ETAT D'URGENCE POUR L'HOPITAL PUBLIC !

hopital non silence

SOUTIEN AUX GREVISTES PARTOUT EN FRANCE ! SOLIDARITE ET ACTION DES USAGERS

par J.M. Toulouse, membre du Conseil national du Parti de la démondialisation
le 24 juillet 2019

Dans l’histoire de la France, l’hôpital public est passé d'une institution d'assistance et de charité à un établissement dispensateur d'actes techniques au service du malade. Ceci est le fruit d'une longue évolution, que Macron et son gouvernement entendent liquider sous l’impulsion, comme d’habitude, de l’Union européenne. Rappelons simplement que la loi HPST de Madame Bachelot est la mise en œuvre de la directive services qui a fait suite à la directive Bolkenstein. Afin de ne pas réanimer la mobilisation qui avait conduit à la suppression de cette directive, l’Union européenne a, en effet, adopté la directive services. Le gouvernement français de l’époque a alors décidé de la mettre en œuvre secteur par secteur. Ainsi a « surgi » la loi HPST, concernant les hôpitaux publics.
Alors oui les gouvernements (de droite comme de gauche) portent une lourde responsabilité. La première est d’avoir obéi à l’Union européenne, pour être dans « les clous » du néolibéralisme, la seconde est de l’avoir fait dans l’ombre, à l’abri du regard des citoyens, attachés à tous leurs services publics. Les résultats sont là, cruels et mortifères pour les citoyens qui ont eu, ou auront recours, à l’hôpital et à ses urgences, pour eux ou leurs proches.
L’objectif est toujours le même : livrer ce « marché juteux » au privé en paupérisant l’hôpital public et en le décrédibilisant aux yeux des citoyens.


Tous ceux qui dénoncent aujourd’hui la situation d’urgence dans laquelle sont plongés les hôpitaux publics, qui s’indignent de la fermeture des maternités et hôpitaux de proximité, ont eux, la responsabilité, de ne pas désigner les causes de la paupérisation des hôpitaux publics tout autant que de ne pas conduire des mobilisations pour y résister. Car, décidément, où que se tourne notre regard pour défendre le service public, plane l’ombre de l’Union européenne ! Ne pas le dire c’est se condamner à l’échec perpétuel. Et c’est bien la stratégie perverse de cette institution supranationale qui prive les citoyens du droit de décider de la société dans laquelle ils veulent vivre et des mécanismes de solidarité dont ils ont besoin.
Alors, puisque « l’Europe sociale » n’existe pas et ne peut exister, il est grand temps d’appeler à rompre avec les tabous qui aveuglent le camp syndical français et les organisations qui se réclament de la gauche notamment ! L’Union européenne, pilier du libre-échange, est la première responsable du démantèlement des services publics. Macron en est l’exécuteur servile. Comme le furent N. Sarkozy et F. Hollande, au grand bonheur du Medef, avide de rafler la mise !

Brève histoire de l’hôpital public depuis 1945

C’est en 1945 que fut créée la Sécurité sociale, figurant au Programme du Conseil national de la Résistance, qui va assurer l'essor et le financement de l'hôpital public, avec une gestion démocratisée dans laquelle sont impliqués les élus, les personnels, la Sécurité sociale et les citoyens. Pendant la période du capitalisme triomphant (keynésien), deux grandes lois concluent cette évolution : la loi Debré (Michel), qui crée les CHRU (Centre Hospitalier Régional Universitaire), en 1958, et la loi Boulin de 1970 qui institue le Service Public Hospitalier (SPH). Ces deux lois transforment les hôpitaux en véritables Centres hospitaliers dotés de plateaux techniques performants.

Mais à partir des ordonnances Juppé de 1996, la reprise en main commence. Ces ordonnances créent les ARH (Agences Régionales d'Hospitalisation), qui concentrent les pouvoirs des Préfets en matière de santé. Elles instituent les LFSS (Lois de financement de la Sécurité Sociale), les CPOM (Contrats pluriannuels d'objectifs et de moyens), les SROS (Schémas régionaux d'organisation sanitaire) et l'ANAES (Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé), future HAS (Haute autorité en santé). Le décor est planté pour tout ce qui va suivre !

La loi de décembre 2003 instaure la T2A (Tarification à l’activité) qui se substitue au budget global. Cette loi met en place les GHM (Groupes homogènes de malades), calqués sur les DRG de Fetter (États-Unis), qui sont des tarifs par pathologie établis par l'État. L'objectif est de substituer une dotation aux hôpitaux, fondée sur leurs recettes selon les actes réalisés et non plus sur leurs dépenses (système jugé « inflationniste »).

