CETA-MERCOSUR – L’agriculture, variable d’ajustement

 

Par Yves Rouillé membre du bureau politique du Pardem

le 21 avril 2018

 ceta mercosur

Traité Union européenne-Mercosur

Alors que le CETA n’est toujours pas ratifié par les parlementaires français et qu’il peut être remis en cause par ces derniers, c’est au tour de l’accord de libre-échange UE-Mercosur d’entrer en phase de signature.

Ce qui est en jeu

L’agriculture semble bien servir de monnaie d’échange pour l’ouverture du traité avec le Mercosur (Argentine, Brésil, Uruguay et Paraguay) aux produits industriels et aux services européens. A l’exception du vin, l’agriculture française, au regard des flux des produits agricoles des deux blocs s’en va vers un avenir incertain. Naturellement il n’est pas aisé d’en mesurer les conséquences dans la mesure où la Commission européenne reste d’une totale opacité sur ses propositions et sur les simulations qu’elle a pu réaliser. Cependant, des éléments nous permettent de mesurer les difficultés supplémentaires pour nos agriculteurs et les dangers pour la santé si ce traité était signé et ratifié.

C’est bien le scandale de l’Union européenne qui signe des accords de libre-échange globaux pour les 28 pays en passant au-dessus les intérêts singuliers des États. Des accords bilatéraux sont utiles et nécessaires à la condition exclusive qu’ils soient partiels, ciblés, pour que les intérêts de toutes les populations soient préservés.

Viande bovine, secteur exposé

Les pays du Mercosur fournissent déjà trois quarts de la viande bovine importée par l’Union européenne, soit 230 300 tonnes équivalent carcasses (tec) en 2017.
Dans sa dernière offre, l’Union européenne propose d’ouvrir un contingent supplémentaire d’importation de 70 000 tec mis en œuvre sur six ans taxé à hauteur de 7,5%. (Le chiffre de 99 000 tec circule aussi). Sous l’effet cumulé de l’accord avec le Canada (65 000 tec) et de l’accord avec le Mercosur, ce sont 135 000 à 164 000 tec qui débarqueraient progressivement sur le marché européen. Ce nouvel accord ferait planer une épée de Damoclès au-dessus de l’élevage français. Les spécialistes prévoient qu’il n’y aura pas forcément de conséquences immédiates, mais une multiplication par 2 ou 3 du risque de baisse brutale et probablement durable des prix.. Actuellement, en effet, les exportateurs sud-américains commercialisent leur viande à un tarif un peu en dessous des Européens (1 à 2 €/kg) mais bien au-dessus de leur seuil de rentabilité. Avec l’ouverture d’un contingent supplémentaire, certains pourraient casser les prix pour s’imposer si le marché devenait de plus en plus concurrentiel.

Volaille : Brésil, premier exportateur mondial

En 2016, l’UE a importé 831 000 tonnes de volaille dont la moitié en provenance du Brésil. Et le contingent « poulet » est rempli à 100% ce qui n’est pas le cas de tous les produits. Si il est ouvert davantage, nul doute que le poulet brésilien arrivera en grande quantité. La dernière proposition est de 78 000 tonnes supplémentaires mais les rumeurs font état de 100 000 tonnes.
Une autre préoccupation se fait jour avec le Brexit. Sur les 831 000 tonnes importées, 30 à 40% se retrouvent au Royaume Uni. Si le marché européen ne récupère pas une partie des contingents existants, il risque l’engorgement, et la France serait le pays le plus impacté.

Porc : des importations à prix très bas mais ne présentant pas toutes les garanties sanitaires

Tout accord avec ces pays présente plus d’inquiétudes, voire de danger, que d’opportunités. Le contingent prévu lors de la dernière proposition était de 12 250 tonnes. Le Brésil, quatrième producteur et exportateur mondial, avec des coûts de production faibles, sera bien positionné pour prendre ce marché. Sa production ne présente pourtant pas toutes les garanties sanitaires. Entre le scandale de la viande avariée en 2017, de la fièvre aphteuse, de la peste porcine ou l’utilisation de produits interdits en France comme la ractopamine, les fameuses normes auront bien du mal à être respectées. Ce n’est pas seulement de la survie de nos agriculteurs dont il est question mais aussi de la possibilité ou non de nourrir la totalité de la population sainement.

Maïs et blé avec OGM et produits phytosanitaires interdits en Europe. Là encore, les normes âne seront pas respectées

En céréales, les dernières négociations évoquent 700 000 tonnes de maïs et 200 000 tonnes de blé qui pourraient être fournies par l’Argentine, seul pays du Mercosur avec des excédents exportables. En Amérique latine, les coûts de production sont plus bas que dans l’Union européenne de 20 à 50% (pour la France c’est plutôt 50%), selon les produits, grâce notamment aux OGM. Monsieur Macron peut claironner devant les jeunes agriculteurs qu’il n’y aura jamais d’OGM en France, il serait plus lucide de ne pas le croire sur parole.

Monsieur le député de Bayeux, Bertrand BOUYX, de LREM, nous reproche de nous focaliser sur l’agriculture

Lors de notre visite à sa permanence afin de connaître sa position mais aussi et surtout de lui demander de voter contre la ratification du traité UE-Canada (CETA) prévue au second semestre 2018 en France, ce député nous a fait cette remarque. « Vous ne semblez vous intéresser qu’a l’agriculture, mais d’autres secteurs, tel que le vin, ou l’industrie automobile auront des opportunités ». De là à penser que la politique de cette majorité « Macroniste » puisse détruire des secteurs essentiels comme notre souveraineté alimentaire aux profits d’autres secteurs, il n’y a qu’un pas.
Il faut cesser de soustraire des choux et d’additionner des automobiles ! Il n’est pas acceptable de mettre en balance un secteur vital au sens propre pour le pays, l’agriculture, avec un hypothétique développement de l’industrie automobile en Amérique du sud. Les emplois perdus par l’agriculture en France ne peuvent pas être compensés par les usines construites là-bas. Les constructeurs automobiles et leurs actionnaires y trouveront leur compte, pas les travailleurs français. Refusons tous les traités de libre-échange, du CETA au Mercosur et maintenons en France une agriculture qui assure notre souveraineté alimentaire et un tissu industriel qui assure notre indépendance économique.

Il faut rendre caduc le traité UE-Canada

Le Pardem a initié une action qui consiste à aller voir les députés et sénateurs pour qu’ils refusent de ratifier le traité UE/Canada à la fin de cette année. Si un pays membre de l’UE refuse la ratification du traité, celui-ci est caduc. Il faut que parmi la population, celles et ceux qui se sentent concernés par une alimentation saine et de qualité, veulent défendre l’agriculture française, rencontrent les parlementaires pour les mettre sous pression localement. Et pour ceux qui sont parlementaires et qui « demandent » un référendum sur le sujet, on ne peut que les inciter à faire le travail de persuasion auprès de leurs collègues. Ce sera beaucoup plus efficace et plus réaliste.
Vous pourrez nous signaler le résultat de votre entrevue avec vos députés et sénateurs en nous faisant parvenir l’information à secretariat@pardem,org ou par courrier postal : 12, rue de la Gare 29140 Kernével.

Partout interpellons nos élus pour qu’ils refusent d’entériner cette forfaiture.
Vous trouverez toutes les informations sur la campagne du Pardem en cliquant ici.