Le 08-10-2016
Candidat à l’élection de la présidence de la République française au titre du Rassemblement pour la démondialisation à la Conférence internationale organisée par la coordination européenne anti-euro "Que faire après l’Union européenne ?"à Chianciano Terme (Italie), 16-18 septembre 2016
Séance d’ouverture avec les interventions de :
Julio Anguita, coordonnateur de Izquierda Unida (Espagne, par vidéo), Anthony Coughlan Directeur de The National Platform EU Research and Information Centre (Irlande), Inge Höger, Die Linke (Allemagne), Dimitris Kazakis, secrétaire général du Front ui populare – EPAM (Grèce), Leonardo Mazzei, Movimento di Liberazione Popolare - Programma 101 (Italie), Pedro Montes, MS21 (Espagne), Jacques Nikonoff, Rassemblement pour la démondialisation (France), Jacques Sapir, économiste, essayiste (France, par vidéo), Panagiotis Sotiris, secrétariat politique Unité Populaire et « Initiative pour la gauche communiste » (Grèce), Marco Zanni, député européen M5S (Italie).
Mesdames, messieurs, chers amis et camarades,
La déliquescence économique, sociale, morale, sécuritaire, diplomatique du système de l’Union européenne suscite une montée de l’indignation et de la protestation populaire dans tous les pays membres.
À juste titre, car les politiques impulsées par l’Union européenne, et relayées servilement par les pays-membres, martyrisent les peuples.
Ce sont les forces de la droite radicale, dans la plupart des pays, qui désormais captent une grande partie du mécontentement de la population.
Le seul exemple où la gauche dite radicale a connu une dynamique, y compris électorale, est celui de la Grèce.
Avec le résultat que l’on connait : la reddition de Monsieur Tsipras soutenu par quasiment toute la gauche radicale européenne.
Les classes populaires ont de très bonnes raisons de se détourner de la gauche.
Celle-ci, dans sa version social-démocrate, socialiste ou travailliste, a participé activement à la mise en place des plans d’austérité.
C’est le cas en Grèce, en Italie, en Espagne, au Portugal, en France et dans d’autres pays encore.
La gauche, dans sa version communiste ou d’extrême gauche, comme c’est le cas en France, reste engluée dans l’illusion qu’il serait possible de faire évoluer l’Union européenne de l’intérieur, vers des politiques progressistes, et se refuse à la rupture avec le système de Bruxelles.
C’est dans ce contexte que l’on peut observer néanmoins une évolution de certaines forces, en particulier de gauche, qui ont trouvé une formule mi-chèvre mi-choux, ou mi-figue mi-raisin, comme on veut, autour de la notion de Plan B.
La formule peut-être chimiquement la plus pure de cette nouvelle idéologie européiste vient de Monsieur Varoufakis, l’ancien ministre grec des Finances.
Voilà ce qu’il dit à Berlin, en février 2016, lors de la création de son mouvement transeuropéen porteur d’un « Plan B ».
« Il faut démocratiser l’Europe. Face au danger de retour en arrière chauvin vers le cocon illusoire des États-nations, convoquons une convention qui donnerait à celle-ci une véritable constitution d’ici 2025 ».
Une autre formule, proche de celle-ci, vient du Tsipras français, on l’appelle aussi parfois le Varoufakis français, qu’est Monsieur Mélenchon.
Fin juin 2016, sur son compte Facebook, Monsieur Mélenchon affirmait :
« L'heure du plan B va sonner. Ma candidature pour l'élection présidentielle est celle de la sortie des traités européens. L’Union européenne, on la change ou on la quitte. »
Il y a dans ces propos une évolution certaine.
Par exemple, Monsieur Mélenchon ne dit plus « l’euro est à nous, l’euro est à nous ! ».
Il ne traite plus les forces politiques comme la nôtre de « maréchalistes ».
C’est-à-dire d’être des partisans du Maréchal Pétain qui était en France le chef d’État qui a collaboré avec les nazis pendant la Seconde Guerre mondiale, parce que nous luttons pour la sortie de l’euro et de l’Union européenne.
