Yop là boum !

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Macron et Barnier

 


Par Michèle Dessenne, présidente du Pardem

À l’issue d'un suspens insupportable de 57 jours, nous voici dotés d’un gouvernement composé de tous les perdants des élections législatives. Chapeau l’artiste ! Macron est bien le roi de la fripouille. Mais soyons francs : on ne pouvait s’attendre à rien d’autre. On l’avait écrit il y a des semaines déjà : Attila a succédé à Jupiter. Rien ne semble l’arrêter dans sa course à la destruction de la Nation, de la souveraineté du peuple et de la démocratie. Toutefois rappelons qu’il ne détient pas le brevet de la descente aux enfers infligée à la France et aux Français. Il s’inscrit dans la foulée du coup d’État parlementaire fomenté il y a près de 20 ans. Le gouvernement Macron/Barnier est illégitime tout comme le fut l’adoption du Traité de Lisbonne par le Congrès, en 2008, qui a violé en bande organisée le non au TCE des Français. Autrement dit, ce qui se produit en 2024 est le fruit de l’inacceptable qui perdure. Pas étonnant que la question majeure à traiter par ce gouvernement soit de répondre à la mise sous surveillance de la France par l’Union européenne pour déficit excessif. Selon la doxa néolibérale européenne, cela implique de réduire les dépenses publiques et sociales. Après l’inflation, le peuple va donc se prendre dans la gueule un budget de rigueur ! Telle est la mission des hommes en bleu étoilé de jaune à la tête du pays, Macron/Barnier, flanqués de ministres tous acquis à la même cause : le couple européiste et ses ministres serviront avant tout les maîtres de Bruxelles. Tout est en place pour faire voter un budget d’austérité dès l’automne par les députés et les sénateurs. Tout autre option est inenvisageable puisque l’UE mène la danse avec l’assentiment, de fait, des élus à l’Assemblée nationale. Nous aurons la vérité des prix avec le vote du budget : qui votera pour, qui s’abstiendra (ce qui signifie laisser passer), qui votera non. Et puis, en cas de risque d’échec, Barnier n’hésitera pas à utiliser le 49.3. Le reste n’est que palabre et poudre aux yeux. D’autant que la vague « d’économies » a déjà commencé en douce. Un exemple parmi tant d’autres, passé inaperçu : fin juillet, en pleine liesse des JO, le gouvernement a supprimé 500 postes de professionnels de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) avec effet fin août pour réaliser entre 1,6 et 1,8 million d’économie. Une brêle au regard des 30 milliards de coupes prévues en 2025. Et c’est ainsi, en catimini, secteur par secteur, que les coups vont tomber. En même temps, trois épreuves de natation dans la Seine coûtaient 1,4 milliard d’euros ! On aura eu les jeux, pas sûr qu’on aura du pain ! 
La période est d’autant plus grave que la présidence de la Commission européenne vient de créer le poste de commissaire à la défense attribué à Andrius Kubilius, un ancien premier ministre lituanien (2008-2012). Selon le journal Ruptures « Qu’une fonction aussi sensible revienne à un dirigeant balte confirme que les préoccupations géopolitiques sont au moins aussi présentes que les objectifs économiques. Les trois pays baltes figurent en effet parmi les champions proclamés de l’agressivité vis-à-vis de Moscou. Au point que le poste aurait pu s’appeler « commissaire à la guerre contre la Russie », une perspective qu’il faut impérativement préparer, selon Vilnius. » Cette nomination fait suite à celle de Kaja Kallas, à la tête du gouvernement estonien jusqu’en juillet,à la fonction de Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère.
Mais jusqu’à quand allons-nous accepter ?
 

