Pour qui vous prenez-vous ?

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La question s’adresse en premier lieu à Emmanuel Macron. Perdant des élections législatives, il n’en finit pas de nier l’évidence. La toute puissance dont il a fait preuve depuis son premier mandat a été poursuivie de 2022 jusqu’à la dissolution de l’AN dont il est l’auteur. On aurait pu croire qu’à l’issue du résultat des législatives du 7 juillet, il verrait « son » monde autrement. Fi donc ! L’animal s’entête et se croit tout permis. C’est ainsi qu’il conçoit sa fonction de président de la République et c’est tout, na !


Il se veut toujours le maître des horloges et de la méthode. Peu lui chaut que le RN soit le premier parti élu à l’Assemblée nationale (126 députés), que le Nouveau Front populaire dispose du plus grand nombre de députés (193) et que son «  Ensemble » soit un panier percé, que Renaissance ait été amputé d’une centaine de députés et qu’une bonne partie des élus aient sauvé leur peau grâce au « désistement républicain ». Traduction : grâce à la gauche. Hop hop ! (1). Macron enjambe le réel sans vergogne. Il parle encore au nom des Français dont il prétend avoir compris le message (notons que pendant 7 ans il aurait été frappé de surdité et de cécité) tout en arguant que seule sa vision de l’avenir est la bonne : exclure les «  extrêmes », RN et LFI, et construire une « coalition » regroupant les autres, « les raisonnables ». Autrement dit il prend l’UE et l’Allemagne en modèles, qui ont déjà liquidé les affrontements de classes et organisé la « cogestion » dans le cadre de la domination du néolibéralisme donc du marché et du capital.
Chemin faisant, Macron bloque la nomination du Premier ministre, domaine réservé par la Ve République au président monarque. Il renvoie à une date ultérieure inconnue la nomination d’un Premier ministre et la formation d’un gouvernement. En d’autres mots, lui sait tandis que les autres n’agissent pas « en responsabilité » (expression exécrable reprise à toute les sauces). Macron se veut toujours l’éclaireur des « masses » et le général des troupes.

Conséquences désastreuses à venir

Les conséquences de sa stratégie de manipulation constante sont lourdes. Il interprète le désistement républicain (anti RN) comme cela l’arrange évidemment, avec impudeur et arrogance. « Qu’ils se débrouillent à l’Assemblée nationale pour trouver des voies constructives pour le pays », c’est-à-dire une politique définie par Macron lui-même. Il interprète la constitution de la Ve République, peu démocratique et peu claire, en acceptant la démission de Gabriel Attal la veille du vote à l’Assemblée nationale pour élire sa présidence puis les membres de son Bureau et des présidences de commissions. Ainsi les 17 députés-ministres participent au vote même s'ils constituent le gouvernement « qui expédie les affaires courantes », on ne sait pas jusqu’à quand. Le Conseil constitutionnel, sollicité sur la question a osé prétendre  qu’il n’est pas compétent en la matière, ce qui peut-être considéré comme une forfaiture. La manœuvre a donc permis à l’inénarrable Yaël Braun-Pivet, prompte à sanctionner les députés, de revenir sur le trône de l’Assemblée.

Les électeurs ont sanctionné Macron et sa bande par les urnes mais ils continuent pourtant à être sous la férule de Macron, de ses ministres et de Braun-Pivet because « la trêve des JO »! Bref du pain (même rassis), des jeux (très coûteux) et des vacances pour laver le cerveau des citoyens qu’il méprise et méconnaît. Passons sur le déplorable épisode des dix bulletins de vote en trop dans les urnes de l’Assemblée dont nous ne saurons jamais comment et qui les a glissés puisque qu’aucune enquête n’a été diligentée et ne le sera… Finalement l’essentiel n’est pas là : il est bien pire. Au mépris des us et coutumes de la Ve République, le barrage républicain (anti RN) a été prolongé à l’Assemblée. Tous unis pour faire barrage au RN en ne lui attribuant aucun poste au bureau de l’Assemblée nationale ni l’accès à une présidence de Commission, a contrario de leur mandat précédent. À travers cette posture unanime des députés qui consiste à sanctionner le RN dans l’entre soi de l’Assemblée et pas sur le fond politique, la manœuvre est désastreuse. Humiliés et ignorés, les électeurs du RN et ceux qui ne manqueront pas de les rejoindre prendront leur revanche en 2027. Le Pen et Bardella le savent bien et en récolteront les fruits.

Vider les partis de toute substance politique

Au-delà du RN, ce sont les partis que Macron cherche à vider de toute substance politique. Les rayer de la carte. Comme si de la disparition du rôle des partis politiques pouvait naître une nouvelle forme de démocratie spontanée issue de la « société civile ». Bien au contraire : l’engagement  ponctuel des Français dans le « monde associatif », souvent tributaire des subventions publiques nationales et européennes, ne remplacera jamais la construction de forces politiques qui œuvrent à la fois au quotidien et en périodes électorales. Sauf à vouloir une insurrection populaire armée, ce sont des citoyens engagés et organisés politiquement pour défendre les intérêts de leur classe sociale qui pourront faire basculer le pouvoir néolibéral. Sinon pourquoi tant d’acharnement à réduire les partis à devenir des « partenaires » capables de trouver des « compromis » ?

Après Jupiter, Attila !