L’évolution de ces personnalités et forces politiques comporte une double caractéristique.
D’un côté, il y en a qui prennent réellement et honnêtement conscience du rôle néfaste de l’Union européenne et qui la remettent en cause.
Ces personnes sont tiraillées, déchirées, entre leur volonté de construire une union européenne à laquelle ils croient profondément, et le spectacle lamentable qu’elle donne aujourd’hui.
Ils évoluent donc vers l’idée d’un Plan B, c’est-à-dire rester dans le cadre politique, institutionnel et juridique de l’Union européenne, tout en essayant de changer ce qui se trouve à l’intérieur de ce cadre.
Il faut leur tendre la main pour les aider à franchir le dernier obstacle, le plus difficile, celui de la prise de conscience que se sont bien les fondements de cette Union européenne-là qu’il faut éliminer, sans tergiverser, sans attendre, sans étape.
D’un autre côté, il y a aussi des gens de toutes sortes qui plaident également pour un Plan B mais qui le font par pur opportunisme.
Comme la pression populaire contre l’euro et l’Union européenne se fait de plus en plus forte, ils adoptent une nouvelle posture.
Il s’agit pour eux de montrer qu’ils sont très critiques envers l’euro et l’Union européenne pour tenter de séduire cet électorat, mais ils utilisent des formules ambiguës qui évitent toujours de dire les choses clairement, sans que cela ne les engage.
Dans cette catégorie nous avons en France Monsieur Mélenchon qui excelle pour brasser du vent.
Ces derniers sont les plus dangereux.
Ils constituent l’ultime rempart, le dernier recours – avec l’extrême droite – de l’Union européenne, en entraînant les citoyens excédés par ce système dans des impasses.
Ils jouent le même rôle que Tsipras en Grèce : bloquer l’évolution des consciences vers l’idée qu’il faut rompre.
Reprenons rapidement les arguments de Messieurs Varoufakis et Mélenchon.
Monsieur Varoufakis dit qu’ « Il faut démocratiser l’Europe. »
Bien sûr il a raison !
Mais il fait un contresens, car ce n’est pas l’Europe qu’il faut démocratiser mais l’Union européenne.
Qui aurait l’idée saugrenue de dire par exemple qu’il faut démocratiser l’Afrique, démocratiser l’Asie, démocratiser l’Amérique ou l’Australie ?
Monsieur Varoufakis confond l’Europe, qui est un continent, avec l’Union européenne qui est une forme politique.
C’est grave à ce niveau.
Mais il ne dit pas comment il compte s’y prendre pour « démocratiser » !
Il a raison de se taire sur ce sujet, cela lui évite le ridicule.
Car une fois que ces belles paroles sont prononcées, elles restent à flotter dans l’atmosphère, sans jamais retomber sur terre.
Et on comprend pourquoi, ce que Monsieur Varoufakis, manifestement, n’a pas encore compris ou fait semblant de ne pas comprendre.
Car le système de l’Union européenne, par construction, par principe, par essence, a été conçu précisément pour anéantir la souveraineté des peuples, là où ils peuvent s’exprimer et peser sur les choix politiques : l’État-nation.
Et par conséquent à éliminer la démocratie.
Monsieur Varoufakis, ensuite, s’alarme du « danger » que représente à ses yeux le « retour en arrière chauvin vers le cocon illusoire des États-nations. »
Il établit ainsi un lien mécanique entre l’État-nation et le chauvinisme.
Oui, c’est vrai, le chauvinisme est une menace permanente, croissante, et il faut lutter contre lui.
Mais le chauvinisme prend de l’ampleur et peut devenir un vrai danger lorsque la souveraineté du peuple est bafouée.
Or, aujourd’hui, la menace principale n’est pas le chauvinisme.
La menace principale est la destruction de la souveraineté du peuple et de la souveraineté nationale des pays membres de l’Union européenne.
C’est pourquoi le Brexit est si important, car dans ce panorama d’écrasement de la souveraineté des peuples, les Britanniques, même avec de nombreuses contradictions, ont fait un acte de souveraineté qui a déstabilisé les oligarques européens.
