Le 30-04-2022
Déclaration de la Coordination nationale boycott présidentielle 2022
La Coordination nationale boycott présidentielle 2022 se félicite que des millions de citoyens se soient abstenu ou aient voté blanc ou nul au second tour de l'élection présidentielle. Beaucoup, par ce geste politique, ont voulu rejeter le système présidentialiste et ont refusé de choisir entre la peste et le choléra. Cependant, les objectifs que nous nous étions fixés n'ont pas été atteints. En effet, la somme des abstentions, des blancs et des nuls est restée inférieure au nombre de voix obtenues par Monsieur Macron. Sur 48,7 millions d’électeurs inscrits, l'abstention fait 13,6 millions (28 %), les blancs 2,2 millions (4,5 %) et les nuls 0,7 million (1,6 %), soit un total de 16,5 millions (34,1 % des inscrits). De son côté, Monsieur Macron rassemble 18,7 millions de voix (38,5 % des inscrits) contre 20,743 millions en 2017. Quant à Madame Le Pen, avec 13,2 millions de voix (27,2 % des inscrits) elle accroit ses voix de 2,659 millions mais elle fait nettement moins que les abstentions, les blancs et les nuls.
Le score de l'abstention progresse de 2,6 % sur 2017 (25,4 %). Le total abstention, blanc et nul reste néanmoins stable (34 % en 2017) contre 34,1 % en 2022, car en 2022 les blancs et nuls sont moins nombreux qu'en 2017. Le total abstention, blancs et nuls de 2022 est malgré tout le deuxième meilleur score dans l'histoire de l'élection présidentielle, après 1969 (35,5 %). Encore convient-il de noter que lors de l'élection présidentielle de 1969, le PCF, dont le candidat Jacques Duclos avait recueilli 4,8 millions de voix au premier tour (21,2 %), avait appelé à l'abstention ou au vote blanc au second tour. Pour le PCF, en effet, les deux finalistes Georges Pompidou et Alain Poher étaient « bonnet blanc et blanc bonnet ». Bien entendu, ce slogan ne pouvait s’appliquer à Monsieur Macron et à Madame Le Pen. L'impossibilité de choisir entre la peste et le choléra, comme nous l'avons fait, avec bien d'autres, était beaucoup mieux adapté à la situation. Imaginons que LR et sa candidate Madame Pécresse, comme la cohorte des partis de gauche, syndicats, associations, ONG, artistes, sportifs, intellectuels, plutôt que d'appeler à voter Macron, aient appelé au boycott du second tour… Il n’aurait alors fait aucun doute que la somme des abstentions, des blancs et des nuls aurait été nettement supérieure au nombre de voix obtenues par Monsieur Macron. Dans ces conditions, Monsieur Macron aurait été évidemment élu, mais il aurait été clairement et incontestablement massivement illégitime. Autrement dit, son autorité aurait été gravement affaiblie, la confiance en lui altérée, sa capacité de gouverner entravée, la fonction présidentielle contestée car ne reposant que sur un dispositif électoral contestable, puisque permettant qu'un candidat ne représentant qu’un tiers des électeurs soit élu président de la République. Un nouveau rapport de force politique serait né au lendemain de la présidentielle, favorable au peuple qui aurait certes subi une défaite électorale mais qui aurait remporté une victoire politique. Les élections législatives se seraient alors présentées dans de bien meilleures conditions que celles d'aujourd'hui.
Il n'en reste pas moins que la légitimité de Monsieur Macron (38,5 %), deuxième président le plus mal élu de la Ve République après Georges Pompidou en 1969 (37,5 %) est très affaiblie et contestable. Car 61,5 % des électeurs - les 2/3 - n'ont pas voulu de lui au second tour !
Le résultat de cette élection ne présente aucune surprise. Il était déjà connu depuis le lendemain de l'élection présidentielle de 2017. Non par manipulation du scrutin, mais grâce au dispositif politique et institutionnel mis en place initialement par François Mitterrand au milieu des années 80 pour trouver une solution artificielle à l'affaiblissement de la gauche à la suite du déclenchement du « tournant de la rigueur » (introduction du néolibéralisme). Son but était de diviser la droite en fabriquant le personnage Le Pen et en aidant à la promotion du Front national. Depuis 2002, lorsque Jacques Chirac a obtenu 82 % des voix exprimées au second tour de l'élection présidentielle face à Jean-Marie Le Pen, ce dispositif a pris un nouvel élan. Les oligarchies de gauche et de droite ont alors compris que l'agitation de l'épouvantail Front national était la garantie pour leurs candidats respectifs d'être élus au second tour de l'élection présidentielle et, grâce à l'inversion du calendrier électoral, d’obtenir une majorité confortable à l'Assemblée nationale afin d'éviter toute cohabitation. C'est pourquoi il était vain de présenter des candidats, même avec de bons programmes (qui n'ont d'ailleurs aucune valeur juridique), car l'élection présidentielle ne sert plus à sélectionner les bons programmes et les personnalités qui les portent. Elle ne sert qu'à choisir le moins pire des candidats, désigné par l'oligarchie, face au pire que serait l'épouvantail du représentant de la famille Le Pen.
