Immigration : les artistes des coups de mistoufle à leur apogée

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Assemblée nationale

 

IMMIGRATION
Au fil des années des quinquennats, scénario, mise en scène, jeu des premiers rôles comme des seconds couteaux et des figurants ont fait un saut qualitatif. On sent la patte des experts. Fi du 49.3 (utilisé 24 fois quand même). La nouvelle étape est marquée du sceau de la professionnalisation et le raffinement en matière d’intrigues et de suspens. Le nième épisode, l’adoption de la loi « Immigration »  illustre la maîtrise du leurre. Car, en effet, en même temps, se jouait l’essentiel : un accord entre la Commission européenne, les euro-parlementaires et le Conseil en matière de politique d’asile et migratoire, dont Macron s’est félicité sur X. Il s’imposera aux 27 pays de l’Union. C’est donc en reliant ces deux actes concomitants que l’on peut comprendre à quoi jouent le gouvernement français et les groupes parlementaires. Entrez dans la danse !

N’oublions pas que Macron est un adepte du théâtre ! Première scène de l’acte 1 : Grandiloquentes annonces de Macron, il y a plus d’un an, puis reports, hic, couacs et os dans le potage, le texte sort aux forceps. Sans complaire aux parlementaires, de gauche, de droite, du RN et même de quelques Renaissance. En fond de scène, le décor est déterminant : Renaissance ne détenant pas la majorité absolue, il lui faut trouver des alliances… La pièce commence donc à première vue de manière assez convenue. Chacun tient sa place pour combattre ou défendre le projet de loi. Le traditionnel ballet chassé/croisé Assemblée nationale/Sénat fait monter la pression médiatique et accélère le flux de paroles des politiques.  Les Républicains, en effet, prennent alors les premiers rôles. Ils accouchent d’un texte « durci » à la sauce de droite. Le 11 décembre au soir, à l’issue du vote de la motion de rejet par les députés, c’était quasi la liesse côté gauche et la satisfaction côté RN. Les Républicains accro au texte du Sénat hurlaient, le RN, arc-bouté à sa préférence nationale disait en vouloir plus.  Bref le gouvernement reprend alors la main : soit retirer le texte, soit mettre en place une commission paritaire mixte.  Vous n'avez pas pu manquer ces épisodes. Évidemment le choix se porte sur la Commission composée de 7 sénateurs et 7 députés chargés de trouver un compromis. Et paf ! Le texte final est un quasi copié-collé de celui des sénateurs républicains. Et hop ! Retour à l’Assemblée pour un vote direct. Des Renaissance endossent le rôle de vierges effarouchées en s’abstenant ou votant contre, le groupe des Républicains, droit dans ses bottines vernies, vote pour, la Nupes contre et le RN dit oui, à la fausse surprise générale ! Nouvelle période de « crise », ça hurle, ça dénonce, ça gesticule, ça polémique sur l’horreur de la loi (à juste titre), les voix du RN (avec ou sans) donnent lieu à des calculs mentaux médiatiques et à des altercations parlementaires, les média sont au top, les déclarations et interviews se succèdent. La machine tourne à plein régime. Le théâtre est plein à craquer.  Le Pen déclare qu’il s’agit «  d’une victoire idéologique du RN » et que la suite à donner sera un changement de constitution, ce qu’il fera si il accède au pouvoir. Tout le monde fait mine de ne pas avoir entendu Macron, Darmanin et Borne déclarant le jour même de l’adoption du texte et répétant le lendemain que «  le texte adopté contient des éléments anticonstitutionnels ». Mais ciel !  Personne ne s’écrie alors pourquoi donc faire voter un texte, « que les Français attendaient » selon le gouvernement et les Républicains, qui peut être retoqué partiellement par le Conseil constitutionnel ? Incompétence ? Idiotie ? Ou assurance déjà prise que plusieurs articles issus du « compromis » avec les Républicains ne franchiront pas la barre du Conseil constitutionnel et qu’ainsi c’est le texte initial des macronistes qui serait, de fait, adopté ?

Pour être plus clair, on pourrait ainsi résumer : le texte gouvernemental n’avait quasi aucune chance d’être voté à l’Assemblée nationale. Il fallait donc pour les macronistes en passer par celui des Républicains, plus dur, plus préférence nationale, plus démagogique et antisocial (restriction de l’AME, créations de conditions spécifiques d’accès aux aides sociales pour les étrangers travaillant légalement, mise en place de quota, caution demandée aux étudiants étrangers, etc.). Et plus le texte comportaient d’articles contestables par le Conseil constitutionnel, plus le texte d’origine, pour lequel aucune majorité parlementaire n’était possible, reviendrait. Faut quand même pas prendre les « stratèges » pour des buses ! Mais le meilleur est sans conteste le bouquet final. Peu importe les 32 départements qui déclarent vouloir contourner la loi, les pétitions de personnalités demandant à Macron de ne pas la promulguer, les communiqués des associations défenseures des droits des immigrés, des appels syndicaux à manifester, etc. Ils sont partie intégrante du scénario. La messe est déjà dite. On y vient.