Monsieur Varoufakis ajoute qu’il faudrait convoquer « une convention » pour donner à l’Union européenne « une véritable constitution d’ici 2025 ».
Les Français, en 2005, par référendum, ont déjà rejeté à 55% le traité constitutionnel européen.
La première raison était le contenu de ce traité qui visait à constitutionnaliser les politiques néolibérales.
Mais il y avait une seconde raison qui concernait le principe même d’une constitution européenne.
Une constitution doit émaner du peuple et, au-delà de ses divisions partisanes, le rassembler très majoritairement sur les fondements des institutions et des valeurs que doit porter la société.
Parler d’une constitution européenne signifie donc que Monsieur Varoufakis croit à l’existence d’un peuple européen.
Au sens de la conception issue de la Révolution française de 1789, le peuple désigne les citoyens qui exercent leur souveraineté en portant l’intérêt et la volonté générales dans le cadre de la nation.
Les classes dominantes, au contraire, luttent contre cette réalisation de l’esprit du peuple, contre l’unité du peuple et agissent pour que la société ne soit qu’un ensemble d’individus.
C’est l’esprit même de la citoyenneté et de la communauté politique qu’elles cherchent à détruire.
Tous ceux qui nient l’existence du peuple comme construit politique, enraciné dans sa nation, en inventant un illusoire peuple européen, participent à la dictature de l’oligarchie.
Ils sapent les principes mêmes de la démocratie, tout en prétendant le contraire.
Ainsi, en voulant nier l’exigence des peuples à la souveraineté dans leurs nations, à être maître chez eux, et en leur substituant un peuple européen qui n’existe pas, Monsieur Varoufakis participe au désarmement des peuples.
Nous sommes à des années-lumière de ces conceptions.
Quant à Monsieur Mélenchon, il veut « la sortie des traités européens », comme il dit.
Mais ceci ne veut rien dire !
La sortie de qui ? De la France toute seule ? D’un groupe de pays ? Mais alors lesquels ? Et comment sort-on ? Quand ? Pour quoi faire ?
Sur toutes ces questions et sur bien d’autres, Monsieur Mélenchon est muet.
Et pour cause, car il est simplement dans une posture électorale.
Et même une imposture.
Monsieur Mélenchon ajoute : « L’Union européenne, on la change ou on la quitte. »
La formule peut paraître séduisante.
Mais c’est une diversion.
Car l’Union européenne ne peut pas être changée dans le sens d’un abandon des conceptions néolibérales sur lesquelles elle repose.
Cette étape, avant de sortir, est parfaitement inutile.
Elle embrouille les esprits.
Elle fait perdre du temps aux peuples et en fait gagner à l’oligarchie.
Il faut donc passer directement à l’étape de sortie immédiate du système de Bruxelles sans créer d’illusions dans la population.
On comprend mieux le caractère totalement superficiel des propos de Monsieur Mélenchon en décryptant cette phrase :
« L'idée d'une Union européenne a été tuée par la caste des eurocrates et la politique d'austérité imposée par le gouvernement allemand. »
Je conteste radicalement ce point de vue qui est d’une faiblesse d’analyse incroyable.
Ce n’est pas l’idée d’une union européenne qui a été tuée, c’est le système actuel de l’Union européenne.
Ce n’est pas du tout la même chose.
Au demeurant – hélas – ce système est loin d’être mort, il bouge encore.
Moi, par exemple, et je ne pense pas être le seul ici, je suis pour une union européenne.
Mais pour y parvenir je considère qu’il faut démanteler ce qui s’appelle aujourd’hui l’Union européenne.
Ainsi, pour construire l’Europe il faut démanteler l’Union européenne.
Monsieur Mélenchon, ensuite, fait porter la responsabilité du discrédit croissant à l’égard de l’Union européenne à ce qu’il appelle la « caste des eurocrates ».
Mais c’est archi-faux !
C’est même stupide !
C’est un scandale de tenir de tels propos !
