut remettre en cause en adoptant comme orientation générale de politique économique l’objectif radical de ré-encastrer l’économie dans la société et la démocratie. La conséquence logique de cette analyse est la nécessité de la totale résorption du système économique dans la démocratie. Les activités économiques – et donc les entreprises – doivent être soumises à la réglementation politique de la société, conformément aux exigences de la liberté dans une société qui se veut démocratique. Des marchés y auront toute leur place, pour des produits et services, mais non pour la détermination des revenus liés au travail, à la terre, à la monnaie et au commerce international. La prétendue autorégulation de l’économie de marché sera remplacée par une combinaison plus efficace et plus juste de la production et de ses choix, de la distribution et de la redistribution. Le tout marché du XIXe siècle sera abandonné, nous pourrons enfin entrer dans une société plus humaine, ce que l’on doit attendre d’un socialisme du XXIe siècle.
Les 7 principes fondamentaux qui découlent de cette analyse sont les suivants :
- Principe 1 : Organiser la délibération publique pour définir les besoins de la population.
- Principe 2 : Définir les domaines stratégiques nécessaires à la satisfaction des besoins de la population et planifier leur mise en œuvre.
- Principe 3 : Transférer ou restituer à la nation les entreprises stratégiques.
- Principe 4 : Engager la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes..
- Principe 5 : Sortir le travail, la terre, la monnaie et le commerce international de l’univers du marché.
- Principe 6 : Éradiquer l’esprit et la mentalité de marché, promouvoir les valeurs de coopération et de solidarité, réhabiliter les critères non marchands de gestion des entreprises publiques
- Principe 7 : Encourager la maîtrise des entreprises par le salariat (coopératives de production)
Principe 1 : Organiser la délibération publique pour définir les besoins de la population
Aucun besoin ne peut être considéré comme naturel, à l’exception des besoins physiologiques de subsistance et de survie (se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner). Les autres besoins humains peuvent être qualifiés de socio-historiques. « Socio », car chaque société, selon les continents, et à l’intérieur même des continents, possède des besoins spécifiques issus de facteurs matériels et immatériels. Il s’agit de la configuration géographique et climatique, des traditions, cultures, religions, usages... « Historiques », car les besoins changent selon les époques. C’est pourquoi la recherche des formes d’organisation de l’économie qui demeurent compatibles avec l’émancipation humaine, les rapports des hommes entre eux et avec la nature est si décisive. Il est même nécessaire de reconsidérer entièrement le problème de la subsistance matérielle de l’être humain, afin d’accroître notre liberté d’adaptation créatrice et par là d’augmenter nos chances de survie. Dans cette perspective, la délibération publique pour définir ces besoins sera la règle. C’est elle qui contribuera à sortir de la société de marché.
L’information dont les citoyens devront disposer
Pour la société de marché dans laquelle nous sommes, les besoins ne se révèlent que sur le marché. Autrement dit, pour répondre aux besoins, il suffit d’acheter le produit ou le service qui se trouve sur le marché. Celui qui n’est pas solvable, qui n’a pas le revenu lui permettant d’acquérir les biens et services qui répondent à ses besoins, restera à regarder la vitrine. Cette inégalité structurelle de la société de marché n’est pas acceptable, elle engendre violence et insécurité et doit être stoppée net. On ne peut pas laisser entre les mains du consommateur qui sera principalement guidé par son pouvoir d’achat, lequel varie considérablement d’un individu à l’autre, le pouvoir d’orienter des filières entières dans des directions qui peuvent nuire à la société, et donc lui nuire également de façon indirecte. Les choix les plus déterminants doivent être opérés en amont de la mise sur le marché, par l’ensemble des citoyens, qu’ils soient ou non consommateurs des produits et des services. Personne ne s’attend à ce qu’un acheteur choisisse un billet de train au bilan carbone très bas au détriment d’un billet d’avion low cost au bilan carbone très élevé. C’est bien aux citoyens de décider s’ils veulent stopper le développement exponentiel du transport aérien, sur la base d’une information indépendante sur le vrai bilan énergétique de cette filière et de quelle manière ils peuvent le faire. Le même raisonnement peut s’appliquer, par exemple, pour les filières du surgelé dans l’alimentaire dont le sort doit être traité globalement et non pas se décider dans les rayons des supermarchés.
La population doit disposer de tous les éléments d’appréciation pour fonder ses jugements afin de définir les besoins individuels et collectifs et d’identifier les moyens pour y répondre. Les risques liés à la poursuite du type de croissance économique actuelle devront être correctement évalués : malbouffe, pollution généralisée, accélération du réchauffement climatique, uniformisation des modes de vie, chômage et précarité, parcellisation du travail... Les avantages d’une société d’abondance frugale seront expliqués. La population saura faire des choix raisonnables pour préserver son bien-être et celui des générations futures. Elle pourra privilégier les filières au bilan énergétique faible chaque fois que l’alternative se présente. Les services parasites qui ne font qu’augmenter le prix des biens consommés ou de stimuler le comportement de consommation devront être réduits à leur fraction utile : marketing, démarchage, conseil en organisation, services juridiques, sûreté des installations, assurance... Alors que les consommateurs achètent principalement des produits à base de blanc de poulet, le peuple informé et consulté pourra imposer aux entreprises agroalimentaires d’exploiter toutes les parties comestibles des animaux, pour éviter le développement d’un commerce d’échange des « bas morceaux » des pays du nord et le trajet inverse des « morceaux nobles ». Les pratiques déloyales qui augmentent également la valeur des biens seront proscrites. En premier lieu, l’obsolescence programmée, pratique qui consiste à introduire des points de faiblesse dans certains appareils ou à rendre impossible le remplacement de certaines pièces (ex : batterie) pour réduire la durée de vie des appareils, pouvant être considérée comme un sabotage technologique, sera interdite. Ce n’est qu’en 2015 qu’elle est devenue un délit en France (et dans des conditions non satisfaisantes), ce qui montre bien que ce sont les entreprises productrices qui fixent les règles du jeu et non pas les citoyens. Des besoins artificiels sont créés à jet continu par les grandes firmes multinationales pour rehausser leur taux de profit. La publicité, vecteur de cet immense gaspillage, doit être profondément transformée. Certes les citoyens ont besoin de connaître les nouveaux produits et services qui s’offrent à eux. Mais cette information doit être complète et non complaisante comme aujourd’hui avec la publicité. Elle doit intégrer par exemple l’origine exacte des éléments des produits, leur composition, leur durée de vie et durées de garantie. C’est pourquoi elle devra relever d’un service public qui absorbera l’essentiel des agences de publicité et garantira ainsi l’emploi des personnels.
Les besoins sont à la fois individuels et collectifs et doivent, d’un point de vue pratique, se débattre à l’échelle locale et à l’échelle nationale.
L’échelle locale est constituée des communes et intercommunalités, des pays et bassins de vie, des départements et des structures interdépartementales, des administrations locales et structures locales des services publics. C’est à cette échelle, au plus près du terrain, que la population peut physiquement se rassembler et débattre de ses besoins : à l’échelle des personnes, des familles, des communes rurales mais aussi de toutes les communes. On constate, à ce propos, combien la disparition programmée des communes et des départements est une décision tragique. Tout doit être fait pour s’y opposer, car elle correspond exactement à une volonté contraire à la nôtre : préserver et encourager la société de marché, éliminer tous les liens sociaux non-marchands.
Les besoins physiologiques, de subsistance et de survie seront débattus en premier. Tout le monde, dans la commune ou le pays, doit pouvoir manger à sa faim et disposer d’une alimentation de qualité. Celle-ci doit être issue de l’agriculture biologique ou paysanne, de la production locale, de circuits courts pour la plus grande partie. La même préoccupation doit concerner le logement, les vêtements et les soins de santé. Les questions agricoles sont traitées dans la partie VIII de notre programme. Si des choses sont à faire, ce qui ne fait aucun doute, la délibération publique devra déboucher sur des décisions pratiques de mise en œuvre. Qui fait quoi, entre les services de l’État, ceux des collectivités territoriales, les services publics, les associations détenant une convention de service public, les coopératives, les artisans, agriculteurs et commerçants, les TPE et PME… ?
Le Parti de la démondialisation soutient et encourage les initiatives individuelles et micro-locales, qu’elles se situent dans le cadre du secteur marchand ou non-marchand. Leur intérêt est double. D’abord, elles peuvent être un moyen de répondre à des besoins de la population qui, autrement, resteraient sans réponse. Ensuite, c’est un moyen possible pour ceux qui prennent ces initiatives, de se réaliser et d’établir des liens sociaux enrichissants. Nous voulons toutefois attirer l’attention sur le fait que les attitudes individuelles et personnelles échouent très souvent à produire des effets sociétaux si elles ne s’encastrent pas dans la société. Elles restent alors isolées comme les expériences du socialisme utopique, des communautés, des phalanstères, des hippies… ont pu le démontrer. C’est seulement dans un environnement de délibération publique organisée que des attitudes de réciprocité pourront se produire. C’est seulement là où une telle délibération publique aura été établie structurellement et institutionnellement que l’attitude coopérative des individus engendrera une économie distributive et une société solidaire et fraternelle.
Les autres besoins, ceux qui ne relèvent pas de la subsistance, ont aussi toute leur place dans la délibération publique. Tous les secteurs sont concernés : l’environnement, l’éducation, la culture, la santé, les transports, le sport… Dans certains cas, le marché peut être sollicité, des entreprises privées créées. Mais dans ce processus, l’économie aura été ré-encastrée dans la société et la démocratie…
À cette étape de notre raisonnement, nous voulons montrer qu’une certaine conception de l’être humain est ici en jeu. À l’échelle d’une petite commune, ou d’un bassin de vie, de multiples choses sont à réaliser pour répondre aux besoins de chacun et de tous. Nous avons passé en revue les institutions qui peuvent agir pour répondre à ces besoins. Mais il existe aussi des citoyens, à titre individuel ou en petits groupes, prêts à rendre service aux autres, gratuitement ou par le simple remboursement de tout ou partie de leurs frais. Ils peuvent ainsi, dans un certain cadre formel très souple (une habilitation de service public, une assurance…) accompagner par exemple des personnes âgées à se visiter les unes les autres, aller chez le coiffeur, chez le médecin, pour faire leurs courses… C’est du don. Il n’y a rien à acheter et rien à vendre. C’est un acte pur de liberté. Nous sortons des rapports marchands pour revenir à la simple humanité.
L’échelle locale, essentielle, ne peut cependant suffire, il faut aussi l’échelle nationale pour fixer les grandes orientations stratégiques découlant de la synthèse des besoins exprimés au niveau local, un peu comme les « cahiers de doléances » en 1789… Chaque administration, chaque service public, chaque entreprise nationale devra organiser la délibération publique le concernant avec ses usagers. Une planification sera élaborée par le nouveau ministère du Plan, et soumise au parlement pour débat et vote. Les grands médias, libérés de leurs maîtres que sont certaines institutions financières et marchands de canons, trouveront matière à passionner le public…
Principe 2 : Définir les domaines stratégiques nécessaires à la satisfaction des besoins de la population et planifier leur mise en œuvre
Une description préalable de ce que nous entendons par « domaines stratégiques » et « planifier » est nécessaire.
Les « domaines stratégiques » résultent de la délibération publique et sont votés par le Parlement
Le processus de délibération publique, à l’échelle locale dans les communes, les bassins de vie, les administrations et services publics locaux, et à l’échelle nationale dans les administrations, les grands services publics et les entreprises nationales aura donné un matériau d’une immense richesse. Des commissions pluralistes, à l’échelle du ministère du Plan, en établiront la synthèse et proposeront les priorités stratégiques qui en découlent et leur planification. Le tout sera présenté au parlement qui en débattra et votera le Plan quinquennal.
Il existe deux grands domaines stratégiques : les branches économiques et un domaine transversal, celui de la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes qui fait l’objet de notre principe n° 4.
Les branches économiques font l’objet d’une définition normalisée par l’Union européenne, comme par exemple « sylviculture et exploitation forestière » ou « industrie du cuir et de la chaussure ».
Selon la définition de l’Insee, une branche (ou branche d'activité) regroupe des unités de production homogènes, c'est-à-dire qui fabriquent des produits (ou rendent des services) qui appartiennent au même item de la nomenclature d'activité économique considérée. Au contraire, un secteur regroupe des entreprises classées selon leur activité principale. Un secteur regroupe des entreprises de fabrication, de commerce ou de service qui ont la même activité principale (au regard de la nomenclature d'activité économique considérée). L'activité d'un secteur n'est donc pas tout à fait homogène et comprend des productions ou services secondaires qui relèveraient d'autres items de la nomenclature que celui du secteur considéré. Au contraire, une branche regroupe des unités de production homogènes. L'entreprise est la plus petite combinaison d'unités légales qui constitue une unité organisationnelle de production de biens et de services jouissant d'une certaine autonomie de décision, notamment pour l'affectation de ses ressources courantes.
Le néolibéralisme contre la démocratie
Cet exercice de démocratie inédite, suivi d’une planification, pourtant, sera décrié par tous les agents du néolibéralisme. Ces derniers détestent la planification quand elle s’applique à l’économie et dans laquelle l’État joue un rôle moteur. Ils préfèrent la mystification de l’ « autorégulation » des marchés.
Dans son ouvrage La Route de la servitude, Friedrich von Hayek soutient ainsi que la planification est par essence un phénomène totalitaire. Pour qu'elle soit « efficace », selon lui, cela supposerait que tous les leviers de l'économie soient entre les mains de l'État, ce qui entraînerait de proche en proche un contrôle total de ce dernier sur la vie des individus. Dans Ordeal by Planning (1946), John Jewkes développe une thèse similaire.
De son côté, Ludwig von Mises, économiste autrichien parmi les principaux fondateurs du néolibéralisme, décrit la planification, qu’il assimile à de l'étatisme, comme la subordination complète des individus à l'État en les tenant en tutelle tout en restreignant la liberté d'action individuelle. Cherchant à façonner la destinée des individus, l'étatisme tendrait pour lui à remplacer les initiatives individuelles par un appareil social qui aurait le monopole de toute initiative.
Considérations générales sur la planification
Depuis toujours les gouvernants, les dirigeants d’entreprises les stratèges militaires, mais aussi les familles, se fixent des objectifs. Tout le monde fait des plans. Ce sont des projets qui, pour voir le jour, nécessitent une action cohérente, organisée, rationnelle, selon un certain ordonnancement dans le temps. Les gouvernants, par exemple, élaborent des projets d’urbanisme depuis bien avant l’Antiquité ! En 1670, l’intendant du roi, Jean-Baptiste Colbert, a créé entre autres la futaie de chênes de Tronçais, dans l’Allier, qui est réputée être aujourd’hui la plus belle futaie de chênes d’Europe. Elle appartenait au pouvoir central depuis 1527, date à laquelle elle fut confisquée au Connétable de Bourbon. Désireux de doter le Royaume d’une marine puissante, Colbert décidait de planter plus d’un million d’hectares d’arbres dont les troncs et les branches devaient fournir à l’industrie navale une matière première de grande qualité. Le chêne sessile, en effet, recherché pour fabriquer les tonneaux qui permettront « d’élever les vins », possède peu de nœuds, a un grain fin et pousse lentement et régulièrement lui donnant une forte densité. Colbert avait fait réaliser un « catalogue » reproduisant les pièces spéciales utiles à la charpenterie de marine, appelées les « bois tors ». Il réorganisait ainsi toute la filière, de la plantation des chênes à la construction des chantiers navals, les corderies… La construction d’un grand vaisseau nécessitait d’abattre 4 000 chênes centenaires. La planification était ainsi faite sur plusieurs décennies.
À notre époque, le même type de préoccupation doit nous guider dans le domaine de l’environnement, c’est à l’échelle de décennies qu’il faut inscrire nos actions pour réparer les dégâts du capitalisme. Les dirigeants d’entreprises contemporains, en ce qui les concerne, vont faire des « business plans », développer des plans marketing, des plans de formation… Les chefs militaires vont faire des plans de débarquement, en temps de guerre, comme en juin 1944 en Normandie. En temps de paix, ils vont planifier la construction des bateaux, des avions, des matériels terrestres parfois des décennies à l’avance. Un navire militaire possède ainsi une durée de vie comprise entre 40 et 50 ans. Quant aux familles, elles vont projeter d’acheter un logement et de mettre de l’argent de côté pour rembourser ensuite pendant 20 ou 30 ans.
Toutes ces opérations portent un nom : la planification. La planification est donc tout simplement l'organisation dans le temps de la réalisation d'objectifs. La planification économique, pour ce qui la concerne, est la tentative de rationaliser les projets économiques d'un pays. À l’époque moderne, la planification économique s'est développée durant la Première Guerre mondiale. L'objectif des États était d'encadrer la production civile et de soumettre l'économie aux impératifs de la guerre.
Dirigisme ?
La planification est systématiquement qualifiée péjorativement de « dirigisme » par les agents de la propagande néolibérale. Il n’y a pourtant rien de scandaleux à ce que les parlements, les gouvernements, les collectivités locales, les entreprises nationales et les citoyens exercent un pouvoir d'orientation et de décision sur l'économie afin de l'organiser selon certaines fins. Il est même hautement souhaitable qu’il en soit ainsi et que les moyens de l’État soient utilisés pour orienter l'activité économique par le contrôle du crédit, de la monnaie, de la fiscalité, de la politique du commerce extérieur, de la politique de la Sécurité sociale, des salaires et des investissements… Le dirigisme, dans ce sens, est nécessaire. Nous considérons en effet que c’est à la Nation et non aux marchés de diriger l’économie et plus encore la société.
Colbertisme ?
Pour les agents de propagande du néolibéralisme, qualifier quelqu’un ou une organisation de « colbertiste » est une grave insulte. Le mot vient du nom de Jean-Baptiste Colbert, ministre d'État et contrôleur général des finances de Louis XIV. Les principes colbertistes demeurent profondément associés dans notre pays à la définition du rôle de la Nation (en politique), de l'État (en économie) et de certaines branches de l'activité nationale. Colbert manifeste une volonté d'ordre dans les finances, la monnaie, les corporations, les fabrications. Il entend impliquer toutes les forces de la Nation : hommes, techniques et capitaux. Pour que cet effort de modernisation puisse se faire, il met en place :
- un protectionnisme qualifié « d'éducateur » et exclusivement industriel ;
- l'octroi de subventions à l’exportation ;
- la mise en place de commandes publiques ;
- un développement extrêmement contrôlé des colonies entièrement dépendantes de la métropole.
À l'époque du Grand Siècle français, il entend développer un climat supérieur de civilisation, où la qualité est reine :
- développement des industries du luxe (métiers d'art, textiles, verreries, dentelles, soies et velours...) ;
- révision des normes de qualité : l'objet vaut par ce qu'il est.
Colbert transforme la logique mercantiliste d’accumulation de métaux précieux qui est la norme à l’époque dans la classe dominante, en une organisation méticuleuse de l’État qui sera un vecteur de puissance et de grandeur pour le pays et son monarque. Les soutiens apportés à l’industrie française par l'État (dont les fameuses manufactures) ne sont pas conçus pour durer éternellement : l’objectif est que les entreprises acquièrent un savoir-faire et une taille suffisante (qui entraîne des économies d'échelle) qui leur permettront de devenir compétitives face aux principales concurrences de l'époque, anglaises et hollandaises.
En ce sens nous sommes colbertistes.
Interventionnisme ?
Après le « dirigisme » et le « colbertisme », « l’interventionnisme » figure également dans le lexique des insultes des propagandistes néolibéraux. Ils qualifient ainsi d'interventionnisme l’action de l'État lorsque ce dernier participe à l'économie du pays pour favoriser certains groupes sociaux ou certaines activités.
Il existe divers leviers d'intervention économique, conduisant à diverses formes d'interventionnisme :
- l'État-providence, agissant sur la redistribution des revenus ;
- l'aide à l'investissement ou à la création d'entreprises pour favoriser la création et le développement de « champions nationaux » ou de nouvelles filières ;
- l’orientation du budget public de recherche scientifique vers des domaines jugés prioritaires ;
- le développement des infrastructures (transports, eau, électricité, communications...) considérées utiles à l'activité économique ;
- la politique industrielle ;
- le protectionnisme défensif (barrières à l'importation) ou offensif (subvention des exportateurs, grands contrats d'exportation négociés d'État à État, etc.) ;
- la politique monétaire et budgétaire dans une optique d'action conjoncturelle ;
- la réglementation commerciale du travail (salaires, horaires), environnementale, etc.
L'interventionnisme économique est une stratégie qui cherche à doser la part du marché et celle de l'État. Les débats ont toujours été très vifs concernant le niveau de ce dosage, permettant de compenser notamment les effets pervers de chacun des systèmes. Ce niveau varie selon le contexte et selon les objectifs poursuivis. Le Plan vise à modifier la société en profondeur, à contrer les « effets pervers » et la « myopie » du marché. Il est pour nous une révolte de la société contre le marché.
Nous sommes évidemment pour une intervention de la Nation dans les affaires économiques, domaine qui a toutes les raisons d’échapper au monopole des classes dominantes.
Étatisme ?
C’est une autre insulte des agents du néolibéralisme qui s’ajoute à la panoplie déjà décrite. L'étatisme, dérivé du terme État, peut prendre plusieurs sens selon les contextes, il peut désigner à la fois :
- Un courant ou doctrine politique selon laquelle l'État doit intervenir systématiquement, de façon plus ou moins directe, par le biais de son monopole territorial, dans les principaux domaines sociaux et d'activité économique.
- L'exercice des pouvoirs de l'État, et l'expansion de son champ d'intervention sur la société.
- Les moyens par lesquels l'État exerce et détient un monopole plus ou moins important sur des secteurs économiques (entreprises contrôlées directement ou indirectement par l'État), sociaux et médico-sociaux, culturels et de communication (télévision publique).
L'étatisme est une doctrine, politique ou culturelle, selon laquelle l'État doit être le centre et la principale structure qui dirige, administre et contrôle tout ou partie de l'activité sociale ou économique. L'étatisme peut couvrir différents sens ou domaines, ceci selon la légitimité ou la non-légitimité que les individus trouvent dans l'action de l'État. C'est une forme de pouvoir politique exercée de façon autoritaire, voire discrétionnaire par l'État qui peut être désignée comme étatiste. On retrouve parmi les courants d'idées opposés à l'étatisme les libéraux, les anarchistes, et certains communistes. Ceci étant, les motivations et raisons de fond de cette opposition diffèrent selon les moyens et fins à atteindre.
Si nous sommes favorables à une intervention de l’État démocratisé dans l’économie, nous sommes opposés à l’étatisme précisément dans le sens où il se substitue à la souveraineté du peuple.
Notre conception de la planification
Le Parti la démondialisation s’inspire du programme du Conseil national de la Résistance (CNR) en matière de planification. Planifier, c’est se projeter dans l’avenir, c’est rompre avec le climat morbide installé par les politiques néolibérales fondées sur l’austérité, la menace, le chantage et la peur. La formule « no future » s’applique ainsi à des millions de personnes, des jeunes en particulier, qui ne voient aucune perspective qui pourrait les mobiliser. C’est pourquoi ils sont si nombreux à s’expatrier.
La planification que propose le Parti de la démondialisation n’a rien à voir avec la caricature qu’en ont donné les pays qui se réclamaient du socialisme, comme en URSS ni même à ce qui s’est fait en France après la Seconde Guerre mondiale. Elle vise au contraire à recréer un avenir, à reconstruire la France, à la libérer de la mondialisation qui l’a mise à genoux, selon des méthodes démocratiques de délibération publique et de contrôle du parlement. Encore faut-il préciser de quoi nous parlons et définir avec précision les notions utilisées. À cet égard, l’expérience du programme du CNR mis en œuvre à la Libération grâce à un Plan est indispensable à analyser. C’est en tenant compte de cette expérience que le Parti de la démondialisation propose la création d’un ministère du Plan et une planification démocratique. Son orientation générale est de reconstruire la France, défigurée par quatre décennies de politiques néolibérales, pour améliorer la vie quotidienne des Français.
L’économie doit se recentrer sur ce qui doit être pour nous son essence : satisfaire correctement les besoins de la population, de toute la population, et au premier rang desquels se trouvent les besoins de subsistance. En France – tel est notre projet politique – chacun, quel que soit son revenu ou son patrimoine, doit pouvoir se nourrir en disposant d’une alimentation saine issue globalement de l’agriculture biologique ou paysanne française, se loger sans être pénalisé par des prix prohibitifs, se vêtir au moyen d’une production très majoritairement française, se soigner quasi-gratuitement. À ces besoins de subsistance, physiologiques, vitaux, s’ajoutent des besoins de base propres à notre époque comme s’éduquer et se former, se cultiver, se distraire, voyager, vivre en toute sécurité dans un environnement sain et agréable, communiquer, etc.
L’État démocratisé (voir sur cette question la partie VII de notre programme) doit organiser ce recentrage de l’économie, il doit la diriger. Les autorités politiques doivent montrer leur préoccupation relative à l’approvisionnement de la population. La production et la distribution ne peuvent avoir lieu sans un centre établi à partir duquel celles-ci sont coordonnées, et c’est le rôle de l’État. Ces opérations ne sont nullement une modalité de comportement individuel et ne peuvent relever du marché.
Tenir compte des échecs des économies planifiées
La planification économique que nous voulons est basée sur un pouvoir de décision détenu par le parlement et le gouvernement à la suite d’un débat national pour choisir les grandes orientations stratégiques. Les difficultés concrètes de la mise en place d'une économie planifiée ne doivent cependant pas être ignorées, notamment à partir de l’expérience des pays socialistes. Parmi les difficultés il a été observé que plus une économie nationale se diversifie, plus le nombre des produits qu’on y fabrique s’accroît, plus les procédés techniques mis en œuvre se multiplient, et plus certaines formes de centralisation risquent de devenir inefficaces car le processus de planification peut se trouver submergé par le nombre et la complexité des problèmes à résoudre et par la multitude des connaissances et des informations dont il faut disposer pour les résoudre correctement. Plus la société se développe, plus la planification doit se concentrer sur les grandes priorités stratégiques, sans entrer dans les détails au niveau national si on ne veut pas être noyé dans la complexité de l'activité humaine. C’est pourquoi la planification ne peut porter que sur les grandes orientations structurelles, le marché conservant toute sa place afin de permettre la souplesse nécessaire. Une grande liberté doit être accordée aux collectivités locales, aux services publics, aux entreprises nationales, aux PME et TPE. Et à la parole des citoyens.
La seule solution efficace et crédible, pour nous, est la décentralisation de la planification, c’est-à-dire les décisions stratégiques relevant du parlement, et les décisions d’application plus détaillées relevant des entreprises nationales, services publics, collectivités territoriales. La planification ainsi conçue affaiblira le capitalisme car elle offre la possibilité d’utiliser pleinement les capacités productives (main-d’œuvre et équipements), permettant de construire un système plus juste et plus rationnel du point de vue économique, social, environnemental, démocratique. En outre les gains pour la population seront considérables puisque le chômage structurel disparaît, le pouvoir d’achat augmente grâce à un rapport de force favorable au peuple, le sentiment d’appartenir à un système plus égalitaire dynamise les énergies.
Principe 3 : Transférer ou restituer à la Nation les groupes et entreprises stratégiques
Afin de lever tout malentendu éventuel, nous voulons immédiatement préciser que nous reconnaissons le droit à la propriété privée. L’histoire témoigne d’ailleurs qu’il n’est pas incompatible avec le droit de saisie de biens privés pour des raisons d’intérêt général. Pour justifier notre volonté de rendre ou transférer à la Nation les secteurs stratégiques de l’économie française, nous décrirons, dans des annexes, les nationalisations du Front populaire, de la Libération et de 1982. Le mythe qui parfois les entoure sera dissipé afin que leur bilan contrasté fasse leçon pour l’avenir. Nous ferons ensuite un rappel des « théories » néolibérales sur le sujet et les comparerons avec le résultat réel des privatisations, avant de démontrer la légitimité de la propriété nationale. Nous terminerons par la description des objectifs que nous fixons au retour ou transfert à la Nation des entreprises stratégiques.
Nous reconnaissons la propriété individuelle comme un droit humain
Le Parti de la démondialisation reconnaît le droit à la propriété individuelle. Il concerne évidemment, en premier lieu, les biens appartenant à la sphère privée comme les objets dits « personnels » de la vie de tous les jours. Il s’agit aussi du logement, de la terre et de l’outil de travail. Le droit de propriété concerne l’être humain dans sa relation avec les biens. En tant que forme suprême d’exercice du pouvoir de l’être humain sur une chose, le droit de propriété individuelle reste un atout fondamental de la liberté. Il est conféré à toutes les personnes, qu’elles soient physiques ou morales, parmi lesquelles l’État et ses services.
Le droit de propriété est reconnu à l’échelle nationale et à l’échelle internationale.
Sur le plan national, durant la Révolution française, les élus de 1789 ont affirmé à deux reprises dans la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789, le droit de propriété comme naturel et imprescriptible. En son article 2, la Déclaration entend faire respecter : « la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l’oppression. » De son côté, l’article 17 énonce : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité ».
En 1970, le Conseil constitutionnel reconnaît la valeur constitutionnelle de cette Déclaration en l’intégrant dans le bloc de constitutionnalité du préambule de la Constitution du 4 octobre 1958. Il a précisé « Les principes énoncés par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen tant en ce qui concerne le caractère fondamental du droit de propriété, dont la conservation constitue l’un des buts de la société politique et qui est mis au même rang que la liberté, la sûreté et la résistance à l’oppression, qu’en ce qui concerne les garanties données aux titulaires de ce droit et les prérogatives de la puissance publique. »
La propriété immobilière est définie à l’article 552 du Code civil : « La propriété du sol emporte la propriété du dessus et du dessous. ». Ce principe souffre néanmoins d’exceptions d’ordre légal. Par exemple il existe un régime particulier pour l’exploitation minière du sous-sol. De même, la propriété du dessus peut être contrainte par des règles d’urbanisme. Par ailleurs, l’article 544 du Code civil dispose : « La propriété est le droit de jouir et de disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois et par les règlements ».
Le droit de propriété est celui de jouir et de disposer de la chose perpétuellement et de la manière la plus absolue, « pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par la loi et les règlements » (art 544, code civil), ou « de nature à nuire aux droits des tiers » (Civ.; 3e, 20/03/1978). Ce droit est assorti d’un droit d'accession : « La propriété d'une chose... donne droit sur tout ce qu'elle produit ».
Le droit de propriété individuelle possède néanmoins des exceptions. Si ce droit est reconnu comme une liberté fondamentale en droit positif français, il n’est pas un droit général et absolu car il peut y être porté atteinte par la collectivité. Selon les termes de l’article 544 du Code civil, de nombreuses lois sont admises en limitation du droit de propriété, notamment en matière d’urbanisme. Les expropriations, par exemple, sont possibles mais doivent impérativement être justifiées, c’est-à-dire qu’elles doivent correspondre à une nécessité publique, légalement constatée. Ainsi le juge administratif est appelé à se pencher sur la déclaration d’utilité publique (DUP), en cas de recours contentieux, pour pallier l’abus de la puissance publique. L’article L. 12-5 du Code de l’expropriation prévoit : « Tout exproprié peut faire constater par le juge de l’expropriation que l’ordonnance portant transfert de propriété est dépourvue de base légale. » Il existe par ailleurs des cas particuliers sans nécessité de recourir à l’expropriation et dont les effets sont sensiblement identiques sans pour autant indemniser le propriétaire lésés : remembrement, servitude administrative, incorporation au domaine public, réquisition, règles d’urbanisme…
La propriété est un droit accordé à l’individu par notre droit national. Ce droit existe parce que la Nation s’engage à le défendre. La disparition de la Nation conduit à la disparition du droit à la propriété tel qu’il est défini par elle puisqu’alors il n’est plus défendu. C’est une des multiples raisons qui conduit le Parti de la démondialisation à défendre la Nation française.
Lors des nationalisations de 1982, le Conseil constitutionnel, dans sa décision du 16 janvier 1982, a également insisté sur le fait que toute atteinte au droit de propriété par la puissance publique doit répondre à une nécessité « légalement constatée ». En cas de nationalisation ou d’expropriation, le Conseil constitutionnel est appelé à en vérifier le caractère « juste ». En effet, en matière de nationalisations, le préambule de la Constitution de 1946 énonce que « Tout bien, toute entreprise, dont l’exploitation a ou acquiert les caractères d’un service public national ou d’un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité. » Ce texte a ainsi permis d’encadrer la vague importante de nationalisations des années 1945 et 1946 et celle de 1982. L’opposition parlementaire de droite a introduit un recours devant le Conseil constitutionnel pour voir juger illégales ces nationalisations.
Le Conseil constitutionnel a alors rendu une importante décision le 16 janvier 1982, affirmant :
- que le droit de propriété est un droit fondamental ;
- que les nationalisations ne sont pas limitées aux cas prévus dans le préambule de 1946 ;
- que le législateur doit respecter les principes de la DDHC de 1789.
Ainsi, sauf erreur manifeste d’appréciation, le Conseil constitutionnel laisse le législateur seul juge de l’intérêt général.
Le Parti de la démondialisation ne remet pas en cause la Déclaration universelle des droits de l'homme qui a donné un caractère fondamental à ce droit, au même rang que la liberté. Le 10 décembre 1948, les 58 États Membres qui constituaient alors l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies ont adopté la « Déclaration universelle des droits de l’homme » à Paris au Palais de Chaillot (résolution 217 A (III)). Son article 17 stipule : « Toute personne, aussi bien seule qu'en collectivité, a droit à la propriété. Nul ne peut être arbitrairement privé de sa propriété. » À l’échelon européen, il existe la Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 qui énonce en son article 1er du protocole additionnel n°1 : « Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent des États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général pour assurer le paiement des impôts ou d’autres contributions ou amendes. » De son côté la Cour européenne de droits de l’homme (CEDH) estime que le droit de propriété est « garanti dans l’ordre juridique communautaire conformément aux conceptions communes aux Constitutions des États membres. »
L’application de ce droit privatif à l’entreprise, dont l’objectif et l’organisation sont tournés vers la production de biens et services destinés à la satisfaction des besoins de tous, nécessite d’être rééquilibré. C’est d’ailleurs ce qu’a jugé en mars 1979, à propos de la cogestion, le Tribunal Constitutionnel Fédéral d’Allemagne. Il constate en effet que le droit fondamental à la propriété a le caractère d'un instrument et que toutes les formes de propriété ne sont pas égales. La propriété bénéficie d'une protection particulière lorsqu'il s'agit d'une propriété personnelle permettant de garantir la liberté de l'individu. En revanche, la protection de la propriété est d'autant plus restreinte – et le pouvoir de réglementation du législateur d'autant plus large – que l'objet auquel s'étendent les droits de propriété « se situe dans un contexte social et joue un rôle sur le plan social ». Dans le cas de la propriété de parts d'une entreprise, la jouissance de la propriété touche les intérêts d'autres personnes, à savoir les travailleurs, et au-delà les acheteurs des biens et services produits. Ces derniers doivent, eux aussi, jouir d’une certaine façon du droit de propriété sur l'objet - l'entreprise - afin de pouvoir assurer eux-aussi leur liberté et leur vie sous leur propre responsabilité. Le tribunal allemand a ainsi mis en relief que seule l'action conjuguée des porteurs de parts et des travailleurs permet d'atteindre le but de l'entreprise et la jouissance de la propriété.
La propriété des moyens de production présente à l’évidence des avantages financiers, de prestige, politiques pour leurs propriétaires, qu’ils soient grands ou petits. Concernant les petits et moyens propriétaires du capital, dès lors qu’ils se conforment aux normes sociales, environnementales, de qualité fixées par la collectivité, leur outil de travail doit rester leur propriété. D’autant que les biens et services qu’ils produisent contribueront à répondre finement aux besoins de la population, probablement bien mieux que ne peuvent le faire de grandes entreprises, qu’elles soient privées ou nationales.
Il existe aussi de nombreux inconvénients pour la société à la propriété privée des grands moyens de production, d’échange et de communication :
- exploitation du travail d’autrui et création d’inégalités ;
- conflits et guerres dont les enjeux sont la conquête de marchés ;
- obstacles à une « allocation optimale des ressources » nécessaires à la production ;
- obstacles à une large circulation des informations et des connaissances,
- comportements abusifs ou pervers vis-à-vis du patrimoine commun de l’humanité,
- choix de production décidés pour le profit privé, et non pour répondre aux besoins de la population
- obsolescence programmée des biens manufacturés,
- publicité souvent mensongère pour créer des besoins généralement inutiles,
- sous-estimation dramatique des dégâts causés à l’environnement par le processus
de production. etc.
