Fourberies et comédie de boulevard des 27

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Charles Michel le 15 décembre
Charles Michel, président du Conseil européen devant la presse

 

Par Joël Perichaud, secrétaire national du Pardem aux relations internationales
Élargissement de l’UE : soldes de fin d’année et Orban Circus !

Sonnez hautbois ! Le Conseil européen des 14 et 15 décembre devait être, comme d’habitude, crucial. Car ce terme, mille fois répété par l’oligarchie réunie à Bruxelles, est indispensable pour “faire” les gros titres de la presse aux ordres, tenter d’attirer l’attention des pseudo “Européens”, les mystifier en leur faisant croire qu'enfin il se passe quelque chose de nouveau. 
Las, au-delà des apparences soigneusement mises en scène, c’est le “business as usual” qui continue et la nocivité de l’UE qui s’étend.

Le grand Barnum européen

Les chefs d’État et de gouvernement des 27 devaient traiter deux dossiers qui, c’était annoncé, promettaient de sérieux affrontements. Au point qu’il faudrait peut-être plusieurs jours (le Portugais António Costa, avait pris quatre chemises…), voire même, selon l’Estonienne Kaja Kallas, jusqu’à Noël pour en venir à bout. Mais, finalement, la réunion des Tartuffes s’est achevée dans les délais prévus. Les points soi-disant controversés (concernant l’Ukraine) ont été évacués le premier jour : les décisions et non décisions pourront être modifiées début 2024…
Rapidement, car c’est sans doute selon eux prioritaire pour les peuples, les dirigeants de l'UE ont à nouveau condamné “la guerre menée par la Russie contre l’Ukraine” et rappelé leur “solidarité inébranlable” avec le gouvernement (corrompu) de ce pays. Non contents d’avoir déjà versé, depuis le début de la guerre, 85 milliards d'euros à l’Ukraine et dont personne ne sait où ce “pognon de dingue” est réellement passé, les chefs à plume de l’UE veulent continuer de soutenir “vigoureusement”  par des moyens économiques, humanitaires, militaires et diplomatiques, l’Ukraine “aussi longtemps qu'il le faudra” et vraisemblablement jusqu’au dernier Ukrainien…
C’est généreux. Et ils peuvent se le permettre puisque c’est avec notre argent. Mais bien entendu, pas question de nous consulter… Les peuples de l’UE n’ont pas la parole et sont absents de leurs préoccupations et de leurs décisions.

Élargissement de l’UE : soldes de fin d'année

Pour les Europiomanes (élus et non élus), la pieuvre européenne doit encore étendre ses tentacules.
En effet, le Conseil européen a rappelé, en pur sabir Bruxellois, qu'il « restait attaché à poursuivre  le processus d’élargissement de l'UE, rappelant aussi qu'à mesure que l’Union s’élargit, la réussite de l’intégration européenne exige que les politiques de l’Union soient adaptées à l’avenir et financées de manière durable, sur la base des valeurs sur lesquelles l’Union est fondée, et que les institutions de l’UE continuent à fonctionner de manière efficace ». 
Pour ces illuminés, ou plutôt ces roublards professionnels biberonnés aux mots magiques, l’élargissement constitue un “investissement géostratégique” dans la paix, la sécurité, la stabilité et la prospérité. « Il représente un moteur pour améliorer les conditions économiques et sociales des citoyens européens et réduire les disparités d’un pays à l’autre; il doit aussi promouvoir les valeurs sur lesquelles l’Union est fondée. »
Les peuples des pays membres, qui tous subissent les politiques anti-populaires, anti-sociales, austéritaires et anti-démocratiques de l’UE apprécieront !
Alors pour ne pas trop les braquer les peuples avant les élections au pseudo-parlement européen de juin 2024, les “fous d’Europe” mettent de fausses conditions, supposées rassurer les “europhiles” et les “eurosceptiques” en devenir.
Le Conseil européen a donc donné son feu vert au lancement des négociations d’adhésion avec l’Ukraine, la Moldavie et la Bosnie-Herzégovine… En précisant que les discussions ne pourront être réellement lancées que quand les “recommandations” que leur avait fixées la Commission européenne (CE) en novembre 2023 seront remplies et que les 27 l’auront formellement constaté, à l’unanimité, au premier trimestre 2024. Ah mais !
Résonnez musettes ! Zelensky, président ukrainien et membre éminent des “Pandora papers”, a triomphé : « c’est une victoire pour l’Ukraine, une victoire pour toute l’Europe, une victoire qui motive, inspire et renforce ». Charles Michel, pâlot président du Conseil européen, s’est réjoui d’un “signal politique très fort”, tandis qu’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission accro dépendante à Pfizer se pâmait en qualifiant la décision de “stratégique”. La statue du commandeur, sise à la Maison-Blanche, a complimenté ses ouailles d’un mot : “Une décision historique”…Fermez le ban !