Sans que cela ne soit dit clairement, Monsieur Mélenchon suggère que les bases du système de l’Union européenne seraient bonnes, mais qu’elles auraient été dévoyées, sapées, détruites par cette « caste des eurocrates ».
Comme il ne la définit jamais, s’agit-il de gremlins ?
Il refuse de voir, ou fait semblant de ne pas voir, que c’est la conception même du système de l’Union européenne à laquelle il faut s’attaquer.
Au lieu de cela, il trouve des bouc-émissaires pour protéger le système.
C’est pourquoi, si je suis un candidat anti-Le Pen, je suis aussi un candidat anti-Mélenchon.
Je voudrais maintenant me faire l’avocat du diable et tenter de répondre à la question à laquelle se refusent de répondre la plupart des partisans de plans B :
« que veut dire réformer l’Union européenne de l’intérieur ? Quel serait le contenu d’un Plan B ? »
Je reformule à ma manière la vraie question qui me semble posée :
« quelles seraient les réformes à conduire, dans le cadre de l’Union européenne, pour que celle-ci freine, module, stoppe et même inverse les politiques néolibérales ? ».
J’aimerais que les partisans de plans B acceptent ce débat et répondent de façon argumentée à ces questions.
Voilà pour moi ce que cela donnerait :
Le problème principal est le traité de Lisbonne et ceci sous trois aspects :
- Le rôle-clé du traité de Lisbonne dans l’architecture du système de Bruxelles.
- Les articles du traité de Lisbonne qu’il conviendrait de changer.
- La faisabilité politique pour réviser le traité de Lisbonne.
Premièrement, la reconnaissance du rôle-clé du traité de Lisbonne dans l’architecture du système de Bruxelles ne devrait pas poser de problèmes entre nous.
Il est le socle, à la fois juridique, institutionnel, politique et idéologique sur lequel repose le système de l’Union européenne.
Toute tentative de transformer l’Union européenne de l’intérieur se heurtera inéluctablement au traité de Lisbonne.
Ceux qui souhaitent un plan B et ceux qui, comme moi, veulent sortir immédiatement et unilatéralement de l’euro et de l’Union européenne, pays par pays, se trouveront probablement d’accord sur ce point.
Ce point d’accord entraîne des conséquences pour les uns comme pour les autres.
Les partisans d’un plan B devront expliquer ce qu’ils veulent changer au traité de Lisbonne.
Quant à ceux qui veulent sortir de l’euro et de l’Union européenne, ils devront décrire la façon dont ils voient les relations avec les autres pays européens une fois qu’ils ne seront plus dans l’euro ni dans l’Union européenne.
C’est pourquoi nous avons un programme détaillé dont vous trouverez le sommaire, en plusieurs langues, à l’entrée.
Deuxièmement, quels sont les articles du traité de Lisbonne qu’il conviendrait de changer dans le sens d’un abandon des politiques néolibérales, si tel est bien l’axe stratégique suivi par les partisans des plans B ?
Je n’ai pas le temps ici de faire une liste exhaustive des articles du traité de Lisbonne concernés, tous le sont quasiment.
Je vais plutôt m’attacher à certains d’entre eux qui me paraissent les plus stratégiques et les plus symboliques.
D’abord le sujet des « compétences exclusives »
Les partisans de plans B veulent-ils conserver ou changer l’article 3 qui traite des « compétences exclusives » de l’Union européenne ?
Je rappelle que dans un certain nombre de domaines, c’est l’Union européenne qui décide, les États-nation n’ont plus leur souveraineté, ceci porte sur 5 domaines :
a)- « l'union douanière ».
b)- « l'établissement des règles de concurrence nécessaires au fonctionnement du marché intérieur ».
c)- « la politique monétaire pour les États membres dont la monnaie est l'euro ».
d)- « la conservation des ressources biologiques de la mer dans le cadre de la politique commune de la pêche ».
e)- « la politique commerciale commune ».
Les partisans de plans B veulent-ils ou ne veulent-ils pas récupérer la souveraineté de leurs pays respectifs sur ces domaines stratégiques ?