Pourquoi Monsieur Macron ne pouvait que gagner, et Madame le Pen que perdre ?
La politique de Monsieur Macron, ces cinq dernières années, dure et violente pour les pauvres, a été plébiscitée, en revanche, par les classes moyennes supérieures. Représentant la classe dominante, le président de la République s’est mis à leur service (suppression de l’ISF…) et à celui de leurs collaborateurs des classes très aisées. Mais cette sociologie de l’électorat Macron, sur le plan quantitatif, ne pouvait suffire pour emporter la victoire. Il fallait agréger d'autres catégories sociales pour faire nombre. C'est l'objectif de la diabolisation du Front national, présenté comme « fasciste », alors qu'il est devenu un parti de droite, médiocrement néolibéral, dont la spécificité est la double obsession de l'immigration et de l'insécurité. Il ne s'agit pas, ici, de nier les problèmes complexes posés par l'immigration et l'insécurité. Mais ces phénomènes ont une origine sociale et non individuelle, ils sont le résultat des politiques néolibérales conduites depuis des années par la droite comme par la gauche. Ce sont à ces politiques et à leurs conséquences sur la société qu’il faut s'attaquer, et non aux personnes. La politique détestable qui consiste à jeter de l'huile sur le feu ne fait que diviser le peuple et ne résout aucun problème.
Ainsi, tous les partis politiques ou presque, de gauche comme de droite, tous les syndicats, toutes les associations et ONG, tous les médias et journalistes, tous les artistes et intellectuels ou presque ont appelé à voter Macron pour « faire barrage » à Marine Le Pen. Dans ces conditions, comme en 2017, face à cette puissance de feu, la candidate du RN n'avait aucune chance.
Deux facteurs imprévus, qui auraient pu déstabiliser Monsieur Macron, l'ont au contraire renforcé. Le premier est la pandémie du COVID-19. Malgré les mensonges, les violences, les incohérences, l’exercice d'un pouvoir solitaire et autoritaire, la très grande majorité de la population considère que le président de la République a géré correctement la situation. Le second élément est la guerre en Ukraine qui a permis à Monsieur Macron d'apparaître, pendant la campagne électorale, comme un ardent défenseur de la paix et du dialogue, même s'il n'a fait que s'aligner sur les États-Unis et l'OTAN, brasser du vent et accumuler les revers.
De son côté, Madame le Pen ne pouvait que perdre. Malgré ses efforts de « banalisation », elle reste encore très associée à l'image de son père Jean-Marie Le Pen. Le RN, pour beaucoup de citoyens, reste toujours le FN avec son racisme et sa violence verbale, sa vision autoritaire et inégalitaire de l'État et de la société. Toutes choses qui heurtent le vieux fond chrétien, égalitariste et républicain profondément ancré dans la société française. Sur le plan électoral, elle ne dispose toujours pas des réserves de voix lui permettant de gagner la présidentielle au second tour. Enfin, même si elle avait été élue présidente de la République, Madame Le Pen n'aurait pas eu de majorité parlementaire pour appliquer sa politique. Cela lui a ôté une grande partie de sa crédibilité dès le premier tour. Certes, elle gagne 2,7 millions de voix en 2022 par rapport à 2017. Certains, dès lors, s'inquiètent une nouvelle fois d'une progression imaginaire du « fascisme ». Ces voix, pourtant, ne viennent absolument pas d'une conversion de ces nouveaux électeurs à l'idéologie « fasciste ». Elles viennent d'une partie des électeurs de Monsieur Mélenchon, de Madame Pécresse, de Monsieur Zemmour et de Gilets jaunes qui ont ainsi manifesté leur haine de Monsieur Macron. Si Monsieur Mélenchon avait été présent au second tour, les mêmes auraient certainement voté pour lui à peu près dans les mêmes proportions (sauf les électeurs Zemmour, Pécresse et Hidalgo). C'est ce qu'il s'est passé à l'envers dans les territoires d'outre-mer. Au premier tour, Monsieur Mélenchon fait un carton. Absent au second tour, une grande partie des voix qui se sont portées sur lui sont allées à Madame Le Pen. Cependant, le choix de voter Le Pen était stérile dès le départ. En effet, c'est la détestation de Macron qui a pris le pas sur le raisonnement politique et le combat contre le présidentialisme. L'action la plus efficace politiquement était le boycott, seul capable de priver le système présidentialiste et Monsieur Macron de légitimité. Ces électeurs, en quelque sorte, ont instrumentalisé Madame Le Pen qui n'est pas propriétaire de ces voix. Mais l'effet politique est très faible, voire inexistant.
