Principe 1 : Organiser la délibération publique pour définir les besoins de la population

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délibération

 

Aucun besoin ne peut être considéré comme naturel, à l’exception des besoins physiologiques de subsistance et de survie (se nourrir, se loger, se vêtir, se soigner). Les autres besoins humains peuvent être qualifiés de socio-historiques. « Socio », car chaque société, selon les continents, et à l’intérieur même des continents, possède des besoins spécifiques issus de facteurs matériels et immatériels. Il s’agit de la configuration géographique et climatique, des traditions, cultures, religions, usages... « Historiques », car les besoins changent selon les époques. C’est pourquoi la recherche des formes d’organisation de l’économie qui demeurent compatibles avec l’émancipation humaine, les rapports des hommes entre eux et avec la nature est si décisive. Il est même nécessaire de reconsidérer entièrement le problème de la subsistance matérielle de l’être humain, afin d’accroître notre liberté d’adaptation créatrice et par là d’augmenter nos chances de survie. Dans cette perspective, la délibération publique pour définir ces besoins sera la règle. C’est elle qui contribuera à sortir de la société de marché.

L’information dont les citoyens devront disposer

Pour la société de marché dans laquelle nous sommes, les besoins ne se révèlent que sur le marché. Autrement dit, pour répondre aux besoins, il suffit d’acheter le produit ou le service qui se trouve sur le marché. Celui qui n’est pas solvable, qui n’a pas le revenu lui permettant d’acquérir les biens et services qui répondent à ses besoins, restera à regarder la vitrine. Cette inégalité structurelle de la société de marché n’est pas acceptable, elle engendre violence et insécurité et doit être stoppée net. On ne peut pas laisser entre les mains du consommateur qui sera principalement guidé par son pouvoir d’achat, lequel varie considérablement d’un individu à l’autre, le pouvoir d’orienter des filières entières dans des directions qui peuvent nuire à la société, et donc lui nuire également de façon indirecte. Les choix les plus déterminants doivent être opérés en amont de la mise sur le marché, par l’ensemble des citoyens, qu’ils soient ou non consommateurs des produits et des services. Personne ne s’attend à ce qu’un acheteur choisisse un billet de train au bilan carbone très bas au détriment d’un billet d’avion low cost au bilan carbone très élevé. C’est bien aux citoyens de décider s’ils veulent stopper le développement exponentiel du transport aérien, sur la base d’une information indépendante sur le vrai bilan énergétique de cette filière et de quelle manière ils peuvent le faire. Le même raisonnement peut s’appliquer, par exemple, pour les filières du surgelé dans l’alimentaire dont le sort doit être traité globalement et non pas se décider dans les rayons des supermarchés.
La population doit disposer de tous les éléments d’appréciation pour fonder ses jugements afin de définir les besoins individuels et collectifs et d’identifier les moyens pour y répondre. Les risques liés à la poursuite du type de croissance économique actuelle devront être correctement évalués : malbouffe, pollution généralisée, accélération du réchauffement climatique, uniformisation des modes de vie, chômage et précarité, parcellisation du travail... Les avantages d’une société d’abondance frugale seront expliqués. La population saura faire des choix raisonnables pour préserver son bien-être et celui des générations futures. Elle pourra privilégier les filières au bilan énergétique faible chaque fois que l’alternative se présente. Les services parasites qui ne font qu’augmenter le prix des biens consommés ou de stimuler le comportement de consommation devront être réduits à leur fraction utile : marketing, démarchage, conseil en organisation, services juridiques, sûreté des installations, assurance... Alors que les consommateurs achètent principalement des produits à base de blanc de poulet, le peuple informé et consulté pourra imposer aux entreprises agroalimentaires d’exploiter toutes les parties comestibles des animaux, pour éviter le développement d’un commerce d’échange des « bas morceaux » des pays du nord et le trajet inverse des « morceaux nobles ». Les pratiques déloyales qui augmentent également la valeur des biens seront proscrites. En premier lieu, l’obsolescence programmée, pratique qui consiste à introduire des points de faiblesse dans certains appareils ou à rendre impossible le remplacement de certaines pièces (ex : batterie) pour réduire la durée de vie des appareils, pouvant être considérée comme un sabotage technologique, sera interdite. Ce n’est qu’en 2015 qu’elle est devenue un délit en France (et dans des conditions non satisfaisantes), ce qui montre bien que ce sont les entreprises productrices qui fixent les règles du jeu et non pas les citoyens. Des besoins artificiels sont créés à jet continu par les grandes firmes multinationales pour rehausser leur taux de profit. La publicité, vecteur de cet immense gaspillage, doit être profondément transformée. Certes les citoyens ont besoin de connaître les nouveaux produits et services qui s’offrent à eux. Mais cette information doit être complète et non complaisante comme aujourd’hui avec la publicité. Elle doit intégrer par exemple l’origine exacte des éléments des produits, leur composition, leur durée de vie et durées de garantie. C’est pourquoi elle devra relever d’un service public qui absorbera l’essentiel des agences de publicité et garantira ainsi l’emploi des personnels.