Éléments d’histoire sur le retour ou le transfert à la Nation d’entités privées
L’intervention de l’État dans l’économie est à l’origine même de l’activité économique, c’est l’État qui a créé le marché, c’est lui qui lui permet de fonctionner. Cette réalité est universelle et ne concerne pas simplement la France. Le terme de « nationalisation », souvent utilisé pour parler du retour ou du transfert à la Nation d’entreprises privées, ne recouvre qu’imparfaitement l’acte du souverain décidant, pour des motifs d’ordre public, de mettre un terme à une propriété privée. La confiscation, par exemple, fait partie des instruments du souverain (le roi ou le peuple). L’une des plus spectaculaires confiscation, au Moyen-Âge, a été celle décidée par le roi de France Philippe IV le Bel sur les biens des Templiers (1307). Ce fut une sanction, sans compensation financière, qui s'est d’ailleurs accompagnée, en outre, du meurtre des dirigeants Templiers. Bien avant Colbert, sous Louis XI, l’État récupère le contrôle de la soie et de l’imprimerie. Il s’agit à chaque fois de protéger le patrimoine industriel national, d’assurer son indépendance en matière de production d’armements ou de réguler l’activité économique afin de maintenir un environnement stable dans la société.
La Révolution française a nationalisé les biens de l'Église dès le 10 octobre 1789, les curés de campagne étant dédommagés sous forme du versement d’une rente annuelle. Le clergé et l'Assistance publique (hôpitaux et hospices) ont été « fonctionnarisés ». Le 30 mars 1792, la confiscation des biens des nobles hostiles à la République, émigrés à l'étranger depuis le 1er juillet 1789, était décidée. Cette confiscation au profit de l'État, décidée à la veille de la guerre, a été opérée par sanction, sans compensation financière.
Pendant la Révolution bolchévique, l'abolition de la grande propriété foncière, sans compensation, est décidée le 8 novembre 1917, pour les banques le 27 décembre. Pendant la guerre civile, pour priver les contre-révolutionnaires de leurs ressources, le commerce extérieur (2 mai 1918), l'industrie pétrolière (20 juin 1918), puis toute la grande industrie (28 juin 1918) sont nationalisés.
En Allemagne, la République de Weimar nationalise les chemins de fer en 1920.
Au Québec, en 1921, en pleine prohibition, le gouvernement crée la Société des alcools du Québec pour assurer le commerce des vins et des spiritueux dans la Belle Province. Aujourd'hui, la Société des alcools du Québec est le plus grand vendeur de vins au Canada et le plus grand acheteur institutionnel de vins au monde. En avril 1944, le gouvernement québécois nationalise les compagnies électriques et donne naissance à Hydro-Québec. Aujourd'hui cette société d’État est responsable de la production, du transport et de la distribution de l’électricité de la province de Québec. Dans le domaine des télécommunications, le gouvernement québécois crée Radio-Québec en février 1968.
Au Royaume-Uni, la Banque d’Angleterre est nationalisée en octobre 1945, les charbonnages en janvier 1947, les transports aériens en février 1947, les chemins de fer en janvier 1948, la sidérurgie entre 1951 et 1953, ainsi que les constructions automobiles et navales. En Iran, la nationalisation de l'Anglo-Iranian Oil Company provoque le renversement du gouvernement du Premier ministre Mossadegh par la CIA en août 1953. L’agence américaine remet le shah au pouvoir. La nationalisation du Canal de Suez en 1956 par Nasser provoque une intervention militaire franco-britannique soutenue par Israël qui, d’ailleurs, échouera.
En France, l'État nationalise les réseaux téléphoniques en 1889. En 1907 c’est au tour de la Compagnie ferroviaire de l’Ouest, puis en 1919 l'État prend le contrôle des mines de potasse d’Alsace.
Trois grandes périodes, en France, sont marquées par des nationalisations :
- Le Front populaire en 1936-1938 (voir la description complète en annexe VII).
- La Libération en 1944-1948 (voir la description complète en annexe VIII).
- La période Mitterrand en 1981-1982 (voir la description complète en annexe IX).
Problèmes de définitions
C’est le mouvement ouvrier, en France particulièrement, dès sa naissance au XIXe siècle et ensuite tout au long de son histoire, qui va mettre en avant la question de la propriété des moyens de production. Mais il a utilisé des notions différentes, souvent floues, pour en parler. Les termes utilisés, selon les courants d’idées et les périodes, sont assez nombreux et imprécis. On parle d’entreprises nationalisées, d’entreprises publiques, de services publics, de sociétés d’économie mixte, d’établissements publics industriels et commerciaux, de secteur public marchand, d’appropriation sociale, de socialisation, d’étatisation… Existe-t-il des définitions rigoureuses couramment admises et des différences entre ces termes ? Il semble que la réponse soit négative. Cependant, une distinction assez pertinente a été faite, par exemple, dans le cours donné à l’Institut supérieur ouvrier de la CGT en 1936 et intitulé « Nationalisations, Étatisations, Socialisations ». La nationalisation est distinguée de l’étatisation car elle est l’appropriation collective par la Nation. Les forces productives et les consommateurs, au même titre que l’État, doivent intervenir dans la gestion. Quant à la socialisation, elle « transgresse le cadre capitaliste, elle est réalisée par les travailleurs organisés exerçant le pouvoir. »
Nous choisissons d’utiliser comme expression générique « retour ou transfert à la Nation » pour parler des entreprises qui seront concernées, ce processus aboutissant à des nationalisations. Nous parlerons donc d’entreprises nationales pour décrire ces entreprises et de nationalisations pour décrire le processus de leur passage de la sphère privée à la sphère publique nationale. C’est le terme qui nous paraît le mieux correspondre à ce que nous voulons car il signifie clairement que des entreprises vont passer sous le contrôle de la Nation ou qu’elles sont déjà sous son contrôle. Il ne s’agit donc pas de « socialisation » ou « d’appropriation sociale », expressions floues qui masquent la réalité précise des propriétaires effectifs. Il ne s’agit pas non plus « d’étatisation », car la Nation englobe l’État qui est son instrument, elle le surplombe. La « nationalisation » évoque très clairement que c’est la Nation qui possède, et non l’État ou tel groupe social. La forme juridique de la nationalisation est l’Établissement public et industriel et commercial (EPIC). Ainsi, toutes les entreprises qui retournent ou qui sont transférées à la Nation, seront transformées en EPIC (voir l’annexe V sur l’explication de ce qu’est un EPIC).
L’autre intérêt de n’utiliser que le terme « nationalisation » est que non seulement il indique clairement que la propriété est nationale, mais il entraîne une conséquence évidente : s’il s’agit d’une nationalisation, la mission de cette entreprise est d’être au service de la nation. Son activité doit donc correspondre aux attentes des citoyens qui sont ses usagers, et aussi aux citoyens qui sont ses salariés.
Le retour ou le transfert à la Nation de certaines entreprises est donc un processus de nationalisation par lequel la propriété des entreprises concernées est entièrement transférée à la nation. Les entreprises deviennent des EPIC, aucune nationalisation ne peut avoir lieu dans laquelle la nation ne possèderait pas 100% du capital. Les filiales deviennent également des EPIC. L’État, au nom de la Nation, peut prendre des participations minoritaires dans des entreprises privées, mais il ne s’agit pas de nationalisation. La forme juridique, dans ce cas, est celle de la Société d’économie mixte (SEM, voir la description en annexe VI). Comme leur nom l’indique, ces sociétés étant « mixtes » ne peuvent avoir de missions d’intérêt général puisque composées d’intérêts particuliers. La loi du 2 janvier 2002 sera modifiée en ce sens.
Puisque nous parlons de « contrôle de la Nation » sur ces entreprises, cela signifie que leur conseil d’administration est majoritairement composé de représentants de la Nation : parlementaires et fonctionnaires. Les salariés et les consommateurs doivent également avoir des représentants.
La théorie néolibérale et le dogme de la propriété des grands groupes de production, d’échanges et de services
La privatisation est le mouvement inverse à celui de la nationalisation. Elle consiste à transférer au secteur privé la propriété, l'exploitation et/ou la distribution de produits ou de services qui étaient jusque-là produits ou mis en marché par des entités publiques. Dans certains cas, l'étatisation étant prévue par la Constitution des pays, comme c’était le cas pour les terres collectives et le pétrole au Mexique, la privatisation a nécessité la déconstitutionalisation des droits de la collectivité.
Les privatisations, dans leur principe, répondent d’abord, fondamentalement, aux intérêts géopolitiques, financiers et économiques des États-Unis. C’est dans ce pays, en effet, que le système des Pension Funds et Mutual Funds est le plus développé au monde. Ces investisseurs institutionnels ont besoin d’acheter et vendre sans interruption des quantités immenses, toujours renouvelées, de titres financiers, et particulièrement des actions. Les marchés boursiers américains, pourtant gigantesques, sont devenus trop petits pour eux. Les privatisations, partout dans le monde, leur offrent les actions qu’ils recherchent. La Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) et l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) ont alors joints leurs efforts pour bâtir un discours visant à présenter la nécessité de la libéralisation financière et des privatisations comme relevant d’une sorte de droit naturel. Les privatisations ont ainsi contribué à financiariser un peu plus l’économie mondiale en poussant artificiellement le prix des actions à la hausse et en encourageant, du coup, les crises financières. USAID[1] et la Banque mondiale ont également imposé la doctrine de la privatisation au Sud. Dès 1991, la Banque mondiale avait déjà fait 114 prêts pour accélérer le processus, et chaque année son rapport « Finance du développement global » dénombre des centaines de privatisations effectuées dans des pays débiteurs auprès de la Banque. C'est l'un des plus gros hold-up de l’époque moderne. Les fonds de pension et fonds mutuels américains ont ainsi pu profiter de la hausse du prix des actions générées par les privatisations. Ils sont devenus de très importants détenteurs de titres dans les entreprises cotées européennes.
Les privatisations sont au cœur des dogmes néolibéraux et ont été engagées dès le début des années 1980 partout dans le monde. C’est soi-disant pour respecter le principe de la concurrence que les néolibéraux veulent réduire le secteur public. Pour eux, la concurrence par le marché est censée – par principe – résoudre les problèmes supposés d'efficacité des monopoles publics, favoriser la baisse des prix et l'innovation, encourager l’emploi et la croissance économique. De très nombreux économistes à gages ont tenté de donner un verni théorique à cette idéologie. Ces « théories » alimentent le discours néolibéral habituel. On a vu, avec la crise financière qui a débuté en 2007, ce qu’il en était de ces « théories » et de leur mise en pratique. Heureusement que les États étaient là pour « sauver » les banques et un certain nombre d’entreprises.
Les « monopoles naturels » doivent être nationalisés pour éviter la constitution de monopoles privés. Un monopole naturel existe quand il est nécessaire aux entreprises d’un secteur d’avoir une certaine taille pour garantir une efficacité économique maximale afin de réaliser des économies d’échelle pour amortir des investissements conséquents, soit en équipements soit en R&D. C’est le cas, par exemple de la conception et l’assemblage d’avions. Les industries de réseau sont une autre catégorie de monopole naturel. Indépendamment de leur taille, il est nécessaire qu’elles aient un monopole sur un territoire donné pour éviter le doublement des réseaux qui constitue un gaspillage évident de ressources. C’est le cas des rails de chemins de fer, les lignes à haute tension, les tunnels de métro, les réseaux de gaz, d’égouts, d’eau, de fils téléphoniques
C'est pourquoi les monopoles publics sont la solution optimale évidente car tout ce qui a tendance à fonctionner en réseau finit par se développer en monopole naturel. Mais les néolibéraux considèrent que tout ce qui est public est par définition « inefficace ». En réalité, tout ce qui est public n’est pas privé (!) et ne génère donc pas de profit privé !
L'idéologie de la privatisation a conduit à s'aveugler sur deux réalités. La première est que, contrairement au dogme de la supériorité absolue du secteur privé en matière de management, il existe des entreprises publiques excellemment dirigées et des entreprises privées qui le sont de façon catastrophique. La seconde est que lorsqu'une entreprise à but non lucratif est en difficulté, le fait de lui imposer des exigences de rentabilité, loin d'améliorer sa situation, l’expose aux pires déconvenues.
En France, les privatisations engagées depuis 1986 par les gouvernements de droite et de gauche ont servi d’instrument de « gouvernabilité » au jour le jour. Les recettes considérables qui en ont été obtenues n’ont servi qu’à pallier le manque de recettes fiscales provoqué par le chômage de masse et au financement des dépenses courantes, au désendettement et à la recapitalisation d’entreprises publiques pour les préparer à la privatisation. Leur impact sur la croissance économique (qualitative et quantitative) et l’emploi n’a pas été visible, contrairement aux promesses faites. Les privatisations ont même joué contre les salaires et l’emploi, les entreprises privatisées se jugeant déliées de leurs responsabilités sociales (déjà faibles au demeurant).
On voit clairement aujourd'hui à quels résultats désastreux les privatisations peuvent aboutir. Dans la plupart des cas, les privatisations ont donné des résultats calamiteux. Cette réalité rend d’autant plus paradoxale la disparition de la question de la propriété des moyens de production du débat public. C’est la ruine complète du rail anglais, qui malgré d'énormes subventions a failli fermer purement et simplement à la veille de Noël 2000, suite à des accidents dont l'un (en octobre 2000) a été particulièrement meurtrier. La cause ? L'incohérence d'un réseau réparti entre 25 sociétés d'exploitation, une 26e s'occupant de l'infrastructure, et l'état désastreux de tout le système par défaut d'investissements. Aujourd'hui, tout le monde ou presque reconnaît l'irresponsabilité et la hâte qui ont présidé à la déréglementation des chemins de fer britanniques. Devant la situation critique de la société nationale, les champions de la privatisation avaient pronostiqué que des compagnies à but lucratif feraient les investissements nécessaires, réhabilitant le rail pour attirer les usagers. Ce qui s'est réellement passé, et qui était pourtant facile à prévoir, est que les compagnies ont couru après les bénéfices immédiats sans investir, précipitant la ruine de tout le système.
Dans le cas californien, l'argument des champions de la privatisation des régies d'électricité, à savoir que les prix baisseraient à la consommation, a été totalement démenti. Non seulement les prix se sont envolés, mais la Californie a connu des coupures d'électricité monstres et répétées, dont les conséquences économiques se font encore sentir durablement au niveau de l’État de Californie.
En ce qui concerne les autres effets des privatisations, ils étaient prévisibles et ont été prédits. Les dirigeants des entreprises privatisées, souvent exactement les mêmes qu'avant, ont doublé ou triplé leur salaire, sans compter les stock-options qu’ils se sont généreusement attribués. À partir de ces résultats, on peut facilement voir que le but réel de la privatisation n'est ni l'efficacité économique, ni de meilleurs services pour le consommateur, mais simplement de transférer des richesses de la poche de l'État, qui pourrait les redistribuer pour combler les inégalités sociales, vers des mains privées. En Grande-Bretagne et ailleurs, l'énorme majorité des actions des sociétés privatisées sont maintenant dans les mains d'institutions financières et de très gros investisseurs.
Alors que monte à juste titre la critique du « turbocapitalisme » et de « l’ultralibéralisme » qui provoquent la « dictature des marchés financiers », des inégalités sociales et nationales croissantes, les désastres écologiques et alimentaires, la réflexion sur les formes de la propriété des entreprises a été évacuée du débat public malgré les dégâts engendrés par nombre de privatisations. Pour le Parti socialiste, particulièrement actif dans les privatisations, ce qui ne concourt pas à l’intérêt général doit être cédé au privé. Cette analyse manque de pertinence. D’ailleurs le PS, parallèlement, est muet sur la proposition inverse : tout ce qui concourt à l’intérêt général doit être cédé au public... On ne peut accepter la conception selon laquelle l’État devrait se limiter – au nom de quoi ? – à simplement compenser les défaillances du marché. C’est le marché lui-même qu’il faut changer, tâche qui s’avère impossible à conduire sans faire bouger les modes de propriété. Et dans les modes de propriété, il n’y a pas que l’État. Il existe des possibilités variées de propriété partagée qui peuvent associer les salariés, les sous-traitants, les fournisseurs, les collectivités locales, les mutuelles, les associations, les coopératives, les usagers…
À l’échelle mondiale, les privatisations ont été présentées comme le remède miracle censé permettre tout à la fois le développement des pays pauvres, d’assurer la transition vers l’économie de marché pour les pays de l’ancienne zone soviétique et l’assurance de la prospérité éternelle pour les pays de l’OCDE. Les privatisations étaient censées offrir toujours, à toutes les époques et sous toutes les latitudes, une meilleure efficacité économique et sociale que les services publics et les entreprises nationales. Elles sont l’une des armes principales des politiques néolibérales. Cependant le nombre d’entreprises à privatiser diminue et les privatisations affaiblissent l’emploi. Tout cela ne fait pas une stratégie de long terme et moins encore un projet de société viable. Il faut remettre à l’ordre du jour, dans des conditions inédites, la question de la diversification des formes de propriété des moyens de production et d’échange, comme outil mis au service du développement humain, et en particulier la nationalisation.
La légitimité de la propriété nationale
Dans toute société la distinction entre ce qui est public et ce qui est privé est un aspect fondateur de l'ordre politique. Il existe ainsi des affaires qui intéressent la communauté nationale dans son ensemble (ordre public) et d'autres qui n’intéressent que des individus ou des groupes particuliers (ordre privé). Les décisions qui intéressent toute la communauté nationale relèvent de la politique, c’est-à-dire de l’ordre public. Elles ne peuvent en aucun cas être prises par des acteurs privés prétendant agir au nom de tous. Certaines entreprises, parce qu’elles jouent un rôle particulier dans une société, concernent la communauté nationale et doivent donc relever des affaires publiques. C’est la raison pour laquelle le principe de propriété sociale, publique, nationale, collective – quel que soit le nom donné – est parfaitement légitime.
La propriété nationale des organisations productives (les entreprises) est légitime car le but de la production et des services élaborés et fournis par ces organisations productives est la consommation finale des ménages (les citoyens) pour répondre à leurs besoins. Ce sont les citoyens, en achetant biens et services aux entreprises, qui permettent à ces dernières d’exister. Contrairement à une idée reçue, ce n’est pas l’entreprise qui crée la richesse et l’emploi, ce sont les consommateurs qui décident d’acheter ou de ne pas acheter. S’ils n’achètent pas, les marchandises restent inertes dans les entrepôts ou ne sont tout simplement pas fabriquées. Il est donc dans l’ordre naturel des choses que les citoyens ne se contentent pas d’accueillir passivement les biens et services que les entreprises leur proposent, mais qu’ils puissent définir, en amont, ce que sont leurs besoins (du moins les besoins d’objets et de services) et la manière dont ils souhaitent qu’il y soit répondu. La façon la plus efficace pour y parvenir est que les organisations productives ne soient pas un corps étranger à la société par leur caractère privé, mais qu’elles en soient parties intégrantes du fait de leur statut public.
Dans cette optique, des formes variées de propriété (nationale et coopérative) sont non seulement possibles mais indispensables : les travailleurs ne seraient plus une « ressource humaine » pour l’entreprise, mais ce serait l’entreprise qui deviendrait une ressource pour les citoyens.
Principe 4 : Engager la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes
Le Parti de la démondialisation ne veut plus utiliser le terme de « croissance », pas plus, d’ailleurs, que le terme de « décroissance ». Ces deux expressions sont inadaptées. La croissance, en effet, est au cœur du processus du vivant, un organisme qui ne croît pas est un organisme qui meurt. Quant à la croissance économique mesurée par le Produit intérieur brut (PIB), elle ne peut croître uniformément, systématiquement, indéfiniment. Certaines fabrications de produits, en effet, doivent croître, d’autres doivent décroître. Ainsi, par exemple, sans aucun doute la production de médicaments utiles à la population doit croître, alors que la production de tabac doit décroître. Même chose pour la décroissance, il serait absurde de tout faire décroître. Nous contestons donc le mot « croissance », et bien entendu son contenu : des politiques économiques dont l’objectif est de produire pour le profit privé, sans tenir compte de la nature et de l’humain au sein de la nature. C’est le productivisme, un consumérisme irréfléchi, l’élimination de ressources non renouvelables, l’accumulation des déchets et les pollutions de l’air, de l’eau, la réduction de la biodiversité…
La société capitaliste flatte les instincts les moins nobles, comme la concurrence, la jalousie, la cupidité, l’égoïsme. Une seule classe en a profité, la haute bourgeoisie, tandis que plus de 90% de la population en souffre.
Nous voulons remplacer le « toujours plus » par le « toujours mieux », nous voulons une société « d’abondance frugale ». Nous voulons ré-encastrer l’économie dans la société, transformer radicalement celle-ci, encourager les comportements positifs d’entraide, de solidarité, de coopération… Nous voulons finalement sortir de cette civilisation et en bâtir une autre.
Engager la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes c’est :
- Privilégier la production locale et les circuits courts.
- Engager la reconversion écologique.
- Reconvertir l’agriculture pour retrouver une alimentation saine avec une production saisonnière de qualité basée sur l’agriculture paysanne et biologique, grâce à l’installation de centaines de milliers de nouveaux paysans.
- Développer les énergies renouvelables.
- Réinventer l’industrie automobile.
- Développer et améliorer les transports collectifs moins polluants.
- Lutter contre l’obsolescence programmée.
- Encourager les activités économiques de gestion des déchets (collecte, traitement, réutilisation).
Un ministère de la Transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes rassemblera la plupart des fonctions des ministères de l’Industrie, de l’Agriculture et de l’Environnement.
Principe 5 : Sortir le travail, la terre, la monnaie et le commerce international de l’univers du marché
La dynamique du système capitaliste le pousse en permanence à universaliser le marché, c’est-à-dire non seulement à l’étendre sur le plan géographique, mais aussi à l’étendre du domaine des biens matériels au travail, à la terre, à la monnaie et au commerce international. Ce ne sont là toutefois que des « marchandises fictives ». Elles touchent en effet respectivement à l’être humain, à la nature, au pouvoir, aux relations entre nations. Ces quatre éléments ne peuvent dans la réalité être totalement soumis à des mécanismes de marché sans provoquer d’immenses effets destructeurs sur les sociétés comme nous l’observons quotidiennement depuis plusieurs décennies.
C’est pourtant le changement fondamental produit par le capitalisme qui avance sans discontinuer vers la plus complète transformation possible du travail, de la terre, de la monnaie et du commerce international en marchandises. Il traite ces éléments comme s’ils avaient été produits dans le seul but d’être vendus comme des marchandises ordinaires, alors que ce ne sont pas d’authentiques marchandises, et qu’ils ne le seront jamais.
Si le travail, la terre, la monnaie, tout ce qui circule grâce au commerce international peuvent être achetés ou vendus librement, le mécanisme du marché leur sera appliqué avec une offre et une demande. Il y aura donc un prix de marché pour l’usage de la force de travail (le salaire), l’usage de la terre (la rente), l’usage de la monnaie (l’intérêt), l’usage de ce qui circule grâce au commerce international (les relations entre nations). Travail, terre, monnaie, commerce international ont désormais leurs propres marchés, semblables à ceux des marchandises authentiques que l’on produit grâce à eux.
Le travail n’est qu’un autre nom donné à l’humain, la terre n’est qu’un autre nom donné à la nature, la monnaie n’est qu’un autre nom donné au pouvoir, le commerce international n’est qu’un autre nom donné aux relations internationales et à leurs rapports de force. Par l’illusion que la marchandise s’applique à ces quatre catégories, l’être humain et la nature sont soumis à un mécanisme « naturel » qui les dépasse et sur lequel ils ne peuvent avoir de prise. La prospérité matérielle promise par ce système ne repose que sur les motivations de la faim et du gain : la crainte de mourir de faim pour les pauvres et l’appât du gain pour les riches et demi-riches.
La fiction de la marchandise appliquée au travail, à la terre, à la monnaie et au commerce international permet le passage de l’économie de marché à la société de marché. Étrangement, avec la société de marché, la société qui est un tout indissociable se trouve alors encastrée dans une partie d’elle-même qui est le mécanisme de sa propre économie. Sortir de la société de marché passe impérativement par la sortie des logiques marchandes appliquées au travail, à la terre, à la monnaie et au commerce international.
Le travail, une marchandise ?
Certes le travail est produit, mais pas pour être vendu, pour permettre au contraire, grâce à son résultat, de répondre aux besoins humains. Le travail ne doit plus être considéré comme une vulgaire marchandise ayant un prix évoluant selon les quantités offertes sur le « marché » du travail. Il ne doit plus être le prix de la marchandise-force de travail. Le salaire ne doit plus dépendre entièrement de la seule responsabilité de l’employeur, que ce dernier soit privé ou public. Comme pour les pensions dans les systèmes par répartition dont la gestion est mutualisée, le salaire doit également avoir une partie mutualisée, favorable bien sûr aux salariés, particulièrement à ceux travaillant dans de petites et moyennes entreprises, mais aussi à leurs employeurs. Cette évolution en entraîne une autre : la fin de la relation de subordination du salarié vis-à-vis de son employeur. Ces questions sont abordées dans la partie dédiée de notre programme. Si le travail n’est plus une marchandise, il ne peut plus y avoir « d'armée de réserve », il ne peut plus y avoir de chômage ni de précarité. Toutes les personnes disponibles et volontaires peuvent se mettre au service de la collectivité en contribuant, par leur travail, à répondre à ses besoins. C’est l’État qui est dans ce cas l’employeur en dernier ressort, dans le cadre du droit opposable à l’emploi. La production et la répartition des biens et services seront ainsi ré-encastrés dans des rapports sociaux de type non économique. Ni le travail, ni la répartition des biens et services ne seront accomplis uniquement pour des raisons économiques, c’est-à-dire en vue du gain pour les uns, ou par crainte de souffrir individuellement de la faim pour les autres. Un terme sera mis à l’exploitation de la force de travail.
La terre, une marchandise ?
Certes la terre a été produite puisqu’elle est là. Mais la terre ne doit plus être considérée comme une simple marchandise, inépuisable, ce qui revient à croire à la magie. D’ailleurs c’est l’humain qui appartient à la terre, et non la terre à l’humain. Il peut paraître paradoxal que le Parti de la démondialisation se prononce néanmoins pour la propriété individuelle de la terre et sa transmission par hérédité. La terre comme bien commun n’est pourtant pas incompatible avec la terre comme propriété individuelle et collective. En effet, au-delà des principes abstraits, l’expérience de l’histoire a montré que la terre devait appartenir à celui qui la travaille. Les expériences désastreuses en la matière des pays qui se réclamaient du socialisme le confirment. La propriété de la terre peut donc être individuelle, l’État conservant de toute manière un droit de préemption et d’expropriation, comme aujourd’hui.
La terre ne doit plus pouvoir s’acheter et se vendre comme une simple marchandise sur un marché, particulièrement les terres agricoles. Déjà, aujourd’hui, les Sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer) jouent un rôle majeur dans l'aménagement du territoire rural. Elles font des études foncières, achètent, vendent et gèrent des biens agricoles, forestiers et ruraux. Elles les revendent à des agriculteurs ou des collectivités, établissements publics (conservatoires du littoral, parcs, agences, etc.), personnes privées, dont les projets répondent à l’objectif de ses missions. Elles peuvent stocker des terrains et les louer temporairement à des agriculteurs. Elles peuvent réaliser des travaux d’aménagement pour améliorer les conditions d’exploitation, pour entretenir les paysages, elles ont un droit de préemption.
Les Safer, leur composition et leur fonctionnement seront revus pour les mettre à la disposition des agriculteurs eux-mêmes, des collectivités territoriales et du Plan. Leur mission sera redéfinie dans le but d’encourager les formes coopératives et collectives du travail de la terre ainsi que les divers contrats de droit d’usage de celle-ci. Ces dispositions doivent être étendues aux terres non-agricoles. Il est cependant de notoriété publique que pour acheter ou louer des terres agricoles, il faut souvent verser de l’argent « sous la table ».
La monnaie, une marchandise ?
Certes la monnaie a été produite et peut être vendue, mais elle échappe ainsi aux autorités publiques et ne relève plus que du marché. C’est pourquoi la monnaie ne doit plus être une simple marchandise. Seul l’État doit pouvoir la produire, son usage doit être limité à l’achat de biens et services, en dehors de toute utilisation spéculative. Ces différentes questions ont été largement développées dans la partie III de notre programme, nous n’y revenons pas ici.
Le commerce international, une marchandise ?
Certes les marchandises faisant l’objet d’un commerce international ont été produites, mais ce commerce, s’il se réduit à un simple marché, efface ce qui en fait l’essence : des relations politiques au sens large entre nations. Le commerce international ne doit donc pas être un simple marché. Tous les biens et services produits en France ne peuvent pas être en accès libre pour les pays étrangers. De la même manière, tous les biens et services produits à l’étranger ne peuvent pas être en accès libre pour les Français.
Des limites sont nécessaires pour :
- Diminuer les échanges internationaux source de pollution.
- Consacrer l’essentiel des échanges internationaux aux biens et services indispensables tels qu’ils auront été définis démocratiquement (principe 1).
- Favoriser la production des biens et services dont chaque pays a besoin dans les pays en question.
- Préserver la souveraineté alimentaire et économique de chaque pays.
- Éviter l’endettement extérieur et le déséquilibre de la balance commerciale.
- Déterminer un système de prix ne dépendant pas du marché ; parfois les exportations peuvent avoir un prix inférieur au marché pour favoriser la coopération avec ces pays, parfois le prix peut être supérieur pour des importations (par la fiscalité) pour réduire les flux.
Enfin, on ne peut pas à la fois défendre le droit des citoyens à connaître et intervenir sur la nature et les conditions de production dans un pays et, dans le même temps, accepter qu’une grande partie des marchandises (ou même des services) soient fabriqués à l’autre bout du monde. Le contrôle ne peut se faire que dans la proximité et sur le territoire sur lequel s’exercent les lois. Il est tout à fait illusoire d’espérer obtenir une information fiable sur les conditions de fabrication dans un pays lointain ou de vouloir imposer des cahiers des charges qui vont bien au-delà de ce que prévoient les lois nationales. Il faut admettre, et c’est sans doute une bonne chose pour le respect de la souveraineté de chaque pays, qu’on dispose d’un pouvoir de contrôle très limité sur les productions étrangères. On sait que c’est en partie pour échapper au regard des pays consommateurs et à leurs lois que certaines entreprises installent leurs ateliers à l’autre bout du monde, même si ce point est généralement occulté dans les analyses qui mettent surtout en avant le différentiel de coût de la main d’œuvre. Il faut relocaliser les productions, chaque fois que c’est possible, pour que les citoyens retrouvent la maîtrise des conditions sociales et environnementales de fabrication des biens et services. Quand cela n’est pas possible, il faudra se contenter d’un contrôle indirect, lequel devra principalement passer par des accords entre nations et non par l’action d’une multinationale en territoire étranger.
Le commerce international est nécessaire, mais il doit relever des relations politiques entre nations, pas du marché. Dans ce dernier cas, l’action prééminente des grandes firmes multinationales, fondée sur la concurrence, ne peut que susciter tensions et conflits. Ce n’est pas à elles de juger de la paix et de la guerre, même commerciale.
Ces constats et ces réflexions amènent à la conclusion qu’il faut sortir de l’euro et de l’Union européenne si nous voulons nous réapproprier la monnaie et contrôler les banques. Plus généralement, il faut dé-marchandiser, et en tout premier lieu le travail, la terre, la monnaie, et le commerce international.
Principe 6 : Éradiquer l’esprit de marché, promouvoir la solidarité, la coopération, l’altruisme…
Dans la société capitaliste centrée sur le marché, la vie quotidienne est envahie par toutes sortes de marchés. Ils sont fondés sur les motivations du profit résultant du rapport de force concurrentiel pour ceux qui mettent les produits et services sur le marché, et bien souvent par le paraître ou la jalousie pour l’acquisition des biens et services qui ne relèvent pas de la subsistance. Telles sont les échelles de valeurs dans la société capitaliste qui, dans toutes ses dimensions essentielles, devient soumise à des objectifs lucratifs. Ce n’est pourtant pas dans la nature de l’être humain. Car les historiens et anthropologues montrent que l’être humain n’agit pas, globalement, pour son simple bénéfice personnel dans les affaires économiques et plus généralement dans la société. La nature de l’homme ne le pousse pas spontanément à échanger ou à chercher un gain matériel. L’anthropologie et l’histoire révèlent au contraire une variété de motivations humaines comme la solidarité, le devoir, le statut, l’honneur, à côté de la recherche du profit. Pour Aristote, la « vie bonne » est pervertie en un désir de biens physiques. La vie bonne, hormis la satisfaction des besoins substantiels, est celle de l’élévation que procure le théâtre, le service que l’on rend en participant à un jury populaire, une campagne pour des élections, l’exercice d’une charge publique…
La mentalité de marché est obsolète et dangereuse, elle doit être éradiquée, les motivations dominantes ne doivent plus être économiques.
La forme capitaliste du marché est une création récente
Le marché n’est pas une « loi » de développement économique, et encore moins une loi « naturelle ».
L’économie de marché, contrairement à une croyance savamment entretenue, résulte d’une discontinuité historique. C’est une rupture radicale et non l’aboutissement d’un processus millénaire d’évolution graduelle des sociétés et de l’économie en particulier, fondée sur la prétendue propension naturelle de l’homme à troquer et à échanger. Dans le monde antique par exemple, l’activité économique ne passe pas de manière significative par le marché. Le commerce et les usages de la monnaie, qui existent, n’impliquent pas nécessairement les marchés et ont existé séparément pendant la plus grande partie de l’histoire économique. Des « marchés non faiseurs de prix » ont ainsi longtemps existé avant l’apparition des premiers marchés faiseurs de prix dans la Grèce des périodes classique et hellénistique. Ce n’est que dans l’économie de marché moderne impulsée par le capitalisme que ces différents éléments se trouvent intimement reliés, et constituent un système intégré. Dans les économies antérieures, en particulier antiques, ils entraient dans des arrangements institutionnels réglés principalement par la réciprocité ou la redistribution, qui ne remettaient pas en cause l’imbrication des activités économiques dans les institutions non économiques de la société.
Le commerce extérieur et certains usages de la monnaie sont aussi vieux que l’humanité, comme les dettes et les obligations. Ce sont des phénomènes primitifs qui ont précédé l’existence des marchés. À l’origine, les prix sont établis par la tradition ou l’autorité « politique ». Le changement de prix, lorsqu’il intervient, résulte également de méthodes institutionnelles, et non de méthodes de marché. Même là où des éléments de marché sont présents, ils n’impliquent pas nécessairement l’existence d’un mécanisme de prix-offre-demande.
Le commerce apparaît à première vue comme le mouvement des biens sur le marché, et la monnaie comme le moyen d’échange qui facilite ce mouvement. On ne peut plus défendre ce point de vue à la lumière des découvertes de ces dernières décennies. Par exemple dans sa recherche sur l’origine de certaines institutions économiques, Max Weber a montré que le commerce avec l’étranger a précédé le commerce interne, que l’emploi de la monnaie pour l’échange trouve son origine dans la sphère extérieure. Les marchés organisés se sont d’abord développés dans le commerce extérieur. Le commerce peut être défini comme une méthode d’acquisition de biens qui ne sont pas disponibles sur place, c’est une activité extérieure au groupe, l’acquisition de biens situés à distance. Il existe ainsi le commerce non fondé sur le marché (essentiellement le commerce de don et le commerce administré) et le commerce de marché. Le commerce extérieur s’est donc développé avant le commerce interne, la monnaie et les marchés.
Cependant, l’idéologie dominante prône l’unité inséparable du commerce, de la monnaie et des marchés. Là où on observe du commerce, on suppose la présence de marchés, et là où la monnaie est manifeste, on suppose l’existence du commerce et donc des marchés. La plus grande partie de l’histoire économique, le commerce, les usages de la monnaie et les éléments de marché ont pourtant été présents séparément.
C’est le commerce extérieur qui a commencé à pénétrer dans les marchés locaux et non l’inverse. Il a transformé progressivement ces derniers, strictement contrôlés par le prince, en « marchés faiseurs de prix » fluctuant plus ou moins librement. Apparaissent ensuite des marchés à prix variable pour les facteurs de production, le travail et la terre. Seuls les marchands et les banquiers utilisaient couramment la monnaie. Le domaine des prix était réservé au « grand » commerce et à la finance, tandis que la plus grande partie de l’économie demeurait rurale et globalement non commerciale. C’était la vie de voisinage qui prévalait, très peu de biens circulaient. Les profits résultaient des différences relativement stables de prix entre des lieux éloignés, plutôt que de fluctuations exceptionnelles de prix sur les marchés locaux. Le mécanisme d’offre-demande-prix (le marché) est ainsi une institution relativement moderne, dotée d’une structure spécifique.
