L’Ukraine prisonnière de ses créanciers

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Ukraine FMI/UE
"Nous pouvons payer, mais je veux un serrage de ceinture  à la manière grecque" Caricature de PARESH NATH, THE KHALEEJ TIMES, UAE

Par Joël Perichaud, Secrétaire national du Pardem aux relations internationales

Les analyses sur la situation en Ukraine omettent toutes - est-ce un hasard ? - l’examen de la situation financière de ce pays que Zbigniew Brzezinski, (soutien inconditionnel de l'expansion de l'OTAN aux ex-États soviétiques), qualifie dans son livre Le Grand Échiquier (1997) de « pivot géopolitique ». Dans cet ouvrage, il théorise et approfondit l’idée que le contrôle de l’Ukraine amène au contrôle de la masse continentale de l’Eurasie. Il faudrait donc, par tous les moyens, séparer l’Ukraine (mais aussi «l’Europe») de la Russie, y compris la Crimée, russe depuis le XVIIIe siècle et Catherine II. Cette stratégie a été mise en place dès les années 1980 (avant la chute de l’URSS) avec le concours des médias et, c’est de notoriété publique aujourd’hui, de la CIA, d’ONG financées par cette dernière, et de fondations (notamment la fondation pour l’Ukraine de Soros toujours en activité) qui ont soutenu de nombreuses activités dissidentes AINSI QUE des groupes de la société civile à Kiev (mais aussi en Pologne, en République tchèque, etc.). De plus, les instruments financiers supra-nationaux (Fond monétaire international, Banque mondiale), dominés par les États-Unis, sont aussi mobilisés pour faire pression sur les gouvernements nationaux afin qu’ils appliquent des politiques néolibérales en échange de financements (prêts). Nombre de pays dans le monde, sur tous les continents, sont de fait, via « la dette », dans les « mains » de la finance et des puissances occidentales dirigées par les USA. C’est le cas de l’Ukraine depuis des années. Explications.

La dette ukrainienne, construction du capital mondialisé

Lors de sa déclaration d’indépendance, le 24 août 1991, l’Ukraine n’avait pas de dette. Et pour cause : Comme tous les pays du « bloc de l’Est » elle ne finançait pas son développement en empruntant sur les marchés financiers ou au Fond monétaire international (FMI). À partir de la dissolution de l’Union soviétique, le 26 décembre 1991, tout a changé.
L’offensive conjuguée des États-Unis, de l’Union européenne (UE), de l’OTAN et du FMI, destinée à ancrer « définitivement » les ex-pays de l’URSS dans l’économie de marché et dans le « bloc occidental », s’est déployée par l’extension à marche forcée de l’OTAN sur le plan militaire et de l’UE et du FMI sur le plan économique. Pour ce faire, des « changement de régime » ont été opérés par le biais de « révolutions colorées », orange ou autres.
C’est donc à partir de 1994 que l’Ukraine a commencé à s’endetter auprès du FMI et de la Banque mondiale (BM) en signant un premier accord. En 1995, un crédit de 1,49 milliard de dollars du FMI est signé par Viktor Youchenko (gouverneur de la banque centrale d’Ukraine à l’époque) avant qu’il ne devienne leader de la néfaste « Révolution orange ». Depuis lors, avec sa représentation permanente à Kiev, le FMI impose son diktat aux gouvernements en place par le biais de 13 autres accords de prêts signés ces 30 dernières années. 
Et pour chaque accord signé le FMI exige, encore et encore, l’approfondissement des politiques néolibérales qui ont des effets néfastes sur les conditions de vie de la population des pays signataires : dégradation des services publics, privatisations des biens nationaux, réduction des salaires et de la protection sociale, réformes des retraites, etc. 
L’Ukraine, comme d’autres pays de l’Est, s’est vue appliquer une succession de « thérapies » de choc du FMI qui ont été mises à profit par les oligarques locaux et les entreprises étrangères pour s’enrichir… Et faire exploser la corruption.