Macron, Yop la boum, c’est le roi de la tambouille ! On connaît l’air et les paroles (1)

2005 : le NON au Référendum sur le Traité constitutionnel européen (TCE) est majoritaire en France avec près de 55%, à l’issue d’une campagne menée tambour battant.
2008 : la majorité de l'armée des élus, dits représentants du peuple, adoptent en congrès le Traité de Lisbonne, copié collé du TCE, et l'intègre à la Constitution française. Les parlementaires amputent ainsi la plupart de leurs prérogatives législatives nationales et piétinent la souveraineté populaire. Bingo pour l’Union européenne, qui avait senti le vent du boulet, mais qui grâce à cette entourloupe, voit sa route libérée de mauvaises surprises nationales. Depuis, elle roule à fond la caisse sans contrôle, décide des types de véhicules autorisés, du carburant, des itinéraires, de la vitesse de circulation, des péages d’autoroutes, de la construction de rond-point et même des conditions du permis de conduire… (entre autres bien entendu).
À cette époque, en 2008, la gauche parlementaire n’a pas parlé d’une seule voix : PS et Verts fredonnaient l’hymne à l’Europe tandis que le PCF chantait son désaccord et que s’époumonaient de nombres organisations et citoyens pour dénoncer le viol de la démocratie commis par les parlementaires. 
Les contestataires du Traité de Lisbonne fidèles n’ont cessé de rappeler, année après année, les conséquences de ce déni de démocratie, mettant en garde les syndicalistes, les militants de la souveraineté populaire, et même les respectueux de la Ve République. Mais bof ! Ils ont hurlé dans le vent et nombreux ont alors exprimé leur colère par la grève du vote, entendez l'abstention qui n’a cessé de grandir jusqu’en 2024...

En 2015, sept ans plus tard, la Grèce, gouvernée par la « gauche radicale », est sacrifiée sur l’autel néolibéral de l’UE, de la BCE et du FMI sans que cela ne provoque de lever de bouclier : aucune réaction en France au-delà de quelques communiqués offusqués, noyés dans le flot des discours défendant la schlague budgétaire fixée par l’UE. Les Grecs subissent une rigueur terrible, des salaires écrasés, du chômage jamais connu, des services publics délabrés, des privatisations à la pelle, pour le grand bonheur des « investisseurs » étrangers, notamment allemands et chinois. Le pays est fracassé et pillé. La gauche se tait. La gauche s’est couchée.

Seul sursaut depuis 2005, le Brexit : la Grande-Bretagne organise un référendum sur l’appartenance à l’UE. Les résultats sont sans appel : les Britanniques votent la sortie de l’Union européenne. Leur gouvernement prend acte, parfois avec regret, mais se plie à la décision du peuple. L’UE fait traîner les négociations (cf.l’article 50). Et qui les mènent ces négociations ? Barnier  qui s’est construit une belle carrière européenne depuis belle lurette : « Michel Barnier a l'occasion de représenter la Commission européenne en 2001 au sein du Présidium de la Convention sur l’avenir de l’Union présidée par Valéry Giscard d'Estaing. L'objectif fixé étant d'élaborer une proposition… de Constitution pour l’Union européenne. Il récupère alors la présidence du groupe de travail sur la défense européenne. L'européisme, le combat de sa vie ? Commissaire européen à la Politique régionale (1999-2004), député européen (2009-2010), à nouveau commissaire européen au Marché intérieur et aux Services (2010-2014), négociateur en chef de l'Union européenne chargé du Brexit (2016-2019) puis de la préparation des relations futures avec le Royaume-Uni (2019-2021)… » (2) En 2022, Barnier intègre pour 6 ans le conseil de surveillance de l’entreprise de cosmétique Sysley présente sur les 5 continents.

Puisque le coup d’État parlementaire de 2008 est passé « crème » (expression à la mode), pourquoi donc ne pas réitérer la même entourloupe dès que les intérêts supérieurs du capital mondialisé l'exigent ? Pas trop difficile dans la mesure où les droites et les gauches se sont désormais toutes rangées du côté du « réalisme » européen. Les têtus résistants, vilipendés et renvoyés dans le camp du nationalisme, du complotisme, du passéisme, ont été bâillonnés.

2024 : bis repetita et désistement républicain

Comme disait quelqu’un, l’histoire ne se répète pas ou alors c’est une farce. Pourtant, une recette réussie est faite pour être cuisinée plusieurs fois. Il faut simplement ajuster le volume d’épices ou le temps de cuisson.

