Le 23-05-2025

Par Joël Perichaud, secrétaire national du Pardem aux relations internationales
Faisant écho à la « solution finale », terme nazi désignant le génocide des Juifs d'Europe, Nétanyahou a déclaré : « Il est temps de lancer les dernières étapes », laissant Bezalel Smotrich (ministre des Finances ) préciser : « D'ici un an, [...] Gaza sera entièrement détruite, les civils seront envoyés [...] au sud dans une zone humanitaire [...] et de là, ils commenceront à partir en grand nombre vers des pays tiers ».
En février 2025, le président américain Donald Trump déclarait : « les États-Unis prendront le contrôle de la bande de Gaza, nivelleront les bâtiments restants et transféreront la population palestinienne vers d'autres pays. ». Les médias américains et internationaux mainstream qualifiaient alors le plan de Trump de projet « farfelu » voire « irréaliste ».
Le gouvernement israélien, lui, ne s’y est pas trompé. Le Premier ministre Benjamin Nétanyahou faisait l'éloge de la « vision audacieuse » de Trump pour une bande de Gaza ethniquement épurée.
Début mai 2025, le gouvernement Nétanyahou a annoncé le début de la dernière étape du nettoyage ethnique à Gaza : occupation militaire totale de toute la bande de Gaza et internement de la population dans des « camps de concentration » sous garde armée en prélude à des marches forcées dans le désert ou à une expulsion par voie maritime.
Le personnel de ces « camps de concentration » sera composé d'agents de sécurité privés américains, les forces de défense israéliennes supervisant la distribution de rations alimentaires volontairement insuffisantes. Selon un reportage publié la semaine dernière par Reuters, les États-Unis et Israël discutent activement de la formation d'un « gouvernement de transition » dirigé par un fonctionnaire américain pour administrer Gaza.
Faisant écho à la « solution finale », terme nazi désignant le génocide des Juifs d'Europe, Nétanyahou a déclaré : « Il est temps de lancer les dernières étapes. » laissant Bezalel Smotrich (ministre des Finances ) préciser : « D'ici un an, [...] Gaza sera entièrement détruite, les civils seront envoyés [...] au sud dans une zone humanitaire [...] et de là, ils commenceront à partir en grand nombre vers des pays tiers.»
Comme l'a clairement indiqué Itamar Ben-Gvir (ministre de la Sécurité nationale), le déplacement forcé du peuple palestinien se fera par la famine : « aucune électricité ni aucune autre aide ne doit être autorisée, ni par l'armée israélienne, ni par la société civile ». Depuis le 2 mars, en effet, Israël a imposé un blocus total sur la nourriture, l'eau et l'électricité à la bande de Gaza. Depuis, la grande majorité des cuisines communautaires de Gaza a été obligée de fermer faute d’approvisionnement. Conséquence : les cas de malnutrition aiguë ont augmenté de plus de 80%.
En témoigne Lama Bastami, directeur du département juridique de l'Observatoire euro-méditerranéen des droits de l'homme : « Le crime de famine à Gaza est soigneusement élaboré et commis aux yeux de tous ; il n'a besoin ni de commissions d'enquête ni de décisions judiciaires pour être prouvé. Il suffit de noter qu'Israël a fermé tous les points de passage vers la bande dévastée depuis plus de deux mois, interdisant totalement l'entrée de nourriture, de médicaments et de marchandises : une réalité bien établie et ouvertement reconnue par les responsables israéliens sans crainte de devoir rendre des comptes. Gaza regorge de preuves irréfutables de l'horreur de ce crime : les corps décharnés de personnes et d'enfants, les dizaines de milliers de personnes qui font la queue chaque jour devant les cuisines de charité et le nombre grandissant de morts dues à la faim, à la malnutrition et aux maladies associées.».
Ce meurtre de masse, délibérément perpétré par la famine, d'une population de deux millions de personnes est mené par l'administration Trump avec la complicité du Parti démocrate américain. Bernie Sanders, chouchou de la gauche française, a nié qu'un génocide soit en cours à Gaza, répondant avec dédain : « Quel génocide ? Il faut être prudent avec ce mot ».
En cette période de commémoration du 80e anniversaire de la capitulation de l'Allemagne nazie, rappelons-nous les mots d’ouverture du procès des dirigeants nazis au tribunal de Nuremberg, prononcés par le juge Robert Jackson qui déclarait que les crimes du Troisième Reich étaient « si calculés, si malveillants et si dévastateurs que la civilisation ne peut tolérer qu'ils soient ignorés, parce qu'elle ne survivra pas s’ils sont commis à nouveau ».
La réalité, indéniable, est que des crimes similaires sont à nouveau commis au vu et au su du monde entier, par le gouvernement israélien. Et le génocide de Gaza dure depuis un an et demi…
Complicité de l’Union européenne et de l’occident global
Depuis la publication, en mars 2024, d'un premier rapport qualifiant les actions israéliennes de génocide, nombre de fonctionnaires internationaux qui dénoncent le génocide font l'objet d'une campagne de harcèlement incessante. Francesca Albanese, rapporteuse spéciale des Nations Unies pour les droits de l'homme dans les territoires palestiniens, qui travaille sur un rapport visant à faire la lumière sur le rôle des entités financières, des entreprises technologiques et des universités dans le génocide, a reçu une série de menaces de mort et subi d'intenses pressions de la part des États-Unis, d'Israël et de l'UE pour empêcher le renouvellement de son mandat à l’ONU.