Il n’existe pas, au cours de l’histoire, de tendance universelle chez l’être humain à être mû essentiellement par l’appât du gain
Pour l’idéologie néoclassique, la nature de l’être humain est d’être froid, calculateur, rationnel, individualiste, motivé par la concurrence et l’appât du gain. C’est ainsi que la société du XIXe siècle (le capitalisme) a été organisée, de telle manière que l’on a fait de la faim et de l’appât du gain les seuls mobiles effectifs de la participation de l’individu à la vie économique. Il en a résulté l’image totalement erronée d’un homme mû exclusivement par des incitations matérialistes.
Des historiens, sociologues, anthropologues, archéologues ont pourtant révélé diverses motivations non orientées vers le profit qui poussaient l’être humain à produire (solidarité, coopération, altruisme, etc.). Parmi les principes fondamentaux qui ont présidé au développement des institutions économiques originelles des sociétés, le besoin de maintenir la solidarité collective occupe la première place. Il existe néanmoins un net contraste entre les rapports humains intérieurs au pays et les relations avec l’étranger : ici domine la solidarité, là l’antagonisme.
Cette pratique marchande exacerbée, une fois imposée, allait pervertir de façon désastreuse la vision que l’occidental avait de lui-même et de la société. L’esprit du marché aboutit désormais à déterminer la presque totalité de la société.
Les motivations, les comportements, les institutions, les lois, sont devenus spécifiquement économiques, uniquement orientés pour servir l’économie et les classes dirigeantes qui la contrôlent. On peut même se représenter l’évolution du système capitaliste comme fonctionnant sans l’intervention d’une autorité humaine, d’un État ou d’un gouvernement, en pilotage automatique en quelque sorte. C’est déjà le cas dans certains domaines avec la prolifération d’instances « indépendantes », les « critères » de Maastricht…
Le Pardem s'appuie sur les aspirations profondes de l'être humain qui sont la solidarité, la coopération, l’altruisme…Pour promouvoir un citoyen actif, coopérateur, co-producteur, co-élaborateur de la décision politique collective.
Principe 7 : Encourager la maîtrise des entreprises par le salariat (coopératives de production)
Le capitalisme ne reconnaît, juridiquement, que la « société de capitaux » et pas l'existence de l'entreprise en tant que collectif productif de salariés. Ainsi, le capital ignore le salariat et le traite comme des "âmes mortes” (comme les moujiks de Gogol), subordonné au patronat et considéré comme simple appendice exploitable et corvéable à merci. L'article 1832 du Code Civil précise en effet : « La société est instituée par deux ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui peut en résulter ». Dans les faits, pour la loi, ce n'est donc pas le travail qui est prioritaire, mais le profit. Quant à la représentation des salariés dans les conseils d'administration, la loi PACTe la réduit à deux individus sur un total de huit membres ou plus et n’a pas retenu la proposition, pourtant très insuffisante du rapport Notat-Sénard, d'en désigner trois.
Les propriétaires, actionnaires et détenteurs de capitaux ont totalement verrouillé le pouvoir dans les entreprises et réduit le salariat à un simple "coût", oubliant que ce sont exclusivement les salariés qui créent la plus-value, unique source de leurs bénéfices. Par ailleurs, la "co-détermination" allemande n'a pas modifié la gestion du capitalisme et a permis les quatre lois Hartz qui ont porté atteinte au droit du travail, aux salaires et aux conditions de travail des salariés allemands, sous la houlette du gouvernement socialiste du Chancelier (Premier ministre) Gerhard Schröder. Enfin, la gestion capitaliste des entreprises est entièrement soumise aux normes comptables IFRS (International financial reporting standards), qui privilégient la recherche du profit et ne considèrent le travail que comme une "charge".
Il est temps de changer ce système qui méprise et ignore les salariés.
Outre les nationalisations prévues, le Pardem portera une grande loi sur la propriété coopérative (au sens générique) des entreprises dans tous les secteurs de l'économie. Il ne s'agira pas de reconduire la loi Hamon du 23 juillet 2014 qui verrouille « l'économie sociale et solidaire » en introduisant l'entrepreneuriat social mené par des statuts d'entreprises capitalistes, mais de réaliser un véritable choc coopératif dans les actes. Cette loi, en coordination avec le Plan, reconstruira l'entreprise sur une nouvelle base sociale et refondera sa comptabilité.
Elle adoptera un nouveau statut des sociétés coopératives qui donnera le pouvoir au travail dans l'administration de l’entreprise et modifiera les principes et les règles de la comptabilité économique et financière. Le critère ne sera plus le profit mais la valeur ajoutée collective, la qualité de la production, la rémunération des salariés et leur formation, le renouvellement des outils de production et la protection de l'environnement.
L’économie de marché est devenue une société de marché aux effets gravement déstabilisants
La formation révolutionnaire d’une économie de marché s’est accompagnée de l’apparition d’une société de marché, soumettant la société entière au mouvement autonomisé de son économie. Le culte de la concurrence, la recherche de la compétitivité, provoquant la guerre de tous contre tous, la marchandisation du monde, ont des effets déstabilisateurs inimaginables. Le système de marché a violemment déformé notre vision de l’être humain, de la société, de la nature.
B.- Retour ou transfert à la nation des grandes féodalités industrielles et de services
Avant la Seconde Guerre mondiale, non seulement les politiques libérales fondées sur l’initiative privée ne se sont pas montrées capables d’enrayer le chômage, les gaspillages et les spéculations, mais elles les ont provoqués. Les économies ont été balayées par la crise. Pendant la guerre, le grand patronat, dans son immense majorité, a collaboré avec l’ennemi, comme la plupart des organes de presse et une partie significative de la haute fonction publique. Après-guerre, il fallait reconstruire la Nation. À la fin des années 1970 et au début des années 1980, il fallait faire face à la crise. Dans ces trois cas, la nationalisation aurait pu être l’instrument le plus efficace si elle n’avait pas été largement vidée de sa substance.
Pourquoi les nationalisations ?
Pour répondre à cette question il faut s’appuyer sur les raisons invoquées par ceux qui les ont décidées et mises en œuvre au moment du Front populaire en 1936-1937, après la Libération en 1945-1948, et en 1982.
Ce qui est frappant pour les historiens quand ils étudient les textes des syndicats et partis de gauche de 1918 à nos jours, c’est qu’aucun des arguments de ces organisations ne fait appel à une conception économique et sociale d’ensemble à l’intérieur de laquelle les nationalisations seraient le ferment d’un socialisme en marche. Elles insistent au contraire sur l’idée que les nationalisations ne sont pas le socialisme, sans pour autant définir le socialisme... Il y a un flou permanent sur les motivations des nationalisations, leur rôle dans l’économie et leur gestion.
Les nationalisations du Front populaire (1936-1937)
L’expérience du Front populaire montre que pour les acteurs de cette époque, les nationalisations n’ont pas été d’abord une mesure économique ou sociale mais politique. C’était une arme contre « l'ennemi de classe », c’était lui retirer ce qui faisait son pouvoir économique et financier, on parle alors de « lutte contre les trusts ». Il s’agit d’atteindre le fondement même de la puissance d’un adversaire politique à abattre que sont les grands milieux d’affaires, les « deux cents familles », le « mur de l’argent ». C’est le cas, particulièrement, de l’industrie de l’armement.
Les nationalisations de la Libération (1944-1948)
À la Libération, c’est le programme du Conseil national de la Résistance qui est appliqué.
Il y est question du « retour à la nation de tous les grands moyens de productions monopolisées, fruits du travail commun, des sources d’énergie, des richesses du sous-sol, des compagnies d'assurance et des grandes banques ».
Quatre raisons majeures expliquaient ce choix :
- la sanction pour collaboration ;
- la mise en place d'une « démocratie économique et sociale » ;
- la rationalisation de l'économie ;
- l'urgence de la reconstruction.
Il ne s’agissait pas seulement d’un changement de propriété, mais de donner à la Nation davantage de pouvoirs sur des secteurs économiques jugés décisifs, tout en améliorant la condition ouvrière. La nationalisation devait permettre une politique sociale, la participation des travailleurs à la gestion et le contrôle du crédit.
Les nationalisations en 1982
La nationalisation du secteur bancaire et financier est faite dans l’objectif de constituer un « service public du crédit ». Concernant l’industrie et les services, il s’agit de « donner à la France ce surcroît de dynamisme qui jusqu’à présent lui a fait défaut, de constituer le fer de lance d’une grande politique industrielle » (Pierre Mauroy, Premier ministre). Le Président Mitterrand ajoute : « Je fais par les nationalisations ce que de Gaulle a fait en matière de stratégie nucléaire. Je dote la France de la force de frappe économique ».
Ces nationalisations ont concerné des secteurs stratégiques n’étant pas en difficulté, sauf la sidérurgie. Cependant, à l’époque, les secteurs de l’agro-alimentaire et de la grande distribution n’étaient pas considérés comme stratégique et n’ont pas été nationalisés. Si les propos de Pierre Mauroy et François Mitterrand ne peuvent que susciter notre approbation, ils n’ont été qu’un double langage, la réalité étant à l’opposé de ces déclarations.
1936, 1944, 1982 : un bilan contrasté
Un grand nombre de nationalisations effectuées en 1936-1937, 1944-1948 et en 1982, notamment celles de services publics, ont parfaitement rempli leur mission d’intérêt général. Nous pensons ici à des entreprises comme la SNCF, EDF-GDF, Air-France, Aérospatiale…
Cependant, il faut reconnaître que les nationalisations de la période 1981-1982 constituent généralement un exemple à ne pas suivre. Elles ont été en réalité des étatisations dont l’orientation était fixée par les représentants de Bercy (les hauts fonctionnaires du ministère des Finances imbibés de néolibéralisme) et non par les responsables politiques représentant la Nation. Les stratégies des groupes nationalisés sont restées les mêmes qu’au temps où ils étaient privés, la gestion n’a pas changé, les consommateurs et les travailleurs de ces entreprises n’ont généralement pas vu la différence. Il ne faut pas s’étonner, dès lors, de leur échec relatif et parfois de leur mauvaise image. La cause de cette situation, pourtant, ne tient pas à la nature des entreprises publiques, mais à la volonté idéologique des néolibéraux de faire passer au privé des affaires juteuses pour les remettre au marché. C’est ainsi que les Établissements public industriel et commerciaux (EPIC), forme juridique traditionnelle des entreprises nationales, ont été harcelés de différentes façons pour les transformer en sociétés anonymes, jugées plus souples pour réaliser le profit privé. C’est même le modèle qui a été retenu pour la privatisation du secteur public. Le ralentissement de la croissance économique, et donc la diminution des sources de profits, a rendu les opérateurs des marchés assoiffés de récupérer les EPIC. Petit à petit la stratégie et la gestion des entreprises publiques, par volonté politique, s’est alignée sur les normes marchandes du secteur privé, éliminant la spécificité des entreprises nationales et les banalisant.
C’est en tenant compte de l’ensemble de ces éléments que nous sommes en mesure de fixer des objectifs systémiques aux entreprises nationales.
Les objectifs que nous fixons aux nationalisations
Ces objectifs sont à la fois sociaux, économiques, environnementaux, politiques, financiers et démocratiques.
Des objectifs sociaux
Les nationalisations, sur le plan social, ont pour objectif de produire, pour toute la population, des biens et services correspondant à ses besoins, abordables et de qualité, et à offrir aux salariés des entreprises nationales un modèle social exemplaire devant s’étendre à toute la société.
Ces entreprises étant nationales, leur but est d’être au service de la Nation et en premier lieu de la défense des consommateurs, de ceux qui achètent les biens et services produits par les entreprises nationales. Elles empêcheront les groupes privés en position dominante de les rançonner soit par des augmentations de prix injustifiées, soit par une détérioration plus ou moins volontaire de la qualité ou du service après-vente. Pour ne prendre qu’un exemple, les prix des abonnements téléphoniques baisseront alors que la privatisation de France-Télécom et la déréglementation du secteur ont contribué à rendre payants de nombreux services alors qu’ils étaient gratuits auparavant sous le service public. la péréquation tarifaire a disparu. Seuls les segments rentables font l’objet d’une privatisation en vue d’un profit maximal. Les prix seront désormais fixés en accord avec le ministère du Plan et contrôlés par les services de l’État. La qualité et l’origine des produits, la lutte contre l’obsolescence programmée, seront au cœur du processus de production. La délibération publique avec les consommateurs sera permanente afin d’adapter les biens et services à leurs attentes.
Quant aux salariés des entreprises nationales, ils ne travailleront plus pour le profit privé d’actionnaires cupides, source de démotivation, mais pour l’intérêt de la communauté nationale. Un « Statut général des entreprises publiques » (projet de loi du 31 décembre 1948 qui n’a pas eu de suite), reprenant le projet de la Libération, sera mis au point. Son but sera d’harmoniser les structures juridiques des entreprises nationales, leur gestion, leur financement, les relations avec l’État et le ministère du Plan, les relations avec les collectivités territoriales, de créer un modèle social exemplaire pour les salariés de ces entreprises, ayant vocation à converger avec celui des fonctionnaires régis par le Statut général des fonctionnaires et donc les salariés du secteur privé régis par le Code du travail. Il traitera de l’implication des salariés dans la gestion de ces entreprises, de l’emploi, des salaires, etc. (voir le détail plus loin).
Des objectifs économiques et environnementaux
Les objectifs économiques et environnementaux des nationalisations visent à engager la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes dans chaque entreprise nationale. Celle-ci, par l’ampleur de la tâche à accomplir, peut être comparée à la reconstruction de l’après-guerre. En 1944, l’urgence de la reconstruction figurait dans les objectifs du programme du CNR. Aujourd’hui, bien évidemment dans des conditions différentes, c’est un motif essentiel justifiant les nationalisations. Il faut reconstruire beaucoup de banlieues, d’innombrables territoires ruraux, les services publics, la protection sociale, la façon de produire…
Les entreprises nationales agiront sur un plan interne et externe pour amorcer transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes.
Sur le plan interne, les entreprises nationales lanceront la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes dans leur propre périmètre. Tous les sites industriels de ces groupes seront concernés.
Leur action visera à :
- Contribuer à l’aménagement du territoire et créer des emplois dans les centres-villes, les banlieues, les zones rurales.
- Réindustrialiser la France ; en 1985, les entreprises publiques représentaient 23% de la valeur ajoutée en France, contre 5,7% en 2012.
- Développer des liens équitables avec les sous-traitants, particulièrement à l’échelle territoriale.
- Relocaliser en France les activées précédemment délocalisées par ces entreprises lorsqu’elles étaient privées.
- Organiser des réseaux locaux de PME, commerçants et artisans qui auront le grain à moudre qui leur manque.
Sur le plan externe, les entreprises nationales auront un impact global sur la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes.
Cela se traduira par :
- Transformer et redresser l’économie française.
- Acheter et produire français.
- Remédier aux défaillances de l’investissement privé.
- « Rationaliser l’économie » par le lien entre les entreprises nationales et la mise en place d’un ministère du Plan.
- Avoir un effet d’entraînement sur l’ensemble de l’économie.
- Renforcer les industries-clés.
- Investir dans la recherche et l’innovation.
- Accroître le patrimoine public qui se conjuguera avec une meilleure répartition des richesses.
- Protéger l’intérêt national dans les domaines jugés stratégiques.
- Démarchandiser.
- Inverser la logique néolibérale de l’offre pour construire une logique de la demande.
- Remettre l’économie sur ses pieds : les besoins humains.
Des objectifs politiques
Les objectifs politiques des nationalisations visent à affaiblir les classes dominantes et les immenses conglomérats financiers, médiatiques, de services et industriels qu’elles se sont constitués. Comment faire pour « mettre l’économie au service de l’homme » si les choix économiques ne résultent que d’une seule logique : celle des intérêts des plus puissants ? Qui possède, décide ! En privant les classes dominantes d’une partie de leurs revenus, de leurs pouvoirs, de leur prestige et de leurs moyens, le rapport de forces deviendra plus favorable aux classes dominées, au peuple.
Pourquoi des responsables politiques, syndicaux et de mouvements de résistance aussi divers, des gaullistes aux communistes en passant par des royalistes et des socialistes, ont-ils adopté unanimement le programme du CNR ? Et particulièrement sur la solution des nationalisations ? Parce que pendant les années 30 la plupart des actionnaires et des dirigeants des grandes entreprises ont financé la presse antisémite qui soutenait en outre la thèse « plutôt Hitler que le Front populaire ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, les mêmes ont collaboré avec l’ennemi. C’est pourquoi, à la Libération, il n’était venu à l’idée de personne de confier aux marchés et à ceux qui avaient trahi le soin de reconstruire le pays. Aujourd’hui, le comportement des gros actionnaires et des hauts dirigeants des grandes entreprises a contribué à réduire l’emploi, délocaliser les activités productives, préférer les placements spéculatifs aux investissements utiles, dégrader l’environnement, affaiblir la Nation… On ne peut plus les laisser diriger l’économie du pays, ils nous conduisent au précipice. C’est pourquoi les grandes entreprises industrielles et de services d’aujourd’hui, détenues par ces « grandes féodalités » qu’est l’oligarchie actuelle, doivent retourner à la Nation pour celles qui ont été privatisées, ou être transférées à la Nation pour celles qui méritent de l’être compte tenu de leur intérêt stratégique. C’est abattre le nouveau « mur de l’argent » et affaiblir le capitalisme.
La nationalisation-sanction pour collaboration avec l’ennemi, comme ce fut le cas avec les usines Renault au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, ne peut être reconduite dans les mêmes termes à notre époque. Toutefois, les hauts dirigeants et gros actionnaires de beaucoup des grandes entreprises peuvent être accusés de trahison et de collaboration avec les marchés financiers pour avoir bradé le territoire national et jeté des millions de personnes au chômage et dans la précarité. De nouveaux motifs existent ainsi aujourd’hui, justifiant des nationalisations-sanctions. Le Parti de la démondialisation les regroupe dans une nouvelle catégorie, le crime social, c’est-à-dire un crime contre la société, qui concerne l’ensemble des atteintes à l’intérêt général. Il regroupe crime de discrimination, crime environnemental, crime économique, crime financier. Ces « crimes », passibles de la Cour d’assises pour les gros actionnaires et hauts dirigeants et de la saisie des actifs des entreprises concernées, seront introduits dans le droit français. Seront coupables de crime social au sens de cette définition les gros actionnaires et hauts dirigeants des entreprises et les entreprises elles-mêmes reconnues telles par la Justice. En matière sociale, il s’agira d’inégalités entre hommes et femmes, notamment pour les salaires, discriminations à l’embauche, atteintes aux libertés syndicales, mauvaises conditions de travail… En matière environnementale, il s’agira des effets de la production sur l’environnement. En matière économique, il s’agira par exemple d’ententes illicites pour frauder le fisc, maintenir des prix élevés, geler les parts de marché… En matière financière, il s’agira notamment de l’usage de paradis fiscaux, du versement de dividendes obscènes… Les dirigeants seront exposés à des poursuites pénales, les entreprises pourront être réquisitionnées et transférées à la Nation.
Bien sûr, la situation au début du XXIe siècle n’est pas comparable à celle des années 1930 et 1940. Il n’y a pas de répression sur le territoire comme la pratiquait la Gestapo et la Milice. Cependant, la situation d’aujourd’hui est dramatique, dans un pays comme la France, sur le plan économique, social, environnemental, politique, moral, et justifie pleinement ces mesures. L’élimination d’une partie du capitalisme de la propriété et de la gestion d’un grand nombre d’entreprises est une œuvre de salubrité publique. Toutefois, cela ne signifie en aucun cas l’instauration d’un capitalisme d’État par la substitution d’un capitalisme à un autre.
Le capitalisme d’État est défini comme la propriété des grands moyens de production et d’échange par l’État et non par la nation, et une orientation stratégique de la production fondée sur les critères habituels du capitalisme : recherche du profit de court terme, exploitation de la main-d’œuvre, mépris de la nature, libre-échange, principe de concurrence libre et non faussée…
Des objectifs financiers
Les objectifs financiers des nationalisations visent à protéger les entreprises des marchés financiers, affaiblir les marchés financiers et augmenter les ressources budgétaires de l’État.
Protéger les entreprises des marchés financiers en :
- bloquant la mondialisation financière du capital des entreprises qui risquent d’échapper au contrôle de la Nation ;
- interdisant les licenciements boursiers.
Affaiblir les marchés financiers en :
- diminuant le poids des investisseurs institutionnels (fonds de pension, fonds mutuels…) ;
- réduisant la taille des marchés financiers, particulièrement le marché des actions et des obligations publiques, jusqu’à leur disparition sous cette forme. Il est parfaitement possible d’imaginer un actionnariat diversifié, sans que les actions s’échangent sur le marché boursier et fassent l’objet d’opérations spéculatives permanentes ;
- sortant toutes les entreprises nationalisées de la Bourse (elles seront des EPIC).
Augmenter les ressources budgétaires de l’État en :
- récupérant l’argent des dividendes ;
- réorganisant le financement de l’économie.
Des objectifs démocratiques
Les objectifs démocratiques des nationalisations visent tout à la fois à empêcher la constitution d’énormes intérêts privés disposant de moyens tels qu’ils pourraient prétendre diriger le pays et faire la loi à la place des représentants du peuple, et à réinsérer la grande entreprise dans la société et la démocratie. Tout groupe et toute firme occupant une position déterminante dans une industrie donnée est passible de nationalisation.
La « démocratie économique et sociale » voulue par le CNR reste plus que jamais nécessaire de nos jours. Les entreprises nationales joueront un rôle décisif pour réencastrer l’économie dans la société et la démocratie. Les salariés des groupes nationalisés, leurs consommateurs, leurs sous-traitants, les territoires sur lesquels ils sont installés seront associés pour définir les produits et la manière écologique de les fabriquer, leurs composants, l’étiquetage, les contrôles de qualité, les conséquences sur l’environnement, les coopérations avec le tissu économique local, les coopérations internationales…
Les nationalisations auront des conséquences bénéfiques : un changement de stratégie de l’entreprise ou du groupe, son intégration au Plan national et régional, une modification des structures et du personnel de direction, des droits nouveaux accordés aux salariés de l’entreprise et à leurs syndicats…
Les citoyens doivent pouvoir choisir les domaines de l’économie qu’ils veulent s’approprier et qu’ils veulent assumer en gestion directe (financement et stratégie) sans passer par le marché. Ils ne doivent laisser au secteur privé que les activités qu’ils ne jugent pas importantes pour l’exercice de leur souveraineté et pour la satisfaction des besoins collectifs et individuels de base. On peut considérer que la loi suffit à orienter et contrôler ces activités secondaires sans qu’il soit nécessaire de passer par une nationalisation.
Mise en place d’un Statut général des entreprises nationales
Pour définir ce statut, nous reprenons l’idée du projet de loi du 31 décembre 1948 portant « Statut général des entreprises publiques ». Pour ne pas confondre notre proposition avec ce projet de loi qui n’a d’ailleurs pas vu le jour, nous parlons de « Statut général des entreprises nationales ». Pour le concevoir, nous nous sommes appuyés également sur le Statut général des fonctionnaires issu de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires (loi Le Pors), auquel nous empruntons quelques éléments. Enfin, nous avons repris certains des dispositifs du Statut national du personnel des industries électriques et gazières relevant de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l'électricité et du gaz, et sur le décret n°46-1541 du 22 juin 1946 approuvant le statut national du personnel des industries électriques et gazières, dans sa version consolidée au 4 février 2016.
Le Statut général des entreprises nationales que nous proposons contient l’ensemble des règles devant s’appliquer aux entreprises désormais qualifiées de « nationales » et à leur personnel :
- le champ d’application de ce statut ;
- le statut juridique des entreprises nationales ;
- la gestion des entreprises nationales à l’échelle des établissements et des Groupes ;
- le statut appliqué au personnel ;
- la mise en place d’une coordination des entreprises nationales ;
- les relations avec l’État ;
- le rapprochement des différents statuts professionnels.
Le champ d’application du Statut général des entreprises nationales
Sont appelées « entreprises nationales » toutes les entreprises détenues à 100% par la nation, que la nation soit représentée dans ces entreprises par l’État, une collectivité territoriale ou une autre entreprise nationale. Le « Statut général des entreprises nationales », procédant de la loi, s’applique à ces entreprises. Ce statut s’applique aux salariés de ces entreprises : ouvriers, employés, agents de maîtrise, cadres administratifs et techniques, en situation d'activité ou d'inactivité. Le personnel auquel s'applique ce statut est composé d'agents statutaires et d'agents temporaires. Les emplois dans les entreprises nationales sont assurés par des agents statutaires d’abord engagés au titre d’agents stagiaires. La durée du stage dure un an, rémunérée selon la grille des salaires définie dans le Statut.
Le statut juridique des entreprises nationales
Les entreprises nationales sont des Établissements publics industriels et commerciaux (voir l’annexe V sur les EPIC). Une action volontaire des pouvoirs publics consistera à stopper l’évolution néolibérale en cours depuis plusieurs décennies de transformation des EPIC en sociétés anonymes à capitaux publics majoritaires. Les entreprises nationales ayant un statut de société anonyme, dans lesquelles la Nation possède 100% des actions, seront progressivement reconverties en EPIC.
L’EPIC est la forme juridique des nationalisations de 1936-1937 et de 1944-1948. En revanche, elle n’a pas été utilisée en 1982 car déjà, à cette époque, le ver néolibéral était dans le fruit. L’EPIC reste cependant encore utilisé aujourd’hui comme par exemple pour la SNCF ou Réseau ferré de France (voir la liste des EPIC en annexe V).
Les EPIC sont soumis, de la part de l'État, à un contrôle strict et permanent en matière technique, budgétaire et d'opérations comptables. Les contrôles sont assurés par des commissaires du gouvernement et des contrôleurs d'État dans les Conseils d'administration et par la Cour des comptes ou les Chambres régionales des comptes.
Chaque EPIC est rattaché à l'État par une double tutelle, d’une part celle du ministère du Plan, d’autre part celle du ou des ministères correspondant à la spécialité de l’entreprise nationale (par exemple la SNCF est sous la tutelle du ministère des Transports, la Société Générale sous la tutelle du ministère des Finances…). Les EPIC spécialisés à l’échelle de la région, du département ou de la commune (et des EPIC interrégionaux, interdépartementaux et intercommunaux) sont inclus dans le périmètre du Statut général des entreprises nationales.
Le budget de l’EPIC est autonome, il est détaché du budget général de l’État ou de la collectivité territoriale dont il dépend. Ce budget est alimenté par des ressources propres qui sont notamment constituées :
- des produits d'exploitation tirés du ou des services rendus contre rémunération ;
- des libéralités (transfert de droits ou de biens) ;
- des emprunts ;
- des dotations de l’État ou des collectivités territoriales.
La gestion des entreprises nationales à l’échelon des établissements et des Groupes
Les entreprises privées ne sont pas le modèle des entreprises nationales. Elles sont même, à de nombreux égards, un anti-modèle tant nombre d’entre elles vivent sous perfusion de fonds publics, délocalisent, polluent, trichent sur les impôts… Les entreprises nationales, elles, ne sont pas liées par les règles de la concurrence mais par une mission de service public et l’intérêt général. Dans certains cas l’EPIC, par décision du Parlement, peut vendre à perte si sa mission le justifie. Ce peut être le cas, par exemple, de la vente à perte de véhicules électriques par l’entreprise nationale Renault. Le but d’une telle décision serait d’inciter à la réinvention de l’industrie automobile. Un deuxième exemple peut être pris en matière de coopération internationale. Des ventes à perte peuvent être consenties, dans le cadre d’une politique d’aide à l’équipement industriel de certains pays, concernant par exemple des machines-outils… La différence est alors comblée éventuellement par une dotation publique ou par l’entreprise nationale concernée si elle en a les moyens. La France étant sortie de l’euro, de l’Union européenne et de l’OMC, ou étant sur le point d’en sortir, le droit communautaire européen et les règles de l’OMC ne s’appliquent plus sur son territoire.
Le Conseil d’administration du Groupe
Un Conseil d’administration de 22 membres dirige l’EPIC, il est l’organe délibérant, son rôle est de prendre les décisions stratégiques et de les faire appliquer par la direction générale du Groupe et les directions de chaque établissement, dans le cadre du Plan. Sa composition est tripartite : représentants de la Nation (10), des salariés (7), des usagers (5). La raison de ces proportions tient au fait que ces entreprises étant nationales, elles doivent être dirigées par des représentants de la Nation. Ceux-ci sont composés de 2 députés désignés par l’Assemblée nationale, et 8 représentants de l’État désignés par les ministres concernés : ministère du Plan (2), ministère des Finances (1), ministères de tutelle liés à l’activité de l’entreprise nationale (3), élus locaux des territoires sur lesquels se trouvent des sites de l’entreprise nationale (2). Les 7 représentants des salariés sont élus par le personnel des entreprises nationales sur listes syndicales à l’occasion d’élections spécifiques mais groupées : représentants des salariés au CA du Groupe, représentants des salariés aux CE et au CCE, délégués du personnel des établissements, délégués du personnel du Groupe, représentants syndicaux à la Coordination des entreprises nationales (voir plus loin la définition de cette notion). Les 5 représentants des usagers sont désignés selon des modalités à préciser.
Les décisions sont prises à la majorité absolue.
Le président du Conseil d’administration est désigné par une commission ad hoc de l’Assemblée nationale sur la base de propositions de candidatures, précédées d’auditions publiques des candidats.
La direction générale du Groupe
Le directeur général est nommé par le Conseil d’administration sur proposition de son président. Il assure, avec ses collaborateurs, la direction exécutive. Son rôle est de mettre en œuvre les décisions du Conseil d’administration.
Les Comités d’établissements
Dans chaque établissement de plus de 50 salariés un comité d’établissement (CE) est mis en place selon les règles du droit commun (Code du travail) incluses dans le Statut. Il dispose d’un budget de 1% du chiffre d’affaires annuel de l’établissement.
Les droits suivants lui sont accordés, au-delà du Code du travail :
- Le président du CE est élu parmi les salariés élus au CE de chaque établissement.
- Le CE est saisi par la direction avant toute décision de nature économique ou financière concernant l’établissement. En cas de désaccord le CE peut suspendre les décisions envisagées. Le CA du Groupe tient alors lieu d’instance d’arbitrage.
- La commission logement de chaque CE affecte les logements au personnel après accord du CE. En cas de désaccord, la direction de l’établissement peut faire appel auprès du CCE et de la direction générale du Groupe.
- La commission égalité professionnelle de chaque CE propose au CE les mesures à prendre pour assurer l’égalité au sein de l’établissement. Elles prennent effet dès l’accord de la direction de l’établissement. En cas de désaccord, cette dernière peut faire appel après du CCE et de la direction générale du Groupe.
- La commission formation de chaque CE propose le plan de formation au CE et le met en œuvre après accord de la direction de l’établissement. En cas de désaccord, cette dernière peut faire appel après du CCE et de la direction générale du Groupe.
- Le CE dispose d’un droit suspensif en matière de concentration, fusion, acquisition, délocalisation, relocalisation, licenciement collectif, introduction de nouvelles technologies, modification de la durée ou de l'organisation du travail, modification du règlement intérieur, licenciement de représentants élus du personnel, investissements, aides publiques affectant l’établissement.
Le Comité central d’entreprise
Dans les entreprises nationales à établissements multiples, un comité central d’entreprise est mis en place (CCE). Il réunit les représentants élus des différents comités d’établissement. Ses fonctions sont celles définies par le Code du travail.
À celles-ci s’ajoutent de nouvelles compétences :
- Le CCE inclut les représentants de l’équivalent des CE des sites de l’entreprise nationale installés à l’étranger.
- Le président du CCE est élu parmi les salariés élus au CCE.
- Le CCE est saisi par la direction pour toute décision de nature économique ou financière concernant le groupe et dispose d’un droit suspensif.
- Le CCE dispose d’un droit suspensif en matière économique et financière (concentration, fusion, acquisition, délocalisation, relocalisation, licenciements collectifs, introduction de nouvelles technologies, modification de la durée ou de l'organisation du travail, modification du règlement intérieur, licenciement des représentants élus du personnel, investissements, aides publiques). Il peut saisir la Commission nationale technique paritaire, organisée à l’échelle de l’ensemble des entreprises nationales, faisant office d’instance d’appel.
Le CCE dispose d’un budget de 1% du chiffre d’affaires annuel du Groupe, il est élu sur listes syndicales.
Les Comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT que nous réhabiliterons)
Leurs missions, définies par le Code du travail et incluses dans le Statut, visent à contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés, à l’amélioration des conditions de travail, à l’impact du processus de production sur l’environnement extérieur de l’entreprise.
Les CHSCT des entreprises nationales et de leurs établissements disposent de droits nouveaux :
- Arrêt immédiat de la production en cas de non-respect des prescriptions statutaires, législatives et réglementaires pouvant avoir des conséquences graves, ou d’absence de mise en œuvre des mesures de prévention préconisées, de danger grave et imminent.
- Décision unilatérale concernant le développement de la prévention par des actions de sensibilisation et d’information.
- Dispose du droit de retrait en cas de péril grave et imminent
- Avis suspensif concernant toute décision d’aménagement important modifiant les conditions d’hygiène et de sécurité ou les conditions de travail (transformation importante des postes de travail, modification de l’outillage, changement de produit ou de l’organisation du travail), modification des cadences et des normes de productivité, mutations technologiques importantes ou rapides.
- Le CHSCT d’établissement doit obligatoirement donner son accord concernant : l’organisation matérielle du travail (charge de travail, rythme, pénibilité des tâches, élargissement et enrichissement des tâches) ; l’environnement physique du travail (température, éclairage, aération, bruit, poussière, vibrations) ; l’aménagement des postes et des lieux de travail ; la durée et les horaires de travail, l’aménagement du temps de travail (travail de nuit, travail posté) ; les nouvelles technologies et leurs incidences sur les conditions de travail des salariés.
- En cas de désaccord entre le CHSCT d’un établissement et la direction de l’établissement, le CHSCT de Groupe est saisi.
- Le CHSCT est intégralement financé par l’entreprise, selon les besoins.
Les membres du CHSCT sont désignés par le CE et les DP, sans être nécessairement élus au CE ou aux DP.
Le président du Comité d’établissement assure la présidence du CHSCT.
Un CHSCT de Groupe est mis en place à l’échelle de l’entreprise nationale, chargé de la coordination de l’activité des différents CHSCT des établissements. Cette coordination ne saurait en aucun cas remettre en cause l’autonomie des CHSCT de base.
Les Conseils d’ateliers
Des Conseils d’ateliesr sont mis en place dans chaque collectif de travail dans les établissements. Ils rassemblent tous les salariés d’unités cohérentes de production. Ils se réunissent au moins 2h une fois par mois, sur le temps de travail qui est rémunéré. Ils sont animés par un membre de l’atelier désigné par ses pairs. Leur but est de définir les actions à mettre en œuvre pour améliorer les conditions de travail en liaison avec le CHSCT, l'organisation de l'activité et la qualité de la production dans l'unité de travail à laquelle ils appartiennent et dans l'entreprise. Ils transmettent leurs doléances à leur hiérarchie, au CHSCT et au CE. Ils peuvent faire appel auprès des instances nationales du Groupe.
Les Commissions administratives paritaires d’établissements
Dans chaque établissement des Commissions administratives paritaires sont mises en place, composées à égalité de représentants de la direction et des salariés. Elles traitent des sujets relatifs aux carrières individuelles et sont obligatoirement saisies pour donner un avis sur les actes ayant un impact sur la gestion des salariés (détachement entrant et sortant, accueil en disponibilité, titularisation, avancement de grade ou promotion de corps, recours en évaluation, demande de mobilité…). Elles auditionnent les candidats à un emploi. Elles remettent leurs conclusions aux CE et aux directions des établissements. Elles sont présidées par le responsable de la gestion du Statut qui dépend du président du CE.
Les Commissions de délibération publique
Chaque établissement des entreprises nationales met en place des « Commissions de délibération publique » dans les villes où se trouvent les sites de production. Le but de ces commissions est double. Il vise, en premier lieu, à permettre à l’entreprise de donner des informations aux habitants des territoires où elle est implantée. Ces informations sont de toute nature : bilan de l’entreprise au regard des normes anti-pollution, perspectives d’emploi, nouveaux produits ou services, nouvelles technologies, coopération internationale, lutte pour l’égalité des salariés (salaires…), état de réalisation du Plan… Ces réunions visent, en second lieu, à faire remonter les doléances éventuelles de la population vis-à-vis de l’entreprise.