En ce qui me concerne, dans mon programme pour l’élection à la présidence de la République française, je considère que la sortie de l’euro et de l’Union européenne que je préconise doit se traduire par la reprise en main totale de la France sur les 5 domaines que je viens de citer.
Cet acte de souveraineté ne signifie pas pour autant que les liens avec les autres pays européens sont rompus.
Des accords bilatéraux, ou même multilatéraux, peuvent être signés entre la France et certains pays européens – si ce n’est tous - pour définir de nouvelles modalités de coopération débarrassées des conceptions néolibérales.
À condition, bien sûr, que ces pays aient envie de mettre un terme aux politiques néolibérales.
Passons maintenant au sujet des accords internationaux.
Le même article 3 précise que l’Union européenne « dispose également d'une compétence exclusive pour la conclusion d'un accord international lorsque cette conclusion est prévue dans un acte législatif de l'Union, ou est nécessaire pour lui permettre d'exercer sa compétence interne, ou dans la mesure où elle est susceptible d'affecter des règles communes ou d'en altérer la portée. »
Les partisans des plans B doivent nous dire si cette clause leur convient.
En ce qui me concerne, elle ne me convient pas du tout.
Chaque pays doit être maître du contenu des accords internationaux qu’il signe.
Ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles que des accords internationaux peuvent contenir des entorses à la souveraineté des nations.
Les accords internationaux, tels que nous les concevons, ne doivent porter que sur des modalités de coopération, sans jamais remettre en cause la moindre parcelle de souveraineté
J’en viens maintenant à l’article 5.
Il stipule que « les États membres coordonnent leurs politiques économiques au sein de l'Union.
À cette fin, le Conseil adopte des mesures, notamment les grandes orientations de ces politiques.
Des dispositions particulières s'appliquent aux États membres dont la monnaie est l'euro.
L'Union prend des mesures pour assurer la coordination des politiques de l'emploi des États membres, notamment en définissant les lignes directrices de ces politiques. »
Les partisans de plans B sont-ils d’accords avec cela ?
Veulent-ils continuer à appliquer les politiques de l’emploi de l’Union qui ont abouti à faire de la zone euro, pour ne prendre que cet exemple, la zone la plus médiocre du monde en matière d’emploi ?
De mon côté, je considère qu’il faut fuir toutes les recommandations économiques de l’Union européenne et affirmer une souveraineté nationale totale sur les politiques monétaires, économiques et de l’emploi.
Je vais m’arrêter là, en citant simplement les articles et les sujets sur lesquels nous attendons impatiemment des explications des partisans des plans B :
L’article 26 qui stipule que « le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures dans lequel la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux est assurée selon les dispositions des traités. »
L’article 63 qui stipule que « toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites. »
L’article 119 qui définit les fondements de la politique économique qui doit être « conduite conformément au respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. »
Ce même article définit également les principes de la politique monétaire qui écartent la recherche du plein-emploi pour ne se focaliser que sur le contrôle de l’inflation :
« Cette action comporte une monnaie unique, l'euro, ainsi que la définition et la conduite d'une politique monétaire et d'une politique de change uniques dont l'objectif principal est de maintenir la stabilité des prix et, sans préjudice de cet objectif, de soutenir les politiques économiques générales dans l'Union, conformément au principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre. »
L’article 120 reprécise les dogmes néolibéraux qui irriguent tout le traité de Lisbonne :
« Les États membres et l'Union agissent dans le respect du principe d'une économie de marché ouverte où la concurrence est libre, favorisant une allocation efficace des ressources. »
L’article 123, lui aussi, est très intéressant, car il précise qu’il « est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres d'accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l'Union, aux administrations centrales, aux autorités régionales ou locales, aux autres autorités publiques, aux autres organismes ou entreprises publics des États membres ;
l'acquisition directe, auprès d'eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. »
Etc.
Troisièmement, les partisans de plans B doivent s’expliquer sur la faisabilité politique pour réviser le traité de Lisbonne.
Comment comptent-ils s’y prendre ?
Car pour réviser le traité de Lisbonne, il faut que tous les États-membres soient d’accord, à la virgule près.