Les besoins sont à la fois individuels et collectifs et doivent, d’un point de vue pratique, se débattre à l’échelle locale et à l’échelle nationale.
L’échelle locale est constituée des communes et intercommunalités, des pays et bassins de vie, des départements et des structures interdépartementales, des administrations locales et structures locales des services publics. C’est à cette échelle, au plus près du terrain, que la population peut physiquement se rassembler et débattre de ses besoins : à l’échelle des personnes, des familles, des communes rurales mais aussi de toutes les communes. On constate, à ce propos, combien la disparition programmée des communes et des départements est une décision tragique. Tout doit être fait pour s’y opposer, car elle correspond exactement à une volonté contraire à la nôtre : préserver et encourager la société de marché, éliminer tous les liens sociaux non-marchands.
Les besoins physiologiques, de subsistance et de survie seront débattus en premier. Tout le monde, dans la commune ou le pays, doit pouvoir manger à sa faim et disposer d’une alimentation de qualité. Celle-ci doit être issue de l’agriculture biologique ou paysanne, de la production locale, de circuits courts pour la plus grande partie. La même préoccupation doit concerner le logement, les vêtements et les soins de santé Si des choses sont à faire, ce qui ne fait aucun doute, la délibération publique devra déboucher sur des décisions pratiques de mise en œuvre. Qui fait quoi, entre les services de l’État, ceux des collectivités territoriales, les services publics, les associations détenant une convention de service public, les coopératives, les artisans, agriculteurs et commerçants, les TPE et PME… ?
Le Parti de la démondialisation soutient et encourage les initiatives individuelles et micro-locales, qu’elles se situent dans le cadre du secteur marchand ou non-marchand. Leur intérêt est double. D’abord, elles peuvent être un moyen de répondre à des besoins de la population qui, autrement, resteraient sans réponse. Ensuite, c’est un moyen possible pour ceux qui prennent ces initiatives, de se réaliser et d’établir des liens sociaux enrichissants. Nous voulons toutefois attirer l’attention sur le fait que les attitudes individuelles et personnelles échouent très souvent à produire des effets sociétaux si elles ne s’encastrent pas dans la société. Elles restent alors isolées comme les expériences du socialisme utopique, des communautés, des phalanstères, des hippies… ont pu le démontrer. C’est seulement dans un environnement de délibération publique organisée que des attitudes de réciprocité pourront se produire. C’est seulement là où une telle délibération publique aura été établie structurellement et institutionnellement que l’attitude coopérative des individus engendrera une économie distributive et une société solidaire et fraternelle.
Les autres besoins, ceux qui ne relèvent pas de la subsistance, ont aussi toute leur place dans la délibération publique. Tous les secteurs sont concernés : l’environnement, l’éducation, la culture, la santé, les transports, le sport… Dans certains cas, le marché peut être sollicité, des entreprises privées créées. Mais dans ce processus, l’économie aura été ré-encastrée dans la société et la démocratie…
À cette étape de notre raisonnement, nous voulons montrer qu’une certaine conception de l’être humain est ici en jeu. À l’échelle d’une petite commune, ou d’un bassin de vie, de multiples choses sont à réaliser pour répondre aux besoins de chacun et de tous. Nous avons passé en revue les institutions qui peuvent agir pour répondre à ces besoins. Mais il existe aussi des citoyens, à titre individuel ou en petits groupes, prêts à rendre service aux autres, gratuitement ou par le simple remboursement de tout ou partie de leurs frais. Ils peuvent ainsi, dans un certain cadre formel très souple (une habilitation de service public, une assurance…) accompagner par exemple des personnes âgées à se visiter les unes les autres, aller chez le coiffeur, chez le médecin, pour faire leurs courses… C’est du don. Il n’y a rien à acheter et rien à vendre. C’est un acte pur de liberté. Nous sortons des rapports marchands pour revenir à la simple humanité.
L’échelle locale, essentielle, ne peut cependant suffire, il faut aussi l’échelle nationale pour fixer les grandes orientations stratégiques découlant de la synthèse des besoins exprimés au niveau local, un peu comme les « cahiers de doléances » en 1789… Chaque administration, chaque service public, chaque entreprise nationale devra organiser la délibération publique le concernant avec ses usagers. Une planification sera élaborée par le nouveau ministère du Plan, et soumise au parlement pour débat et vote. Les grands médias, libérés de leurs maîtres que sont certaines institutions financières et marchands de canons, trouveront matière à passionner le public…