Les résultats des élections législatives de 2024, organisées suite à la décision de Macron de dissoudre l’Assemblée nationale, aboutissent à une assemblée coupée en blocs : extrême droite - droite, extrême centre et gauche. Aucun des blocs ne dispose d’une majorité absolue (289 députés). Pourtant l’ordre d’arrivée est quantifiable et quantifié, il est clair et net. Il est notamment le fruit du désistement républicain, prôné par la gauche et mis en œuvre par ses électeurs pour faire barrage au RN. Le NFP compte 193 députés, le RN n’est pas majoritaire mais est le premier parti élu (126+ 16 ciotistes), Les Macronistes avec 99 sièges amortissent le choc, tout comme les LR (47).)

Mais tout cela n’est considéré que comme fredaine puisque la main du président de la République, dans le cadre de la constitution de la Ve République, est de fer, il décide, voilà tout ! Il nomme Barnier premier ministre, qui remplit tous les critères définis dans l’annonce du poste  : il ne se présentera pas à la présidentielle de 2027, il est éperdument européiste et de droite assumée.

N’entrons pas plus dans les détails de la manœuvre. Allons à l’essentiel. Les derniers sont propulsés les premiers pour gouverner. Certes pas tous amis, ils se trouvent cependant des charmes réciproques et des causes communes : servir les intérêts des grandes entreprises par moultes défiscalisations et réductions de cotisations sociales, faire porter le remboursement de la dette publique par les travailleurs, assécher encore un peu plus les services publics, poursuivre la « modernisation » et la « simplification » de la Fonction publique, s’agenouiller matin midi et soir au pied de la déesse Compétitivité, assise au côté droit de la déesse en chef, l’Union européenne.

Les ministres qui ont attrapé la queue du Mickey vivent tous dans un entre soi qui les protègent de toute confrontation au réel : la vie du peuple qui travaille ou est envoyé dans le camp des chômeurs. Leur chef, Barnier, est un gage que l’exercice du pouvoir sera entièrement consacré à la réussite des dominants et des possédants. Barnier lâchera quelques miettes du type « améliorer la loi sur les retraites » (sic), engager une ou deux mesures sociétales qui ne coûtent pas cher, (sans moyen public et via sans aucun doute une privatisation accélérée du secteur). Dans sa grande largesse, il annonce songer à solliciter les grandes entreprises pour qu’elles glissent quelques billets dans la tirelire…

Le spectacle sera assuré par les députés. On peut s’attendre, en effet, à quelques débats houleux à l’Assemblée nationale. Ils donneront l’impression que la démocratie respire encore. Un feu de paille sur le chemin de la décision finale. Car en réalité, les partis de gauche ont totalement absous le viol de la souveraineté du peuple de 2005, par un non lieu sans appel. Ils voteront oui au financement militaire de l’Ukraine. Ils ne contesteront pas la main mise de l’Union européenne. Certains feront mine de lutter avec force cris, mais ils ne voteront non qu'à condition  que leur opposition reste minoritaire. Vous verrez !
Autrement dit : les partis de gauche qui hurlent au loup sur le déni de démocratie et l’illégitimité du gouvernement Barnier tout en ayant totalement abandonné la souveraineté du peuple depuis 2008, sont pris au piège de leurs propres choix européistes. Le peuple paiera la note de leur reddition et de leur lâcheté.

Se libérer de l’emprise et agir pour la libération et la résistance à la guerre qui gronde

Parce qu’il ne s’agit pas d’accepter cette situation et le désastre, déjà bien engagé, qui va s’aggraver, nous vous invitons, lecteurs et lectrices, à participer à la prochaine campagne de libération de l’emprise de la tutelle supranationale qui ne laisse aucun espace de changement. Cette campagne commencera les 9 et 10 novembre lors de l’université d’automne du Pardem, à Calais, avec le PRCF et la JRCF, la Dynamique populaire constituante, et le RPS-FIER.
Vous recevrez très prochainement le programme. C’est ouvert à toutes et tous. Venez !

NOTES :

1. Prosper (Yop la boum) est une chanson composée en 1935 par Vincent Scotto, sur des paroles de Géo Koger et Vincent Telly, interprétée par Maurice Chevalier. Elle relate, sur un ton à la fois humoristique et complaisant, les activités du « grand Prosper », proxénète  dont la « petite entreprise » est florissante.

2. Publié par le journal Marianne.