En ce qui concerne l’Ukraine, le rôle du FMI et de la BM est facile à identifier puisque ce pays n’avait pas de dette extérieure avant leur entrée en jeu. De 1994 à 1999, afin de convaincre les Ukrainiens que la politique néolibérale de leurs gouvernants, alignés sur le duo FMI-BM, annonçait la prospérité, les deux institutions mafieuses ont octroyé des crédits importants tout en reportant le début des remboursements. Ceux-ci n’ont donc représenté un poids important pour le budget de l’État qu’à partir de l’année 2000. Et le « piège» de la dette s’est refermé… Entre 2000 et 2007, l’Ukraine a remboursé 4 milliards de dollars tandis qu’elle ne recevait que 700 millions en nouveaux crédits. Après l’éclatement de la crise financière en 2007-2008 et ses conséquences sur l’économie mondiale, l’Ukraine a reçu une flopée de nouveaux crédits jusqu’en 2011, avec report des remboursements. C’est pourquoi, entre 2008 et 2010, elle a reçu 14,3 milliards de nouveaux crédits du FMI et n’a remboursé que 800 millions. Mais à partir de 2011, le FMI et la BM ont exigé d’énormes remboursements : 10 milliards de remboursement en 3 ans entre 2011 et 2013. Les conséquences sont lourdes.

Domination occidentale depuis février 2022

Entre le début de 2022 et la fin novembre 2024, la dette publique ukrainienne (interne et externe) a augmenté de 60 % passant d’un peu moins de 100 milliards de dollars avant la guerre à près de 160 milliards fin 2024, dont 45 milliards de dette publique interne (Source : ministère des Finances de l’Ukraine : https://mof.gov.ua/en/derzhavnij-borg-ta-garantovanij-derzhavju-borg). Un bonheur pour les créanciers auprès desquels l’endettement ukrainien a le plus augmenté, soit dans l’ordre, l’UE, la Banque mondiale et le FMI.
La grande bénéficiaire des dettes accumulées en 2 ans est donc l’UE qui voit la dette de l’Ukraine multipliée par plus de 8, passant de 5 milliards à 43 milliards de dollars. Et en ajoutant la dette de l’Ukraine à l’égard de la Banque européenne d’investissement (BEI) et de la Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD), la dette atteint 47 milliards. 
Car en réalité « l’aide financière » de l’UE est constituée de prêts (et non de dons). En conséquence, l’UE accumule des créances qui ne cessent d’augmenter et lui donnent un formidable moyen de pression sur les politiques de Zelensky. Comme celle du FMI, la politique de crédit de l’UE est perverse et mafieuse : les remboursements ne commenceront pas avant plusieurs années. Mais, en échange des crédits, l’UE exige de l’Ukraine qu’elle adapte sa législation aux exigences des traités européens néolibéraux qui favorisent le secteur privé et l’ouverture des marchés publics à la concurrence privée… Les grandes entreprises privées européennes convoitent les bénéfices qu’elles pourront tirer d’une intégration de l’Ukraine dans le grand marché européen alors qu’elle sera dans une situation de grande faiblesse et qu’il y aura de juteux contrats pour la reconstruction (voir https://pardem.org/ukraine-les-investisseurs-vautours-planifient-le-depecage-du-pays)
Toutefois, l’UE n’est pas la seule organisation supranationale en embuscade. La dette de l’Ukraine à l’égard de la BM a plus que triplé passant de 6,2 milliards à 20 milliards de dollars. La dette de l’Ukraine à l’égard du FMI, entre début 2022 et fin novembre 2024, est passée de 14 à 17,6 milliards de dollars. Soulignons que le FMI, qui impose des taux d’intérêt pouvant atteindre 8 %, et la BM se font rembourser, même pendant la guerre. Ainsi, l’Ukraine a remboursé 2,4 milliards de dollars au FMI en 2022, puis 3,4 milliards de dollars en 2023 et 3,1 milliards en 2024… Soit près de 9 milliards de remboursement perçus sur le dos des Ukrainiens en trois ans de guerre !
La liste des créanciers comporte aussi le Canada (à l’égard duquel l’Ukraine n’avait aucune dette avant 2022), pour 5,25 milliards de dollars fin 2024. Et les États-Unis… 
Si officiellement la dette à l’égard des USA est nulle car Washington préfère faire des dons à l’Ukraine que de lui prêter de l’argent, les USA dominent la politique du FMI et de la BM. Les États-Unis exercent donc les pressions qu’ils souhaitent sur Zelensky qui est totalement dépendant des armes américaines et lui dictent la politique qu'ils désirent. Pour information, la dette à l’égard de la Russie, en suspension de paiement depuis 2015, n’a pas évolué et s’élève à 0,6 milliard de dollars…
N’oublions pas la dette aux créanciers privés, sous forme de titres souverains acquis par des fonds d’investissement comme BlackRock ou par des grandes banques : ils s’élèvent à 18,2 milliards de dollars. Bien sûr, les titres sont assortis de taux d’intérêt juteux…
Au total, depuis février 2022, la dette publique externe ukrainienne a plus que doublé passant de 56 milliards à 115 milliards de dollars et se répartit comme suit : un peu moins de 50 milliards dus à l’UE (44%); 20 milliards dus à la Banque mondiale (18%) et 18 milliards dus au FMI (15%) soit, 38 milliards (33%) ; 5,2 milliards dus au Canada (4%);  1 milliard dû au Japon (1%); 20 milliards (18%) dus à des créanciers privés sur les marchés financiers.