Ces réunions se tiennent une fois par trimestre en soirée pour favoriser la participation de la population. Elles peuvent se tenir, le cas échéant, dans l’entreprise. Lors de ces réunions, l’entreprise est représentée par la direction de l’établissement et un responsable de chaque syndicat. Chaque site organise une journée portes ouvertes une fois par an, à laquelle peuvent participer les habitants du territoire et les salariés.
À l’échelle des Groupes, une Commission de délibération publique est mise en place. Elle a exactement le même rôle que les Commissions de délibération publique des établissements.
Le statut appliqué aux personnels
La situation actuelle des personnels des entreprises nationales et des EPIC est très diversifiée, on trouve des fonctionnaires, des salariés de droit privé (Code du travail), des non-titulaires et vacataires, des salariés couverts par des statuts spécifiques, des prestataires extérieurs, etc. Le Statut général des entreprises nationales, distinct du Statut général des fonctionnaires et du Code du travail, permettra de simplifier la situation et de rétablir une véritable égalité entre les salariés.
Le Statut des entreprises nationales contient de nombreuses innovations sociales. Elles découlent du fait que les salariés de ces entreprises nationales sont en quelque sorte délégués par la Nation pour réaliser les missions de service public et d’intérêt général de leurs entreprises. Ils sont au service de la Nation. Comme ils sont aussi une fraction de la Nation et qu’ils en font donc partie, ils ne peuvent pas être dans le même rapport de subordination vis-à-vis de leurs employeurs.
Le rapport de subordination des salariés
Le lien de subordination caractérise la relation juridique existant entre un employeur et un salarié dans le secteur privé. Le Code du travail ne définit pas ce qu'est un lien de subordination. En l'absence de définition posée par la loi, c'est la jurisprudence qui a posé les critères à remplir pour caractériser l'existence de ce lien. Elle définit le lien de subordination comme l'exécution d'un travail qui se fait sous l'autorité d'un employeur ayant le pouvoir de donner des ordres et des directives, de contrôler l'exécution du travail et de sanctionner les manquements du salarié.
Bien sûr, dans toute organisation productive, quelle qu’elle soit, des directives de travail doivent être données par la hiérarchie ou décidées collectivement. La différence fondamentale, dans le cadre des entreprises nationales par rapport aux entreprises privées, est que le but de l’activité productive est le bien-être de toute la société et non simplement celui d’actionnaires privés. La nature des produits et services fabriqués, leur quantité, les moyens utilisés, les conditions d’emploi de la main-d’œuvre sont définies avec la participation des salariés. Les directives de travail ne sont donc plus des directives au sens du secteur privé, puisqu’elles correspondent à des processus auxquels ont participé en amont les salariés. En outre, le système de recours et d’appels mis en place en aval écarte toute possibilité de décisions unilatérales des directions. Dans certains cas, des directives de travail peuvent être purement et simplement suspendues ou annulées.
Une gestion partagée
La disparition du lien de subordination entre les salariés et la direction des entreprises nationales entraîne une autre conséquence majeure : la gestion partagée. Sur deux catégories de sujets, les salariés via leurs syndicats gèrent directement ou en partage des aspects de l’entreprise.
D’abord, sur le plan économique et financier, les Comités d’établissements et les Comités centraux d’établissements disposent d’un pouvoir de gestion partagée avec les directions dans certains domaines. Tous les projets des directions concernant la vie de l’établissement ou du Groupe doivent préalablement être présentés aux CE et CCE. Ces derniers possèdent un droit suspensif. Autrement dit, aucune décision unilatérale des directions ne peut être prise, il faut l’accord majoritaire des CE et CCE.
Ensuite, sur le plan social, les salariés, via leurs syndicats, sont directement responsables de la gestion du Statut, ce ne sont pas les directions des établissements et des Groupes. Les fonctions des directions des ressources humaines disparaissent au profit des fonctions de « responsable de gestion du Statut ». Au demeurant, cette appellation de « ressources humaines » avait mis les choses à l’envers (mais à l’endroit si on se place du côté des actionnaires), car ce ne sont pas les salariés qui sont une « ressource » pour l’entreprise, c’est l’entreprise qui est une ressource pour l’ensemble de la Nation dont ses salariés.
Les responsables de la gestion du Statut sont placés sous la responsabilité du président du CE et du CCE. Ils prennent les décisions dans les domaines statutaires suivants, après avis de la Commission administrative paritaire (CAP) :
- gestion de la garantie de l’emploi au sein de l’ensemble constitué par toutes les entreprises nationales ;
- promotions du personnel par catégorie ;
- mobilité entre établissements et entre Groupes ;
- recrutement ;
- logement du personnel ;
- plan de formation ;
- égalité (salaires…).
Dans ces différents domaines, les directions des établissements et des Groupes ont un droit de recours respectivement auprès de la direction des Groupes et de la Coordination des entreprises nationales.
Afin de gérer les contradictions entre les intérêts catégoriels et l’intérêt général, une instance d’arbitrage est créée au sein de l’Assemblée nationale. Elle est composée de 3 députés qui sont saisis par les directions des entreprises nationales, les syndicats ou les salariés de ces entreprises. Cette instance d’arbitrage du statut des entreprises nationales arbitre les conflits qui lui sont soumis.
Éléments de politique sociale dans le cadre du Statut
Les entreprises nationales ont un objectif d’entraînement de toutes les entreprises afin de réaliser un nouveau modèle social.
Les principales dispositions :
- L’emploi est garanti à l’échelle de la Coordination des entreprises nationales.
- L’échelle mobile des salaires et des prix est instaurée.
- Les congés payés sont de 5 semaines par an.
- La durée hebdomadaire de travail est harmonisée avec celle en vigueur dans le secteur privé et la fonction publique.
- L'agent en activité qui atteint l’âge de 60 ans (moins une année par enfant) peut demander à partir en inactivité. Il doit informer son employeur de sa décision en respectant un préavis minimum de trois mois. Il peut continuer à exercer une activité, s’il le souhaite, jusqu’à l’âge de 67 ans, sous réserve de l’accord de la CAP. Son salaire, en inactivité, est de 80% de son dernier salaire mensuel, toutes primes comprises. Pour les besoins du service, si son âge est inférieur à 67 ans et après accord de la CAP, il pourra être rappelé en service actif dans des circonstances exceptionnelles avec clause de refus.
Liberté syndicale
Le Statut précise le régime de la liberté syndicale (locaux, panneaux d’affichage, heure d’information mensuelle, heures de délégation pour les élus…), ce sont les dispositions du Code du travail qui s’appliquent. Par exemple, une heure d’information mensuelle permet aux syndicats de réunir le personnel, sur le temps de travail, sans perte de salaire dans chaque établissement.
Mise en place d’une Coordination des entreprises nationales
Le Statut général des entreprises nationales s’applique à toutes les entreprises nationales. Celles-ci sont reliées entre elles par une structure appelée « coordination des entreprises nationales » (CEN). Son rôle est de gérer le Statut des personnels à l’échelle nationale et de mutualiser les ressources des entreprises nationales.
C’est un EPIC ayant du personnel propre, financé par 0,5% du chiffre d’affaires annuel de chaque groupe. Elle comprend : 2 députés, un représentant par entreprise nationale, 1 représentant par CCE. Son directeur général est nommé par le ministre du Plan. Elle est placée sous la tutelle du ministre du Plan.
Gestion du Statut du personnel
La gestion du Statut du personnel s’effectue au sein de la Commission administrative paritaire supérieure. Elle est composée comme les CAP des établissements et des Groupes. Elle est présidée par un représentant des salariés. Son premier objectif est d’assurer la garantie de l’emploi par mobilité éventuelle au sein de l’ensemble des entreprises nationales (l’emploi à vie).
La Commission technique paritaire supérieure fait office d’instance d’appel. Elle gère les différents aspects liés au Statut comme :
- La classification du personnel, la grille des salaires et des qualifications.
- Elle répartit, dans chaque échelle, les emplois, fonctions, postes effectivement exercés.
- Elle contrôle que les règles relatives à l'admission, à l'affectation et à l'avancement des agents soient respectées.
- Elle saisit les Conseils d'administration des infractions qui seraient commises.
- Elle est l’instance de négociation permanente entre les syndicats et la direction de la Coordination.
Les entreprises nationalisées ne pourront pas adhérer à des syndicats patronaux comme le Medef.
Mutualiser les ressources des entreprises nationales
La Coordination des entreprises nationales (CEN) qui sera représentée au Conseil démocratique des entreprises et des services (voir partie VII, architecture institutionnelle du programme) mutualise les ressources des entreprises nationales dans les domaines suivants :
- aménagement du territoire ;
- emprunts groupés garantis par l’État ;
- coopération internationale.
Les relations avec l’État
Les entreprises nationales, qu’il s’agisse de leurs établissements, des Groupes et de la Coordination des entreprises (CEN), participent à l’élaboration du Plan. Elles présentent leurs propositions d’objectifs aux différents services concernés au sein du ministère du Plan. Elles réagissent, en retour, aux propositions qui peuvent leur être faites. Une fois le Plan voté par le Parlement, les entreprises nationales sont tenues de l’appliquer.
Les objectifs fixés par le Plan aux entreprises nationales peuvent concerner tout ou partie des éléments suivants :
- nature, volume et modalités de financement des investissements ;
- volume et structure de l’emploi ;
- gestion mutualisée des achats ;
- politiques d’aménagement du territoire ;
- coopération internationale ;
- politique de substitution aux importations.
Le Plan, voté par le Parlement, peut décider qu’un bien ou service, produit par une entreprise nationale, peut faire l’objet, pendant tout ou partie de la durée du Plan (5 ans), d’une gestion à perte, à l’équilibre ou bénéficiaire. En cas de décision de gestion à perte, le Plan peut demander une compensation interne, comme ce fut longtemps le cas à Air-France ou à la SNCF, que les lignes bénéficiaires compensent les lignes déficitaires. Le Plan peut également demander au Parlement de voter des dotations financières spéciales permettant de combler les pertes. Dans tous les cas, les prix des biens et services produits par les entreprises nationales sont votés par le Parlement.
Le lecteur pourra être troublé de lire que le Pardem envisage la possibilité de gestion « à perte » des entreprises nationales. Le cas peut se présenter si des politiques publiques sont décidées par exemple dans le domaine environnemental. Imaginons que le gouvernement veut encourager la substitution des voitures à essence par des voitures électriques. Il ne va pas faire comme dans les logiques libérales où le prix des véhicules électriques sera le même pour tous. Il va élaborer un prix « politique », c’est-à-dire plusieurs prix pour le même véhicule, en fonction du patrimoine de l’acheteur. Les plus fortunés auront un prix nettement au-dessus du marché, les moins fortunés auront un prix nettement sous le marché. La compensation entre les deux peut donner une somme nulle, elle peut aussi donner une perte compensée par une dotation publique ou un emprunt.
Il faut se détacher de la conception parfaitement libérale de la notion de prix comme résultant de l’équilibre entre une offre et une demande. Pour nous le prix est toujours une notion politique et jamais une notion économique, même s’il faut, en comptabilité analytique, calculer le prix économique. Le prix comme notion politique n’a rien de nouveau, c’est déjà ce qui s’est pratiqué dans le passé dans de nombreux pays et qui se pratique toujours. Exemple : le prix du riz dans certains pays est toujours sous le prix du marché car il est subventionné afin de permettre à la population de se nourrir à bon marché. Le subventionnement d’un prix permet de mener des politiques sociales que le marché (et donc le prix de marché) ne permet pas.
Les entreprises nationales agissent ainsi dans le cadre du Plan, même si elles disposent d’une large autonomie de gestion.
Le rapprochement des différents statuts professionnels
Le Statut général des entreprises nationales doit s’inscrire dans une politique de convergence avec le Statut des fonctionnaires et un nouveau statut du travailleur salarié dans le secteur privé, relevant du Code du travail.
Bien entendu, les forces les plus réactionnaires de la société ne manqueront pas de protester contre un nouveau statut qui ne fera qu’allonger la liste déjà si longue à leurs yeux des « privilégiés ». Leur indignation sélective, comme d’habitude, passera sous silence le 0,01% de la population et même le 0,001% qui constitue l’hyper-classe. Cette toute petite minorité rafle tout en matière de patrimoine et de revenus, bien souvent fondés sur des montages fiscaux à la limite de la légalité et parfois même totalement illégaux.
Il existe trois situations pour les salariés, qu’ils relèvent du Code du travail, du Statut général de la fonction publique, ou de statuts spéciaux comme ceux d’EDF-GDF, de la SNCF, etc. La différence essentielle entre eux tient au fait que les salariés du secteur privé relèvent du contrat (le contrat de travail entre l’employeur et le salarié), alors que les salariés de la fonction publique et du secteur nationalisé (certains) relèvent de statuts procédant de la loi. Il est parfaitement logique que les salariés investis de missions de services public et de tâches d’intérêt général relèvent de la loi et non du droit privé.
Cette réalité, cependant, ne saurait faire accepter des écarts entre les différentes positions professionnelles et statutaires des salariés. Une convergence doit être planifiée, allant bien entendu du bas vers le haut et non l’inverse. Hormis une raison de justice sociale élémentaire, la nécessité de disposer de statuts professionnels protecteurs pour l’ensemble du monde du travail a une nouvelle fois été confirmée par les périodes de crises que notre pays traverse, de plus en plus fréquentes et de plus en plus aigües. Ces statuts, malgré les attaques et le démantèlement dont ils sont l’objet, protègent encore les familles et jouent un indéniable rôle positif d’amortisseur social. Ils limitent, certes de moins en moins bien, les difficultés provoquées par le chômage, la maladie, l’accident du travail, le handicap, la vieillesse. Ils sont aussi globalement un espace d’intégrité face à l’immoralité plus que fréquente, presque endémique, des grandes affaires et des marchés financiers.
Il existe une autre raison militant pour une convergence vers le haut des différentes positions professionnelles des salariés. C’est la mise en œuvre, depuis la fin des années 1960 et particulièrement depuis le début des années 1980 de la révolution néolibérale. Elle repose sur l’organisation permanente du chômage de masse et la précarité.
Il faut donc d’abord passer par la voix législative et non par celle des conventions collectives. Il faut en effet s’intéresser au statut des travailleurs sans statut, chacun dans sa spécificité. Il faut donc, comme le préconise l’ancien ministre Anicet Le Pors, aller vers un Statut général des travailleurs salariés du secteur privé relevant du Code du travail, auxquels s’ajouteraient des accords contractuels de branches et d’entreprises.
Cette convergence des statuts serait favorable à l’unité du monde du travail et à la convergence de ses luttes.
Il ne faut pas voir dans les nationalisations un remède miracle censé régler automatiquement tous les problèmes. Le risque existe qu’elles se limitent à un simple transfert de propriété du privé vers l’État. Les hauts dirigeants qui détenaient le pouvoir peuvent aussi rester les mêmes dans le cadre public. Les stratégies peuvent être identiques et ne viser qu’à donner l’illusion de servir des objectifs supposés d'intérêt général. De plus, dans certains pays, la propriété par l'État ne favorise pas forcément davantage de transparence de l'information. Il arrive aussi que les entreprises nationales et les services publics servent les intérêts de la reproduction de la caste au pouvoir (embauche d’amis politiques, religieux, de clan, d’ethnie… indépendant des compétences ou de la qualification). Dans ce cas ils ne peuvent assurer pleinement leur fonction normale, l'égalité des citoyens n'est plus respectée. La nationalisation peut être ainsi un levier permettant la corruption, le népotisme et le clientélisme.
Le succès des nationalisations dépendra de la clarté des objectifs, de la volonté politique de la représentation nationale et du gouvernement, ainsi que de la vigilance des salariés et des citoyens.
Le Parti de la démondialisation se propose de nationaliser six catégories d’entreprises industrielles et de services : les banques et compagnies d’assurance, toutes celles qui ont été privatisées ces trente dernières années ; toutes celles du CAC 40 ; toutes celles ayant fraudé, d’une manière ou d’une autre ; toute la grande distribution et les centrales d’achat, toutes les entreprises qui fabriquent des armes.
Raisonnement pour définir l’indemnisation des actionnaires
Les nationalisations, selon les lois votées par l’Assemblée nationale au cours de l’histoire, peuvent faire l’objet d’une indemnisation totale ou partielle des personnes physiques et morales expropriées. Elles peuvent aussi se réaliser sous forme de confiscation sans contrepartie financière. Enfin, elles peuvent se faire par achat des titres en Bourse ou par conversion de créances publiques. Le choix d’une formule plutôt qu’une autre dépend de nombreux facteurs : le rôle des entreprises concernées qui peut justifier des sanctions privant les actionnaires d’indemnisation (Renault), les conditions de marché, les circonstances économiques et politiques, etc. Trois risques sont associés à l’indemnisation des anciens actionnaires : une charge excessive pour la collectivité nationale, la spoliation ou la sur-indemnisation des actionnaires. C’est entre ces trois risques que le législateur fait son choix au cas par cas. Pour éclairer ces choix, les expériences de 1944-1948 et de 1982 doivent être redécouvertes.
L’expérience de 1944-1948
L’indemnisation a été étalée sur une longue période car l’importance des sommes concernées rendait difficile un règlement monétaire immédiat. Elle s’est effectuée par le versement de titres obligataires avec une période d’amortissement de 50 ans suite à l’accord des trois partis dominants (PCF, MRP, SFIO). Les cours de Bourse des sociétés nationalisées étaient la base de référence, tout dépendait évidemment, pour définir le montant de l’indemnisation, de la période de référence choisie.
Les revenus des titres obligataires versés aux anciens actionnaires ont deux composantes : un intérêt fixe minimum de 3% et un intérêt complémentaire variable tantôt fixé par la loi (1% du chiffre d’affaires à l’EDF et 0,25% pour les Charbonnages), ou laissé à l’appréciation du conseil d’administration (banques, assurances).
Ainsi les actionnaires des quatre banques nationalisées à la Libération ont reçu chaque année au moins l’équivalent du dividende de 1944 comme « minimum garanti », avec un intérêt fixe de 3%.
La nationalisation de l’électricité et du gaz a été indemnisée par un intérêt minimum de 3% plus un intérêt complémentaire indexé sur l’inflation, alimenté par un prélèvement annuel égal à 1% du chiffre d’affaires d’EDF et 1% pour les petits porteurs. C’est la Caisse nationale de l’énergie (CNE) qui a géré le portefeuille d’EDF. Tâche immense car la production électrique était assurée par 86 centrales thermiques et par 300 centrales hydrauliques, qui appartenaient respectivement à 54 et 100 sociétés privées. Les réseaux de transport se partageaient entre 86 sociétés. Quant à la distribution de l’électricité, 1 150 entreprises géraient le marché. Enfin, 251 sociétés étaient responsables de 724 exploitations gazières de tailles variées.
En 1945, l’indemnisation se fait par titres viagers remis aux anciens actionnaires, qui deviennent des obligataires, garantis par l’État, valables pour les enfants dix après la mort des titulaires jusqu’à leur majorité, établis sur la moyenne des dividendes distribués avant la guerre.
Pour les sociétés non cotées en Bourse, des commissions spéciales ont été mises en place, chargées d’établir la valeur liquidative des entreprises nationalisées.
Les hauts fonctionnaires du ministère des Finances, et particulièrement l’Inspection des finances, s’employa et parvint à « limiter les dégâts » en faisant preuve de bienveillance en faveur d’une sur-indemnisation des actionnaires. Elle a constamment agi pour la diminution du nombre des représentants des salariés dans les conseils d’administration, fait du harcèlement des ministres qui voulaient nationaliser, milité pour la réduction du périmètre des nationalisations. Les revues académiques, quant à elles, n’ont quasiment jamais traité des nationalisations, sinon pour les dénigrer. Seule la revue Droit social s’est impliquée positivement.
Les nationalisations de 1982
Les entreprises nationalisées l’ont été à 100% par transfert de leurs actions à l’État.
Les anciens actionnaires ont reçu des obligations :
- négociables en Bourse ;
- garanties par l’État ;
- à taux variable en fonction du taux d’intérêt du marché des emprunts d’État non indexés, d’échéance 7 ans ;
- amortissables en 15 ans par annuité constante.
Au départ, le gouvernement voulait prendre le cours moyen des actions sur 3 ans (1er février 1978 au 31 décembre 1980). La Commission des opérations de Bourse (COB) et le Conseil d’État ont donné un avis défavorable. Le gouvernement a donc proposé un nouveau calcul, après de multiples péripéties, notamment un refus du Conseil constitutionnel. Finalement le 3e projet sera le bon, il sera inclus dans la loi du 11 février 1982. La rédaction est incompréhensible et stipule :
« Pour les sociétés cotées, la valeur d’échange des actions est égale à la somme majorée de 14% pour tenir compte de l’inflation, du produit du nombre des actions au 31 décembre 1981 par la moyenne des cours la plus élevée de celles de chacun des 6 mois d’octobre 1980 à mars 1981, et du montant des sommes distribuées sous forme de dividendes au titre de l’exercice 1980. La valeur d’échange par action étant égale à la somme ainsi déterminée divisée par le nombre d’actions au 31 décembre 1981. »
Dans son rapport pour l’année 1981, la COB a néanmoins estimé que l’indemnisation était dans l’ensemble « satisfaisante » pour les actionnaires.
Le coût des nationalisations comporte le remboursement du capital et le paiement des intérêts. Le coût global total des nationalisations de 1982, amortissement du capital et intérêt, a été de 86 milliards de francs sur 15 ans, soit un peu moins de 15 milliards d’euros d’aujourd’hui (et donc 1 milliard par an pendant 15 ans, ce qui est peu). La loi de nationalisation du 11 février 1982 a créé deux caisses nationales, l’une pour les sociétés industrielles, l’autre pour les banques. Elles ont été chargées d’émettre puis de gérer les obligations résultant de la nationalisation, notamment d’assurer le paiement des intérêts et le remboursement du capital. Une dotation budgétaire de 1 milliard de francs chacune leur a été accordée. À partir de 1983, ces caisses ont été alimentées par des redevances des sociétés nationalisées, des emprunts sur le marché financier et de nouvelles dotations budgétaires.
Nos principes concernant l'indemnisation des actionnaires
Nos principes concernant l’indemnisation des actionnaires sont les suivants :
- La règle générale est le remboursement intégral des actionnaires.
- Des cas particuliers peuvent se présenter, par exemple en cas de comportement frauduleux ou dilatoire d’une entreprise, pouvant amener à une indemnisation partielle ou même à une expropriation sans indemnisation.
- L’indemnisation des actionnaires se fait par échange de leurs actions contre des obligations de même valeur nominale, le calcul de la valeur des actions se faisant, pour chaque entreprise nationalisée, à partir d’une référence d’un cours de Bourse moyen équitable.
- C’est le Pôle financier public qui perçoit les actions pour les détruire, et qui remet les obligations aux anciens actionnaires.
- Les obligations émises par le Pôle financier public ont les caractéristiques suivantes :
- Amortissement sur 50 ans par annuité constante.
- En cas de décès de l’obligataire, réversion au bénéficiaire désigné par ce dernier jusqu’à l’échéance.
- Titres non négociables en Bourse.
- Titres garantis par l’État.
- Montant de l’obligation déterminé en fonction d’une période de référence du cours de Bourse définie par l’État.
- Taux d’intérêt indexé sur le taux du Livret A de la Caisse d’épargne.
- Rachat des titres par tirage au sort (remboursement en totalité de quelques obligataires au lieu du remboursement progressif un peu chaque année).
- Une autre possibilité, en fonction des circonstances, est l’achat en Bourse des actions des entreprises à nationaliser, par le Pôle financier public.
- Le Pôle financier public reçoit une avance à taux 0 de la Banque de France.
- Les petits porteurs, s’ils le souhaitent, peuvent échanger leurs actions contre des parts du Livret E (voir partie III).
Première catégorie de nationalisations : les banques et compagnies d’assurances
La nationalisation de tout le secteur bancaire, financier et des assurances est d’une importance stratégique absolue pour parvenir à démanteler les marchés financiers et redonner aux entreprises françaises le crédit dont elles ont été sevrées. Cette décision fait partie des mesures à prendre le lundi suivant l’élection d’un nouveau président de la République qui aurait mis ces questions dans son programme. Rappelons ici que, parallèlement, la Banque de France a été rendue à la Nation, la France a annoncé, par la voix de son président dès le dimanche soir de son élection, qu’elle sortait de l’Union européenne et de l’euro comme la promesse en avait été faite. Les filiales françaises des groupes bancaires, financiers et assurantiels étrangers auront le choix de partir ou d’être nationalisées dans le délai d’un an. Leur activité sera fortement encadrée pendant cette période afin qu’elles ne servent pas de vecteur spéculatif contre le nouveau gouvernement.
Les raisons pour lesquelles il convient de nationaliser l’ensemble du secteur bancaire, financier et assurantiel ont été largement exposées dans la partie III de notre programme. Nous ajoutons ici simplement quelques précisions.
Une loi fixera la liste exhaustive et les modalités de nationalisation des établissements concernés. L’indemnisation des actionnaires s’effectuera sur la base d’un prix par action fixé par l’Assemblée nationale dans la loi.
Les actions des entreprises nationalisées seront transférées au Pôle financier public. En échange, ce dernier remettra des obligations aux anciens actionnaires. D’un amortissement de 50 ans, comme décrit plus haut, le prix de cession sera calculé sur une période moyenne du cours de Bourse de chaque établissement. Le taux d’intérêt sera indexé sur le taux d’intérêt du Livret A de la Caisse d’épargne. Les petits porteurs, qu’ils détiennent directement des actions des entreprises de ce secteur, ou qu’ils les détiennent via des Organismes de placements collectifs en valeurs mobilières (OPCVM), regroupant les Sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) ou les Fonds communs de placement (FCP) et leurs dérivés, ou encore des contrats d’assurance-vie et d’épargne-retraite, auront un intérêt supplémentaire indexé sur l’inflation de l’année. En cas de décès des obligataires, leur titre sera transmis à la personne désignée comme bénéficiaire jusqu’au terme de l’obligation.
Les équipes dirigeantes des entreprises nationalisées seront intégralement et immédiatement déchargées de leurs responsabilités. Elles seront néanmoins réquisitionnées pendant quelques mois pour assurer la liaison avec les nouvelles équipes.
Une fois le système financier entièrement nationalisé, le Pôle financier public pourra acheter (« ramasser ») selon les circonstances les actions des entreprises cotées en Bourse non encore nationalisées. Ces achats pourront s’effectuer à partir des fonds propres des banques et compagnies d’assurances. Le processus pourra durer plusieurs mois. Lorsque la majorité des actions d’une entreprise sera atteinte, une loi prononcera sa nationalisation. L’entreprise sortira de la cote, les actionnaires privés minoritaires seront invités à échanger leurs actions contre des obligations émises par le Pôle financier public afin que la nationalisation se réalise à 100%.
Les banques
Pour les banques, le prix d’échange des actions sera fixé selon un prix moyen du cours de Bourse de chaque établissement, tenant compte des périodes de crise des marchés financiers. Un tel calcul correspond clairement à une décote du prix des titres équivalant à une décote (baisse), sanction que méritent les gros actionnaires et hauts dirigeants des banques pour l’ensemble de leur œuvre : mauvais financement de l’économie et particulièrement des PME et TPE, spéculations de toutes sortes, opérations multiples dans les paradis fiscaux, arrogance et incompétence permanentes…
Le cas des aides publiques aux banques en 2008 est à cet égard significatif. À la fin de l'année 2008, en effet, en pleine crise de liquidité, toutes les banques françaises ont eu recours à un plan de « sauvetage » mis en place par l'État. Ces aides ont représenté 76,9 milliards d'euros de prêts garantis et 20,75 milliards d'apports en fonds propres, sous la forme de titres hybrides ou d'actions de préférence. Selon la version officielle livrée par le Trésor, le plan de soutien aurait permis de faire entrer 3 milliards d'euros dans les caisses de l’État, dont 1,59 milliard d'intérêts et 1,4 milliard de rémunération de sa garantie. Autre son de cloche du côté de la Fédération bancaire française pour qui ce coût aurait rapporté 2,4 milliards au budget de l’État, soit « le montant le plus élevé d’Europe ». Au moment de l'annonce de ce plan, nombreux avaient été ceux qui en avaient critiqué les modalités. La Cour des Comptes avait même critiqué le dispositif au motif que l'État pourrait y être de sa poche. Dans le cas de BNP-Paribas et de la Société générale, les prix de cession pour le retour au privé ont été fixés à l'avance, à savoir la moyenne du cours de Bourse sur les 30 jours précédant le rachat, mais avec un plancher fixé à 100% du prix d'acquisition et un plafond de 103% jusqu'au 30/06/2010, de 105% jusqu'au 30/06/2011, etc. Pourquoi ne pas avoir fixé les plafonds plus hauts ? car entre la date d'achat des actions (le 31 mars 2009) et la date de la revente, le cours de Bourse a augmenté de 113% pour BNP et 175% pour la Société Générale. Soit un manque à gagner évalué à 12 milliards d'euros pour le budget de l’État !
Les établissements de crédit figurant sur la liste de la Banque de France Seront nationalisés, à l'exclusion des établissements relevant de l'article L.518-1 du Code monétaire et financier : le Trésor public, la Banque de France, la Banque postale, l'institut d'émission des départements d'outre-mer, l'institut d'émission d'outre-mer et la Caisse des dépôts et consignations, ces établissements étant déjà sous la tutelle de l’État.
- Sur les 402 établissements de crédit agréés en France, 166 banques, 21 succursales de banques de pays tiers, 91 banques mutualistes, 106 établissements de crédit spécialisés sont nationalisés. Les 18 Caisses de crédit municipal conservent leur statut.
- Les 22 établissements de crédit agréés à Monaco sont nationalisés, dont les 18 banques et les 4 succursales de banques.
- Les 650 établissements de crédit de l'Espace économique européen (E.E.E.) exerçant en France seront informés qu’ils disposent d’un an pour fermer ou pour accepter la nationalisation. Si ces banques décident de fermer, le personnel sera reclassé dans les autres banques.
Parmi ces banques, 4 sont cotées sur Euronext (la capitalisation est en février 2021, en milliards d’euros) :
- BNP Paribas 52
- Société générale 17
- Crédit agricole 33
- Natixis 12 (devrait être sorti de la cotation)
Précisons que Euroclear France sera nationalisée, que La Banque Postale et la Caisse d’épargne retrouveront leur statut d’origine qui en avait fait la force.
La capitalisation boursière totale des banques s’élève à 129 milliards d’euros. Comme ces banques cotées en Bourse représentent environ 75% du marché, on considère qu’elles représentent aussi 75% des capitaux à nationaliser, soit 129 milliards d’euros plus 25% (32 milliards). Les actionnaires recevront donc des titres obligataires amortissables en 50 ans pour cette somme, soit un coût pour l’État de 161 milliards, soit 3,2 milliards d’euros par an, plus les intérêts (Livret A).
Les sociétés d’assurance
Les compagnies d’assurance n’ont pas connu les mêmes difficultés que les banques, leur réglementation encore très solide a permis jusque-là d’éviter les dérives connues par les banques. Elles n’ont pas eu non plus le même comportement arrogant que les banques, leurs dirigeants sont plutôt restés dans l’ombre, à part ceux d’Axa. Elles ne méritent pas la sanction infligée aux banques.
Les modalités de nationalisation des sociétés d'assurance tiendront compte des erreurs commises à la Libération. Ainsi la tarification sera coordonnée à l’échelle de l’ensemble des sociétés. Toutes les sociétés seront soumises à un contrôle a priori de leurs contrats et à une étroite réglementation de leurs placements. C’était d’ailleurs l’esprit de la décision de Michel Debré, ministre de l'Économie et des Finances, le 17 janvier 1968, lorsqu’il a pris trois arrêtés de « concentration » du secteur de l'assurance pour remédier aux difficultés de certaines sociétés et « mieux faire face à la concurrence internationale ». C’est ainsi que les huit groupes existants à l’époque étaient ramenés à trois, formant dès lors le secteur public de l'assurance : UAP, AGF, GAN.
Le 4 janvier 1973, une loi préparée par le ministre de l’Économie et des Finances, Valéry Giscard d’Estaing, autorise l'État à céder le quart des actions de chaque société d'assurance nationalisée (à titre gracieux ou onéreux) et impose la création, à l'intérieur de chaque groupe public, d'une société centrale holding, qui aura pour objet la détention de la totalité des actions des sociétés exploitantes du groupe. L'État leur apporte ses actions et reçoit en échange la totalité des actions des sociétés centrales, seules déclarées cessibles par la loi. En 1977, les actions AGF, GAN et UAP sont introduites en Bourse.
La loi du 2 juillet 1986 place les dix sociétés nationalisées des trois groupes d'assurance parmi les soixante-cinq entreprises que le gouvernement est autorisé à privatiser. La loi du 15 juillet 1993 relance la privatisation inaboutie des entreprises d'assurance en actualisant la loi du 2 juillet 1986. La privatisation de l'UAP a lieu en mai 1994 et celle des AGF au printemps 1996. En décembre 1997, le gouvernement lance l'opération de privatisation du GAN.
5 sociétés d’assurances sont cotées à Euronext (capitalisation boursière en milliards d’euros en février 2021) :
- Axa : 50 milliards
- CNP Assurances : 10 milliards
- SCOR SE : 7 milliards
- Euler Hermes Group : 5,2 milliards (devrait être retiré de la cotation par Allianz)
- COFACE : 1,3 milliard
À ces sociétés cotées il convient d’ajouter des sociétés non cotées :
- Covéa, qui est une société de groupe d’assurance mutuelle (SGAM) qui réunit trois compagnies d’assurances qui n’ont de mutuelle que le nom : MMA, MAAF et GMF. Les fonds propres s’élèvent à 6 milliards d’euros.
- L’intégralité des actions du groupe AGF ont été rachetées par Allianz, et est devenue Allianz-France avec 7 milliards de fonds propres.
- Le GAN a été racheté par le groupe Groupama qui représente 10 milliards de fonds propres.
- Malakoff-Medéric-Humanis, 7 milliards d’euros
Le total représente 96 milliards d’euros, soit un coût de 1,9 milliard par an pendant 50 ans, plus l’intérêt.
Au total, nous avons donc 161 milliards pour les banques et 96 milliards pour les compagnies d’assurances, soit 357 milliards d’euros amortissables en 50 ans. Chaque année, l’État devra donc rembourser 5,14 milliards d’euros aux obligataires. Cette somme est élevée, mais il ne faut pas oublier que ces entreprises nationalisées génèrent des gains qui, au lieu d’aller dans la poche d’actionnaires privés, iront dans celles de la Nation ! Ainsi, pour ne prendre qu’un exemple qui sous-estime les gains, en 2019 l’Agence des participations de l’État (APE) avait perçu 2,3 milliards d’euros de dividendes des sociétés cotées. Avec l’élargissement du secteur national, le gain pour l’État sera très significatif.
Deuxième catégorie de nationalisations : les entreprises qui sont essentielles pour la Nation
Un coup d’arrêt immédiat sera mis aux privatisations en cours. Cela concerne notamment la privatisation des barrages hydro-électriques. Seront restituées à la nation toutes les activités que le peuple français souhaitera gérer en direct par la maîtrise complète du financement et des choix stratégiques. Resteront privées celles qui peuvent être pilotées indirectement, par le biais des lois. Dans les entreprises à nationaliser, on trouve notamment :
- L’ensemble du secteur de l’énergie : réseau, distribution, fabrication des équipements (centrales, barrages, éoliennes…).
- L’ensemble du secteur des communications et du numérique : réseau et prestation dans le courrier, la téléphonie, l’internet...
- L’ensemble du secteur des transports : voies et services collectifs de transport terrestre, maritime et aérien.
- L’ensemble du secteur de la santé, y compris la filière du médicament (de la fabrication à la distribution en pharmacie).
- L’ensemble du secteur de la défense.
- L’ensemble du secteur de la métallurgie.
- L’ensemble du secteur du BTP et de la construction.