En 2027 : le grand risque d’un bis repetita !
Déjà, pour la présidentielle de 2027, les couteaux s’aiguisent. Monsieur Macron ne pourra pas y concourir puisqu'il aura fait deux mandats (à moins de réviser la Constitution !). On voit très bien le dispositif que la classe dominante est en train d'élaborer. Elle devra faire une nouvelle fois avec Madame Le Pen, très probablement, car 2022 est une victoire politique et personnelle pour elle, à défaut d'être une victoire électorale. Mais comme elle est montée trop haut en nombre de voix, il faudra que la classe dominante renforce l'exposition médiatique de Monsieur Zemmour et de Madame Marion Le Pen, affectés à la tâche de ronger l'électorat de Marine Le Pen. Ainsi, trois épouvantails au lieu d'un seul seront injectés dans le jeu politique comme cela vient d'être testé à cette présidentielle. Le même schéma que celui en place depuis 2002 va se reproduire… L'incertitude, à cette étape, est évidemment le choix de l'individu qui représentera les intérêts de la classe dominante. Édouard Philippe semble le mieux parti pour le moment, mais d'autres vont émerger...
L'enjeu des élections législatives est d’empêcher Monsieur Macron d'obtenir une majorité à l'Assemblée nationale
Monsieur Mélenchon a repris la formule très contestable de « troisième tour » de la présidentielle pour parler des élections législatives du mois de juin prochain. Il s'inscrit ainsi dans la logique présidentialiste dont l'un des objectifs est d'affaiblir le Parlement grâce à l'élection du président au suffrage universel direct et à l'inversion du calendrier électoral. Non, les élections législatives ne sont pas le troisième tour de l'élection présidentielle ! Elles sont les élections les plus importantes, bien plus que la présidentielle. On le voit nettement lors des cohabitations, puisque c'est alors le Premier ministre qui dirige le Gouvernement et non le président de la République. Les élections législatives sont également, par principe, beaucoup plus démocratiques que l'élection présidentielle car elles ne visent pas à confier d'immenses pouvoirs à un homme seul. Les élections législatives des 12 et 19 juin sont loin d'être gagnées pour Monsieur Macron. À la différence de l'élection présidentielle, rien n'est joué d'avance.
Écartons immédiatement, compte tenu du mode de scrutin particulièrement injuste, la possibilité d'une majorité LFI ou RN. Ces deux blocs ont vu leurs scores gonfler artificiellement à la présidentielle. Monsieur Mélenchon, au premier tour, a bénéficié d'un vote « utile » en siphonnant une partie de l'électorat du PS, du PCF, d’EELV. Madame Le Pen, au second tour, a bénéficié de reports de voix d’électeurs de Madame Pécresse et de Messieurs Mélenchon et Zemmour. Aux élections législatives, les électeurs qui ont voté « utile » à la présidentielle, voteront cette fois-ci très probablement pour leur candidat de cœur. Il ne faut donc pas s'attendre à une forte poussée, au premier tour, des blocs LFI et RN.
Abstentionnistes, votes blancs et nuls, faites irruption aux législatives !
Une autre stratégie est possible pour empêcher Monsieur Macron d'avoir une majorité à l'Assemblée nationale. Elle consiste, au premier tour, à voter pour le candidat correspondant le mieux à ses idées, comme pour une élection « normale ». En revanche, au second tour, il faudra voter pour le candidat ayant la plus forte chance de battre le candidat macroniste. Quel que soit ce candidat à condition qu'il affiche une volonté de s'opposer à la retraite à 65 ans, au démantèlement des services publics et à la vassalisation de la France au nom d'une pseudo « souveraineté européenne », qu'il se prononce pour le référendum d'initiative citoyenne (RIC). Chacun saura ce qu'il a de mieux à faire… L'objectif est d'empêcher une majorité macroniste. Il est vraisemblable que dans le contexte actuel, la seule majorité possible ne viendra pas de l'un des trois blocs issus de la présidentielle, mais du morcellement politique qu'annoncent ces législatives.
Cette stratégie aura d'autant plus d'impact si les abstentionnistes, les votes blancs et nuls de la présidentielle se mobilisent cette fois-ci pour aller voter aux législatives. Avec 16,5 millions de voix, ils ont les moyens d'infliger une raclée aux candidats macronistes. Le nouveau type de cohabitation qui pourra résulter de cette mobilisation remettra le Parlement au centre de la vie politique. Le système présidentialiste sera mis entre parenthèses. Monsieur Macron sera ligoté. Nul ne peut prévoir ce que donnera et ce que fera cette nouvelle majorité. Il est toutefois certain qu'elle ne fera pas du Macron… Et comme toujours, c'est l'intervention du peuple qui sera décisive…
Après les élections législatives, l'heure sera à la reconstitution du peuple comme force politique autonome, via la création de comités locaux constituants partout en France.
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