Prêts contre actions politiques néolibérales

Non seulement les crédits « généreusement » octroyés par l’UE, le FMI et la BM coûtent cher en intérêts financiers mais ils coûtent encore plus cher en termes économiques et politiques. En effet, ces crédits sont assortis de recommandations et de 325 conditionnalités (ensemble des mesures néolibérales imposées par le FMI et la BM  pour signer un accord, obtenir un aménagement du remboursement, etc. Ces mesures sont censées favoriser l’« attractivité » du pays pour les investisseurs internationaux et pénalisent durement les populations).
Comme l’indique le ministère des Finances de l’Ukraine sur son site, les 325 conditionnalités et recommandations forment une liste de réformes et de mesures que l’Ukraine s’est engagée à prendre afin de recevoir un soutien financier de la part des « partenaires » internationaux.
Dans les faits, il s’agit d’approfondir l’application des politiques néolibérales mises en œuvre depuis plus de 30 ans.
Pour contrôler l’application de ces conditionnalités et recommandations, 531 indicateurs ont été imposés par les créanciers. Si l’Ukraine ne respecte pas le calendrier et la liste des réformes, les « partenaires » et, au premier chef,  la BM, le FMI et l’UE, peuvent suspendre ou reporter l’octroi des prêts. Ces trois institutions supranationales mafieuses vérifient en permanence l’application et l’approfondissement des politiques néolibérales exigées et approuvées par le gouvernement néolibéral de Zelensky.

En 2024, l’UE et les membres du G7 se sont mis d’accord sur nouveau plan d’aide à l’Ukraine. Dans ce cadre,  l’UE a adopté un plan d’un montant pouvant aller jusqu’à 50 milliards d’euros pour la période 2024-2027. 38,27 milliards seront versés d’ici fin 2027. La plus grande partie (33 milliards soit, 85 %) est sous forme de prêts. La part de dons représente quand même 5,27 milliards euros, soit 15 %  qui correspond probablement au montant saisi par la Commission européenne (CE) sur les revenus tirés des avoirs russes gelés illégalement par l'UE. 12,4 milliards ont été versés en 2024. Mais, comme l’affirme la Commission européenne (CE) dans son rapport d’octobre 2024 : « La majeure partie du financement (…) sera versée au budget de l’État sous réserve du respect des conditions énoncées dans le plan ukrainien, qui définit le programme de réforme et d’investissement pour le pays. ». (voir : https://neighbourhood-enlargement.ec.europa.eu/ukraine-report-2024_en)
Le « plan ukrainien » sur la période 2024-2027 est consigné dans un document de 331 pages concocté par la CE. L’application du plan est contrôlé en permanence  car « l’aide est subordonnée au respect d’exigences liées à des éléments essentiels tels que :  la stabilité macro-financière, la surveillance budgétaire et la gestion des finances publiques, les réformes sectorielles et structurelles et les investissements (nécessaires à l’adhésion à l’UE). » (https://neighbourhood-enlargement.ec.europa.eu/european-neighbourhood-policy/countries-region/ukraine/ukraine-facility_en). 
Pour faire respecter le calendrier prévu dans le plan et suivre sa mise en œuvre mensuelle pour évaluer les progrès accomplis, un coordinateur ukrainien (interlocuteur de la CE) a été nommé et le gouvernement de Zelensky a approuvé une procédure de suivi de la mise en œuvre du plan qui est obligatoire pour toutes les autorités impliquées dans la mise en œuvre du plan. ». L’Ukraine est dorénavant sous contrôle total.