On peut établir à ce propos la proportionnalité suivante : plus les propositions de révision du traité de Lisbonne auront un contenu anti-libéral, et moins il y aura de pays pour accepter cette révision.
En disant cela je ne fais qu’enfoncer une porte ouverte.
Il m’apparaît donc totalement impossible de soutenir la thèse de plans B, car les conditions politiques concrètes, celles d’aujourd’hui et pour encore un certain nombre d’années, ne sont pas du tout favorables à une transformation en profondeur du traité de Lisbonne, dans un sens anti-libéral.
Je ne vois donc qu’une seule stratégie efficace : celle de la sortie unilatérale, pays par pays, en fonction du rythme des mobilisations populaires, et certainement pas avec l’article 50 qui est un piège grossier.
Je veux maintenant conclure.
Le plus difficile, le plus navrant, le plus désarmant, pour nous, est certainement de combattre la naïveté et les bons sentiments de beaucoup de citoyens à l’égard de « l’Europe ».
Qui, en effet, ne serait pas spontanément, intuitivement, immédiatement, favorable à l’union européenne plutôt qu’à la désunion, à la paix plutôt qu’à la guerre, à des politiques sociales plutôt qu’à des politiques antisociales ?
Et pourtant, au-delà des mots et de la langue de coton utilisés par l’Union européenne pour faire croire à ces histoires écrites pour endormir les enfants, celle-ci est de plus en plus assimilable à la désunion des peuples, à la guerre, au délabrement social, démocratique et environnemental.
Il existe en effet une « essence » de cette « construction » européenne, et il nous faut poursuivre nos explications sur cette réalité pour que chaque citoyen s’en pénètre.
Les plans B, de fait, ne remettent pas en cause cette essence et, par leur silence sur le sujet, laissent entendre qu’elle serait acceptable.
L’Union européenne est dotée de caractéristiques fondamentales, d’un caractère propre.
Elle possède des forces propulsives internes qui en expliquent les logiques profondes et en indiquent la direction prévisible.
Ce sont les valeurs et les intérêts des classes dominantes occidentales.
Rappelons que l’impulsion initiale pour créer une structure européenne ne vient pas d’Europe mais des États-Unis, dès 1942-1943, avec une accélération à partir de 1948.
Le but : reconstruire le capitalisme après la Seconde Guerre mondiale, sous leadership américain, pour faire face à l’URSS, en attachant l’Europe de l’Ouest aux États-Unis.
Dans ce cadre, pour les dirigeants américains, des formes d’union européenne étaient indispensables pour :
• Acheter la production de masse américaine au moment où il s’agissait de convertir l’industrie de guerre en industrie civile et d’offrir des emplois aux GI’s qui rentraient au pays.
• Aider l’Europe à produire ses propres armements contre l’URSS et le bloc soviétique, les États-Unis d’Amérique ne pouvant tout faire.
• Contrecarrer le communisme intérieur en Europe, particulièrement en France et en Italie.
Voilà ce que dit le pape du néolibéralisme, Friedrich von Hayek, dès 1939 :
« La fédération [européenne] devra posséder le pouvoir négatif d’empêcher les États individuels d’interférer avec l’activité économique ».
Il ajoute :
« Une fédération signifie qu’aucun des deux niveaux de gouvernement [fédéral et national] ne pourra disposer des moyens d’une planification socialiste de la vie économique ».
C’est très clair, et c’est le fondement de l’Union européenne, il fallait briser les souverainetés nationales pour empêcher tout risque de socialisme, et même, sans aller jusque-là, empêcher tout risque de politiques favorables à l’intérêt des peuples.
Toute l’idéologie européenne s’appuie sur la croyance insensée que l’on peut résoudre les problèmes du monde en établissant un ordre quasi-intégralement marchand.
C’est l’effacement de toute volonté devant le marché total, comme en témoigne le traité de Lisbonne.
C’est pourquoi le traité de Lisbonne n’est pas révisable, il ne faut pas le réviser, il faut le démanteler et tout le système de Bruxelles avec lui !
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