La liste des entreprises privatisées ces 40 dernières années donne une idée approximative de l’ampleur du travail à réaliser. Cependant, il ne s’agit pas de restituer à l’identique ces entreprises pour retrouver la situation de 1970. Deux raisons à cela : la première est que les besoins de la population ont changé et qu’il s’agit d’adapter la liste des entreprises nationales aux priorités actuelles de la population. Par exemple, l’accès à l’internet est devenu un besoin essentiel. La seconde et la plus importante est que les entreprises ont considérablement évolué suite à leur privatisation. Certaines activités ont presque disparu sur le territoire national, dans le cadre de stratégies des groupes déployées au niveau mondial (exemple de l’acier et de l’aluminium). Au contraire, dans certains domaines comme la communication et les services, des entreprises se sont développées. Elles ont pu créer des activités qui n’intéressent pas directement les citoyens et qui pourraient rester privées. Enfin, certaines entreprises, qu’on pourrait juger aujourd’hui très importantes pour la nation n’ont jamais eu d’activité en France. Il est donc tout à fait possible, même si cela pose des difficultés spécifiques qu’il faudra prendre en compte, de créer des entreprises nationales ex nihilo, processus qui ne passerait pas, dans ce cas, par une nationalisation.
La liste est impressionnante, elle est classée ci-dessous en fonction des gouvernements qui ont commis ces forfaits. La description des entreprises concernées, ce qu’elles sont devenues, se trouve dans des annexes. La lecture de ces annexes permet de comprendre ce qui s’est passé et de mieux mesurer les gâchis.
Privatisations opérées sous le gouvernement de Jacques Chirac (20 mars 1986 au 10 mai 1988) - détails en annexe IX
Le gouvernement Chirac a bradé, selon les sources, entre 72 et 100 milliards de francs d’actifs publics par la loi du 6 août 1986 :
- Saint-Gobain en 1986.
- Compagnie générale de constructions téléphoniques (CGCT) en 1987.
- Agence Havas en 1987.
- Compagnie générale d'électricité qui devient Alcatel-Alsthom puis Alcatel en 1987
- Société Matra en1988.
- TF1, cette privatisation entre dans le cadre de la loi du 30 septembre 1986 en 1987.
- Banque du bâtiment et des travaux publics en1987.
- Banque industrielle et mobilière privée en 1987.
- Compagnie financière de Paribas en 1987.
- Compagnie financière de Suez en 1987.
- Compagnie financière du Crédit commercial de France en 1987.
- Mutuelle générale française en 1987.
- Société générale en 1987.
- Caisse nationale du Crédit agricole : mutualisation par cession des actifs aux caisses régionales en 1988.
- Crédit local de France (cas particulier, en 1991-1993).
Privatisations opérées sous le gouvernement de Michel Rocard (24 juin 1988 au 16 mai 1991) – détail en annexe X
- Crédit local de France, 5 avril 1991, cession de titres.
- Renault, 1990, ouverture du capital.
Privatisations opérées sous le gouvernement d’Édouard Balladur (29 mars 1993 au 11 mai 1995) – détail en annexe XI
L'ensemble des privatisations sur la période 1993-1995 a « rapporté » 114 milliards de francs.
Privatisations opérées sous le gouvernement d’Alain Juppé (17 mai 1995 au 7 novembre 1995) – détail en annexe XII
L'ensemble des privatisations sur la période 1995-1997 a « rapporté » 40 milliards de francs, la plupart étant issues de la loi de privatisation de 1993.
- AGF, 1996, mise en bourse de 51 % du capital, l'État ne conservant que 2%.
- CGM (Compagnie générale maritime), 1996, vente de gré à gré, pour 20 millions de francs, à la Compagnie maritime d'affrètement (CMA) qui devient CMA-CGM.
- Péchiney, 1995.
- Usinor-Sacilor, 1995.
- Renault, 1996, ouverture du capital.
- Compagnie française de navigation rhénane (CFNR), 8 novembre 1996, vente de gré à gré à l'Association technique de l'importation charbonnière (ATIC) des 75,7% du capital détenus par l'État.
- BFCE, 1996, vente de gré à gré au Crédit national. La fusion de ce dernier avec la BFCE donne naissance à la banque Natexis. Celle-ci sera rachetée par le groupe des banques populaires, tandis que les caisses d'épargne lui apporteront leur filiale IXIS transformant Natexis en Natixis.
- Bull, 1997.
Privatisations opérées sous le gouvernement de Lionel Jospin (2 juin 1997 au 6 mai 2002) – détail en annexe XIII
L'ensemble des privatisations sur la période 1997-2002 a « rapporté » 210 milliards de francs. La période est intéressante car il s’agit d’un gouvernement de « gauche » à participation communiste : Jean-Claude Gayssot (ministre de l’Équipement, des Transports et du Logement), Marie-George Buffet (ministre de la Jeunesse et des Sports), Michelle Demessine (Secrétaire d’État chargée du Tourisme), Jacques Bruhnes puis Michel Duffour (secrétaire d’État chargé du Patrimoine et de la Décentralisation culturelle). Ajoutons également Jean-Luc Mélenchon.
La majorité de ces privatisations se fait sur la base de la liste de la loi Balladur de 1993. La gauche n’a ajouté « que » les Autoroutes du Sud de la France, Eramet et le CIC.
- Air France, 1999, ouverture du capital.
- Autoroutes du sud de la France (privatisation partielle), mise en bourse de 49% du capital en mars 2002.
- Crédit Lyonnais, 12 mars 1999 (décret).
- France Télécom, octobre 1997, ouverture du capital, mise en Bourse de 21% du capital. En novembre 1998, nouvelle mise en Bourse de 13% du capital.
- Eramet, 1999.
- GAN, 1998.
- Thomson Multimédia, ouverture du capital en 1998 et en 2000.
- CIC, 1998.
- CNP, 1998.
- Aérospatiale (EADS), ouverture du capital en 2000.
Privatisations opérées sous les trois gouvernements de Jean-Pierre Raffarin (6 mai 2002 au 31 mai 2005) – détail en annexe XIV
L'ensemble des privatisations sur cette période a « rapporté » 13 milliards d'euros :
- Autoroutes Paris-Rhin-Rhône (privatisation partielle).
- France Télécom, mise en Bourse de 10,85% du capital en septembre 2004 (part résiduelle de l'État : 42,25%).
- SNECMA, mise en Bourse de 35% du capital le 18 juin 2004, rapprochement avec Sagem le 29 octobre 2004 dans le cadre d'une OPA/OPE qui achève la privatisation de la Snecma. Après fusion, le nouvel ensemble prend le nom de Safran.
- Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France (privatisation partielle).
- Crédit Lyonnais.
Privatisations opérées sous le gouvernement de Dominique de Villepin (31 mai 2005 au 15 mai 2007) – détail en annexe XV
Dominique de Villepin, lui aussi, a été un grand privatisateur :
- Société des autoroutes du Nord et de l'Est de la France, privatisation totale par cession de gré à gré du solde du capital (75%) sur appel d'offres, pour 4,03 milliards d'euros.
- Autoroutes Paris-Rhin-Rhône, privatisation totale par cession de gré à gré du solde du capital (70%) sur appel d'offres.
- Autoroutes du sud de la France, privatisation totale par cession de gré à gré du solde du capital (51%) sur appel d'offres.
- Gaz de France, le 8 juillet 2005, mise en Bourse de 20% du capital, dont une partie en augmentation de capital. L'opération rapporte environ 2,5 milliards d'euros à l'État et 2 milliards à l'entreprise.
- SNCM (privatisation partielle).
- Électricité de France (privatisation partielle), novembre 2005.
- Aéroports de Paris (privatisation partielle).
- DCNS, ancienne Direction des constructions navales (privatisation partielle).
Privatisations opérées sous le gouvernement de François Fillon (18 mai 2007 au 10 mai 2012) – détail en annexe XVI
François Fillon est le Premier ministre qui a le moins privatisé :
- GRTgaz, 2011, ouverture de capital.
Privatisations opérées sous le gouvernement de Jean-Marc Ayrault (15 mai 2012 au 31 mars 2014) – détail en annexe XVII
Jean-Marc Ayrault, comme son ami Lionel Jospin, aura été un grand privatiseur :
- Mars 2013 : cession de 3,12% du capital de Safran pour 448,5 millions d’euros, l'État détient encore 27,08% du capital.
- Avril 2013 : cession de 3,66% du capital d'EADS, ce qui a rapporté 1,2 milliard d'euros à l'État.
- Juin 2013 : l'État cède 9,5% du capital d’Aéroports de Paris pour 738 millions d'euros.
- Novembre 2013 : cession de 4,7% du capital de Safran, pour environ 900 millions d’euros. L'État ne détient plus désormais que 22,4% du capital.
- Janvier 2014 : cession de 1% du capital d'Airbus Group, anciennement EADS, pour environ 450 millions d’euros.
Privatisations opérées sous le gouvernement de Manuel Valls (entre le 31 mars 2014 et le 10 février 2016) – détail en annexe XVIII
- Décembre 2014 : cession de 49,9 % du capital de l'Aéroport de Toulouse-Blagnac pour 308 millions d'euros. L'État conserve 10,1%, la Chambre de commerce et d'industrie de Toulouse 25 % et les collectivités territoriales 15 %.
- Juin 2015 : Airbus Safran Launchers (ASL) prend le contrôle du capital d'Arianespace.
Toutes les précisions sur les entreprises privatisées et ce qu’elles sont devenues, celles qui, par conséquent, seront nationalisées, se trouvent dans les annexes.
Troisième catégorie de nationalisations : toutes les entreprises figurant au CAC 40
Le CAC 40 (cotation assistée en continu) est le principal indice boursier français, créé le 31 décembre 1987 avec 1 000 points. Il fluctue d’un jour à l’autre à partir des cours de quarante actions cotées sur Euronext Paris (ancienne Bourse de Paris). Ces sociétés, contrairement à une idée souvent répandue, ne sont pas les plus importantes de la Bourse de Paris (Euronext Paris), mais sont représentatives des différentes branches d'activités de l’économie française. Elles sont censées refléter la tendance globale de l'économie des grandes entreprises de notre pays. Leur liste est revue régulièrement pour maintenir cette représentativité.
Nationaliser les entreprises du CAC 40 : des raisons symboliques, stratégiques et financières
Le CAC 40 est un des principaux symboles de la finance triomphante. Il ne se passe pas de jour où les médias audiovisuels, entre la météo et les sports, ne donnent pas le résultat de l’évolution du CAC 40, se réjouissant quand il monte et s’accablant quand il baisse. Les entreprises de cet indice ont été colonisées par un actionnariat spéculatif, souvent des fonds anglo-saxons. Ces derniers ont absorbé la substance de ces entreprises qui, autrefois, figuraient comme les « champions nationaux ». La nationalisation de toutes les entreprises du CAC 40 aura une portée symbolique considérable. Un des piliers du capitalisme financier sera scié, ce sera l’annonce de la fin de partie pour les marchés financiers dont l’oxygène commencera sérieusement à se raréfier. Bien entendu, le CAC 40 disparaîtra.
Hormis ce motif symbolique particulièrement réjouissant, la nationalisation de toutes les entreprises faisant partie du CAC 40 aura également une valeur stratégique fondamentale. Car le CAC 40 est une représentation des entreprises qui font l’activité économique de la France. En nationalisant ces entreprises, un dynamisme nouveau s’élargira à tout le système productif, industriel et de services.
Nationaliser les entreprises du CAC 40 pour gagner de l’argent !
En 2019, les entreprises figurant dans l’indice CAC 40 ont versé 60 milliards d’euros y compris les rachats d’actions qui reviennent à rendre de l’argent aux actionnaires. Lorsque la Nation deviendra propriétaire à 100% de ces entreprises, c’est elle qui empochera ces sommes. Mais leur utilisation sera profondément différente, puisqu’elles viendront augmenter le budget de l’État, lui permettant d’améliorer le sort des Français.
Bien sûr, la somme sera nécessairement moins élevée que celle précédemment versée aux actionnaires privés, car les entreprises nationalisées auront un cahier des charges à remplir, notamment dans le cadre du Plan. Elles devront améliorer la situation de l’emploi, augmenter les salaires, développer les investissements, notamment dans la recherche, améliorer les conditions de trvail, la qualité et la durabilité des produits, le service après-vente, l’environnement des implantations industrielles.
Liste des entreprises du CAC 40 qui seront nationalisées
La composition du CAC 40 présentée ci-dessous est celle de fin février 2021.
AIRBUS GROUP ; AIR LIQUIDE ; ALSTOM ; ARCELORMITTAL ; ATOS ; AXA ; BNP PARIBAS ; BOUYGUES ; CAPGEMINI ; CARREFOUR ; CREDIT AGRICOLE ; DANONE ; DASSAULT SYSTEMES ; ENGIE ; ESSILORLUXOTTICA ; HERMES ; KERING ; L’OREAL ; LEGRAND ; LVMH ; MICHELIN ; ORANGE ; PERNOD RICARD ; PEUGEOT ; PUBLICIS ; RENAULT ; SAFRAN ; SAINT-GOBAIN ; SANOFI ; SCHNEIDER ELECTRIC ; SOCIETE GENERALE ; STMICROELECTRONICS ; TELEPERFORMANCE ; THALES ; TOTAL ; UNIBAIL-RODAMCO ; VEOLIA ENVIRONNEMENT ; VINCI ; VIVENDI ; WORLDLINE.
Quelles sont les sommes en jeu, peut-on indemniser les actionnaires ?
A fin février 2021, la capitalisation boursière des entreprises du CAC 40 présentée ci-dessus s’établissait à 1 771 milliards d’euros. Sur cette somme, il faut retrancher les capitalisations boursières des banques et compagnies d’assurances déjà comptées dans la partie concernant la nationalisation du système financier. Il s’agit de :
- BNP Paribas : 52 milliards.
- Axa : 48 milliards.
- Société générale : 17 milliards.
- Crédit agricole : 33 milliards.
Soit un total de 150 milliards d’euros.
Les sommes à débourser pour indemniser les actionnaires passent donc à 1 771 – 150 = 1 621 milliards d’euros. Sur cette somme, il conviendra également de retrancher toutes les actions détenues par les banques et compagnies d’assurance soit en fonds propres, soit au travers de SICAV et FCP.
L’amortissement sur 50 ans des 1 621 milliards d’euros donne une annuité de 32,5 milliards d’euros. Pour fixer un ordre de grandeur, les dividendes et rachats d'actions des sociétés du CAC 40 versés à leurs actionnaires en 2019 se sont élevés à 60 milliards d’euros. Nous pourrions donc nationaliser deux fois le CAC 40, cela rapporte !
Selon la Banque de France, les assureurs détenaient en 2015, dans l’assurance-vie, 104 milliards d’euros d’actions non cotées et 68 milliards d’actions cotées. En assurance non-vie, les chiffres sont respectivement de 50 et 15 milliards. Les mêmes informations n’ont pas pu être trouvées pour les banques, qui détiennent, notamment au travers des SICAV et FCP qu’elles gèrent, des sommes beaucoup plus importantes. Cela signifie que les banques et compagnies d’assurances pourront être mobilisées pour acheter des titres en Bourse des entreprises à nationaliser.
Tous les ans, un rapport parlementaire établira les données chiffrées du dispositif global de nationalisation, procédera aux analyses et proposera les mesures propres à optimiser le processus.
Ces volumes indiquent sans ambiguïté que les sommes nécessaires à l’achat des actions des entreprises à nationaliser seront trouvées.
Quatrième catégorie de nationalisations : toutes les grandes entreprises qui fraudent
Il s’agit, dans les exemples donnés ci-dessous, des seules entreprises épinglées par l’Autorité de la concurrence. L’Autorité de la concurrence est une entité administrative « indépendante » (en réalité chargée de faire respecter la concurrence « libre et non faussée »), spécialisée dans l’analyse et la régulation du fonctionnement de la concurrence sur les marchés, pour le maintien de l’ordre public économique.
L’Autorité de la concurrence, créée en 2008 en remplacement du Conseil de la concurrence et de la consommation, est dans la continuité des entités d’inspiration néolibérale « indépendantes », c’est-à-dire entièrement dévouées au marché. Elle résulte du détachement de ces fonctions autrefois assumées par l’État. Son rôle est de sanctionner les ententes et les cartels et d’autoriser (éventuellement avec des conditions) ou interdire les fusions et acquisitions. Elle peut également émettre des avis de sa propre initiative ou à la demande du gouvernement. Dans la distribution, l’Autorité de la concurrence peut étudier les documents d’urbanisme (à la demande du préfet ou du ministre), elle peut intervenir dans les zones où la diversité commerciale est trop faible. Quand un opérateur détient plus de 50% de parts de marché sur une zone et y pratique des prix ou marges significativement plus élevés qu’ailleurs, l’Autorité peut exiger des baisses de prix ou contraindre le distributeur à céder des magasins.
Le Parti de la démondialisation réintégrera l’Autorité de la concurrence, sous son ancien nom, dans le périmètre de l’État. Car cet instrument doit revenir dans les mains du pouvoir politique. En aucun cas les questions de concurrence, d’ententes, de fusions ne sont des questions techniques qui devraient être traitées de façon « indépendante ». Les effectifs beaucoup trop faibles de l’Autorité (moins de 200 agents en 2015) seront renforcés de manière significative.
Les entreprises qui fraudent remettent en cause les règles du marché. L’État est donc fondé à les retirer du marché, ou d’une partie de mécanismes du marché, puisqu’elles-mêmes, en fraudant, se sont déjà retirées.
C’est pourquoi, en cas de fraude, les entreprises concernées, leurs gros actionnaires et hauts dirigeants, qui donnent des leçons à tout le monde, seront sévèrement punis. Ce sera la nationalisation, sans compensation pour les actionnaires. Avant la nationalisation, les pouvoirs publics consulteront les salariés et leurs organisations syndicales pour leur demander s’ils souhaitent plutôt créer une coopérative ouvrière de production ou bénéficier d’une reprise d’entreprise par les salariés (RES). Quelles que soient les différentes solutions trouvées, l’entreprise bénéficiera du Livret E ou des prêts des banques nationalisées via le pôle financier public.
Les entreprises qui ont fraudé, seront nationalisées (liste détaillée, voir l’annexe XIX).
Elles étaient membres des organisations suivantes :
- cartel des produits laitiers frais ;
- cartel de la diffusion de la télévision par voie hertzienne terrestre en outre-mer ;
- cartel du papier-peint ;
- cartel des produits d’entretien ;
- cartel des farines ;
- cartel des banques ;
- cartel de la téléphonie mobile ;
- cartel des fabricants de lessives ;
- cartel des aliments pour chiens et chats ;
- cartel du porc ;
- cartel des produits d’hygiène.
Cinquième catégorie de nationalisations : la grande distribution et les centrales d’achat
Selon des enquêtes d’opinion convergentes, 70% des personnes interrogées en France craignent de ne pas pouvoir accéder à une alimentation saine, c'est-à-dire « sans effets néfastes sur leur santé » dans les prochaines années. Seules 4% ne se disent « pas du tout inquiètes ». Il est vrai que 75% des sondés ne font pas confiance à la grande distribution (Ipsos, 2013). Les motifs de défiance sont en effet innombrables, généralisés et récurrents. Par exemple, des poursuites judiciaires ont été engagées en février 2015 contre les quatre plus grands distributeurs de compléments nutritionnels aux États-Unis : Walmart, Walgreen, Target (chaînes de supermarchés), et GNC (chaîne spécialisée dans la distribution de produits nutritionnels). Elles sont accusées de fraude et de tromperie des consommateurs. Les autorités publiques, après avoir testé leurs compléments nutritionnels les plus vendus, se sont aperçues que 4 produits sur 5 ne contenaient pas la moindre trace des plantes médicinales ou nutriments indiqués sur leur étiquette. Dans la plupart des cas, les pilules et gélules ne contenaient que de la poudre de riz et de légumes (carotte, petits pois…). De plus, certains produits prétendant ne contenir ni blé ni gluten, en contenaient au contraire. Plus grave, certains contenaient des toxines pouvant causer des problèmes graves de foie et de rein potentiellement fatals. Des scandales similaires font également la Une de la presse française. Il est temps de remettre de l’ordre dans la grande distribution. Sa nationalisation sera l’outil le plus puissant pour y parvenir.
Description de la grande distribution en France
Le secteur de la grande distribution, selon la définition de l'Insee, est « constitué des hypermarchés et des entreprises dites du grand commerce spécialisé ». Les hypermarchés en France sont les « magasins du commerce de détail non spécialisés qui réalisent plus d'un tiers de leur chiffre d'affaires dans la vente de produits alimentaires, et d'une surface de vente égale ou supérieure à 2 500 m2 ». Les supermarchés, quant à eux, sont des magasins dont la surface de vente est comprise entre 400 et 2.500 m² et qui réalisent plus des deux tiers de leur chiffre d’affaires dans l’alimentaire. On compte 98% des Français qui se rendent en super et hypermarché, plus d'une heure par semaine en moyenne pour 53% d’entre eux. Cependant, seuls 30% apprécient y faire leurs achats.
La grande distribution désigne l'ensemble des opérateurs :
- pratiquant le commerce de détail de biens de consommation et éventuellement des services associés (livraison, SAV, financement…) à destination des consommateurs finaux ;
- à partir de points de vente disposant d'une grande surface réservée à la vente, ainsi que d'autres zones accessibles aux clients (parking) ou non (stocks-réserves) ;
Jusqu’au XVIIIe siècle, le commerce se limitait à quelques boutiques dans les villes et à quelques négociants. De manière générale, les fonctions de distribution et de vente étaient exercées par les producteurs eux-mêmes, l’autoconsommation et la consommation locale des produits dominaient. Avec la révolution industrielle et la concentration grandissante de la population dans les zones urbaines, l’intermédiation entre consommateurs et producteurs devint nécessaire. La présence d’une population ouvrière dans les villes entraîna la création des épiceries alimentaires, tandis que le développement de la bourgeoisie citadine amenait à la création de grands magasins non alimentaires, comme le Bon Marché créé en 1852. Ce sont les prémices de l’ère de la grande distribution dite de « masse ». C’est pendant les « trente glorieuses » que la grande distribution fait ses premiers pas en France. À cette époque, les commerçants isolés détiennent plus de 80% du chiffre d’affaires du commerce de détail. De dix à douze intermédiaires interviennent entre l’agriculteur et le consommateur. Les denrées sont rares et les prix flambent.
En 1948, s’ouvre à Paris la première épicerie en libre-service, nouveau concept importé des États-Unis. En 1949, Michel Édouard Leclerc ouvre son premier libre-service à Landerneau (Finistère). Ce n’est pas une grande surface, puisque le magasin ne fait que 50 m², mais c’est une étape-clé dans le développement de la grande distribution. En créant un magasin dans lequel les clients pouvaient se servir eux-mêmes, il pouvait alors réduire les prix au début grâce aux économies réalisées sur la main-d'œuvre. La grande distribution s'est ainsi développée en éliminant le petit commerce et en éliminant en même temps la fonction utile qu'il représentait, celle d'apporter les produits à proximité des consommateurs.
Ajoutons qu’une des principales innovations de la grande distribution a consisté à vendre les marchandises avant qu’elles ne soient payées et à placer l’argent dans l’intervalle. Elle a également imposé à ses fournisseurs des délais de paiement plus long que la durée de stockage en magasin.
À l’époque, les Américains font déjà leurs courses dans des sortes de hangars, situés en périphérie des villes, avec à leur disposition chariots, parkings et même pompe à essence. Le concept fait des émules en France. Au libre-service s’ajoute l’invention française du « tout sous le même toit » qui va faire cohabiter des produits alimentaires, des vêtements ou de l’électroménager.
En 1957, le premier supermarché ouvre ses portes à Paris. En 1963, le premier hypermarché est inauguré par Carrefour à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne). Dans les années 1960, dans un contexte où la consommation des ménages progresse régulièrement en moyenne de 4,5% par an entre 1950 et 1960, avec un budget annuel moyen qui double entre 1950 et 1968, les revenus des ménages sont suffisants pour permettre l’avènement de la consommation de masse. Elle est liée à l’industrialisation de l’agriculture.
Très vite les enseignes vont développer des stratégies comportant deux axes :
Premier axe : l’internationalisation. Le but est de mettre en œuvre à l’étranger ce qui a fait le succès de la grande distribution en France : s’implanter dans des zones où seuls les petits commerces indépendants sont présents. Carrefour sera le premier à se lancer dans la course en ouvrant son premier hypermarché à Barcelone en 1973. L’internationalisation va aussi se développer par la croissance externe au moyen d’opérations de fusions-acquisitions pour se renforcer en vue d’une future confrontation à l’échelle mondiale avec les géants anglo-saxons comme Wall Mart ou Tesco.
Deuxième axe : la diversification. Il s’agit d’élargir l’éventail de l’offre au-delà de l’alimentaire.
Une industrie hyper-concentrée
Aujourd’hui, en France, la grande distribution représente 70% du marché alimentaire. Près de 40% des ventes de commerce de détail et d’artisanat commercial se font dans la grande distribution. Un rapport présenté à l’Assemblée nationale en 2000 soulignait que « les rapports entre les producteurs de biens de consommation (70 000 entreprises et 400 000 agriculteurs) et les 60 millions de consommateurs sont analogues au passage dans le goulot d’étranglement d’un sablier. Au point d’étranglement, 5 groupements de distributeurs contrôlent la vente de plus de 90% de produits de grande consommation ».
La France est le pays européen qui compte la plus forte concentration de grandes surfaces au mètre carré. Le pays compte 12 300 grandes surfaces alimentaires (DGCCRF, 2012) et plus de 25 000 points de vente ce qui représente près de 20 millions de mètres carrés de magasins. C’est le modèle dominant en France avec plus de 60% des ventes totales en 2012. Son chiffre d’affaires était de 233 milliards d’euros en 2006 (source LSA). Entre 1997 et 2008, il augmente de +3,6% par an en moyenne. En 2009, il recule de -3,4% et se redresse ensuite de 2010 à 2013 (+1,8% par an en moyenne). Le secteur employait plus de 600 000 personnes en 2018 pour une masse salariale de 15 milliards d'euros (source INSEE) dont 61% de femmes. Il existe 8 groupes sur le marché, dont 6 français et 2 allemands. Carrefour (n° 2 dans le monde) et Leclerc dominent le marché et représentent à eux deux 40% des ventes des grandes surfaces (2011).
Le Groupe Carrefour, n° 2 de la grande distribution dans le monde, est le deuxième distributeur alimentaire en France (19,9% de part de marché) derrière E. Leclerc (21,5%). Ce dernier comme Système U et Intermarché fondent leur développement sur la franchise. Aldi et Lidl, spécialistes du hard discount, s’appuient exclusivement sur des succursales.
L’annexe VII donne la liste des enseignes par groupes.
Les centrales d’achat
Une centrale d'achat est une organisation ayant pour objet de regrouper les commandes d'un ensemble de membres (les enseignes). La structure offre à la fois de meilleures conditions d'achat (grâce aux économies d'échelle) et des services de promotion pour l'ensemble des membres. C’est une structure gérant les achats de ses affiliés détaillants ou grossistes. Cette négociation implique l'étude des produits, la recherche de fournisseurs, la négociation des achats et, dans certains cas, les activités de répartition, d'organisation et de documentation. Les services sont réservés à l'usage exclusif des adhérents de la centrale, à laquelle ils sont liés par un contrat d'une certaine durée.
C’est par leurs centrales d’achat que les groupes de la grande distribution assurent leur position dominante en amont. Elles imposent leurs normes sur le marché des produits alimentaires. Les grandes quantités de produits qu’elles achètent, le poids que les hyper et supermarchés représentent, donnent un gigantesque pouvoir aux grandes enseignes sur l'ensemble des fournisseurs, mais aussi sur les consommateurs dont le choix se rétrécit et la consommation se standardise. Chaque négociation entre fournisseurs et centrales d’achats est un combat acharné, dissimulé aux yeux du grand public par le secret commercial et le secret des affaires. Toutes les méthodes, les coups bas, les entorses à la règle effectuées par la grande distribution ou par les industriels de l'agroalimentaire sont couverts du sceau du secret.
Les plus importantes enseignes de la grande distribution ont des centrales d’achats disséminées sur tout le territoire français et regroupées au sein de sociétés mères. Elles passent des alliances qui sont en perpétuelle évolution, tant sur leur périmètre, que dans leurs activités, Ce sont 89% des achats en grandes surfaces qui se font aujourd’hui par le biais de 4 centrales d’achats (source LSA).
Parts de marché des centrales d'achat en France en cumul annuel mobile arrêté en 2019 |
|
Centrale | Parts de marché |
Intermarché | 15% |
Envergure = Carrefour + Système U | 31% |
Horizon = Auchan + Casino, collaboration limitée en 2020 | 21% |
Galec centrale E.Leclerc | 21,5% |
Lidl France | 5,9% |
Delhaize | 3,1% |
Aldi France + Leader Price (2020) | 4,3% |
La concentration de la grande distribution en Franc dépasse celle d'autres pays. Six enseignes contrôlent désormais quasiment tout le marché tandis que d'autres ont disparu. À elles six, fin 2014 elles possédaient en France 1 444 hypermarchés et 4 613 supermarchés, sans compter les discounters.
Liste d'anciennes enseignes
- Champion (Groupe Carrefour).
- Promodès : enseigne de supermarchés et supérettes créée en 1924, disparue en 2003, passée sous les enseignes Shopi et Marché U.
- Comod (diminutif de Comptoirs Modernes).
- Continent : enseigne d'hypermarchés de Promodès disparue en 2000, absorbée par le groupe Carrefour.
- Familistère : devenue Radar.
- Félix Potin : enseigne de supérettes, disparue en 1995.
- Goulet-Turpin.
- Mammouth (Docks de France) : enseigne d'hypermarchés créée en 1969, disparue en 2009, absorbée par Auchan.
- Prisunic : créée en 1931 comme commerces de proximité en centre-ville, disparue en 2003, racheté par Monoprix.
Si Carrefour est devenu le 2e groupe mondial de distribution, et Gérard Mulliez la 1ère fortune de France ; si on retrouve dans les 100 plus grandes fortunes françaises, 7 acteurs de la grande distribution, et si les gros actionnaires de Leclerc, Intermarché et Système U sont à la tête des patrimoines les plus élevés dans les régions, c’est bien parce qu’ils tirent de monstrueux profits de la grande distribution.
Gérard Mulliez, patron d'Auchan, est actuellement l'homme le plus riche de France, avec une fortune estimée à plus de 21 milliards d'euros. Il est au coude à coude avec Bernard Arnault, principal actionnaire de Carrefour (entre autres choses). En septième position on trouve la famille Halley, qui fonda le groupe Promodès, les magasins Champion, avant de fusionner avec Carrefour. En 55e position il y a Jean-Charles Naouri, principal actionnaire du groupe Casino depuis 1992, ancien directeur de cabinet de Pierre Bérégovoy entre 1982 et 1986. Il fut à l'initiative de lois qui visaient à faciliter la spéculation financière.
Le Parti de la démondialisation préconise la formation d’un EPIC intitulé Centrale nationale des achats pour la distribution commerciale
Les centrales d’achat seront toutes nationalisées et fusionnées pour former un EPIC intitulé Centrale nationale des achats pour la distribution commerciale. Elle mènera une politique d’achats décentralisée à l’échelle départementale et inter départementale pour favoriser, sur le plan alimentaire et environnemental les circuits courts, l’agriculture paysanne et biologique. Des contrats de longue durée seront conclus avec les producteurs, négociés en toute transparence sur la place publique. Les prix d’achat aux producteurs et les prix de vente aux distributeurs devront recevoir l’accord de l’État. Les marges avant devront également recevoir l’accord de l’État, les marges arrières seront supprimées. L’effet sur la baisse des prix à la consommation et à la hausse pour les producteurs sera immédiat, tandis que les marges de la grande distribution baisseront. Le petit commerce de centre-ville et des zones rurales pourra bénéficier, s’il le souhaite, des services de la Centrale nationale, bénéficiant ainsi des mêmes prix que la grande distribution.
La structure de direction de la Centrale nationale se conformera au Statut général des entreprises nationales. Les salariés et fournisseurs entreront au Conseil d’administration.
La Centrale nationale, dans la concertation, élaborera de nouvelles normes de qualité et de traçabilité pour les produits alimentaires. L’agriculture française en ressentira les bienfaits, la petite et moyenne exploitation familiale sera consolidée et stabilisée.
Les importations de produits alimentaires feront l’objet d’une surveillance spécifique. La priorité sera donnée aux productions nationales, une politique de substitution aux importations sera mise en œuvre.
Pourquoi nationaliser la grande distribution ?
Son rôle est décisif car elle participe à grande échelle à fournir à la société ses moyens d’existence, sa subsistance, au sens large du terme. Le rôle de la grande distribution et des centrales d’achat est considérable en France et dans tous les pays développés et émergents. C’est un secteur stratégique pour un gouvernement soucieux de la santé publique, de la qualité de l’agriculture, de l’emploi, de l’aménagement du territoire, de l’environnement.
Le contrôle de ce système, par sa nationalisation, permettra en effet de :
- Ne plus considérer les biens de première nécessité comme de simples marchandises.
- Changer de mode alimentaire notamment pour la diminution des importations de produits de mauvaise qualité et en favorisant les productions françaises de qualité.
- Contrôler les prix tout au long des filières pour chaque produit, la grande distribution nationalisée devenant l’alliée des consommateurs.
- Réduire le pouvoir de la grande distribution.
- Produire et acheter français.
- Encourager une politique de substitution aux importations
- Encourager l’agriculture paysanne et biologique par les circuits courts.
- Renouer des liens de confiance avec les fournisseurs et offrir un juste prix aux producteurs.
- Améliorer la situation des salariés de la grande distribution.
- Développer la coopération internationale.
- Privilégier les circuits courts, l’agriculture paysanne et biologique.
- Améliorer l’environnement en stoppant les flux tendus jetant sur les routes des milliers de camions.
- Être exemplaires dans le domaine de l’emploi (conditions de travail, salaires, stabilité de l’emploi, égalité hommes-femmes.
- Redresser la balance commerciale dans les secteurs déficitaires de l’agriculture et de l’élevage français.
- Améliorer les informations et la traçabilité sur les composants des produits sur les étiquettes.
Ne plus considérer les biens de première nécessité comme de simples marchandises
Les biens alimentaires de première nécessité, particulièrement les fruits et légumes, la viande et le poisson, les céréales et le pain, sont à considérer comme de première nécessité. Leur accès à tous les citoyens doit relever d’une mission de service public. Pour les catégories les plus pauvres de la population, qu’il s’agisse de jeunes, de personnes âgées, de chômeurs, de handicapés, certains de ces biens alimentaires doivent être gratuits ou accessibles à des prix réduits. Un tel dispositif ne peut être que transitoire, moins d’une dizaine d’années, le temps de mettre en place le droit opposable à l’emploi (voir la partie VI de notre programme) et de bénéficier des premiers effets positifs des politiques de démondialisation comme la sortie de l’euro, de l’UE, de l’OMC (voir partie III du programme). Il s’agirait de prestations sociales en nature dont le montant serait défini selon le quotient familial. Les bénéficiaires auraient une carte de paiement banalisée, ressemblant à une carte habituelle, créditée chaque mois des montants auxquels ils ont droit. En passant aux caisses, la carte serait débitée pour les produits figurant sur une liste autorisée. Ces cartes pourraient être utilisées aussi dans les petits commerces, avec une réduction de prix à définir, sans impact pour les petits commerçants. Le coût serait pris en charge par l’État et les entreprises de la grande distribution qui auront été nationalisées, selon une clé de répartition à préciser.
Une telle politique sociale permettrait aux personnes concernées d’accéder aux biens de première nécessité. Le passage à la caisse, grâce à la carte de paiement banalisée, se ferait en toute discrétion, évitant de dévoiler aux yeux de tous la situation financière de ces personnes.
Changer de mode alimentaire
Les questions alimentaires sont devenues un problème de civilisation. Le modèle qui consiste à surproduire pour surconsommer en comprimant au maximum les prix de production afin d’augmenter la marge du distributeur tout en surexploitant les salariés du secteur n’est pas viable. Il écrase le petit fournisseur, strangule le salarié du secteur, méprise le consommateur. Tout cela dans un seul but : consolider les bénéfices d'enseignes qui croulent déjà sous les profits. Les gouvernements, de « droite » comme de « gauche » ont toujours refusé, jusqu’à présent, de réglementer efficacement les pratiques commerciales abusives et déloyales. La grande distribution dicte sa loi aux pouvoirs publics. Ce consumérisme à outrance acclimate la population à la malbouffe industrielle dans les mœurs alimentaires.
C’est bien cela qu’il faut changer grâce à la nationalisation. Une réflexion publique devra s’engager sur la définition d’une nouvelle « politique de gondole ». Autrement dit, quels produits alimentaires proposer à la population en termes de diversité d’origine, de qualité, de traçabilité… Une priorité sera d’aider les petits producteurs locaux, sans coûts supplémentaires, à accéder aux gondoles dans des espaces spécialement réservés aux produits régionaux, indiquant leur origine paysanne. Seule la nationalisation peut impulser un tel mouvement d’intérêt général, tellement opposé à la cupidité des dirigeants de cette industrie.