La grande mystification d’une « Europe protectrice »

Depuis des années, la propagande européiste fait miroiter aux populations le mythe d’une « Europe protectrice » : amélioration des conditions de vie, des salaires, des droits sociaux, lutte contre la corruption, liberté de déplacement et d’installation, protection de l’environnement, défense des causes LGBTQ+, etc.
À force de subir propagande et de désinformation, une partie des peuples du Continent européen a forgé des espoirs dans la perspective d’intégration à l’UE. Mais la réalité et la situation des peuples sous la férule de l’UE est toute autre. Le respect et la promotion des droits sociaux conquis de haute lutte dans le cadre national ne figurent pas, en effet, dans les traités européens qui, au contraire, encouragent la mise en concurrence des classes laborieuses des différents pays membres de l’UE. Un exemple : le salaire minimum légal (brut) est de 477 € par mois en Bulgarie et de 2 571 € au Luxembourg soit, 5 fois plus…
Les contraintes imposées par les traités européens concernent l’ouverture des marchés nationaux à la concurrence illimitée, l’accès des services publics à l’initiative privée (lisez : privatisation), la libéralisation du marché de l’énergie (et les hausses de tarif correspondantes), la limitation du déficit des finances publiques, la règle des 3% (ratio dette publique/PIB), etc. Mais sans aucune contrainte en matière de protection sociale, de salaire minimum légal, de convergence fiscale (ce qui permet à des paradis fiscaux comme l’Irlande ou le Luxembourg d’exister au sein de l’UE), de politique environnementale réelle, aucune protection du patrimoine public, des droits des salariés…

Zelensky : un agent rêvé pour l’UE

Mais qu’à cela ne tienne, c’est au nom de la perspective de l’intégration de l’Ukraine dans l’UE que Zelensky va privatiser encore plus et notamment, la société publique de production et de distribution d’énergie. Il va aussi vendre plus de terres arables à l’agro-business étranger (Voir l’annexe ). En effet (rapport de la CE du 30 octobre 2024) : « L’Ukraine a déposé une demande d’adhésion à l’UE le 28 février 2022. À la suite de la recommandation de la Commission de novembre 2023, le Conseil européen de décembre 2023 a décidé d’ouvrir les négociations d’adhésion. Les quatre étapes restantes énoncées dans les recommandations de la Commission de novembre 2023 ayant été franchies, le Conseil a adopté le cadre de négociation en juin 2024.» (https://neighbourhood-enlargement.ec.europa.eu/ukraine-report-2024_en)
Et c’est au prétexte de la dette que Zelensky rabote les prestations sociales. Ainsi, en août 2024, le coût du remboursement de la dette publique de 50 milliards de Hryvna (monnaie ukrainienne) a été quasi équivalent aux dépenses sociales et de santé (voir le site financé par USAID, très néolibéral et pro-occidental : https://ces.org.ua/en/tracker-economy-during-the-war/ ).