Macron se fout de la France, comme il se fout du monde du travail : normalement il ne peut pas se représenter. Après l’autoproclamé Jupiter nous subissons donc Attila : rien ne doit repousser après son passage ! Il a cramé la France en dépensant sans compter pour les privilégiés dispensés d’ISF et pour les entreprises. Les profits des plus grandes ont explosé, les petites, les indépendantes ont, elles, payé le prix fort de la gestion du Covid et de l’inflation des prix de l’énergie. Les salariés eux, ont été jetés en pâture au néolibéralisme absolutiste. Ils ont été condamnés à deux ans fermes de travail supplémentaire par la réforme des retraites. Macron, l’homme qui prétend tout comprendre, tout savoir et tout décider ne lâche donc pas le morceau. Il a dans le carton d’autres projets de lois antisociales à faire passer. Chance pour lui, la suite de sa mission va se trouver facilitée par l’Union européenne qui menace la France pour « déficit excessif » et l’endettement et les intérêts à raquer qui vont avec. Macron et ses potes claquent le fric pour ceux qui en ont, les autres, qui produisent et sont dans la mouise paient la note.  Le budget 2023 de l’Elysée a même été épinglé par la cour des Comptes : organisation d’événements fastueux (exemple le dîner de 150 personnes pour la visite du Roi d’Angleterre a coûté plus de 450 000 euros), hausse conséquente des dépenses de déplacements de la Présidence… 
Le prochain budget de la France (présenté à l’Assemblée nationale en octobre prochain) sera marqué par une austérité dont les Français vont faire les frais : services publics, structures médico-sociales et culture seront frappés de plein fouet au nom de la « responsabilité » et des intérêts supérieurs de l’Union européenne : protection intégrale du capital, financement de la guerre (2), renforcement des moyens de l’OTAN. C’est aussi au nom de ces « nécessités » que la fédéralisation de l’UE va s’accélérer. Depuis le Traité de Lisbonne, imposé au mépris du vote du peuple, et l’euro monnaie unique, la France était promise à se muer en agence régionale du groupe UE. Nous y sommes. Le « plan social » européen est déjà prêt et sera mis en œuvre par le gouvernement à venir et le parlement si rien de nouveau ne se produit. Macron compte là-dessus pour étouffer d’éventuels députés résistants et désespérer les citoyens.

Mais d’où pourrait advenir la rupture ?

C’est balot quand même : on ne voit rien de clair. Certes sur le papier le programme du Nouveau Front populaire semble le plus séduisant, le plus près des attentes des classes dominées. On aimerait y croire. Hélas plusieurs éléments conduisent à un doute profond.
Nous éviterons ici les bastons verbales et les coups tordus du PS (c’est dans son ADN..), les atermoiements des Verts prêts à tout pour exister, du PCF qui a oublié son histoire et penche du côté du manche pour sauver quelques reliquats de petits fiefs locaux, la reddition de LFI qui dit non avec la tête tout en n’optant jamais pour une stratégie de véritable rupture. Ils vocifèrent, déclarent, s’indignent mais « Tous ensemble, tous ensemble, ouais, ouais ! » pour dire oui à l’UE. Oui avec le paquet qui va avec : un soutien indéfectible à l’Ukraine (armement et pognon). Du côté du RN rien à attendre pour rompre puisque il ne cherche qu’une seule chose : s’intégrer au système dominant. « L’Europe » il n’est pas contre, il en veut une au service de ses idées réactionnaires et de son idéologie xénophobe et toujours capitalo !

Comme disait ma grand-mère «  avec ça on est habillé pour l’hiver » ! 
Car sans reconquête de la souveraineté nationale et populaire, ce qui suppose de se libérer de l’Union européenne, de l’euro et de l’OTAN, aucune rupture n’est possible. Aucun programme politique en faveur des classes dominées ne peut être mis en œuvre.

NOTES :
(1). Résultats du 2e tour des législatives en voix 
RN : 8,7 millions de voix (32,7 % des exprimés)
Nouveau Front populaire : 7 millions de voix (25,6 % des exprimés) 
Ensemble : 6,3 millions de voix (23,1 % des exprimés)
LR  : 1,47 million de voix (5,4 % des exprimés)
Droite (Ciottiste) : 1,36 million de voix (5 % des exprimés)
Les autres partis ne réalisent que 5 % des voix. 
Le taux d'abstention est de 33,37%

Les groupes politiques des élus à l’assemblée nationale : https://www2.assemblee-nationale.fr/17/les-groupes-politiques/les-democrates

Rassemblement national : 126
Ensemble : 99
La France Insoumise :72
Parti socialiste : 66
Les Républicains : 47
Ecologistes : 38  (dont F. Ruffin, A. Corbière, C.Autain, D.Simonet)
Démocrates : 36
Horizons  : 31
LIOT  : 22 
GDR (Communistes et apparentés)  : 17
A Droite (Ciotti)  : 7
Non inscrits  : 8

(2) L’aide de l’Union européenne à l’Ukraine en quelques chiffres 
Plus de 50 milliards d’euros d’aide tous domaines confondus. 
19,7 milliards d’euros de soutien à la résilience économique, sociale et financière de l’Ukraine (12,4 milliards d’euros de fonds européens et cumul de 7,3 milliards d’euros des Etats membres de l’Union).
3,5 milliards d’euros d’assistance militaire au titre de la Facilité européenne pour la paix. La France y contribue à hauteur de 20%.
Après le versement de 7,2 milliards d’euros d’assistance macro-financière en 2022, une assistance macro-financière exceptionnelle de 18 milliards d’euros (AMF+) à l’Ukraine sera déboursée en 2023 pour permettre de couvrir près de la moitié des besoins ukrainiens.
Un premier déboursement de 3 milliards d’euros a eu lieu le 17 janvier.
En 2024, « l’aide » continue. Bilan à la fin de l’année…