Contrôler les prix : la grande distribution nationalisée sera l’alliée des consommateurs
Malgré les prix de plus en plus bas imposés aux fournisseurs, les prix, globalement, n'ont jamais vraiment baissé pour les consommateurs. La grande distribution utilise sa position de force pour contraindre les petits producteurs d'un côté et de l'autre racketter les consommateurs.
Par exemple, entre 2010 et 2011, d'après une étude du magazine Que Choisir, les prix ont augmenté de 6,8 % en moyenne. Parmi les produits ayant le plus augmenté, on peut citer la viande (surtout la viande bovine), mais aussi le café, l'huile, les produits laitiers, les céréales, les biscuits, les boissons aux fruits et les sodas. Avec parfois des hausses à deux chiffres : + 23% pour certaines marques de café, + 15% pour de l'huile de tournesol ou de colza, + 12% pour certains desserts lactés ou des pâtes à tartiner aux noisettes. D'une étude à l'autre, la courbe est identique. L'Observatoire des prix de Familles rurales montre une hausse du panier moyen des ménages de 4,4% en 2011 contre 0,19% en 2010. Depuis 2006, date de la création de ces études annuelles, jamais le panier moyen des consommateurs n'avait coûté aussi cher.
Depuis 2008, la hausse des prix des matières premières a servi d'explication à la hausse des prix. Mais lorsque ces prix baissent, comme en 2015-2016, les prix de la grande distribution ne bougent pas ! Les prix dans les rayons n'ont rien à voir avec les coûts réels de production, de transport ni même avec les prix des matières premières.
Les prix sont décidés par la grande distribution elle-même, en fonction de ses capacités à faire payer les fournisseurs et les consommateurs. Les prix changent pratiquement chaque jour dans les rayons. Les grandes surfaces emploient des enquêteurs qui sillonnent la région proche, dite de chalandise, pour vérifier les prix chez les concurrents. C'est en fonction de ces observations que certains prix sont déterminés ou en fonction des prix des grandes marques. Les promotions servent aussi à changer les prix, parfois à la hausse, contrairement à ce qu'on pourrait croire. L'emballage se transforme et les prix varient. Parfois, quand les prix des produits baissent, on peut se rendre compte que les quantités dans les paquets ont diminué aussi. Autrement dit, en réalité, les prix ont augmenté.
La hausse des prix sert à augmenter les profits des groupes capitalistes de l'agroalimentaire et de la grande distribution.
Les enseignes de la grande distribution ont profité de la possibilité qui leur était offerte de baisser les prix de certains produits relativement au petit commerce, pour attirer une clientèle et imposer leur présence dans la vie quotidienne de chacun. Leur taille leur a permis d’éliminer certains intermédiaires, de rationaliser (selon la rationalité du profit) les circuits économiques de la production à la distribution.
La concentration des groupes a favorisé leur position dominante. Au lieu de faire baisser les prix et de faire profiter toute la société des économies de travail réalisées, la grande distribution a augmenté ses profits en écrasant les petits producteurs en amont, et en essorant les consommateurs en aval.
Bien entendu, tous les fournisseurs ne sont pas égaux dans les négociations. Il en va dans ce domaine comme dans le reste de la société capitaliste. Les plus gros font la loi et les plus petits doivent se soumettre. Les grandes marques comme Coca-cola, Danone, Pampers, Nutella… fournissent des produits phares dont les hypermarchés ne peuvent pas se passer. Ces fournisseurs, peu nombreux mais gigantesques, peuvent imposer leurs prix aux enseignes, dans une certaine mesure. En revanche les 80% restants, les petits, eux, ont un besoin vital de cet accès aux grandes surfaces. Ils doivent alors en passer par les quatre volontés de la grande distribution qui leur fait payer les rabais accordés aux grandes marques.
Avec la nationalisation, les prix seront fixes mais révisés régulièrement. Ils seront déterminés non plus par un rapport de force inégal entre les centrales d’achat et les producteurs, notamment les petits et moyens, mais à la suite d’une concertation publique entre les producteurs, les associations de consommateurs, les élus locaux, les salariés du secteur, les entreprises nationales de la grande distribution et les représentants de la Nation. En dernière instance, l’État prendra la décision car il est le seul, dans la formation des prix, à pouvoir intégrer les externalités.
Réduire le pouvoir de la grande distribution
En cinquante ans, la grande distribution s’est imposée comme l’acteur majeur du commerce et de la distribution des biens de consommation au niveau mondial. Les parts de marché de la grande distribution, en constante progression, liées à une très forte concentration, ont entraîné des changements décisifs dans l’organisation du commerce mondial de biens alimentaires et non alimentaires. L’apparition du Hard discount a accéléré la concurrence et les tendances à l’œuvre. La grande distribution joue un rôle considérable dans les relations et les échanges commerciaux mondiaux. Ses pratiques d’achats ont des répercussions économiques, environnementales et sociales sur les fournisseurs et sur l’ensemble des chaînes d’approvisionnement. Dans les pays du Sud, principaux lieux de fabrication et de production pour un certain nombre de filières, les pratiques d’achats de la grande distribution sont directement liées à la précarisation croissante de l’emploi, à la baisse des salaires, à des conditions de travail dégradées et dégradantes et à la remise en cause de la liberté syndicale pour les salariés dans les usines et les plantations.
Produire et acheter français, encourager une politique de substitution aux importations
Les 10 plus grosses importations françaises (en valeur) qui concernent l’alimentation sont :
- Les matières organiques brutes : boutons de fleurs, branches, souches pour les matières végétales et les plumes, cornes, boyaux pour les matières animales utilisées dans des secteurs comme la parfumerie ou la pharmacie.
- Les aliments préparations : ensemble des préparations alimentaires homogénéisées (potages, bouillons, ketchup, sauces, condiments, assaisonnements comme la moutarde, la mayonnaise, le ketchup, la sauce de soja, etc. En fait nous importons beaucoup de produits déjà transformés et non simplement de la matière première agricole. On compte aussi : sel, épices (poivre, piment, gingembre, etc.), plantes aromatiques (romarin, laurier, thym, etc.), vinaigre, poudres à lever préparées, levure de boulanger, préparations pour dessert, soupes, potages, bouillons, ingrédients divers pour la cuisine, etc., aliments homogénéisés pour nourrisson et préparations diététiques.
- Les produits cacaotés : poudre de cacao sucrée, chocolat et autres préparations alimentaires contenant du cacao, ainsi que confiseries contenant une proportion quelconque de cacao. Est exclu le chocolat blanc.
- On trouve aussi : les pâtisseries, les cigarettes, les boissons alcoolisées distillées, les tourteaux de soja (résidus solides obtenus après extraction de l’huile des graines), le fromage au lait de vache entier, la viande, les bovins désossés, le café torréfié.
Par ailleurs, en 2014, 30% de la viande de volaille consommée en France était importée, soit 525 000 tonnes. Les importations concernent en grande partie la restauration hors domicile.
Lorsque l’on se rend par exemple au rayon boucherie des grandes surfaces et que l’on cherche l'origine des viandes sur les étiquettes, la part des produits en provenance de l'étranger ne cesse de croître. Les tarifs proposés interdisent à l'élevage français de faire face. La viande française vient du plus bas de gamme, payée à des prix tellement bas que les éleveurs vendent à perte. Un éleveur ne peut accepter de vendre sa viande 3,98€ le kilo et la retrouver à 14,50€ dans les grandes surfaces.
Renouer des liens de confiance avec les fournisseurs
Les revenus des distributeurs sont composés de marges avant et arrière. La marge avant est la différence entre le prix net sur facture (défini par les conditions générales de vente) et le prix de vente au consommateur.
On distingue deux types de marges arrières :
- les ristournes et remises accordées par le fournisseur conditionnellement à des objectifs à atteindre ;
- les services de coopération commerciale liés à la vente des produits. Ces services incluent, entre autres, le référencement d’un produit dans le catalogue du distributeur et l’emplacement des produits dans un linéaire.
Si les ristournes et le référencement se sont généralisés, seuls les groupes propriétaires de grandes marques peuvent acheter les autres services de coopération commerciale des distributeurs. Les marges arrière, en 2004, s’élevaient en moyenne à 33% du prix tarif d’un produit.
La loi « Galland » votée en 1996 pour soutenir le petit commerce, alors en difficulté face aux pratiques de prix d’appel des grands distributeurs, renforçait l’interdiction de la revente à perte, instaurait les « conditions générales de vente », durcissait les autorisations d’implantation des grandes surfaces, encadrait les pratiques de déréférencement. Le but était d’empêcher les distributeurs d'acheter à prix cassés les produits aux fournisseurs. Mais la grande distribution a contourné la loi. Certes les prix des produits vendus ne pouvaient pas descendre au-delà d'un certain seuil, mais la grande distribution imposa de nouvelles négociations après la transaction commerciale. Le fournisseur était obligé de financer un certain nombre de services que l'enseigne était censée lui rendre. Sur le contrat commercial cela pouvait se traduire par : X% pour « suivi de gamme », X% pour « mise en avant », X% pour « gestion privilégiée », X% pour « coopération commerciale ». Finalement, le fournisseur devait payer 30, 35 voire 60% du prix d'achat à la distribution, les enseignes n'ayant par ailleurs pas le droit d'en répercuter le montant sur le prix payé par les consommateurs. Le 28 janvier 2011, une loi a enfin interdit complètement les marges arrières. Elles ont cependant été remplacées par d’autres méthodes déloyales.
Ainsi le référencement des produits oblige le fournisseur, s’il veut vendre une marchandise à une centrale d'achat, à payer une sorte de péage, un droit d'entrée. La négociation varie en fonction de la taille du fournisseur. De 1 à 2% pour un groupe de l'agroalimentaire important jusqu’à 4 à 6% pour une entreprise de taille moyenne dont la marque à une certaine notoriété. Et jusqu'à 15% du chiffre d'affaires pour une petite entreprise qui n'a pas les moyens de peser dans la « négociation ».
Avec les délais de paiement pratiqués par les centrales d'achat envers les petits fournisseurs, les grandes surfaces auront vendu et encaissé les prix de leurs produits avant même d'avoir payé leurs producteurs.
En 2002, les députés français ont identifié plus de 500 motifs invoqués par les centrales d'achat pour exiger des avantages supplémentaires de leurs fournisseurs : offrir à l'ensemble des magasins du réseau des marchandises gratuites lors des premières livraisons, payer pour voir leurs produits exposés à un emplacement privilégié ou en tête de gondole, payer pour financer les campagnes promotionnelles, payer pour figurer dans les catalogues, payer lors de l'implantation de nouveaux magasins, payer lors de la réfection ou de l'amélioration des plus anciens…
Certaines chaînes font payer le transport et les frais de stockage aux fournisseurs. Leclerc a imposé un transporteur choisi par ses soins, qui se révèle bien entendu deux fois plus cher qu'un autre. Pour le paiement, les centrales utilisent leurs fournisseurs comme des banquiers non volontaires. Ces méthodes sont si répandues que neuf enseignes ont été condamnées pour « clauses abusives » envers les fournisseurs. Auchan s'est vu infliger une amende d'un million d'euros.
La grande distribution étrangle les petits producteurs. Certains fournisseurs sont seulement référencés par une ou deux centrales d'achat, ce qui aggrave encore leur situation de dépendance. Mais la pire dépendance est celle des petits producteurs, notamment des agriculteurs, même quand ils sont regroupés en coopératives.
D'après l'Insee, la répartition moyenne des marges pour un produit agricole une fois qu'il a quitté la ferme est la suivante : 18% pour le transport et la conservation, 36% pour le transformateur, 40% pour le distributeur. Les prix à l'achat sont de plus en plus écrasés alors que le consommateur ne voit pas de différence dans les rayons des grandes surfaces. Les écarts sont considérables, comme le montrent les exemples suivants tirés de la presse. Pour un kilo de pommes de terre vendu 1,99 euro, la marge nette du distributeur est de 28%, un concombre acheté au producteur 0,28 euro est vendu en magasin 1,35 euro, une barquette de mâche payée 0,25 euro est affichée en rayon à 1,90 euro, un kilo de poireaux acquis pour 0,40 euro est revendu 1,95 euro, etc. (prix 2016)
Ce sont d'abord les agriculteurs qui font les frais de ces marges, c’est-à-dire de ces profits. Entre 2000 et 2010, pour la viande de porc, la part du prix final allant aux éleveurs est tombée de 45% à 36%. Dans le même temps, celle dévolue aux distributeurs a bondi de 39% à 55%. Autre exemple : en dix-huit ans, le prix de la viande de bœuf payé à l'exploitant diminuait de 8%, tandis que le consommateur payait sa viande 50% plus cher. Le kilo de porc acheté 1,40 euro au producteur est vendu 12 euros par le distributeur. La domination de la grande distribution s'affirme au point d'acheter parfois en dessous des prix de revient des agriculteurs. En 2011, les grandes surfaces proposaient par exemple 15 centimes par pied de salade, soit la moitié du coût de production.
A contrario, l'évolution des prix des produits laitiers est éloquente. Alors que, sur le lait UHT, le beurre et la plaquette d'Emmental, la marge brute de la grande distribution a doublé en dix ans, ce n'est pas le cas pour d'autres produits comme le yaourt. Les groupes comme Danone ou Lactalis pèsent plus lourd dans le rapport de forces face à la grande distribution que les petits producteurs laitiers.
En 2011, un rapport officiel a fait le point sur l'évolution des prix et des marges au cours des dix dernières années. Le bilan était éloquent : les marges des chaînes commerciales sont exorbitantes et ne cessent de croître, pour atteindre entre 30 et 50% des prix à la consommation.
Certaines enseignes ont été sanctionnées pour avoir obligé leurs fournisseurs à leur verser indûment des ristournes de fin d’année. En outre, elles demandaient à ces mêmes fournisseurs de verser ces acomptes avant même le paiement des marchandises. Alors que ces pratiques sont régulièrement dénoncées, et parfois même condamnées, comment expliquer leur persistance ? Elle est due à la position stratégique des distributeurs. Des périphéries jusqu’aux centres villes, le maillage des territoires fait de la grande distribution l’interlocuteur privilégié quotidien des consommateurs français.
La grande distribution nationalisée permettra d’appliquer rigoureusement la loi qui fait obligation à l’enseigne de ne pas profiter de son pouvoir de négociation pour mettre à la charge de ses partenaires des obligations déséquilibrées en sa faveur. Des contrats durables devront être signés entre les parties.
Enfin, il y a un domaine particulièrement rentable pour les grandes enseignes, c'est ce qu'on appelle les marques des distributeurs (MDD). En général, les produits des distributeurs sont moins chers, chaque client le sait. Mais ce qu'il sait moins c'est qu'elles rapportent davantage en réalité, car la grande distribution les fait produire à moindre coût. Ce sont 80 à 90% des MDD qui sont produits par des petites entreprises à qui la grande distribution impose ses produits, ses prix, ses exigences commerciales.
Grâce aux nationalisations, sans éliminer les MDD et les premiers prix, les tarifs seront validés par l’État après contrôle des marges.
Améliorer la situation des salariés de la grande distribution
En France, dans la grande distribution, 61% des travailleurs sont des travailleuses ! Un tiers d'entre elles travaillent à temps partiel généralement imposé. Une grande partie des salariés ont des contrats précaires. La précarité des salariés est une des raisons de l'enrichissement des capitalistes de la grande distribution. Les horaires les plus extravagants sont imposés aux salariés, notamment aux caissières, avec des coupures de plusieurs heures dans une seule journée, qui accroissent l'amplitude horaire et rendent la vie personnelle chaotique. Les caissières sont censées avoir leur planning deux semaines à l’avance, mais rares sont les grandes surfaces à respecter cette règle. Dans la réalité, les plannings sont changés du jour au lendemain, ces changements servant parfois de brimades personnalisées. Dans le même temps, ces caissières doivent être la vitrine du magasin en pratiquant le « SBAM » : Sourire, Bonjour, Au revoir, Merci. Des cadres se déguisent en clients pour tester la patience et l'amabilité des caissières... Tout cela pour un salaire moyen de trente euros au-dessus du Smic mensuel.
La politique de la grande distribution envers ses salariés s'appuie aussi sur de vieilles méthodes paternalistes. Dans bien des enseignes, le tutoiement est de rigueur entre tous, du directeur à l'agent de sécurité. Mais derrière cette apparente convivialité, des caméras sont installées partout sous prétexte d'empêcher les vols. Les travailleurs sont surveillés et ceux qui tentent de s'organiser, de créer des syndicats et de résister le sont encore davantage.
Grâce à la nationalisation, les salariés de la grande distribution bénéficieront du Statut général des entreprises nationales. Les contrats précaires seront instantanément convertis en CDI à plein-temps pour ceux (celles) qui le souhaiteront. Les salaires seront revalorisés, la garantie de l’emploi établie. La gestion du Statut sera dans les mains des salariés, dans un rapport inversé avec les directions. Les salariés, en outre, seront appelés à participer activement à cette œuvre de salubrité nationale qui consistera à changer le mode de consommation, et partant le mode de production et les relations entre tous les acteurs. Ils pourront ainsi participer au contrôle des prix, à la qualité des produits vendus, à leur transport, à leur circulation, à leur conservation, aux emballages, à leur place dans les rayons…
Développer la coopération internationale
Depuis plus d'une décennie l'internationalisation est devenue une priorité stratégique pour la grande distribution qui se comporte comme tous les groupes capitalistes. Auchan est présent dans douze pays. Depuis 2008, plus de 50% de son chiffre d'affaires est réalisé à l'international. de son côté Carrefour est installé depuis plusieurs années en Chine, etc.
La grande distribution ne se contente plus d’implanter des super et hypermarchés à l’étranger, elle constitue des réseaux de production dans le monde entier. Pour le textile, par exemple, c’est en Asie que des commerciaux sillonnent la région à la recherche de producteurs susceptibles de devenir des fournisseurs intéressants. En Inde, la presse a raconté la vie de milliers de jeunes filles travaillant dans une usine textile, encasernées pendant trois ans, privées de toute liberté et contraintes à rester célibataires. Les clients de cette usine sont Décathlon, H&M, C&A, Kiabi, etc. Dans des usines, en Chine, puis au Bangladesh, et désormais au Vietnam, des milliers d'ouvrières fabriquent les jupes, T-shirts et pulls de Leclerc.
La grande distribution s’implante massivement dans les pays émergents du Sud. Cette stratégie vise à conquérir de nouveaux marchés et trouver de nouveaux fournisseurs. Or l’expansion des supermarchés dans les pays du Sud fragilise les agricultures familiales et favorise une agriculture productiviste tournée vers l’exportation au détriment d’une agriculture vivrière dont l’une des conséquences est la faim dans le monde. Les pratiques et l’impact de la grande distribution sur les droits sociaux, l’environnement, la qualité de vie sont dénoncés depuis des années.
La nationalisation de la grande distribution en France changera radicalement ces pratiques néocoloniales. Les entreprises nationales de la grande distribution aideront les pays concernés à constituer eux-mêmes leur politique de distribution. Les filiales étrangères de la grande distribution française auront donc vocation à être vendues. Des dispositifs de coopération remplaceront cette politique actuelle de libre-échangisme, pour montrer qu’il est possible de faire dans ces pays ce qui est fait en France avec la Centrale nationale d’achat.
Liste des entreprises de la grande distribution qui seront nationalisées
Les entreprises suivantes seront transférées à la Nation :
- Aldi France (les magasins en France de ce groupe allemand).
- Lidl (les magasins en France de ce groupe allemand).
- Metro AG (les magasins en France de ce groupe allemand).
- Groupe Auchan et ses filiales : A2Pas, Atac, Boulanger, Brice, Cultura, Décathlon, Flunch, Jules, Kiabi, Kiloutou, Leroy-Merlin, Norauto, Phildar, Picwic, Pimkie, Simply Market, Top Office, Xanaka.
- Groupe Carrefour et ses filiales : Bon app', Champion, Dia %, Ed, Huit à 8, Marché Plus, Promocash, Shopi, Proxi.
- Groupe Casino et ses filiales : Géant Casino, Petit Casino, Eco Service, Franprix, Leader Price, Monoprix, Spar, Vival.
- Groupe Colruyt (les magasins en France de ce groupe belge) et ses filiales : Coccimarket, Coccinelle, Codi Cash, DreamLand, Panier Sympa, Pro à Pro.
- Groupe Louis Delhaize (les magasins en France de ce groupe belge) et ses filiales en France : Cora, Match, Record.
- Relais des Mousquetaires et ses filiales est un groupement assurant l’ensemble de la logistique, achats compris, des propriétaires des points de vente à l’enseigne Intermarché, Les Mousquetaires, Écomarché, Netto, Poivre Rouge, Roady.
- Opéra.
- Groupe Schiever et ses filiales : Bi1, Hôli, Maximarché, Proximarché.
- Groupe Système U et ses filiales : Hyper U, Super U, U express, Marché U, Utile.
Les noms de ces enseignes seront maintenus, elles conserveront certaines de leurs spécificités pour assurer un maintien de la diversité.
Sixième catégorie de nationalisations : certaines entreprises stratégiques dans lesquelles l’État détient déjà une participation
L’État, actuellement, directement ou indirectement, détient des participations dans des entreprises privées, sans que celles-ci soient pour autant nationalisées. Il agit plus ou moins comme un actionnaire parmi d’autres. Si nous ne contestons pas le principe de la possibilité pour l’État d’entrer au capital d’une entreprise, cotée en Bourse ou non, nous désapprouvons en revanche le système en vigueur. Il est redondant et inefficace, il s’inspire de la verroterie théorico-idéologique qui circule dans les hautes sphères des grandes entreprises et de l’État. Il existe ainsi trois organismes chargés de faire à peu près la même chose : l'Agence des participations de l'État (APE), la Banque publique d’investissement (Bpifrance), le Fonds stratégique d’investissement (FSI).
L'Agence des participations de l'État (APE)
Créée en 2004, elle incarne l’État actionnaire, investisseur en fonds propres dans des entreprises jugées stratégiques par l’État, pour stabiliser leur capital ou les accompagner dans leur développement ou leur transformation. Elle est sous la tutelle du ministre des Finances et des comptes publics et du ministre de l'Économie, de l'Industrie et du Numérique.
Les interventions en fonds propres de l’État se font directement, sans intermédiaire, et ont quatre objectifs :
- S’assurer d’un niveau de contrôle suffisant dans des entreprises à capitaux publics stratégiques intervenant dans des secteurs particulièrement sensibles en matière de souveraineté (défense et nucléaire).
- S’assurer de l’existence d’opérateurs résilients pour pourvoir aux besoins fondamentaux du pays.
- Accompagner le développement et la consolidation d’entreprises, en particulier dans des secteurs et des filières déterminantes pour la croissance économique nationale et européenne.
- Intervenir ponctuellement, dans le respect des règles européennes, dans des opérations de sauvetage d’entreprises dont la défaillance présenterait des conséquences systémiques.
Avec 85 entreprises relevant de son périmètre, l’APE est présente dans 4 secteurs d'activité : énergie (53%), transport (26%) services & finance, industrie.
Au 30 décembre 2019, les participations détenues par l’APE s’élevaient à 113 milliards d’euros, dont 74 milliards pour les seules entreprises cotées. Les dividendes versés ont été de 2,3 milliards d’euros en 2019-2020, alimentant directement le budget de l’État. En 2020, les 20 premières entreprises concernées comptaient 1,74 million d'emplois. L’État participe à la nomination de 730 administrateurs. L’APE compte 53 personnes.
Plusieurs entreprises se trouvent déjà parmi les nationalisations que nous voulons opérer : Renault, Orange, La Poste, Dexia, et dans le secteur de la défense, DCNS, EADS et Safran. Dans toutes ces entreprises, comme nous l’avons indiqué, l’État prendra 100% du capital.
Deux nouvelles entreprises du secteur de la défense seront nationalisées (100% du capital) : DCI et ODAS.
Défense Conseil International (DCI)
DCI a été créée en 1972 pour accompagner la vente d'équipements militaires à des pays étrangers en fournissant la formation opérationnelle issue du savoir-faire des armées françaises. DCI est une entreprise de services, elle intervient sur tout le spectre de la défense et de la sécurité. Son cœur de métier historique consiste à accompagner les grands contrats d'exportation d'armement signés avec des pays étrangers et amis de la France en assurant la transmission du savoir-faire français sur les équipements vendus. DCI a réalisé 241 millions de chiffre d’affaires en 2014, son effectif est de 827 personnes.
Office français d'exportation des armements (ODAS)
ODAS a été créée à la demande de l'État pour contribuer à développer les exportations dans le domaine de la défense, de la sécurité et des hautes technologies. ODAS intervient dans le cadre de contrats d'État à État ou de contrats commerciaux. Son actionnariat rassemble, aux côtés de l'État français, une dizaine de grandes entreprises. Son effectif est de 100 personnes.
La Banque publique d’investissement (Bpifrance)
L’État est actionnaire à 50% de la BPI, avec la Caisse des dépôts et consignations qui détient les autres 50%. La BPI privilégie des prises de participation dans des petites et moyennes entreprises, ou des entreprises de taille intermédiaire, avec une perspective de sortie du capital lorsque ces entreprises sont consolidées. Elle intervient également en prêt et en garantie.
Le Fonds stratégique d’investissement (FSI)
Le fonds stratégique d’investissement est un fonds créé par l'État en 2008. Il s'agit d'un fonds souverain. Il a intégré Bpifrance en juillet 2013.
L’objectif principal de Bpifrance est d’investir dans des PME à forte croissance, qui n'ont plus accès au financement sur le marché ; ou des entreprises stratégiques dont le capital est menacé par des investisseurs étrangers. Ses actionnaires sont la Caisse des Dépôts (51%) et l’État (49%).
Ce fonds souverain à la française a été doté de 20 milliards d'euros, dont 14 milliards de participations déjà existantes de l'État dans des sociétés françaises, et de 6 milliards d'apports en numéraire en provenance de la CDC et de l'État, qui ont fait appel à la dette pour ce montant. Parmi les 14 milliards de participation, on retrouve, selon Le Figaro, 7 milliards qui correspondent à des participations minoritaires de l'État dans des sociétés françaises (Renault, Safran, Thales…) et 7 autres qui correspondent à des participations déjà détenues par la CDC (Accor, Veolia, Alcatel Lucent…), sauf celles dans CNP et Dexia.
Bpifrance investit de plus en plus dans des fonds gérés par des gestionnaires privés français. Ces fonds, sélectionnés, peuvent comporter des entreprises européennes. Ils sont ouverts aux fonds d’investisseurs privés.
En 2020, du fait de la crise de la Covid,-19, Bpifrance a investi 45 milliards.
Son portefeuille est constitué notamment de :
- 8,33% du capital de Valeo (92 millions d’euros au 17/06/2009).
- 20% du capital de Daher, en partenariat avec Aerofund, sous la forme d’une augmentation de capital de 80 millions d’euros.
- 20 millions d’euros dans le capital de Farinia (un leader français de la transformation des matériaux).
- 10 millions d’euros dans le capital de 3S PHOTONICS (un des leaders mondiaux des composants optoélectroniques pour les réseaux de télécommunications).
- 8% du capital de Gemalto (leader mondial de la sécurité numérique), pour 160 millions d’euros.
Ainsi, Bpifrance avait investi 36 milliards en fin 2019, et son effectif était passé de 2 200 à 521 personnes.
Les objectifs que nous assignons aux participations de l’État
Voici les règles que nous appliquons aux participations de l’État :
1.- L’APE et Bpifrance (dont le FSI) rejoignent le périmètre du Pôle financier public (voir la partie III de notre programme).
2.- Pour bénéficier d’une participation de l’État, l’entreprise cotée en Bourse devra s’engager à en sortir pour se mettre à l’abri de prédateurs comme les fonds de pension, hedge funds, etc. Il ne servirait à rien que l’État, d’un côté, consolide le capital d’entreprises qui, d’un autre côté, en étant en Bourse, voient y entrer des prédateurs.
3.- Pour bénéficier d’une participation de l’État, les entreprises doivent s’engager à ne pas entrer en Bourse.
4.- Pour bénéficier d’une participation de l’État, l’entreprise devra s’engager à participer aux dynamiques territoriales.
5.- L’entreprise devra adapter sa stratégie aux objectifs du Plan.
6.- L’entreprise devra se mettre au niveau sur le plan social et environnemental. Les dossiers sont instruits par le Pôle financier public, dans trois groupes spécialisés comme pour le Livret E : un groupe social et environnemental, un groupe technique, un groupe de financement.
Le premier groupe est le Groupe social et environnemental. Il a pour but d’aider l’entreprise candidate à intégrer les aspects sociaux et environnementaux. Sur le plan social, l’entreprise demandant un apport en capital devra être exemplaire et se mettre en conformité, si ce n’est pas encore le cas, avec la législation sociale. Les syndicats et l’Inspection du travail, renforcés, seront consultés. Un des critères à retenir pour débloquer les investissements sera le nombre d'emplois créés ou maintenus et leur qualité. Sur le plan environnemental, les productions actuelles comme celles qui pourraient résulter des nouveaux investissements, devront être irréprochables. En cas de doutes, des analyses pourront être faites.
Le deuxième groupe, le Groupe technique, sera composé de représentants des composantes du Pôle financier public qualifiés dans le domaine technique. Son objet sera de porter un avis technique (industriel, marketing, marché...) sur les projets devant être financés.
Le troisième groupe, le Groupe de financement, sera composé des financiers du Pôle et décidera des investissements. Pour le suivi des investissements, le Pôle disposera au moins d'un représentant au conseil d'administration de l'entreprise dans lequel l'investissement a eu lieu.
C.- Une réindustrialisation sociale et écologique de la France
L’objectif que propose le Parti de la démondialisation est d’augmenter de 13% en 2018 à 25% en 2030 la part de l’industrie dans la valeur ajoutée française, soit la création d’environ 2 millions d’emplois. Au-delà de l’aspect quantitatif, c’est sur le sens à donner au renouveau de la base productive française que le Parti de la démondialisation articule ses propositions. Bien sûr, nous comprenons les interrogations qui pourraient naître de propositions semblant aussi iconoclastes. Car pour beaucoup de citoyens, à juste titre, l’industrie n’a pas une bonne image en France, notamment auprès des jeunes. Pour ces derniers, elle évoque le travail à la chaîne (85%), un travail pénible (81%), la pollution (71%), des métiers mal rémunérés (68%), la saleté (55%), des risques pour les riverains (53%). [Enquête Ifop, 22 novembre 2013].
En 2020, en raison d'un matraquage idéologique servant à isoler les individus se rêvant comme des "digitals nomads", 72% des lycéens disent vouloir créer leur entreprise.
Les politiques de mondialisation se sont particulièrement acharnées sur l’industrie française, c’est-à-dire sur les ouvriers. Mises en place dès la fin des années 60, ces politiques se sont généralisées à la fin des années 1970 après la victoire du néolibéralisme en Grande-Bretagne (Margaret Thatcher) et aux États-Unis (Ronald Reagan). L’objectif de remise sous contrôle des entreprises, pour rediscipliner le salariat après Mai-Juin 1968, a été obtenu par une multitude de mesures : délocalisations, juste-à-temps, polyvalence, diminution de la longueur des lignes hiérarchiques, importance accrue accordée au droit commercial par rapport au droit du travail, temps partiel, intérim, CDD, auto-entreprenauriat, uberisation, acharnement antisyndical… Tout a été fait pour organiser volontairement la flexibilité, c’est-à-dire la création d’un climat instable permanent pesant sur les salariés, dans le but d’affaiblir leur capacité de résistance. Résultat : la part des recrutements jugés difficiles dans l’industrie s’élève en 2014 à 39,2%, la plus forte de tous les secteurs économiques selon l’enquête Besoins en main d’œuvre de Pôle emploi-Crédoc 2014. Les représentants patronaux en tirent la conclusion qu’il faut changer l’image de l’entreprise et mieux former la main-d’œuvre ; ils font semblant de ne pas comprendre que c’est l’usine elle-même qui doit changer… Pourtant, le sondage précédent donne les clés de compréhension. Si ces usines veulent trouver des candidats à l’embauche, elles doivent améliorer les conditions de travail, les rapports hiérarchiques et les espaces d'Initiative, former les salariés, réduire les pollutions, augmenter les salaires…
La réindustrialisation que propose le Parti de la démondialisation vise précisément à la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes. C’est une industrie radicalement différente que nous voulons faire naître.
Les stratégies suivies jusqu’ici par le grand patronat et les différents gouvernements qui se sont succédés depuis une quarantaine d’années, ayant pour objectifs la « compétitivité », la concurrence, la flexibilité, la conquête de marchés à l’étranger, le libre-échange, sont fondées sur la baisse du salaire et des cotisations sociales et l’automatisation. Leur bilan est calamiteux, elles doivent être abandonnées. Elles mettent en concurrence les peuples et les travailleurs, aiguisent leurs divisions, baissent leur niveau de vie et les dépenses publiques sociales, aggravent la dégradation de l’environnement. Les nouvelles stratégies que nous voulons mettre en œuvre par un gouvernement démondialisateur, avec l’appui des services publics et des entreprises nationales, seront conçues pour répondre aux besoins de la population. Tout le reste suivra.
Cette réindustrialisation n’aura aucune ressemblance avec l’image d’Épinal assimilant l’industrie, dans son principe même, à ce que l’on a connu de pire au XIXe et même au XXe siècle, situation encore parfois prolongée de nos jours dans certains pays et aussi certains secteurs économiques et certaines usines en France. Au lieu d’aliéner l’homme au travail, cette réindustrialisation le placera au cœur du processus productif. Au lieu de détruire la nature, cette réindustrialisation fera corps avec elle. Au lieu de se fixer le profit comme objectif unique, exclusif et obsessionnel, cette réindustrialisation se focalisera sur les besoins de la société. Au lieu de mépriser les territoires et les consommateurs, cette réindustrialisation se fera avec eux.
Pourquoi parler de politique industrielle ?
Est-il crédible de parler de politique industrielle alors que 54% des Français pensent qu’il n’est plus possible de réindustrialiser la France ? Un doute existe en effet dans la société sur notre capacité à garder les usines sur notre sol. Nous voulons convaincre nos compatriotes du contraire et leur démontrer qu’il est nécessaire — et possible — de réindustrialiser la France, mais à condition de démondialiser.
Beaucoup de monde, de tous secteurs et de toutes opinions, estime que l’industrie est chose du passé et que nous serions désormais à l’ère « post-industrielle », celle des services et du numérique. Tout ceci résulterait d’une sorte de darwinisme économique, une loi de l’évolution des sociétés, identique au changement d’ère observé lors du passage de l’agriculture à l’industrie. Ce phénomène serait aujourd’hui de même nature avec le passage de l’industrie aux services. Il serait donc vain de prétendre faire tourner la roue de l’histoire à l’envers.
Cette analyse est erronée. Le déclin de l’industrie française est dû à d’autres causes parfaitement bien connues. Ce déclin, d’ailleurs, doit être appréhendé en termes relatifs, car en volume la production de biens manufacturés en France a doublé de 1970 à 2008.
- La mondialisation néolibérale, avec notamment les délocalisations, a servi à réduire la taille et le nombre des usines à grande concentration ouvrière dans lesquelles se trouvaient les principaux foyers de contestation de l’ordre dominant dans les années 1960 et 1970. Une nouvelle division internationale des tâches en a résulté, consistant à réorganiser le travail industriel à l’échelle planétaire en le localisant dans certains pays du Sud.
- Le déclin de l’industrie est également lié à un certain effet d’optique. L’externalisation de nombreux services préalablement assurés par les firmes manufacturières a diminué les effectifs (entretien, gardiennage, réparations, sous-traitance…).
- Une évolution de la productivité beaucoup plus rapide que dans les services.
- Les importations massives de biens manufacturés, généralement de médiocre qualité, venant de pays du Sud en remplacement des productions nationales.
- Ajoutons, pour compléter le tableau, un consensus des élites pour noyer la France dans la mondialisation. Les socialistes, dès 1982-1983 avec leur « tournant de la rigueur », suivis par la droite, en fixant la priorité absolue aux exportations et en asséchant le pouvoir d’achat en France, ont cessé depuis longtemps d’investir sur le territoire national. Ils ont abandonné la France et délaissé le marché intérieur. La caste politique n’est pas la seule à être fautive. Car les grands corps techniques et les hauts fonctionnaires, qui ont dirigé la France ces quarante dernières années, ont participé à ce rejet de la France. Comment ont-ils pu ne pas voir venir l’effondrement de l’industrie française ? Comment ont-ils pu ignorer l’industrie à ce point ? Il faut aussi ajouter aux responsables de cette faillite un certain nombre de chercheurs, d’universitaires et d’économistes. Ils ont refusé de s’intéresser aux usines, d’aller en visiter, d’écouter ceux qui y travaillent. Ils ont limité l’étude de l’entreprise à l’activité des stratèges et des dirigeants, des bureaux d’étude et des tâches de conception. Les élites intellectuelles ont laissé sans combattre s’installer des doctrines et une idéologie qui ont contribué au désintérêt de la nation pour l’industrie et accéléré son déclin. Les « théories » du management ont focalisé sur l’encadrement et les sièges sociaux, bien plus que sur ce qui se passe dans les ateliers. Les grands médias ont porté le coup de grâce en faisant disparaître l’usine et la figure de l’ouvrier du paysage médiatique.