La loi HPST (Hôpital-patient-santé-territoire, dite loi Bachelot) du 21 juillet 2009 transforme les ARH en ARS (Agences régionales de santé), qui concentrent toute la tutelle sur la Sécurité Sociale entre les mains du directeur de l'ARS. Elle met en place également les PRS (Plans régionaux de santé), renforce les CME (Commissions médicales d'établissement) et les pouvoirs des directeurs formés à l'EHESS (École des hautes études en santé publique) à Rennes.

La loi Touraine de 2016, dite de « modernisation » de la santé, met en œuvre deux principales mesures : l'instauration des GHT (Groupements hospitaliers de territoire) et la structuration des territoires de santé. Chaque GHT (1, 2 ou 3 par département selon la démographie), doit disposer d'un hôpital « leader », d'un PMP (Projet médical partagé), de fonctions dites “mutualisées“ (achats, informatique, logistique, formation, équipements, plateaux techniques, pôles médicaux communs, etc.), et d'un DIM (Département d'information médicale) commun, pour « optimiser » la T2A et diminuer les DMS (Durée moyenne de séjour du patient).
Pour gérer le SRS (Schéma régional de santé), chaque région doit mettre en place un COS (Comité d'organisation sanitaire), et chaque département dispose d'un CTS (Conseil territorial de santé) qui associe les élus, les professionnels, les syndicats et les usagers.
Chaque année, la loi de financement de la Sécurité Sociale (LFSS) fixe l'ONDAM (Objectif national de dépense de l'Assurance Maladie) sur la base duquel les dotations sont attribuées aux hôpitaux selon leur activité.
Ainsi, avec la T2A, les ARS, les GHT, les PRS, la centralisation des plateaux techniques, la suppression du financement par la Sécurité sociale et l'obligation faite aux hôpitaux d'emprunter sur le marché bancaire, le « lean management » qui impose aux hôpitaux de faire des « économies de gestion », les gouvernements successifs de droite et de gauche ont détruit le service public hospitalier et transformé l'hôpital, établissement public autonome, en un service extérieur des ARS au détriment de la démocratie sanitaire. Notons que la loi HPST transforma les Conseils d'administration en « Conseils de surveillance » (comme dans la « corporate governance » !) et a fait passer du Conseil de surveillance au directeur la préparation du budget. Ainsi, l'acte politique principal, c’est-à-dire le budget, est-il préparé par le directeur avec l'ARS, et simplement présenté au CS pour « information » !

La Loi Buzyn « d’Organisation et de transformation du système de santé »

Pour peaufiner le démantèlement et la paupérisation, le macronisme estime qu'il faut encore « réorganiser et transformer » l'hôpital ! Il intervient ainsi pour liquider définitivement la démocratie sanitaire en affaiblissant encore plus la représentation et la participation des personnels.

Quelles sont les principales dispositions de cette loi ?

1- La plus intéressante est la suppression du numerus clausus. L’annonce est séduisante ; on ne va pas s'en plaindre car nous revendiquons cette suppression depuis toujours. Mais il ne s'agit en réalité que d'un « assouplissement » du numerus clausus, puisque tous les ans les ARS et les doyens des Universités de médecine se réuniront pour déterminer les effectifs souhaitables en deuxième et troisième années. En fait l’annonce est un trompe l’œil ! D’autant que l'objectif annoncé est d'accroître le nombre de médecins de 20% alors que l’on sait que dans sept ou huit ans, c'est 50% des médecins qui n'exerceront plus. La mesure est donc loin d’être à la hauteur des besoins ! Précisons en outre que l'État se réserve le droit de légiférer par ordonnance pour toute mesure concernant la profession de médecin… Et cette disposition est prévue pour tous les sujets abordés par cette loi !

2 - La création de « Communautés professionnelles de territoire ». 1 000 sont prévues d'ici 2022. Les PTS (Projets territoriaux de santé) devront les prévoir, ainsi que les GHT, qui devront fixer les parcours de soins en conséquence. L'idée pourrait être bonne mais la question des effectifs réels transforme ce projet en vœux pieux !