Pendant que le peuple ukrainien souffre, les (bonnes) affaires continuent
Les sanctions prises contre la Russie, depuis février 2022, ont pour objectif de justifier, aux yeux du public, un comportement de bandit de grand chemin, inadmissible en droit international. Sous prétexte de sanctions, les membres du G7 ont gelé des avoirs russes d'un montant d’environ 300 milliards de dollars. Environ 260 milliards d’euros, sous forme d’espèces et de titres (actions et obligations), sont « logés » chez Euroclear, institution financière privée (basée à Bruxelles) qui s’occupe du règlement des titres internationaux et environ 5 milliards de dollars d’avoirs russes sont gelés aux Etats-Unis. Sur la base des actifs russes gelés dans l’UE, celle-ci a a créé un mécanisme pour émettre des titres de la dette « en faveur » de l’Ukraine. Les actifs russes servent de garantie aux fonds d’investissement et aux banques qui achètent les titres de cet emprunt. L’argent emprunté par l’UE est ensuite versé à l’Ukraine, principalement sous forme de prêts que l’Ukraine devra rembourser à l’UE…
L’UE fait une très bonne affaire car elle remboursera ainsi aux marchés financiers son emprunt avec les revenus que réalise Euroclear grâce aux avoirs russes gelés placés sur les marchés. Les revenus tirés de ces placements sont estimés à 5 milliards d’euros par an…En fait, l’emprunt ne coûte rien à l’UE et lui permet d’apparaître comme généreuse tout en renforçant sa position de créancier à l’égard de l’Ukraine qui, elle, voit sa dette augmenter…Une entourloupe très juteuse.
Bonnes affaires aussi pour les banques privées de l’UE. Par exemple, l’autrichienne Raiffaisen, les allemandes Deutsche Bank et Commerzbank, les italiennes Unicredit et Intesa Sanpaolo ont poursuivi des activités dans la Fédération de Russie. Et malgré les sanctions, elles ont multiplié par 4 leurs profits dans ce pays depuis 2022. En mars-avril 2024, elles ont payé 800 millions d’euros d’impôts sur les  bénéfices aux autorités russes sans qu’aucune mesure ne soit prise de la part des autorités européennes.
(révélations du Financial Times du 28 avril 2024  https://www.ft.com/content/cd6c28e2-d327-4c2a-a023-098ca43eacfb). 
La banque privée autrichienne Raiffaisen continue ses activités en Russie (https://www.raiffeisen.ru/) et est en même temps active en Ukraine (https://raiffeisen.ua/en/korporativnim-kliyentam/poslugi/operaciyi-z-cinnimi-paperami) où elle négocie la dette que l’État Ukrainien vend sur les marchés financiers…
Si nous devons à l’empereur romain Vespasien et à son fils Titus le proverbe « L’argent n’a pas d’odeur » il semblerait aujourd’hui que l'argent a l’odeur de la poudre…
Pourtant, Zelensky, en parfait néolibéral, ne souhaite pas d’annulation de la dette ukrainienne au prétexte « d'assoir la crédibilité de l’Ukraine à l’égard des créanciers privés ».
En fait, Zelensky finance la guerre de l’occident global en faisant payer (comme le souhaitent le FMI et la BM) un maximum d’impôts et de taxes aux classes populaires, en épargnant soigneusement les grands capitalistes Ukrainiens, les entreprises et le patrimoine de ses amis oligarques. Il finance le budget du pays par emprunt sur le marché intérieur, notamment auprès des banques et des riches qui achètent des titres de dette publique interne. Il faut dire qu’en 2024 leur rémunération était de 16,5 % alors que le taux d’inflation était de 10 à 11 %… C’est vrai qu’il n’y a pas de petits profits.

Que deviendra l’Ukraine demain ?

Avec de si juteux profits pour les oligarques Ukrainiens et les organismes financiers nationaux et internationaux dominés par les USA et l’UE, il n’y a aucune raison pour que l’Ukraine recouvre sa souveraineté. Dominée et dépecée par ses créanciers, son avenir déterminé par eux, son avenir est d’être intégrée au sein de l’UE néolibérale et de l’OTAN. Seul un sursaut du peuple ukrainien, enfin éclairé sur son sombre futur, pourrait faire dévier le pays de la trajectoire qui lui est assignée par l’occidental global : celui d’un pays soumis, destiné à être la nouvelle base arrière de l’OTAN et le fer de lance du néolibéralisme pour préparer la guerre contre la Russie en vue de son démembrement et de sa domination souhaités de longue date. Mais ça, ce n’est pas gagné d’avance !