La conclusion tirée par des millions de personnes travaillant ou ayant travaillé dans l’industrie est simple : on ne peut faire confiance, pour défendre l’industrie, ni à la caste politique de gauche ou de droite, ni aux hauts fonctionnaires, ni aux intellectuels, ni aux grands médias.
De notre côté, nous voulons inviter à la réflexion sur la vision que l’on peut avoir de l’industrie du futur, quelle industrie, quelles usines voulons-nous ? Car au train où vont les choses, que restera-t-il de l’industrie en France dans les décennies à venir si l’inertie actuelle persiste, ou plus exactement si l’acharnement mis à détruire notre industrie persiste ? Ce qui est clair, c’est que l’industrie doit regagner la confiance de la population. La crise de la Covid-19 qui a mis en évidence les méfaits de la désindustrialisation de la France devrait nous aider à regagner cette confiance.
C’est pourquoi nous parlons de réinvention, de reconfiguration de l’industrie, de transformation du mode de production. Une volonté politique est nécessaire pour reconstruire la base productive nationale, car le marché est incapable de le faire spontanément. Ces quarante dernières années en ont administré la preuve.
L’industrie nouvelle que nous voulons doit permettre de :
- Produire des biens utiles, des plus communs aux plus sophistiqués. Ne pas les produire en France signifie les importer alors que notre balance commerciale est déjà structurellement déficitaire. Cela revient à consommer davantage que l’on produit, à nous endetter et à vivre à crédit, à maintenir un niveau élevé de chômage. Ceux qui sont effrayés par le niveau de la dette publique française devraient l’être encore davantage par le montant du déficit commercial dont les conséquences sont bien plus graves.
- Gagner le maximum de gains de productivité (à ne pas confondre avec productivisme), contribuant aux économies en travail et en capital, et à limiter les prélèvements et nuisances sur l’environnement.
- Encourager l’innovation technologique, non pour accélérer le libre-échange, la concurrence et la guerre économique, mais pour améliorer la qualité et la durabilité des produits, la qualité du travail et la place de l’humain au travail, les processus de production au regard de l’environnement. N’oublions pas qu’à ce jour l’industrie est responsable de 19% des émissions mondiales de CO2. Si nous la laissons partir sans réagir aux délocalisations, il est assez probable que les émissions de gaz à effet de serre (GES) vont augmenter dans le monde, même si nous avons l’impression qu’ils diminuent en France. En revanche, si nous conservons et développons notre industrie en modifiant radicalement son mode de production, nous participerons alors à la baisse des GES.
- Créer de nombreux emplois variés, des plus modestes aux plus hautes qualifications.
- Organiser l’aménagement du territoire car la nouvelle industrie sera la pierre angulaire de la résurrection des banlieues, de certains milieux ruraux et des centres-villes.
- Susciter des emplois induits dans les services.
- Contribuer à la puissance et à l’indépendance nationales.
- Développer la coopération internationale en aidant les pays qui en sont dépourvus à se doter d’une industrie.
- Économiser les devises en réduisant les dépenses vis-à-vis de l’étranger.
Les 6 composantes de la nouvelle politique industrielle de la France proposée par le Parti de la démondialisation
Pour le Parti de la démondialisation, l’industrie du futur que nous devons bâtir implique de révolutionner son rapport :
- à la Nation,
- à travail humain,
- à l’environnement,
- aux produits,
- au territoire,
- à l’innovation.
Un autre rapport à la Nation
On mesure encore très mal les dégâts provoqués par l’idéologie de la mondialisation selon laquelle, là encore, on se trouverait face à une évolution naturelle. La mondialisation serait là, il faudrait simplement s’adapter passivement car les nations n’auraient plus les moyens d’exister de façon indépendante. L’interconnexion des économies et des marchés financiers aurait abouti à la domination de ces derniers. Ce raisonnement ne peut satisfaire que les naïfs, car la mondialisation a été créée de toutes pièces, ne serait-ce qu’avec les mesures de dérégulation du commerce international et des marchés financiers prises à partir du début des années 1980.
L’idéologie mondialiste doit être éradiquée, il faut affirmer notre souveraineté et nous remettre à produire, en France, en nombre suffisant pour satisfaire la demande intérieure, des véhicules, des lave-linge, lave-vaisselle, téléviseurs, matériel hi-fi, téléphones, vêtements, chaussures, meubles, de l’acier, du ciment, du plastique… Un vaste mouvement de relocalisation de la production partie à l’étranger doit être organisé. Dans ce cadre général, une relocalisation en France des commandes publiques sera également organisée. Les administrations centrales, collectivités territoriales, services publics, entreprises nationales ne pourront plus s’approvisionner ailleurs qu’en France, sauf cas particulier.
Oui au « Fabriqué en France » !
Il faut produire français en France et acheter français. Dans les secteurs industriels où le taux de couverture (des importations par les exportations) est le plus faible, une politique de substitution aux importations sera menée. Cette politique sera mise en œuvre par des accords bilatéraux de coopération commerciale s’inspirant de la charte de La Havane. À défaut, des mesures protectionnistes unilatérales seront prises par la France. Nous remplacerons en effet le libre-échange par la coopération internationale. Aucune politique industrielle n’est possible dans le cadre du libre-échange, puisque précisément le but de ce système est de laisser le marché agir comme il l’entend. C’est pourquoi notre parti a exposé les raisons et la manière de procéder pour passer du libre-échange à la coopération internationale (voir dans la partie D plus bas).
Les Français attendent qu’une telle politique soit menée. Selon, entre autres, une étude Opinionway de septembre 2011, 91% des personnes interrogées se disaient prêtes à opter « quand il y a le choix », pour des produits fabriqués en France. En 2013, selon un sondage Ifop, 77% des 18 ans et plus interrogés estimaient que « le choix de produits fabriqués en France était suffisamment important pour justifier de payer plus cher un produit ».
Les grandes féodalités industrielles ont trahi la Nation. Elles ont massivement délocalisé, maltraité leur personnel, grugé le contribuable avec les paradis fiscaux et l’optimisation fiscale, dégradé l’environnement, menti aux consommateurs. Seul l’enrichissement des plus gros actionnaires est leur but ultime, quels qu’en soient les moyens. C’est pourquoi les firmes multinationales industrielles à base française doivent être nationalisées afin de mener des stratégies de développement national, compatibles avec la coopération internationale.
La situation actuelle de la France rend impossible toute véritable politique industrielle. D’une part, notre pays est ligoté dans le système de l’Union européenne et de l’euro lui interdisant la moindre décision nationale pouvant permettre de développer l’industrie. D’autre part, les entreprises cotées en Bourse sont désormais la propriété des grands investisseurs institutionnels anglo-saxons, néerlandais ou japonais, comme les pension funds ou les hedge funds. Leur but n’est évidemment pas de développer l’industrie française par des investissements correctement choisis et à long terme. Leur but est exactement à l’opposé : réaliser des plus-values à court terme sans tenir compte des besoins de développement industriel de notre pays en pressurant nos entreprises comme des citrons. L’ouverture du capital des entreprises françaises aux investisseurs institutionnels non-résidents a en effet modifié leur stratégie : elles se recentrent désormais sur leur cœur de métier. D’où les fusions, acquisitions, LBO’s, systématiquement accompagnées de licenciements boursiers. Ils liquident tout ce qui peut ressembler à de la diversification dans les activités des groupes, pour développer leur croissance externe par acquisition d’entreprises similaires afin de réaliser des économies d’échelle. C’est, pour eux, un atout majeur pour maximiser la seule chose qui compte : maximiser leur valeur boursière. Il faut exfiltrer les pension funds et autres hedge funds du capital des entreprises françaises grâce à leur retour ou transfert à la nation. Les entreprises françaises seront ainsi libérées de cette tutelle des marchés financiers.
Il faut donc interdire les délocalisations et relocaliser. Aucun geste spontané n’est à attendre des grandes entreprises pour le faire, il faudra leur imposer. C’est pourquoi le Parti de la démondialisation propose une loi à cet effet intitulée « Proposition de loi visant à lutter contre les délocalisations ». Dans l’exposé des motifs il est indiqué que « Les délocalisations d’entreprises touchent la plupart des pays industrialisés. Elles sont liées aux paradis fiscaux qui doivent être démantelés. La saignée des emplois en France est perçue comme impossible à arrêter. Personne ne paraît savoir comment prendre le problème, et tout le monde se demande avec anxiété jusqu’où va aller le massacre des vies, des territoires et des entreprises. Le choix des productions, leur localisation, ainsi que la manière de produire (respect des contraintes environnementales, conditions de travail), ne doit pas relever des seules entreprises, avec pour seule raison le marché et le profit, mais d’une délibération publique nationale et de négociations bilatérales et multilatérales. »
Ajoutons à ce champ de ruines qu’aucune politique industrielle n’est possible dans le cadre de l’Union européenne et de l’euro. La sortie de l’euro et de l’Union européenne est donc la seule manière de se libérer de cette camisole pour mettre en œuvre la politique industrielle que nous préconisons. D’autant que la stratégie dite de Lisbonne définie en mars 2000 par les quinze États membres de l’Union européenne d’alors n’a été qu’une supercherie. Elle était pourtant l’axe majeur de politique économique et de développement de l’UE entre 2000 et 2010 et visait à faire de l’Union européenne « l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010, capable d’une croissance économique durable accompagnée d’une amélioration quantitative et qualitative de l’emploi et d’une plus grande cohésion sociale ». Son objectif – jamais atteint – était d’allouer 3% du PIB à la R&D et à l’innovation. Cette stratégie se basait sur une idéologie délirante : l’économie de «la connaissance » remplacerait la production matérielle. On retrouvait à cette occasion, sous une autre forme, l’idéologie post-industrielle. Ce délire a contribué à l’alimenter et à la légitimer.
Le Traité de Lisbonne, quant à lui, par de nombreux articles, interdit la possibilité de toute politique industrielle. On peut le vérifier en consultant la version consolidée du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) diffusée le 30 mars 2010 par la Commission européenne (voir des extraits en annexe VIII). Ainsi le dogme de la libre-concurrence interdit toute politique industrielle européenne dans son principe même, puisqu’une politique, quelle qu’elle soit, est précisément une intervention dans le libre jeu du marché pour orienter le comportement de ses acteurs. Autre exemple, l’encadrement et la sélectivité du crédit ne sont pas possibles non plus dans le cadre de l’Union européenne, ni une politique de substitution aux importations. Par définition, la dévaluation n’est pas possible non plus. Celle-ci est pourtant un moyen très efficace de redresser les balances commerciales déficitaires, de protéger l’industrie et les emplois. La seule politique alors utilisée au sein de la zone euro est celle de la déflation salariale permanente.
Tout ce que nous venons de proposer pour relancer l’industrie française n’est pas possible dans le cadre de l’Union européenne et de l’euro. En sortir permettra d’éviter que les économies européennes continuent à se mener une concurrence destructrice par la baisse des salaires. Dès lors les gains de productivité, particulièrement en France où elle est très forte, pourront être répartis pour les salariés.
Enfin, pour relancer notre industrie, il faudra la protéger des marchés financiers. Toutes les entreprises nationales sortiront de la Bourse, mais le mouvement devra s’amplifier. L’industrie devra se financer par le crédit bancaire et non plus par les marchés financiers. Cependant, nous avons observé qu’il n’y avait pas assez de crédits bancaires pour financer l’industrie dans les grands groupes et dans les PME, PMI et TPE. Les banques, entièrement nationalisées selon notre programme, permettront le crédit sélectif et encadré. Un Livret E apportera des fonds propres aux PME et TPE (voir partie III).
Pour reconstruire notre industrie, il faudra imposer aux grands groupes un changement de leur stratégie industrielle afin qu’ils couvrent toutes les gammes de produits et se tournent vers le marché intérieur. La spécialisation actuelle de l’industrie française sur des niches technologiques très pointues mais vieillissantes est désormais inadaptée (TGV, Airbus, nucléaire…). Elles ne suffisent plus, depuis déjà des années, à tirer le reste de l’économie française. En outre, le choix de milieu de gamme pénalise la France depuis l’euro qui a accentué la spécialisation dans chaque pays, et qui, en outre, est resté surévalué pendant des années, limitant les exportations et favorisant les importations. Les pays émergents gagnent des parts de marché sur tous les segments : bas, moyen et haut de gamme. La France doit donc élaborer de nouvelles perspectives industrielles pour couvrir l’ensemble des gammes. Celles-ci permettront une utilisation plus rationnelle et plus économe des ressources énergétiques et minérales.
La spécialisation des économies nationales, d’un point de vue plus général, devrait rester limitée, à moins d’encourager une division internationale du travail nuisible à l’emploi, inefficace sur le plan économique, dangereuse sur le plan environnemental et inacceptable sur le plan de la souveraineté. En effet, la division internationale du travail fondée sur les avantages concurrentiels issus des dotations naturelles (matières premières), est aujourd’hui largement contrebalancée par les progrès des sciences et des techniques. Quant aux avantages concurrentiels fondés sur le dumping social, fiscal ou environnemental, ils sont évidemment à proscrire. Globalement, il n’y a plus de raisons de participer à une quelconque division internationale du travail en matière industrielle. C’est cette conception obsolète qui maintient l’Afrique, par exemple, dans le sous-développement industriel. L’ouverture commerciale n’a de sens que si elle permet de coopérer, ce qui exclut la spécialisation à outrance des nations. La réorientation de la stratégie des entreprises industrielles françaises vers le marché intérieur et la constitution de filières aidera les pays qui en sont dépourvus à se doter progressivement d’une industrie.
Un autre rapport au travail humain
Il est temps de rompre définitivement avec l’industrie telle qu’elle était du temps de Germinal ou des Temps modernes. Celle qui condamne les hommes, les femmes et même les enfants à un travail pénible et précaire, qui empoisonne la nature et parfois les consommateurs. Nous ne voulons plus de cette production de masse de produits standardisés pour une consommation uniforme à l’échelle planétaire. Nous voulons libérer l’ouvrier des tâches pénibles, revoir l’interface homme-machine. Nous contestons le travail à la chaîne, la monotonie, le poids de la hiérarchie. Le « travail en miettes », ultraspécialisé, la militarisation des usines ne sont pas consubstantiels à l’industrie. Le modèle de rationalisation du travail industriel s’est développé, en partant des États-Unis, au début du XXe siècle, avec Taylor et Fayol en France. Contre l’autonomie des métiers, il prônait une organisation guidée par la technique attribuant « à chaque homme son poste ». Ses catégories se sont progressivement imposées comme base des hiérarchies sociales et des niveaux de formation initiale.
Nous voulons revaloriser le travail dans l’industrie. Nous affirmons que le travail d’usine (mais aussi dans les bureaux) repose désormais principalement sur la qualité de la coopération et du dialogue.
L’organisation productive telle que nous la voulons exige initiative, compétence, responsabilité. Toutes ces qualités sont aujourd’hui combattues par le système même si le contraire est proclamé, car il craint qu’elles ne viennent perturber l’organisation industrielle, dite « scientifique », que la France avait poussé à l’extrême. Dans l’organisation scientifique du travail (OST), les capacités qui sont aujourd’hui requises étaient rejetées comme autant de facteurs de désordre et le restent globalement aujourd’hui. L'appel actuel à la responsabilité individuelle n'est qu'une réthorique visant à exempter le système de sa responsabilité dans le chômage de masse et faire taire les revendications.
Le travail réel doit être reconnu, c’est-à-dire la compétence de l’individu exprimée dans l’action, et pas seulement la qualification du poste. Ce sont des métiers que doivent avoir les travailleurs, et pas seulement des emplois. Les compétences doivent pouvoir se mettre au service du territoire, pas simplement d’une entreprise particulière.
Selon notre conception, l’entreprise devient une création collective, une organisation productive aux frontières perméables avec son environnement territorial. La forme coopérative en est un exemple. Certes la vitalité et le dynamisme viennent de l’action individuelle. Mais c’est dans la relation aux autres dans la coopération qu’elle puise l’essentiel de sa force. On profite des expériences d’autrui, on transmet les siennes, la relation démultiplie les potentiels de connaissance et les capacités d’imagination. Encore faut-il un libre engagement de ceux qui y participent.
Les organisations productives doivent proposer des postes qui donnent envie de s’engager sur un projet collectif auquel on adhère, offrant la possibilité d’acquérir de nouvelles compétences et des opportunités d’évolution. Répondre aux besoins de la population et de tout le territoire plutôt qu’à la soif de profits d’un patron cupide est autrement plus enthousiasmant. C’est ainsi que l’industrie attirera les personnes dont elle a besoin, pour l’intérêt général, pas pour le service des actionnaires privés.
Dans le même temps les organisations productives doivent offrir un avenir aux détenteurs de qualifications faibles et moyennes. L’observation de l’évolution des territoires montre qu’il y a polarisation des qualifications aux extrêmes. Dès lors on laisse des territoires entiers et des groupes sociaux périphériques s’enfoncer dans l’impasse et le désespoir. Tel est le résultat calamiteux des politiques d’ « attractivité » des territoires organisées par les réformes euro-territoriales comme la loi NOTRe dont les dégâts annoncés imposent l’abrogation urgente.
Il faut reprendre la réduction du temps de travail (RTT) et aller rapidement vers les 32h par semaine en 4 jours, sans perte de salaire. Un tel objectif est cohérent avec tout ce qui vient d’être dit. Un fonds national de péréquation des salaires et la mise en place de groupements d’employeurs permettront aux petites et moyennes entreprises, commerçants, artisans, agriculteurs et professions libérales ayant des salariés, de faire face sans difficultés à la RTT. Comme ils ne peuvent tous payer entièrement le maintien du salaire avec moins de travail du fait de faibles gains de productivité, le maintien du salaire sera pris en charge par le fonds de péréquation. Des droits nouveaux devront être accordés aux salariés, aux syndicats et aux comités d’entreprise, tout ceci devra être organisé à l’échelon territorial. Des conventions collectives de territoire offriront un espace au syndicalisme. Des contrats collectifs de régénération industrielle et sociale seront les bases sur lesquelles les citoyens pourront s’engager.
La propagande déversée depuis des années sur le coût du travail qui serait trop élevé a culpabilisé ceux qui subissaient la désindustrialisation. Elle s’effondrera d’elle-même devant les résultats positifs de la politique que nous proposons.
Un autre rapport à l’environnement
Nous sommes, comme tout le monde, favorables au développement de projets d’écologie industrielle et territoriale (EIT) qui consistent à :
- Valoriser systématiquement toutes les ressources dans l’environnement élargi des entreprises.
- Minimiser les pertes et les déchets dont l’enlèvement coûte cher.
- Décarbonner (substitution vers des énergies renouvelables et économies d’énergie).
- Faire intervenir un acteur neutre, « tiers de confiance » pour inciter et développer ces coopérations.
Si nous sommes favorables à l’EIT, celle-ci, par la modestie de ses ambitions, ressemble à du greenwashing (éco-blanchiment) que nous refusons. L’économie circulaire, en revanche, si elle est conçue et organisée différemment de ce qu’elle est aujourd’hui, est loin d’être un gadget. Elle peut même cristalliser tous les changements que l’industrie doit accomplir dans ses rapports à la nation, au travail humain, à l’environnement, aux territoires et à l’innovation.
L’économie circulaire telle que nous la concevons vise à gérer les ressources à l’échelle des territoires conçus comme des écosystèmes, afin de renforcer l’efficacité de chaque organisation productive et du territoire lui-même, limiter les gaspillages, répondre aux besoins de la population. Elle n’est possible que par une révolution des esprits pour changer le rapport à la conception des produits, aux modes de coopération entre entreprises et avec le territoire dans son ensemble. Elle préfigure les contours d’une industrie réinventée.
L’économie circulaire n’est pas un simple recyclage. Ses principes sont :
- Réutilisation directe de sous-produits ou de déchets (écologie industrielle et territoriale). L’utilisation optimale des ressources disponibles dans l’écosystème de l’entreprise sera recherchée et systématisée. La transformation en ressources des sous-produits ou déchets d’autres activités suivra la même méthode (par exemple des chutes de découpe de plastique, de bois, de métal…). Les sous-produits d’une entreprise deviennent la matière première ou le combustible d’une autre.
- Captation et utilisation de ressources inutilisées : chaleur fatale (dissipée dans l’atmosphère), eau de pluie, remanufacturing (remise en état) qui consiste à démonter des produits usagers, les nettoyer, les réparer, les contrôler, les réassembler pour une réutilisation. Ces modes de production moins consommateurs de ressources et moins générateurs de rejets accompagneront la transition énergétique.
- Mutualisation de ressources (partage de biens ou services). Sur ce point, nous proposons de faire comme les Coopératives d’utilisation du matériel agricole (CUMA) en créant les Coopératives d’utilisation de matériel industriel et de transport (CUMIT). Leurs membres y participeraient sur une base volontaire. Mais pour ceux qui refuseront la coopération, il n’y aura pas de marchés publics de l’État et des collectivités territoriales, pas de sous-traitance avec les entreprises nationales et les services publics. Rappelons ici ce que sont les CUMA. Ce sont des sociétés coopératives agricoles qui ont pour objet l'utilisation en commun par des agriculteurs de tous moyens propres à faciliter ou à développer leur activité économique. Peuvent être adhérents d'une CUMA toutes les personnes physiques ou morales ayant des intérêts agricoles dans la circonscription territoriale de la coopérative. L'admission de nouveaux membres est soumise à l'accord du conseil d'administration. Les agriculteurs ont, depuis longtemps maintenant, l'habitude de travailler et d'acheter du matériel en commun. La CUMA leur offre un cadre juridique permettant de pérenniser et d'optimiser le travail d'équipe. Elle est aussi un lieu d'échanges, de contacts entre les professionnels. La CUMA permet de réduire les coûts de la mécanisation en augmentant la quantité de travail réalisée pour un même matériel. En outre, la CUMA permet de disposer de matériels modernes et innovants et de partager les risques.
Jusqu’ici les industriels, petits et grands, ont été incapables de coopérer comme le font les paysans. Ils en paient le prix aujourd’hui. À eux de tirer les leçons de cette incurie et de saisir la balle au bond. Les CUMIT que nous proposons permettront de mutualiser des lieux de stockage, des moyens de transport, des machines, des lignes de production, du personnel de toutes qualifications, des flux de matière, des moyens de production divers, des moyens logistiques au sein par exemple de plateformes multi-industrielles organisées sur le territoire.
Là encore la dynamique territoriale sera décisive, avec le sous-préfet et le délégué départemental du ministère du Plan à la manœuvre. Sur le plan financier, le Livret E pourra être sollicité pour les apports en fonds propres des entreprises concernées (voir partie III de notre programme). Sans la mise en place, au niveau territorial, d’une petite structure autorisée à entrer dans les entreprises pour faire les diagnostics, il est probable que l’inertie actuelle persistera. Il faut donc impérativement un organisme qui étudie le processus de production local en entrant dans les usines et en s’engageant à garder la confidentialité. Tout cela servira les besoins et l’emploi au niveau local dans le cadre du droit opposable à l’emploi.
Un autre rapport aux produits
Trois mutations sont à accomplir par l’entreprise industrielle pour parvenir à produire des biens de plus en plus individualisés, pour valoriser leur origine, pour les associer à des services.
La mise en cause de la société de consommation par une partie croissante de la population se traduit par une demande pour des produits plus variés et individualisés. Les grandes séries qui étaient au cœur de la révolution fordiste sont de plus en plus rejetées. La puissance des nouvelles technologies du numérique permettra, plus vite qu’on ne le pense généralement, de réaliser le passage à une production de plus en plus individualisée sans dérapage des coûts de fabrication. Dans cette optique, le big data ne doit pas être vu simplement comme un risque pour l’intimité et les libertés publiques, il peut être mis au service de cette mutation. Les nouvelles technologies du numérique « grignotent » en effet progressivement l’industrie traditionnelle en permettant une recomposition complète des lignes de production.
La connaissance de l’origine de la production est désormais une demande forte de la population. Elle veut savoir qui a réellement fabriqué le produit, quand, où, comment il a été transporté. Elle veut aussi connaître tous les composants du produit : de quoi est-il fait, d’où viennent les matières premières, qui a assuré la fabrication, qui a réalisé l’assemblage… Mieux les produits seront documentés, plus ils se raconteront, et davantage ils intéresseront non pas le consommateur mais le citoyen. La différence entre les deux est énorme : le consommateur hagard gobe tout ce qu’on lui met sous le nez ; le citoyen vérifie que le produit est davantage qu’un simple objet, qu’il incorpore en lui tout un processus économique et social vertueux.
Selon l’adage, on reconnaît la différence entre un bien et un service par l’effet produit lorsqu’il vous tombe sur le pied. Biens et services ont en réalité partie liée depuis longtemps. Quand McCormick envoyait ses machines agricoles en kit aux fermiers américains, ou quand Singer fondait la diffusion de ses machines à coudre sur la qualité de l’après-vente, vendaient-ils de l’industrie ou du service ? Ils faisaient les deux. Quand l’industrie automobile accorde elle-même aujourd’hui les crédits aux acheteurs, elle articule aussi produit et service. Industrie et services ne sont plus seulement complémentaires, mais inextricablement liés, les assemblages biens-services sont la règle.
L’usine a un grand avenir si elle se rend capable non pas de produire simplement un produit particulier, mais si elle renouvelle ce qu’elle produit en fonction des demandes de la population et en fonction de la demande des autres entreprises, elles aussi à focaliser sur les besoins de la population. L’avenir de l’usine ne dépend pas de la maîtrise d’une technologie donnée mais de sa capacité à renouveler ses technologies, à les cumuler, à les articuler les unes aux autres, à régénérer ses compétences et ses capacités d’action.
Telle est notre vision de ce que sera l’usine de demain. Elle sera flexible techniquement, reconfigurable, intégrée dans son territoire, attractive, sûre pour ceux qui y travaillent et respectueuse de l’environnement, frugale en énergie. Elle redonnera sa place à l’homme. Elle deviendra une organisation productive au service des besoins de la population. Et si le terme « flexible » a pu faire sursauter, il faut comprendre qu’avec le droit opposable à l’emploi et le statut général des entreprises nationales, un autre type de flexibilité sera un atout pour tout le monde : la population, les salariés, les territoires, les organisations productives au service de l’intérêt général.
En utilisant et en inventant de nouveaux outils de production reconfigurables, l’usine pourra proposer une offre plus proche des besoins de la population et produire ce que la population demande. Car la transformation du mode de production et de consommation que nous préconisons a une conséquence industrielle pratique : il est nécessaire de passer de la « production de masse » à la « personnalisation de masse ». L’usine utile à long terme sera celle qui aura intégré des systèmes de production à la fois complexes et flexibles, en optimisant l’utilisation des ressources énergétiques et des matières premières. C’est la capacité pour une même ligne de production de sortir une gamme variée de produits.
Les libéraux de gauche et de droite comme les dirigeants du patronat affirment que l’usine devra anticiper au mieux l’évolution des marchés. Nous récusons ce raisonnement. Si l’usine veut survivre, elle devra s’adapter à l’évolution des besoins de la population et des autres entreprises. Comme ces besoins, selon notre conception de l’économie, relèveront de l’abondance frugale, il n’y aura aucune raison pour qu’ils évoluent de façon erratique et à grande vitesse. Ce phénomène est lié aujourd’hui à la publicité et à l’idéologie consumériste.
Si on nous demande ce que nous produirons encore dans les usines françaises dans vingt ans, nous répondrons tout ce qui permet à la population de satisfaire ses besoins élargis de subsistance. Nous ferons l’exact le contraire du sinistre Tchuruk (PDG destructeur d'Alcatel) : au lieu de liquider notre économie en mettant en place "une"industrie sans usines", nous installerons des unités productives autogérées par des coopérateurs associés.
Un autre rapport au territoire
Un territoire, au sens géographique, peut correspondre à un pays, une communauté de pays, un syndicat intercommunal, un bassin d’emplois ou une zone d’emploi au sens de l’Insee. Ce ne sont pas ses frontières qui comptent vraiment, elles peuvent bouger régulièrement, mais la capacité de la population et des institutions locales : État, collectivités territoriales, services publics, entreprises nationales, entreprises privées (agriculture, services, industrie), partis politiques, syndicats de salariés et d’employeurs, associations, à « faire territoire ». Autrement dit à démontrer dans les actes une capacité à organiser la délibération publique et à décider de la meilleure manière de répondre aux besoins de la population. Dans ce processus, les sous-préfets seront à la pointe des initiatives, en liaison avec le délégué départemental au Plan. Le but sera d’organiser une économie locale apte à faire ce qu’on attend d’elle : répondre aux besoins de la population, pas des marchés. S’il y a des marchés qui apparaissent, tant mieux. Ou tant pis !
Les initiatives foisonneront
Une loi définissant une charte de la sous-traitance sera votée. Elle s’appliquera bien sûr aux entreprises nationales qui seront exemplaires. Mais elle aura vocation à concerner aussi les entreprises privées.
Les objectifs de la sous-traitance, pour le grand patronat, sont nombreux :
- « Externaliser » et « précariser » les salariés jugés comme étant les moins compétents, les plus fragiles physiquement ou psychologiquement, les moins malléables. Une fois « dehors », ils ne participent plus que de façon épisodique à la production puis à la vie sociale, l’un entraînant l’autre. Après les avoir mis dehors, les entreprises les empêchent de rentrer. De tels comportements seront bannis, l’emploi pour tous sera garanti sur le territoire, on pourra enfin parler de territoires sans chômage.
- Externaliser les travaux dangereux ou insalubres est devenu une stratégie de certaines entreprises. Les précaires ont ainsi deux fois plus d'accidents du travail que les autres salariés, et ces accidents sont en moyenne deux fois plus graves. Le travail précaire crée une santé précaire.
- Décourager les exigences salariales.
- Étrangler les petites et moyennes entreprises pour externaliser vers elles les risques des plus grosses : délais et prix toujours tirés vers le bas, normes concernant les produits toujours plus complexes, prix toujours tirés vers le bas.
La sous-traitance telle qu’elle est organisée résulte d’une vision court-termiste, elle est inefficace sur les plans économiques et social. Souvent, en effet, les interventions en sous-traitance sont effectuées par des salariés limités à leur tâche spécifique, réalisées dans l'urgence et la flexibilité, basées sur des choix purement technicistes. Là où précédemment existait une équipe, un collectif qui essayait de s'articuler de manière cohérente autour d'un objet commun, on trouve désormais une addition d’interventions sans cohérence, créant des dysfonctionnements dans le processus même de production.
C’est pourquoi nous proposons la mise en chantier d’une charte de la sous-traitance. L’ensemble formé par les donneurs d’ordre et les sous-traitants deviendront des unités économiques et sociales déterminées par la loi et non par le contrat. Ainsi les conditions de mise en concurrence entre PME face aux grands groupes seront civilisées. Les salariés des PME seront inclus dans les conventions collectives des donneurs d’ordre et relèveront du même comité d’entreprise et des mêmes structures de négociation sociale. Les salaires seront égaux, la sous-traitance interdite lorsque les salaires des travailleurs des petites entreprises sont inférieurs à ceux des grandes. Un fonds patronal national de mutualisation des salaires sera mis en place. Il sera alimenté par une cotisation assise sur l’excédent brut d’exploitation (EBE) des entreprises et servira à abonder les salaires des entreprises soumises à des aléas ponctuels. Évidemment, pour l’essentiel, ce sont les grandes entreprises qui financeront ainsi, d’une certaine façon, une partie du salaire des salariés des petites. De plus, il faut tendre vers une gestion territorialisée de la force de travail comme y incite le droit opposable à l’emploi. Les besoins d’embauche et de formation comme les investissements doivent se penser non plus seulement entreprise par entreprise, mais au niveau du territoire.
Nous préconisons la réintégration de l’usine dans les zones urbanisées et même dans les centres-villes, pas seulement dans les périphéries. C’est à nos yeux une mesure indispensable pour réduire le coût économique, écologique et social exorbitant des déplacements domicile-travail et un puissant moyen pour réduire le trafic automobile et les embouteillages. Il existe cependant une condition pour que les populations acceptent : la disparition des nuisances provoquées par les usines : air, eau, sols, bruits, odeurs, livraisons et expéditions. Dès maintenant une politique d’urbanisme adaptée doit permettre cette reconfiguration de l’espace: arrêt de la destruction des ateliers et entrepôts qui existent encore en ville, rénovation ou reconstruction de ces derniers, constitutions de réserves foncières, création d’espaces verts en attendant…
Un autre rapport à l’innovation
Il est décisif, pour une nation, de maintenir un haut niveau de recherche fondamentale et appliquée. Lorsque la recherche et développement (R&D) et l’innovation sont absentes dans une unité productive, les seules possibilités qui lui restent dans un environnement sans barrières douanières ou réglementaires sont la lutte incessante contre les « coûts », en premier lieu la masse salariale. Dès lors, ces unités de production deviennent volatiles géographiquement, sautant d’une région à une autre, d’un pays à un autre à l’affut d’aides publiques. L’effort de R&D et d’innovation que nous voulons ne servira pas au développement de la compétitivité comme c’est le cas aujourd’hui. Les milieux patronaux et gouvernementaux considèrent l’innovation comme un objectif en soi, comme un problème microéconomique qui ne concerne que l’entreprise conçue individuellement. Certes, l’innovation concerne l’entreprise. Mais elle concerne aussi toutes les interfaces de l’entreprise : les hommes au travail, l’environnement, le territoire. En focalisant sur le seul aspect microéconomique, les interfaces et les externalités de l’entreprise ont été effacées, aucune innovation n’a lieu dans ces domaines.
Pour changer cette conception inefficace de l’innovation, il faut une structure publique de l’innovation industrielle, comme en leur temps le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou le Centre national d’études des télécommunications, malheureusement privatisé aujourd’hui avec le nom d’Orange Labs (nous proposons de renationaliser Orange). Elle travaillera sur les points aveugles de l’idéologie contemporaine de l’innovation que sont les interfaces et les externalités de l’industrie. Nous l’appelons le Centre national de l’innovation industrielle (CNII). Son rôle : inventer des machines et processus de production plus sûrs pour l’homme au travail, moins pénibles, plus intéressants, peu consommateurs d’énergie, moins polluants. Les innovations porteront notamment sur l’utilité, la durabilité et la qualité des produits et des matériaux, les effets de la production sur l’environnement, la coopération internationale…
Pour parvenir à ces buts, la France se dotera, à l’échelle interdépartementale, de centres d’innovations pratiques qui seront les structures décentralisées du CNII. Elles s’articuleront avec les collectivités territoriales, les entreprises nationales et privées, l’État, les universités et les laboratoires publics de recherche souhaitant réaliser des prototypes ou des mises au point de process.
De manière plus générale, l’objectif unique et obsessionnel qu’est le profit privé va accélérer le déclin de l’industrie. Il est vrai, malheureusement, que le profit des entreprises comme raison d’être de celles-ci n’est pas véritablement contesté par la société, mêmes dans ses franges les plus radicales. Ce qui est remis en cause c’est le montant des profits quand il est obscène, et l’affectation du profit, c’est-à-dire sa répartition entre les actionnaires et les salariés. C’est cet aspect des choses qui historiquement a animé la lutte des classes. Les luttes sociales et les projets de société se sont concentrés sur les moyens de répartir différemment les profits et de répondre plus équitablement aux intérêts des salariés. C’est ce qui a été appelé un meilleur partage des fruits de la croissance. Ces conceptions ne remettent pas en cause le principe même du profit. En ce qui nous concerne, nous contestons le fait que le profit privé témoigne de la performance de l’entreprise et de ses capacités d’innovation. Pour nous l’entreprise doit générer du profit public, c’est-à-dire être utile non seulement à son créateur et à ses associés, mais à toute la société. Pour nous, l’entreprise, devenue organisation productive territorialisée, doit préciser ses buts contractuellement avec le territoire sur la base de son aptitude à répondre aux besoins spécifiques de la population. L’avenir de l’industrie dépendra des buts qu’elle se donnera. Le fait qu’une société soit créée dans un but lucratif, « en vue de partager les bénéfices et les pertes entre les associés » (article 1832 du code civil) n’est plus suffisant.