Viktor Orban Circus

Comme attendu, Viktor Orban, le Premier ministre hongrois, a qualifié la décision “d’insensée” accusant ses collègues de piétiner leurs propres règles, à savoir l’ouverture de négociations sur la seule base de l’examen des conditions requises pour l’adhésion à l’UE. Mais, pour celle-ci, l’important était d'envoyer un “message à Moscou” : l’Ukraine nous appartient. 
Deux raisons peuvent expliquer l’attitude d’Orban. D’une part, négocier le versement des 22 milliards que l’UE doit à la Hongrie, mais qui sont “gelés” par la CE tant que le gouvernement d’Orban viole “l’État de droit” (ce que l’UE pratique allègrement). Précisons que Bruxelles avait débloqué 10 milliards quelques jours avant le sommet, un cadeau de Noël, espérant acheter le vote hongrois.
D’autre part, Orban est bien conscient des conséquences économiques et sociales catastrophiques qu’une adhésion de pays particulièrement pauvres aurait pour l’UE en général, pour les pays d’Europe centrale en particulier. D’ailleurs, le ministre allemand de l’Agriculture a estimé, parlant de la politique agricole commune, qu’elle « s’effondrerait si nous la laissions telle qu’elle est et que nous élargissions l’UE à l’Ukraine, à la Moldavie et aux pays des Balkans occidentaux ».

Faux-culs, en veux-tu, en voilà…

Dans la coulisse, plusieurs pays se réjouissaient discrètement du veto d’Orban. Car en réalité, les gouvernements savent que l’adhésion de l’Ukraine sera un coup dur pour leurs agriculteurs et tous les citoyens et craignent au moins un “désamour” pour l’UE, voire des réactions plus violentes (et justifiées) de leurs populations.
Le feu vert à l’ouverture des négociations d’adhésion nécessitant l’unanimité des 27, au moment du vote, Orban a opportunément quitté la salle de réunion, dans un scénario monté de toute pièce (de boulevard). Résultat : aucun vote contre et le Conseil a pu ainsi offrir son cadeau à Zelensky (et aux États-Unis).
De son côté, Orban peut dire qu’il n’a pas perdu la face, ni participé à la décision. Pour soigner son image de contestataire, il a refusé l’augmentation du budget pluriannuel en cours (2021-2027) de l’UE. Vous allez rire (jaune) : la politique économique et surtout le soutien à l’Ukraine ont vidé les caisses de l’UE. Comment les renflouer et, “en même temps”, donner les 50 milliards d’aide (17 milliards de dons, 33 milliards de prêts préférentiels) qui ont été promis à Zelensky ?
26 pays avaient fini par trouver un compromis : plutôt que les 100 milliards supplémentaires initialement proposés par la Commission, le supplément budgétaire s’élèverait “seulement” à 73 milliards qui seraient alloués à la protection des frontières, à la politique migratoire, à la recherche technologique, à l’industrie d’armement, et… aux remboursements de l’emprunt commun de 750 milliards souscrit en 2020, dont le coût devient bien plus élevé que prévu.
Le compromis incluait aussi 50 milliards de soutien « macroéconomique » à l’Ukraine (qui viendraient s’ajouter aux 85 milliards déjà versés par l’UE depuis février 2022). Concrètement, il s’agit pour l’UE d’assurer par exemple une partie des salaires des fonctionnaires, et éviter ainsi que l’État ukrainien, notoirement corrompu, se retrouve en faillite. Tout cela, payé par les peuples des pays membres.
C’est ce « paquet budgétaire » que Viktor Orban a refusé. Une  phrase laconique figure donc dans les conclusions du sommet : « le Conseil européen reviendra sur cette question au début de l’année prochaine ». Dans les coulisses, on prévoit un plan B pour financer l’Ukraine si la Hongrie maintenait son refus… A condition que d’autres pays ne rejoignent pas la Hongrie d’ici là.

L’UE agite ses hochets

Le sommet a attribué le statut de pays candidat à la Géorgie, a traité des politiques migratoires, de sécurité et de défense, de réformes institutionnelles, des relations avec la Turquie (négociations d’adhésion ouvertes en 2005 et au point mort), du douzième paquet de sanctions contre la Russie et de sa volonté de mettre la main sur les intérêts des avoirs russes gelés.
Bien sûr, « le Conseil européen a tenu un débat stratégique approfondi sur le Proche-Orient », mais uniquement pour légitimer le « droit d’Israël à se défendre ». L’épuration ethnique subie par les Gazaouis aujourd’hui, et demain par tous les Palestiniens, ne trouve aucun écho dans les conclusions des 27.
Bilan du sommet : les deux points explosifs ne sont pas réglés. L’open bar pour l’Ukraine a été bloqué, mais demeure l’objectif de début 2024. Quant aux négociations d’adhésion, elles sont officiellement ouvertes, mais ne commenceront pas avant un nouvel examen…En attendant, le dépeçage de l’Ukraine a déjà commencé (Lire : Ukraine : les investisseurs-vautours planifient le dépeçage du pays). L’Union européenne nous a prouvé mille fois qu’elle était entêtée. Elle ne lâchera rien. Trop de pognon à se faire pour les rapaces intéressés par la « reconstruction » de l’Ukraine !