3 - La création d'une « offre hospitalière de proximité » : c’est la mesure la plus dangereuse à court terme ! Il s'agit de transformer 5 à 600 hôpitaux locaux en les privant de chirurgie et de maternités. Ici encore (18 mois après le vote de la loi), le gouvernement pourra légiférer par ordonnance. Avec une majorité de godillots à l'Assemblée, ce gouvernement entend fouler aux pieds la représentation nationale pour imposer ses mesures scélérates au peuple. Il pourra ainsi supprimer ou modifier à sa guise les autorisations déjà acquises d'équipements lourds et d'activités ! Il pourra faire fusionner d'autorité des GHT, des établissements, transformer des centres hospitaliers en « hôpitaux de proximité » sans chirurgie ni maternité, et cela « pour mieux répondre aux besoins » ! De nombreux établissements hospitaliers seront ainsi transformés en EHPAD (Etablissement hébergeant des personnes âgées dépendantes). Ainsi, après les lois travail de Macron qui ont déjà supprimé en 2017 les CTE (Comités techniques d'établissement) et les CHSCT (Comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) en les fusionnant en CSE (Comité social et économique), et après avoir par cette mesure supprimé la moitié des délégués du personnel, Macron foule aux pieds le reste de la démocratie sanitaire en légiférant par ordonnances !

4 - La création d'un SNDS (Système national des données de santé). Ce système sera géré par un GIP (Groupement d'intérêt public) appelé « Plateforme des données de santé », qui élaborera un rapport annuel soumis au Parlement. Un Comité éthique et scientifique lui sera adossé. Chaque patient sera « doté » d'un espace numérique où il pourra théoriquement construire son parcours de soins avec les professionnels concernés. Il y a lieu de s'inquiéter de ce dispositif qui verra toutes les données administratives des patients, leurs dépenses, leurs données médicales, leurs parcours de soins, être partagés avec nombre de professionnels et d’instances. Quelle confidentialité sera alors garantie ?
Enfin, ce déploiement de la « télé-médecine » et des « télé-soins » (patients-médecins-pharmaciens-auxiliaires de santé-Sécurité sociale) devra être suffisamment verrouillé pour éviter toute utilisation gouvernementale austéritaire ou autre ! Il est également à signaler que dans ce domaine aussi, le gouvernement pourra légiférer par ordonnances pour généraliser la prescription électronique et que des mesures sont prévues pour que les ARS généralisent cette prescription auprès des auxiliaires de soins…

5 - La loi prévoit de donner la possibilité au gouvernement d'accroître les pouvoirs des ARS pour liquider toutes les mesures jugées « bureaucratiques » (entendre démocratiques). Ces “mesures de “simplification-sécurisation“ sont éminemment suspectes et devront être préalablement précisées !

6 - La dernière mesure concerne les professions médicales et soignantes. Pour tous les ressortissants étrangers, non UE, des mesures de régularisation (à hauteur de 4 000 personnes environ), sont prévues. Cela touche essentiellement les médecins étrangers PADHUE (Praticiens à diplômes hors Union européenne). Inutile de préciser - comme on l'a vu plus haut - que ces 4 000 postes (étalés sur combien d'années ?), seront clairement insuffisants !

Que conclure ?

Les événements nous dispensent de conclure ! Car la vraie conclusion réside dans la réponse du personnel hospitalier et notamment de celui des Urgences ! 160 SAU (Service d'Accueil des Urgences) sont en grève illimitée. Il ne fallait pas être grand clerc pour prévoir cette crise, larvée depuis trente ans ! Les personnels en sous-effectif, épuisés, ne peuvent plus supporter cette situation. Précisons que les passages aux urgences ont doublé en vingt ans (20 millions de passages en 2018 contre dix en 1996), alors qu’en même temps sont supprimés des lits et des personnels ! Ce ne sont pas les aumônes et les os à ronger lâchés par la ministre Buzyn qui peuvent satisfaire les personnels ! Cette grève va durer, au-delà des vacances d'été !

Le Pardem soutient cette grève pour qu’elle débouche sur la satisfaction des justes revendications des hospitaliers : 300 euros mensuels nets à tous les personnels, attribution d'effectifs suffisants (dont 10 000 aux SAU) à tous les services, réouverture des lits fermés en aval, rétablissement des CTE et CHSCT avec un pouvoir suspensif sur toute mesure engageant l'avenir des établissements, suppression de la T2A et retour à un budget négocié, démocratisation des Conseils d’administration rétablis, notamment ! À ceux qui prétendent qu'on ne peut pas financer ces mesures, nous donnons quatre idées simples : suppression de la fraude fiscale (120 milliards d'euros), suppression de la taxe sur les salaires (4 milliards d'euros), suppression de l'ISF (3,5 milliards d'euros) et suppression du CICE (40 milliards d'euros). Les moyens existent donc ! C'est au peuple de le décider !

Encore faut-il pour cela que nous puissions reconquérir notre souveraineté nationale et populaire, donc nous extraire du piège de l’Union européenne ! Mais cela non plus n’est pas impossible.