En mars 2025, l'organisation humanitaire Amnesty International a condamné l'UE pour avoir refusé de critiquer la rupture par Israël d'un accord de cessez-le-feu en lançant de nouvelles frappes aériennes à Gaza. En réponse à une déclaration du Conseil européen, Eve Geddie (directrice du bureau des institutions européennes d'Amnesty International), notait que l'UE n'avait pas mentionné Israël dans sa déclaration sur les frappes aériennes et le blocus de toute aide humanitaire à Gaza. La déclaration de l'UE se contentait d'exhorter le Hamas à libérer tous les otages, sans mentionner les plus de 4 000 Palestiniens détenus en Israël sans inculpation ni jugement. Amnesty International a qualifié la réponse de l'UE comme « une nouvelle tentative honteuse de justifier le génocide et les crimes de guerre d'Israël contre les Palestiniens ».
Le 3 mai 2025, Francesca Albanese a demandé que les principaux responsables de l'Union européenne soient poursuivis pour complicité dans les crimes de guerre commis par Israël. Dans une série d'interviews et de rapports, Albanese a accusé Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne et Kaja Kallas, la haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères, d'avoir aidé et encouragé des violations du droit international par leur soutien inconditionnel à Israël : « Le fait que les deux plus hautes personnalités de l'UE poursuivent leurs engagements habituels avec Israël est plus que déplorable… L’immunité ne peut être synonyme d'impunité. Elles devront être jugées avant que l'histoire ne le fasse ».
Une plainte officielle a déjà été déposée auprès de la Cour pénale internationale (CPI) accusant Von der Leyen de complicité de crimes de guerre…
Ursula von der Leyen est membre de l'Union chrétienne-démocrate (CDU), le parti dirigé par le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz qui demandait, en octobre 2024, que le gouvernement allemand reprenne les livraisons d'armes à Israël et proposait de déchoir de leur nationalité allemande les personnes ayant la double nationalité qui participeraient à des manifestations contre Israël.
Dès son entrée en fonction le 6 mai, le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz a passé son premier appel téléphonique avec un dirigeant étranger à Nétanyahou. Merz a envoyé Johann Wadephul (ministre des Affaires étrangères), en Israël dimanche et invité le Président israélien, Isaac Herzog, à venir à Berlin.
Il convient de noter que Merz gouverne au sein d'une coalition avec le Parti social-démocrate de l'ancien Chancelier Olaf Scholz, les Verts et le Parti démocrate libre. Quant à Die Linke (parti de gauche), il fait partie intégrante de l'alliance soutenant Israël et c’est grâce à lui que Merz a pu imposer un second vote au Bundestag pour assurer son élection au poste de Chancelier.
En fait, aux côtés de Von der Leyen et Kaja Kalla, les dirigeants des pays membres de l'UE tels que le Français Emmanuel Macron et l'Allemand Friedrich Merz ainsi que le Britannique Keir Starmer, devraient aussi être sur le banc des accusés et jugés pour complicité de crimes de guerre.
Le mal croissant
Le génocide de Gaza dure depuis un an et demi. Pendant cette période, des millions de personnes, partout dans le monde, ont protesté contre les actions criminelles du gouvernement Nétanyahou et de ses soutiens occidentaux et en particulier « européens ». Ces manifestations, malgré les aspirations sincères de leurs participants, n'ont pas réussi à infléchir leur politique. L'acceptation ouverte du nettoyage ethnique et de la famine délibérée par les États-Unis et Israël démontre, avec force, que l'affirmation selon laquelle les protestations contre le génocide de Gaza seraient motivées par l'«antisémitisme» est un monstrueux mensonge. Il est pourtant utilisé pour criminaliser les manifestants qui sont attaqués et arrêtés par les forces de l’ordre.
Le génocide des Palestiniens à Gaza crée non seulement un précédent en matière de politique étrangère, mais aussi de politique intérieure. Trump ainsi que les gouvernements néolibéraux occidentaux pourraient bien considérer les agissements du gouvernement Nétanyahou en matière d’internements et de brutalités comme un modèle pour leurs propres actions contre leurs citoyens.
Ces derniers mois, en effet, des millions de personnes ont participé à des manifestations contre les attaques perpétrées par les gouvernements contre les droits sociaux et démocratiques des classes dominées. Il existe une forte opposition aux licenciements collectifs, aux attaques contre la Sécurité sociale, des retraites, contre le démantèlement de la santé et de l’éducation nationale publiques, etc.
Pour les citoyens, une nouvelle stratégie est nécessaire et urgente. La lutte pour défendre les droits sociaux et économiques doit rejoindre la lutte contre la guerre et la barbarie impérialiste. Cela nécessite la mobilisation de tous pour la sortie de l’UE de l’euro et de l’Otan. Sauf à devenir des victimes consentantes !
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