A cause de cette conception obsolète, l'usine s'est isolée de la société, coupée de la vie réelle, qu'il s'agisse du territoire où elle est implantée ou, plus largement, de l’esprit public en général. Elle a créé sa propre discipline interne, ses normes, ses codes, ses rituels, souvent artificiels et manipulateurs. Elle a demandé à des citoyens de plus en plus éduqués de laisser au vestiaire leurs attentes de responsabilité, de reconnaissance et d’autonomie, en leur confiant souvent des tâches nettement inférieures à leurs capacités. Les entreprises ont fait croire – il est d’ailleurs possible qu’elles y croient vraiment – que les déterminants de la « compétitivité » se réduisaient à la baisse du coût du travail et à l’innovation. Ce discours est tenu depuis des décennies. Sans résultat. Il fait l’impasse sur l’essentiel qui est le rôle déterminant de la macroéconomie. Il faut créer les conditions macroéconomiques (globales, à l’échelle d’une nation) favorables à l’activité économique des entreprises individuelles. Car en l’absence d’une conjoncture favorable, certes des entreprises pourront tirer leur épingle du jeu, mais l’immense majorité n’y parviendra pas. Avec ces obsessions de la baisse du coût du travail et de l’innovation, c’est la politique de l’offre qui s’est imposée, avec les ravages qu’elle a provoqués. Cette bouillie idéologique a entraîné la faillite du modèle de « l'entrepreneur », présenté comme l’aventurier des temps modernes, le risquophile qui fait avancer la société contre les risquophobes. Ceux qui ont le goût et l’aptitude à entreprendre trouveront de bien meilleures conditions d’épanouissement dans la société que nous proposons.
La politique industrielle que notre parti veut développer ne sera pas une simple copie du modèle industriel actuel. C’est, au contraire, tout l’appareil productif qui sera transformé, au point de parler de mutation du mode de production. Le choix des objets à produire, les lieux où on les produit, la manière de les produire, l’origine et la nature de leurs composants, les effets de l’acte productif sur la santé humaine et la nature : tout changera. C’est ce que nous appelons la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes. Ces réflexions sont développées dans la partie VIII intitulée « Bien vivre dans une société qui préserve la biodiversité et les ressources fossiles, tout en assurant son autonomie alimentaire par le développement de l’agriculture paysanne, et son autonomie énergétique par une sortie progressive du nucléaire ».
D.- La Charte de La Havane de 1948, rénovée, pour passer du libre-échange à la coopération internationale
Parmi les principes sur lesquels repose notre conception de l’économie, figure la nécessité de sortir le commerce international de son état de marché où les marchandises peuvent s’échanger « librement ». Nous considérons que les relations commerciales internationales doivent être d’abord des relations entre nations, c’est-à-dire des relations avant tout politiques. Ce sont des puissances, des souverainetés qui doivent établir des relations notamment commerciales, parmi l’ensemble de leurs relations. Les conceptions libre-échangistes impulsées par le néolibéralisme ont dépolitisé le commerce international, livrant ce dernier aux grandes firmes multinationales.
Il s’agit, pour nous, de repolitiser le commerce international, de lui redonner son véritable sens de relations entre peuples et nations. D’autant que les conséquences du libre-échange sont terribles pour les peuples du Nord comme du Sud. Tous sont frappés par la dégradation de l’environnement provoquée par cette circulation insensée de marchandises par avions, bateaux, camions. Tous subissent un chômage massif, contrairement aux promesses du libre-échange. Tous sont frappés par le maintien ou l’aggravation des inégalités dans chaque pays et entre pays. Au Nord, les emplois industriels mais aussi, maintenant, de services, ont fui vers le Sud, laissant sur le carreau des dizaines de millions de travailleurs transformés en chômeurs et précaires. Une amélioration significative de la situation de l’emploi ne passera jamais par le libre-échange, bien au contraire. Il faut donc choisir : ou le libre-échange avec la persistance indéfinie du chômage ; ou le plein-emploi sans le libre-échange. D’autant qu’au Sud le libre-échange se traduit par le monopole des grandes firmes du Nord, interdisant tout développement industriel national.
Si le libre-échange fonctionne très bien pour les gros actionnaires des firmes multinationales du Nord, il est catastrophique pour les peuples. C’est pourquoi il faut mettre un terme immédiat au libre-échange. Beaucoup d’organisations politiques, syndicales, associatives, de nombreux citoyens partagent ce constat. Mais comment faire ? La réponse à cette question est souvent celle d’un souhait, d’un vœu, d’une prière pour que quelque chose se passe à l’échelle internationale, poussé par une « convergence » internationale des mobilisations sociales afin de résoudre les problèmes.
Hélas, l’ordre néolibéral mondial ne se révolutionnera pas de l’intérieur, en tout cas pas à court ou moyen-terme. Sans renoncer à la convergence des luttes des peuples pour la démondialisation, il faut aussi commencer par sortir de la mondialisation, un à un, tous les pays qui le peuvent. Telle est la stratégie politique du Parti de la démondialisation, nous voulons à la fois sortir la France de la démondialisation, tout de suite et unilatéralement et construire un nouvel ordre politique, économique, financier international par la libre-coopération.
Les dégâts du libre-échange
Le plaidoyer néolibéral en faveur du libre-échange repose sur quatre contre-vérités :
1) L’ouverture réciproque des marchés à l’échelle planétaire serait la condition d’une concurrence aussi large et aussi intense que possible. Le protectionnisme ne serait qu’un alibi pour les économies non compétitives, uniquement intéressées à se protéger de concurrents plus efficaces. L’argument est incorrect car cette concurrence est faussée dans la mesure où elle met aux prises des concurrents agissant dans des catégories différentes : les poids lourds contre les poids plumes. Qui peut douter de l’issue d’un tel combat ?
2) L’ouverture de nos marchés serait une condition préalable de l’accès des pays pauvres au développement. Il est toujours stupéfiant d’entendre cet argument alors que la réalité pluridécennale de la situation des pays pauvres démontre exactement le contraire.
3) L’écoulement des productions réalisées dans les pays à bas coût du travail sur les marchés des pays riches serait la contrepartie de l’écoulement des productions plus élaborées des pays anciennement industrialisés en direction des pays pauvres ou émergents. Cet argument ne revêt aucune réalité, car aujourd’hui sur tous les produits « élaborés » (aéronautique, espace, pharmacie, transports…) les pays émergents comme le Brésil, l’Inde et la Russie, sont en passe d’atteindre un niveau d’excellence technologique équivalent à celui des pays du Nord (déjà atteint par la Chine), réduisant à néant l’avantage commercial de ces derniers.
4) L’importation par les pays du Nord des produits réalisés à bas prix dans des pays du Sud serait un facteur décisif d’accroissement du pouvoir d’achat collectif. Il est vrai que ce système contribue à former une classe moyenne urbaine dans les pays du Sud. Mais il aggrave les déséquilibres entre le monde rural et celui des villes, il freine le développement d’une agriculture vivrière en accélérant les importations tout en affaiblissant les balances commerciales de ces pays.
Le libre-échange est devenu l'un des principaux piliers du néolibéralisme. Il est présenté par ses laudateurs comme une vérité révélée, sans alternative possible. On peut cependant constater que l’augmentation du commerce international, censée résulter de la suppression des barrières douanières et de l’intensité accrue de la concurrence, notamment la pression sur les salaires, ne favorise en aucun cas une évolution harmonieuse des économies et de l’emploi, et encore moins une activité économique fondée sur le respect des travailleurs et de l’environnement. De plus, le libre-échange entre pays de développement économique très différents, n’a pour résultat que de bloquer leur propre évolution et de placer ces pays sous la domination des plus riches. Par exemple interdire à l’Afrique de disposer d’écluses commerciales, c’est-à-dire d’avoir recours à des mesures protectionnistes est criminel. Cela revient à détruire la production agricole locale, l’artisanat et la petite industrie. C’est provoquer l’immigration. Et c’est fournir la matière première aux forces nationalistes, racistes, xénophobes, d’extrême droite dans les pays du Nord.
Appliquer certains des principes de la Charte de La Havane
Nous n’avons aucune illusion sur la possibilité de faire bouger à court ou moyen terme l’ordre néolibéral mondial. Il est solidement verrouillé par des institutions supranationales comme l’OMC, le FMI, la Banque mondiale, l’Otan, l’Union européenne. Nous participons néanmoins à toutes les mobilisations internationales qui ne cultivent pas la naïveté – réelle ou feinte – sur la véritable nature du libre-échange. Et à condition que ces mêmes acteurs déploient des efforts similaires pour des mobilisations nationales.
Notre stratégie est arrêtée, notre doctrine également. Elles s’appuient sur certains des principes de la Charte de La Havane de 1948 pour mener une politique nationale de relations commerciales, s’inscrivant dans la perspective de construction d’un nouvel ordre commercial mondial débarrassé du libre-échange.
Rappels sur la Charte de La Havane
La Charte de La Havane a été signée en 1948 par 53 pays en vue de créer l’Organisation internationale du commerce (OIC). Le Sénat américain, qui venait de changer de majorité, a cependant refusé de ratifier le texte. Deux raisons expliquent cette décision, l’une de principe, l’autre d’opportunité. Le principe de l’équilibre de la balance des paiements, qui constitue l’apport essentiel de la Charte de La Havane, aurait lié les mains à la première puissance mondiale. Les États-Unis auraient dû accepter un solde équilibré de leur balance des paiements et renoncer à accumuler des excédents commerciaux. Quant à la raison d’opportunité, elle tient à l’immense stock de marchandises détenu par les États-Unis au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le besoin de les écouler sur des marchés extérieurs, de donner du travail aux GI’s qui revenaient au pays, et de reconvertir l’industrie militaire en industrie civile. Il fallait donc que les États-Unis puissent exporter sans limite et utiliser le dollar comme monnaie mondiale. C’est le GATT[2] qui s’est imposé en reprenant certaines des dispositions de la Charte, faisant sauter celles qui s’opposaient à un libre-échange sauvage. Ce processus a donné naissance plus tard, en 1995, à la tristement célèbre Organisation mondiale du commerce (OMC).
La Charte de La Havane de 1948, même si elle doit être rénovée, contient certains principes et procédures susceptibles d’assurer un fonctionnement raisonnable du commerce international.
Les points les plus importants de la Charte de la Havane
La Charte établit des liens inédits entre commerce international et emploi. C’est sur cette base que nous voulons utiliser les principes qui nous paraissent les plus intéressants pour passer des accords bilatéraux avec nos partenaires commerciaux. Dans le même temps, nous voulons les inciter à faire de même avec leurs propres partenaires commerciaux. Pourraient ainsi exister, à un moment donné impossible à préciser, de multiples accords bilatéraux portant sur le commerce international et ayant globalement un contenu assez proche. Tout ceci pourrait faire système et donner naissance à une forme de nouvel ordre commercial mondial.
Voilà le contenu que nous voulons mettre dans ces accords bilatéraux :
Le plein-emploi (Art. 1)
L’article 1, qui détermine les buts de la Charte, dit clairement qu’il s’agit « d’atteindre les objectifs fixés par la Charte des Nations Unies, particulièrement le relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et les conditions de progrès et de développement ». L’article 2 précise que « la prévention du chômage et du sous-emploi est une condition nécessaire pour (…) le développement des échanges internationaux et par conséquent pour assurer le bien-être de tous les autres pays ».
On pourrait se dire que cela n’engage à rien et que d’autres textes internationaux contiennent ce genre de proclamations sans qu’il y ait la moindre application concrète. Certes, mais il vaut mieux que cet objectif figure plutôt qu’il soit absent. Cela permet aussi de se retirer d’un accord si cette clause majeure n’est pas respectée. Il faut donc que cette formule soit présente.
Le principe de l’équilibre de la balance des paiements (art. 3- 4- 21)
Dans l’article 3, le principe de l’équilibre de la balance des paiements (art. 3-4-21) est celui qui nous paraît le plus important. Qu’est-ce que la balance des paiements ? C’est un état statistique qui retrace sous une forme comptable l'ensemble des flux d'actifs réels, financiers et monétaires entres les résidents d'une économie et les non-résidents au cours d'une période déterminée. Les flux économiques et financiers à l'origine de ces opérations sont répartis en distinguant le compte des transactions courantes (échanges de biens, de services, de revenus et de transferts courants), le compte de capital (transferts en capital) et le compte financier (investissements directs ou de portefeuille).
Selon la Charte, les relations commerciales entre pays doivent reposer sur le principe suivant : « Aucun pays, à long terme, ne peut fonctionner avec une balance déficitaire ». Le texte précise que « les États membres chercheront à éviter les mesures qui auraient pour effet de mettre en difficulté la balance des paiements des autres pays ». Nous sommes entièrement d’accord avec ces principes qui nous semblent permettre une réorganisation complète du commerce international fondée sur des relations équilibrées. Quand il est écrit qu’il faut « éviter les mesures qui auraient pour effet de mettre en difficulté la balance des paiements des autres pays », cela signifie que les stratégies du tout à l’exportation ne sont pas viables. Les dirigeants allemands et chinois doivent avoir les oreilles qui sifflent ! Et l’article 21 détaille « les restrictions destinées à protéger la balance des paiements » qui sont des mesures que l’on peut qualifier de protectionnistes.
Tout ceci est à l’opposé de la concurrence effrénée pour la « conquête » des marchés et de la « priorité aux exportations » pratiquées dans le cadre de l’OMC. C’est un moyen efficace de rééquilibrer les balances des paiements. Leur objectif, cependant, n’est pas d’inverser la situation des pays concernés, c’est-à-dire de passer d’une position déficitaire à une position excédentaire, mais simplement de revenir à l’équilibre. La Charte n’hésite donc pas à avoir recours au protectionnisme, diabolisé par le néolibéralisme. Grâce à ce principe d’équilibre de la balance des paiements, le commerce international peut devenir un espace de coopération et non d’affrontement.
Des normes de travail équitables (art.7)
Cet article propose que « les États membres reconnaissent que l’existence de conditions de travail non équitables, particulièrement dans les domaines travaillant pour l’exportation, crée des difficultés aux échanges internationaux » et prévoit que l’OIC « consultera l’OIT et collaborera avec elle ». Dans nos accords bilatéraux, nous proposons d’inclure toutes les conventions de l’OIT. Un État n’ayant pas ratifié les conventions de l’OIT peut donc subir des mesures de rétorsion. Le dumping social est interdit entre pays voulant établir de vrais liens de coopération.
Favoriser la coopération économique (art. 10)
Dans cet article la Charte établit que l’OIC travaillera avec l’ONU en vue d’assurer le développement économique général et en particulier pour améliorer la situation des pays en développement en matière de financement, d’outillage, de coopération technique et de personnel de direction.
Le contrôle des mouvements de capitaux (art. 12)
Les investissements étrangers sont autorisés mais c’est à chaque État membre de déterminer s’il les « autorisera (…) et dans quelle mesure et à quelles conditions il les autorisera ». Chaque État membre pourra prendre toutes les mesures de sauvegarde nécessaires pour s’assurer que ces investissements étrangers « ne serviront pas de base à une ingérence dans ses affaires intérieures ou sa politique nationale ».
Si l’OIC avait existé, elle aurait pu éviter un certain nombre de pratiques bien connues actuellement (OPA, fusions et acquisitions transfrontalières…).
L’intervention de l’État est autorisée (art. 13, 14 et 15)
L’article 13 propose que « les États membres reconnaissent que, pour faciliter l’établissement, le développement ou la reconstruction de certaines branches d’activité industrielle ou agricole, il peut être nécessaire de faire appel à une aide spéciale de l’État et que, dans certaines circonstances, l’octroi de cette aide sous forme de mesures de protection est justifié ». Les articles suivants énumèrent ces protections telles que subventions, contrôle des prix… Les accords préférentiels entre plusieurs pays sont même autorisés mais tout ceci se négociera dans le cadre de l’OIC entre tous les États concernés.
Toutes ces mesures sont aux antipodes du libre-échange qui s’acharne à supprimer tous les « obstacles » au développement du commerce et tout particulièrement les aides des États. Nous approuvons au contraire les mesures préconisées dans la Charte et les mettrons en œuvre sur le plan bilatéral.
La possibilité de « restrictions quantitatives » (art. 20)
Tout en recommandant de les éliminer, la Charte les autorise dans des conditions très précises et sous le contrôle de l’OIC. Ici, les mesures protectionnistes ne sont donc pas taboues mais strictement encadrées.
Des garanties sur les produits de base (art. 27)
Selon la Charte, les produits alimentaires de première nécessité (blé, riz, mil…) doivent bénéficier d’un régime spécial. L’article 27 considère en effet « qu’un système destiné à stabiliser soit le prix intérieur d’un produit de base, soit la recette brute des producteurs nationaux d’un produit de ce genre (…) ne sera pas considéré comme une forme de subvention à l’exportation ». Ce « système » devra, là encore, être l’objet d’une négociation de tous les pays concernés, au sein de l’OIC.
Nous chercherons à conclure des accords commerciaux bilatéraux.
Un gouvernement démondialisateur s’adressera individuellement à tous les pays de l’Union européenne et au-delà à tous les pays membres de l’ONU. Il mettra en avant la Charte de La Havane comme le cadre, à mettre à jour, d’un nouvel ordre possible pour le commerce international. Il proposera qu’une conférence internationale se tienne dès que possible. Le gouvernement proposera en outre individuellement aux 164 pays membres de l’OMC (en avril 2021) compte tenu des entrées et sorties) – et à ceux qui n’y sont pas – de conclure sans attendre des accords bilatéraux avec la France afin de réorganiser, selon les principes de la Charte de La Havane, leur commerce avec notre pays.
Quel que soit le solde de la balance des paiements de la France avec ces pays (déficitaire ou excédentaire), un plan progressif sur 5, 10 ou 15 ans de retour à l’équilibre sera négocié. Les pays avec lesquels la France est en excédent structurel seront fondés à demander un retour à l’équilibre. Cette demande devra être entendue. Son impact sur l’emploi en France sera nul, car le droit opposable à l’emploi, entre autres avantages, possède celui d’amortisseur des fluctuations du commerce international. L’inverse, bien entendu, sera vrai également. Là où la France est structurellement déficitaire, elle prendra des mesures de rééquilibrage, si possible incluses dans les traités bilatéraux.
Les difficultés viendront des pays qui refuseront nos propositions de coopération et qui choisiront de rester dans le cadre de la guerre commerciale qu’est le libre-échange. Dans ce cas, un gouvernement démondialisateur ne devra pas avoir la main qui tremble, des mesures protectionnistes de retour à l’équilibre devront être prises de manière unilatérale par la France.
Il faut parallèlement rejeter la notion de « compétitivité » car elle s’inscrit totalement dans le cadre de la mondialisation. Elle vise à gagner des parts de marché dans la guerre commerciale qu’est le libre-échange, pilier de la mondialisation, par la diminution des salaires directs et indirects.
Nous rejetons la guerre commerciale mondiale. Mais il faut bien admettre que nous sommes dans un paradoxe, car cette guerre ne doit être ni gagnée car elle enfoncerait les autres pays ce qui à terme nous priverait de débouchés, ni perdue car c’est nous qui serions alors enfoncés. Gagner la guerre commerciale, grâce à la compétitivité venant de la compression des salaires ou de manipulations du taux de change ne ferait que réduire le pouvoir d’achat en France et provoquer des déficits commerciaux chez nos partenaires. Ces derniers, au bout d’un moment, ne pourront plus accumuler ces déficits et cesseront d’importer. D’un autre côté, perdre la guerre commerciale signifierait réduire la capacité de production française, perdre la souveraineté économique dans une série de secteurs, et consommer plus que nous ne produisons, c’est-à-dire vivre à crédit. C’est intenable dans les deux cas.
Le protectionnisme conçu comme un arrêt du commerce international, du moins des importations, n’est pas pour nous une alternative au libre-échange. Libre-échange et protectionnisme sont les deux faces de la même médaille libérale, ces deux options font partie de la même famille de pensée : le libéralisme. Dans l’histoire économique, les classes dirigeantes ont utilisé alternativement le protectionnisme ou le libre-échange selon leurs intérêts du moment.
Ce qu’il faut ce n’est pas DU protectionnisme, mais DES mesures protectionnistes dans une perspective de retour à l’équilibre des balances des paiements et de coopération internationale. Ces mesures protectionnistes, en effet, doivent préfigurer un nouvel ordre commercial mondial fondé sur la coopération et la solidarité. Comment y parvenir ? En réactivant et en actualisant la charte de La Havane de 1948 qui repose sur le principe central de l’équilibre de la balance des paiements pour chaque pays.
Dès son élection, donc, un président de la République démondialisateur s’adressera à tous les pays membres des Nations unies pour leur proposer un accord bilatéral de coopération commerciale définissant la nature et le volume des échanges et les conditions d’un retour à l’équilibre de la balance des paiements pays par pays. Certains pays signeront, créant ainsi les bases de ce nouvel ordre commercial mondial débarrassé du libre-échange. D’autres pays refuseront, et il s’agira le plus probablement des pays très excédentaires : la Chine et l’Allemagne. Néanmoins, il ne faut pas oublier que ces pays sont totalement dépendants de leur capacité à nous vendre leurs produits fabriqués à bas coûts. C’est pourquoi, dans ce cas, il faudra prendre des mesures protectionnistes unilatérales de manière à permettre à la France de recréer les industries nécessaires à sa souveraineté industrielle et sociale.
Prenons trois exemples.
1. En matière de textiles, le gouvernement devra reconstruire une véritable filière française par des financements publics et une coopération encadrée avec des industriels privés, français ou étrangers. Les importations de textiles notamment chinois seront progressivement réduites au rythme de la montée en charge de la production française.
2. En matière de construction d’automobiles, si les dirigeants allemands ne souhaitent pas signer l’accord de coopération commerciale que la France leur proposera, une politique de quotas pourra être appliquée. Exemple : si 300 000 BMW ont été importées en France en 2015, le gouvernement français peut décider qu’il n’y en aura plus que 10 000 en 2016, et que, de surcroît, un droit de douane de 20% ou 30% leur sera appliqué. Dans le cas particulier de l’automobile, la question, ancienne, de la délocalisation d’une partie de la production française se pose. Les firmes Renault, Citroën et Peugeot devront immédiatement décider un changement de stratégie. Les véhicules vendus à l’étranger par ces firmes seront produits intégralement à l’étranger. C’est une forme de coopération. Cela créera des emplois sur place et cette coopération exemplaire permettra des transferts de technologie pour aider les pays concernés à se doter de leur propre industrie automobile. L’inverse sera vrai aussi : les véhicules vendus en France seront intégralement fabriqués en France de manière progressive, sauf pour un petit filet d’importations.
3. Prenons un autre exemple avec les téléphones portables. Si les pays producteurs refusent de signer l’accord bilatéral de coopération commerciale que la France leur propose, et refusent que la France produise ses propres téléphones portables, notre pays sera en droit d’agir pour rééquilibrer ses échanges avec ces pays en prenant des mesures protectionnistes. Il est donc possible que les téléphones portables venant de ces pays fassent l’objet de quotas d’importation, d’une augmentation des droits de douane ou des deux à la fois. Tout dépendra des accords bilatéraux signés avec ces pays. Il se peut, en effet, que la France coopère avec tel ou tel pays qui fabrique des téléphones et qui nous aide à installer des unités de production en France. Dans ces conditions, le nombre de téléphones venus des autres pays sera limité ou même nul. C’est une hypothèse parfaitement crédible. Certains pourront contester une telle décision au motif qu’elle restreint le choix des consommateurs. C’est vrai, nous assumons ce choix. Le coût social et environnemental de la traversée de l’Atlantique par bateaux ou avions, puis ensuite par camions, de millions de téléphones venant des États-Unis, de Chine ou d’ailleurs par des usines qui ne respectent ni les normes sociales ni les normes environnementales est, à notre avis, infiniment plus élevé que la privation du dernier gadget à la mode. Entre les addictions consuméristes d’un côté, et les dégâts sociaux et environnementaux d’un autre côté, nous avons choisi.
La firme finlandaise Nokia, par exemple, dispose de trois usines en Europe : Salo en Finlande, Komarom en Hongrie, et Cluj en Roumanie. Depuis 2008, cette usine remplace celle de Bochum en Allemagne qui a été délocalisée. En septembre 2011, Nokia a décidé de fermer l’usine de Cluj (2.200 salariés). Pourtant des milliers de camions continent de sillonner l’Europe pour venir livrer ces téléphones non seulement en France mais aussi au Portugal et en Espagne en traversant notre pays. Est-ce favorable à l’emploi dans les pays producteurs ? Certes, mais est-ce favorable à l’environnement et aux émissions de gaz à effets de serre ? N’est-il pas nécessaire de relocaliser les activités productives, c’est-à-dire de rapprocher les lieux de production des lieux de consommation ? Dès lors, un accord bilatéral doit être signé avec la Finlande pour une coopération visant à ce que Nokia aide la France, mais aussi l’Espagne et le Portugal, par exemple, à construire des usines de téléphones sur leur territoire. Nokia aurait par exemple un petit pourcentage sur chaque téléphone vendu. Si la firme Nokia ou le gouvernement finlandais refusent, les exportations de téléphones Nokia pourraient se voir interdites en France, et des contacts seraient pris avec d’autres sociétés.
En cas d’accord avec la Finlande, la production réalisée dans les usines Nokia d’Europe sera diminuée du nombre de téléphones désormais fabriqués en France, au Portugal, en Espagne et probablement ailleurs si la politique de la France fait tache d’huile. Nous devons aussi nous préoccuper des effets sur l’emploi dans les autres pays du fait de nos initiatives politiques. C’est ça l’internationalisme, la construction d’un nouvel ordre commercial mondial basé sur la solidarité et la coopération. Il faut protéger l’emploi partout et tout le temps. C’est possible avec ce que nous appelons le droit opposable à l’emploi. Voilà la politique que devraient mener les pays comme la Roumanie qui ont fondé leur stratégie de développement sur l’accueil des délocalisations. Ces pays devront choisir un autre modèle économique : celui du modèle autocentré et de leur marché intérieur. L’exemple de la fermeture de l’usine Nokia de Cluj devrait leur servir d’exemple à méditer.
Les accords bilatéraux de coopération commerciale que nous proposons permettront peut-être de réaliser progressivement une partie de la production de téléphones nécessaires à la consommation française dans notre pays. En cas d’échec de ces négociations, il faudra développer ex-nihilo la production française de téléphones, ou tenter de trouver des accords avec des pays frontaliers pour limiter les effets néfastes sur l’environnement. Entre le moment où il n’y a aucune production française de téléphones, et le moment où la France sera autosuffisante – même si l’autosuffisance en matière de téléphones n’est peut-être pas un point essentiel – il n’y aura pas d’interruption des livraisons.
C’est cette politique qu’attend une majorité de Français si on en croit un sondage réalisé par l’IFOP fin juin 2011. À la question « Si nos partenaires européens ne veulent pas relever les droits de douane aux frontières de l’Europe, faut-il alors les relever aux frontières de la France ? ». Le « oui » obtient 57%, le « non » 31% et 12% ne se prononcent pas. Un autre sondage confirme ces résultats. Il a été réalisé par TNS Sofres le 20 juin 2011. Ce sont 61% des personnes interrogées qui préconisent des mesures protectionnistes, dont 67% des ouvriers. Cependant, « protectionniste » tout seul ne veut rien dire et ne se rattache à aucune perspective politique cohérente. C’est pourquoi nous y mettons un contenu.
Les accords bilatéraux de coopération commerciale que nous proposons devront parvenir à un équilibre global de notre balance des paiements. Cela ne signifie évidemment pas que la balance des paiements de la France sera en équilibre exact, en permanence, avec tous les pays qui auront accepté ces accords et pour tous les produits. C’est évidemment impossible et n’aurait d’ailleurs aucun sens. Cela ne signifie pas non plus que la balance commerciale sera équilibrée produit par produit. Il existe par exemple trois biens pour lesquels la France n’aura probablement jamais une balance équilibrée : le pétrole brut (30 milliards d’euros de déficit entre mai 2010 et mai 2011), le gaz naturel, liquéfié ou gazeux (12 milliards d’euros de déficit) et les produits du raffinage du pétrole (11 milliards d’euros de déficit). Ces trois postes, d’ailleurs, avec 53 milliards d’euros de déficit, représentaient les deux tiers du déficit total de la balance des paiements sur la même période (76 milliards d’euros de mai 2010 à mai 2011).
Ces accords bilatéraux que nous préconisons devront permettre de tendre vers un certain équilibre pour les produits où la France connaît les déficits les plus importants, par exemple :
- véhicules automobiles : 7 milliards d’euros
- « vêtements de dessous » (chemiserie, sous-vêtements…) : 7 milliards d’euros
- ordinateurs et équipements périphériques : 6 milliards d’euros
- produits électroniques grand public : 5 milliards d’euros
- équipements de communication : 4 milliards d’euros
- produits pharmaceutiques de base : 3 milliards d’euros
- chaussures : 3 milliards d’euros
- appareils électroniques : 3 milliards d’euros.
Refabriquer en France progressivement ces produits contribuera à réindustrialiser notre pays, à recréer de l’emploi dans le secteur marchand, à implanter de nouvelles usines dans les banlieues qui ont été saigné à blanc et dans les zones rurales désertifiées, à repenser l’aménagement du territoire, à renflouer les caisses de la Sécurité sociale, et à améliorer radicalement la qualité de l’environnement. Car en même temps ces relocalisations devront s’accompagner la transformation des modes de productions pour préserver l’environnement et les éco-systèmes.
Prenons maintenant la structure de consommation des ménages, et tentons d’évaluer la part des importations par décile (un décile représente 10% d’un ensemble) en pourcentage de la valeur des biens consommés dans 10 secteurs.
Habillement, cuir & industrie textile | 38,9 | |
Production de combustibles et de carburants | 38,5 | |
Industrie automobile & construction navale & industrie des biens d'équipements mécaniques | 37,2 | |
Industrie des équipements du foyer & équipements électriques et électroniques |
36,5 | |
Pharmacie, parfumerie et entretien | 24,8 | |
Transports | 24,4 | |
Industrie des produits minéraux | 17,0 | |
Edition, imprimerie, reproduction & industrie du bois et papier | 13,1 | |
Agriculture, sylviculture, pêche & industries agricoles et alimentaires | 11,1 | |
Eau, gaz, électricité | 0,4 | |
Sources : INSEE, calculs OFCE. |
Au total, le contenu moyen en importations de la dépense de consommation des ménages est de 14,5% ce qui est énorme et correspond environ au taux de chômage réel dans notre pays. Elle va de 12,7% pour le premier décile à 15,1% en moyenne pour les cinq derniers déciles.
Une politique spécifique apparaît donc indispensable pour reconstruire des filières françaises de production dans les secteurs suivants :
- habillement, cuir & industrie textile,
- production de combustibles et de carburants,
- industrie automobile & construction navale & industrie des biens d'équipements mécaniques,
- industrie des équipements du foyer & équipements électriques et électroniques,
- pharmacie, parfumerie et entretien,
- transports,
- industrie des produits minéraux,
- édition, imprimerie, reproduction & industrie du bois et papier.
La reconstruction de ces filières s’appelle une politique de substitution aux importations. Elle nécessite des mesures protectionnistes au moins le temps que les productions nationales arrivent à maturité.
Hors alimentaire et énergie, les hauts revenus importent une part de leur consommation nettement plus importante que les bas revenus. C’est particulièrement flagrant pour les biens d'équipement du foyer et les biens électriques et électroniques.
Initiatives multilatérales
Les pays de l’actuelle zone euro ayant un déficit commercial avec l’Allemagne, particulièrement la France, sont menacés à terme d’un défaut de paiement dans les pires conditions. Pour éviter l’effet domino, ce sont tous les pays déficitaires qui doivent redresser leur balance des paiements vis-à-vis de l’Allemagne. Autrement dit, 7% à 8% du PIB allemand (certains évoquent même 12%) doit repartir vers les pays déficitaires de la zone euro. Rappelons qu’après le Traité de Versailles en 1919 les réparations demandées à l’Allemagne représentaient 10% de son PIB. Un tel rappel risque de susciter une réaction négative des citoyens allemands. C’est pourquoi la question est de savoir qui, à l’intérieur du PIB allemand, du capital ou du travail, devra payer ces 7%, 8% ou 12% ? C’est évidemment le capital, comme le justifient les politiques systématiquement favorables aux grandes entreprises menées ces dernières années en Allemagne.
Pour parvenir à un équilibre de la balance des paiements de tous les pays de la zone afin de résoudre la crise de l’euro, le point crucial sera l’attitude du peuple allemand. Il peut se laisser subjuguer par les menaces de sa classe dirigeante autour de la disparition de l’excédent commercial du pays et des risques que cela représenterait pour l’emploi. Cette classe dirigeante, comme celle des autres pays, est prête à tout pour conserver les immenses profits générés par ces excédents commerciaux obtenus par une politique non coopérative à l’égard de ses partenaires européens (déflation salariale, délocalisations, aggravation des inégalités en Allemagne). Mais le peuple allemand le comprendra-t-il ? C’est pourquoi il ne faut pas dire l’Allemagne ceci ou l’Allemagne cela. Il faut parler des classes dominantes allemandes et des travailleurs allemands dont les intérêts s’opposent, même si les uns et les autres ont une culture, délétère, du consensus. Celle-ci peut malheureusement transformer des conflits de classes en conflits entre nations.
L’argument majeur qu’utiliseront les classes dominantes allemandes sera de dire que la baisse des excédents commerciaux allemands provoquera du chômage en Allemagne. Et elles appelleront le peuple allemand à l’union sacrée pour y faire face. Tout reposera sur la capacité de montrer que la baisse des excédents commerciaux allemands ne se traduira pas nécessairement par du chômage si le droit opposable à l’emploi et la relocalisation de l’économie sont organisés en Allemagne. Il faut montrer aux travailleurs allemands qu’il est de leur intérêt de mettre fin à ces excédents commerciaux, car ils permettront le développement de la consommation intérieure et la reprise de l’emploi en Allemagne. Il faut leur montrer que les plans d’austérité qui écrasent les pays d’Europe vont réduire la demande de ces pays, et donc réduire à terme les excédents commerciaux allemands dans les pires conditions. Et donc provoquer du chômage. Il est de l’intérêt des travailleurs allemands de mettre un terme à l’excédent commercial de leur pays.
Sortie de l’OMC et accords spécifiques avec les pays frontaliers
L’Organisation mondiale du commerce (OMC) a été conçue comme un instrument juridique supranational destiné à servir le libre-échange intégral par la mondialisation. La France quittera l’OMC et appellera les pays membres à en faire autant. Ce sera l’occasion pour notre pays de faire une déclaration politique de grande portée sur la construction d’un nouvel ordre commercial mondial, nécessitant la démondialisation.
Les pays frontaliers de la France, en matière de relations commerciales, doivent faire l’objet d’un traitement spécifique. Ce sont l’Allemagne, Andorre, la Belgique, l’Espagne, l’Italie, le Luxembourg, Monaco, la Suisse. La proximité géographique, en effet, demeure un puissant facteur de liaison économique, sociale, culturelle entre les pays, et particulièrement les zones frontalières.
La mise en place d’accords spécifiques avec ces pays stimulera les relations de toutes natures entre voisins, resserrant les courants d’échanges sur une base territoriale. Elle réduira les distances d’acheminement des marchandises industrielles et agricoles et, par voie de conséquence, les coûts économiques et écologiques induits par les circuits d’approvisionnement.
L’ouverture vers les nations voisines s’impose. Mais s’impose aussi, en sens inverse, la nécessité absolue de protéger les producteurs locaux de certaines importations qui pourraient empêcher l’émergence de productions nationales analogues, ou les affaiblir (agriculture du sud-est et du sud-ouest de la France). Cela revient à accepter que certains biens ou services soient réalisés en France à un coût pour l’entreprise plus élevé que ne le sont les biens et services importés qui subiront des frais de douane ou des quotas d’importation. C’est le prix à payer pour la constitution d’économies locales cohérentes.
[1] United States Agency for International Development ou USAID signifie Agence des États-Unis pour le développement international. Placée sous la supervision du président américain, du secrétaire d’Etan conomique » et de l’assistance humanitaire dans le monde à la sauce américaine.
[2]Le General Agreement on Tariffs and Trade (GATT), signifie en français Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Il a été signé le 30 octobre 1947 par 23 pays afin d’harmoniser les politiques douanières des parties signataires. Il entra en vigueur en janvier 1948.
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