Le 16-04-2021
Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Parti de la démondialisation chargé des relations internationales
En 2020 l’Organisation mondiale du commerce (OMC) était en crise. On ne s’en plaignait pas. Tout avait commencé le 14 mai. Le directeur général de l’OMC, le Brésilien Roberto Azevedo, en poste depuis 2013, annonce alors et contre toute attente, sa volonté de démissionner plus d’un an avant la fin de son mandat. Pourquoi ? Il rejoint PepsiCo afin de s’occuper des politiques publiques, des affaires gouvernementales et des efforts de communication…
Mais le fond de la crise remonte à plus tôt. En réalité, en rade depuis 2003 et l’échec du « Round de Doha pour le développement », l’OMC est paralysée depuis plusieurs années par le refus des États-unis de renouveler les juges d’appel de son organe de règlement des différends (ORD).
A cela s’est ajoutée une montée de la contestation de la mondialisation néolibérale accentuée récemment par la crise du coronavirus déstabilisant la « chaîne d’approvisionnement mondiale » et favorisant des relocalisations et des mesures protectionnistes.
Election de la nouvelle tête de la direction de l’OMC
Pour prendre la tête de l’OMC, huit candidats s’étaient fait connaître, dont deux femmes : la Sud-Coréenne Yoo Myung-hee, soutenue par les USA, et la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala ayant la faveur de la majorité. Il a fallu trancher pour sortir du blocage !
Finalement, c’est Joe Biden qui va décider. Après un coup de fil au président sud-coréen, Yoo se retire… Car, bien sûr ce petit monde s’arrange : depuis 1944, les Etats-uniens décident de la présidence de la Banque mondiale (BM) et les « Européens » de la direction du Fonds monétaire international (FMI).
Fin du suspense (!), moment historique, tous les superlatifs sont de sortie. Okonjo-Iweala sera la première femme et la première Africaine directrice générale de l’OMC !
Le pédigrée d’Ngozi Okonjo-Iweala dit tout
Economiste et spécialiste du développement, celle que l’on nomme « Dr Ngozi » est née au Nigéria en 1954 et possède également la citoyenneté américaine. Elle a été, deux fois, ministre des Finances du Nigéria et, en même temps, numéro deux de la Banque mondiale, dont elle ratera la présidence en 2012 au profit de Jim Yong Kim, choisi par les USA. Lors de la fin de la dictature au Nigéria (en mai 1999), Okonjo-Iweala a participé activement à la mise en place des politiques néolibérales comme conseillère du Président Olusegun Obasanjo et ensuite comme ministre des Finances. Son bureau était un poste-avancé du FMI et de Banque mondiale. En effet, elle y a truffé les administrations d’employés, actuels ou anciens, de la Banque mondiale et du FMI et d’autres thuriféraires des politiques néolibérales.
Le résultat, prévisible pour le Nigéria ne s’est pas fait attendre : privatisations et austérité. Okonjo-Iweala est celle qui a supprimé les subventions sur les carburants (en janvier 2012), conduisant аu doublement des prix des transports alors que les Nigérians estimaient que la subvention sur les carburants était le seul avantage qu’ils recevaient de la vaste richesse pétrolière de leur pays. Une forte augmentation générale du coût de la vie a provoqué une grande grève nationale et les protestations appelées « Occupy Nigeria », qui furent rejointes par de nombreux artistes.
L’OMC de demain sera la même en pire…
Au vu d’un tel passé et un tel passif, l’élection d’Okonjo-Iweala consiste donc simplement à faire porter à l’OMC un masque africain pour continuer tranquillement à étendre le libre-échange, à renforcer l’emprise des grandes multinationales, bref à servir avec zèle le néolibéralisme.
D’ailleurs, les priorités exprimées par la Directrice générale pour l’avenir de l’OMC sont claires. Eliminer les restrictions au commerce, pousser à la conclusion des négociations sur les subsides à la pêche et sur l’e-commerce. Nous reviendrons prochainement sur le désastre, au détriment des pays et des populations les plus pauvres, annoncé par l’accord sur l’e-commerce qui se profile.
A suivre donc !
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