L’entrée en scène de l’Union européenne

Temps ultime de la mistoufle. L’acte fatal en quelque sorte. Car au même moment, loin du bruit et de la fureur, dans les salles feutrées et insonorisées de la machinerie de l’Union européenne, dans le silence médiatique et politique français, planchait avec ardeur froide et détermination, une commission réunissant des parlementaires européens et des membres du Conseil. Mais pourquoi faire, diantre ? Ils scellaient un accord pour un nouveau «  pacte sur la migration et l’asile », âprement négocié depuis 7 ans, qui s’appliquera dans tous les pays membres de l’UE. Non il n’y a pas de hasard de calendrier comme l’ont écrit plusieurs médias. Plutôt une convergence parfaitement bien orchestrée.

« Historique ! », s'est écrié la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, après l’accord ce mercredi 20 décembre 2023 sur le « pacte sur la migration et l’asile » entre la Commission, le Parlement et le Conseil. La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, se disait « très fière », estimant qu'il s'agissait « probablement de l'accord législatif le plus important de ce mandat ».  D’autant qu’il arrive avant les élections du parlement européen du 9 juin 2024.

La messe est donc dite : la loi du parlement français sera conforme à la décision européenne ou ne sera pas. Et cela Macron le savait puisque le gouvernement français avait déjà accordé son blanc-seing à ce pacte dès le 8 juin 2023 ! Pas étonnant du coup qu’il saisisse lui-même le Conseil constitutionnel afin de se débarrasser d’une loi française incompatible. Mais, au-delà du gouvernement, peut-on croire une seule seconde que les groupes parlementaires ne connaissaient pas « ce détail » européen ? De même, ne savaient-ils pas que de nombreux articles de la loi seraient menacés d’anticonstitutionnalité ? S'ils ignoraient ces deux faits, ils sont définitivement incompétents. S’ils le savaient, ils sont les acteurs volontaires du grand cirque auquel les Français assistent, atterrés et perdus. Bref, élus de tout poil seront une fois de plus discrédités. Le scénariste a bien déroulé l’action. L’assistante de la mise en scène, Élisabeth Borne, n’est pas en reste. Darmanin a été impec. Les responsables du dialogue au parlement et au Sénat ont été talentueux. Les citoyens ont été roulés dans la farine. Qui sait combien finiront par saluer Macron pour sa performance en glissant un bulletin dans l’urne pour les Européennes car, oui, il aura tout fait pour que naisse la loi mais he portera aucune responsabilité dans le texte final, ne pouvant au nom du respect de la Constitution contrevenir aux décisions de celui-ci. Quant au RN, pas si nullard que cela, il avait sans doute compris et a joué lui aussi sa place aux prochaines élections, citant la nécessité d’une modification de la constitution à plusieurs reprises, d’un air de rien.

Pour la fin, laissons la parole au dindon de la farce ou au menteur de génie, Bruno Retailleau des Républicains, qui fait mine d’ignorer les accords de Schengen et la nature même du spectacle théâtral de la pseudo "représentation nationale" :  «  Saisine immédiate du Conseil Constitutionnel par le Président de la République, annonces par la Première ministre et le porte-parole du Gouvernement d’un retour sur certaines mesures pourtant votées… Tout semble indiquer qu’Emmanuel Macron a donné pour consigne de tout faire pour que la loi immigration ne soit pas appliquée. Si c’est le cas, ce serait un abus d’autorité inacceptable. Nous passerions alors d’une crise politique à un grave problème démocratique. Je demande au Président de la République de ne pas outrepasser sa fonction : Emmanuel Macron doit respecter la séparation des pouvoirs et le choix des parlementaires, qui ont exprimé la volonté du peuple français. ».

Attention ne vous méprenez pas : en aucun cas le Pardem n’est favorable à la loi votée, ni à la version initiale. Il les réprouve dans leur ensemble, tout comme il rejette l’Union européenne.

Décidément, oui, il faut changer la Constitution de fond en comble et c’est au peuple de s’en charger par un processus constituant.
Décidément, non, il ne faut pas voter aux élections européennes le 9 juin, sauf à vouloir légitimer cette instance supranationale qui prive les citoyens de leur souveraineté. Commission/Conseil/Parlement européen sont main dans la main pour nous berner et nous inféoder avec la complicité de tous les européistes.
Il nous reste l’abstention pour faire valoir notre opposition à cette mascarade institutionnelle !

En attendant vous devez en savoir plus sur le pacte asile immigration de l’UE :
https://www.vie-publique.fr/en-bref/292478-pacte-sur-la-migration-et-lasile-la-reforme-adoptee-par-lue
https://www.europarl.europa.eu/news/fr/press-room/20231214IPR15929/asile-et-migration-plus-de-solidarite-et-de-partage-des-responsabilites