 

Annexe : 
La Commission européenne veut déréglementer au profit du secteur privé. 
Extraits du rapport de la Commission publié en octobre 2024. 
Page 15 - Chapitre « Entreprise et politique industrielle » : 
« Une nouvelle version du plan d’action sur la déréglementation a également été adoptée en septembre 2024, prévoyant des mesures de déréglementation dynamique et d’amélioration de l’environnement des entreprises, conformément au plan ukrainien.
Les recommandations de la Commission de l’année dernière ont été largement mises en œuvre. Au cours de l’année à venir, l’Ukraine devrait notamment :
- conformément au plan ukrainien, poursuivre la déréglementation et la numérisation des procédures d’autorisation afin d’améliorer encore l’environnement des entreprises et le climat d’investissement en Ukraine ;
-  mettre en œuvre des mesures visant à stimuler le secteur privé et le développement industriel, (…) et soutenir les incitations visant à attirer les investissements directs étrangers. »
Page 17 - Chapitre « Transport » : déréglementation et privatisation des chemins de fer permettant dans le futur à des entreprises privées de l’UE d’opérer sur le territoire de l’Ukraine. 
« Les recommandations de la Commission de l’année dernière n’ont été que partiellement mises en œuvre et restent valables. Au cours de l’année à venir, l’Ukraine devrait notamment adopter la loi sur le transport ferroviaire créant un cadre institutionnel et législatif pour un marché ferroviaire compétitif conforme aux normes de l’UE. »
Chapitre Energie, la Commission insiste sur la nécessité de libéraliser le secteur de l’énergie alors que pour faire face à la situation de guerre, le gouvernement a dû renforcer le monopole du secteur public sur ce secteur. 
Page 18 - Chapitre environnement et changement climatique, la Commission européenne insiste sur la nécessité de développer un marché du carbone et des permis de polluer et ainsi : 
« progresser vers un mécanisme efficace de tarification du carbone en reprenant la surveillance, la déclaration et la vérification obligatoires des émissions de gaz à effet de serre et en adoptant le plan d’action pour la mise en place d’un système national d’échange de quotas d’émission. » 
La Commission acte que du fait de l’économie de guerre le poids du secteur public reste élevé, il a même augmenté : 
Page 55 « L’empreinte de l’État dans l’économie reste élevée. En 2023, le secteur public représentait 22 % de la valeur ajoutée brute, contre 6 % en 2021, et la consommation totale des administrations publiques a augmenté pour atteindre près de 42 % du PIB, contre un peu moins de 40 % en 2022. » 

La Commission insiste sur la nécessité de voir réduit le rôle de l’État dans l’économie et recommande d’accélérer les privatisations alors que l’État détient encore des participations dans de nombreuses entreprises. 
« Les entreprises d’État ont continué à jouer un rôle important dans l’économie ; le portefeuille de l’État ukrainien comprenait plus de 3 000 d’entre elles. Dans le cadre du Plan pour l’Ukraine, le gouvernement s’est engagé dans une série de réformes visant à réduire l’influence de l’État dans l’économie (...). En 2023, les recettes annuelles de la privatisation s’élevaient à 108 millions d’euros (0,05 % du PIB), un record absolu. Malgré cela, la privatisation s’est limitée à de petites propriétés et à des actifs de production ; il n’y a pas eu d’opérations de privatisation à grande échelle en 2023 et 2024. Toutefois, le gouvernement prévoit de les relancer lorsque les conditions le permettront. » 

La Commission européenne regrette aussi que l’État ait dû augmenter sa participation dans le secteur bancaire pour faire face à la mauvaise gestion des banquiers privés.
Page 56 « La part de marché des banques publiques est passée à 53,6 % en 2023 à la suite de la nationalisation de la Sense Bank en juillet 2024. La sélection d’un nouveau conseil d’administration est actuellement en cours, et au moins six membres sont nécessaires pour que le conseil soit opérationnel. La loi sur la privatisation des banques d’État a été adoptée, ce qui devrait accélérer la réduction de la propriété de l’État dans le secteur. Le ministère des finances devrait nommer un conseiller financier internationalement reconnu pour préparer la vente de deux banques d’État d’importance systémique, à savoir la Sense Bank et l’Ukrgasbank, qui représentent respectivement 4 % et 6 % du total des actifs. »